« étroit », définition dans le dictionnaire Littré

étroit

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

étroit, oite

(é-troi, troi-t') adj.
  • 1Qui a peu ou n'a pas assez de largeur. Habit étroit. Rue étroite. Dans un chemin étroit je trouvai deux guerriers, Voltaire, Œdipe, IV, 1. Il fallut disputer, dans cet étroit passage, Voltaire, ib.

    Fig. et familièrement. Avoir la conscience étroite comme la manche d'un cordelier, n'être aucunement scrupuleux.

    Terme de manége. Un cheval étroit de boyau, cheval qui a le ventre serré et les côtes plates.

    Adverbialement. Mener ou conduire un cheval étroit, lui donner peu de terrain.

  • 2 Fig. Resserré, restreint. Ses affections se renferment dans un cercle étroit. Nous divisons les choses les plus simples en diverses idées, parce que notre esprit est encore trop étroit pour les pouvoir comprendre toutes ensemble, Nicole, Ess. de mor. 1er traité, ch. 8. Si son astre en naissant ne l'a formé poëte, Dans son génie étroit il est toujours captif ; Pour lui Phébus est sourd, et Pégase est rétif, Boileau, Art p. I.

    Des bornes étroites, d'étroites limites, se dit de ce qui a peu d'extension, de ce qui est fort limité. Les bornes étroites du journal ne permettent pas de traiter toute sorte de questions.

    C'est un cerveau étroit, c'est un génie étroit, un esprit étroit, c'est un homme de peu de jugement, de peu de capacité, un homme dont les idées ont peu d'étendue. Un génie étroit qui ne voit les choses que par parties, et n'embrasse rien d'une vue générale, Montesquieu, Lett. pers. 129.

    Il se dit, dans un sens analogue, de ce qui est sans portées, sans grandeur, sans générosité. Une politique étroite et oppressive mettait plus d'entraves aux bonnes intentions des jésuites que l'opposition de l'ennemi, Chateaubriand, Génie, IV, IV, 8. Les esprits étrangers à l'activité comme à la méditation ont quelque chose d'étroit, de susceptible et de contraint qui rend les rapports de la société tout à la fois pénibles et fades, Staël, Corinne, XIV, 1.

  • 3Où manque l'aisance. Sans fortune, sans espérance, et presque sans ressource, il se réduisit à un genre de vie fort étroit, D'Alembert, Éloges, du Marsais.
  • 4Très uni, intime. Fières sœurs, si jamais notre commerce étroit Sur vous et vos serpents me donna quelque droit, Corneille, Médée, I, 4. Concorde étroite, Rotrou, Bélis. III, 2. Ce sont deux arts [la musique et la danse] qui ont une étroite liaison ensemble, Molière, Bourg. gent. I, 2. Il me favorisa même quelquefois de sa plus étroite confidence et me fit voir son ame entière, et que n'y vis-je point ! Boileau, Lutr. Préf. Il y avait une alliance étroite entre Attila et Genséric, roi des Vandales, Montesquieu, Rom. ch. 19. Sans l'étroite amitié dont l'honore Titus, Voltaire, Brut. IV, 7.

    Cœur étroit, cœur qui n'a point d'expansion, de charité, de sensibilité. Faibles esprits, ou plutôt cœurs étroits et entrailles resserrées, que la foi et la charité n'ont pas assez dilatées pour comprendre toute l'étendue de l'amour d'un Dieu, Bossuet, Anne de Gonz. Les cœurs étroits ne sentent jamais de vide, parce qu'ils sont toujours pleins de rien, Rousseau, Lettre à Mme de B. Correspond. t. II, p. 201, dans POUGENS.

  • 5Qui est selon la rigueur de la loi, de l'ordre, par opposition à relâché. Quand on a failli contre une personne à qui on a de si étroites obligations que je vous en ai, Voiture, Lett. 148. Il est libre de quitter la première vie pour en embrasser une plus étroite, Patru, Plaid. 15, dans RICHELET. De quelque étroit respect qu'un amour soit contraint, N'osant pas demander, pour le moins il se plaint, Rotrou, Bélis. IV, 2. Cette justice étroite que l'on nous rend, Bourdaloue, Carême, I, Jugem. dern. Si l'amour des grandeurs, la soif de commander, Avec son joug étroit [de Dieu] pouvaient s'accommoder, Racine, Athal. III, 3. Vous souvient-il, mon fils, quelles étroites lois Doit s'imposer un roi digne du diadème ? Racine, ib. IV, 2. Cette règle étroite et austère que les disciples de saint Benoît pratiquent si exactement, Fléchier, Panég. I, p. 401. …Les devoirs étroits où son rang l'emprisonne, Delavigne, Paria, v, 2.

    Droit étroit, droit rigoureusement conforme au texte de la loi, par opposition à droit par interprétation. On pouvait ajouter que ces successions de dignité en collatéral étaient de droit étroit, et qu'il ne pouvait dépendre d'une volonté particulière de faire un homme duc ou de l'empêcher de l'être, Saint-Simon, 64, 60.

    Sens étroit, dit par opposition à sens général, étendu. Pour terminer le détail des qualités acquises de M. Leibnitz, il était théologien, non pas seulement en tant que philosophe ou métaphysicien, mais théologien dans le sens étroit, Fontenelle, Leibnitz.

    Prendre quelque chose dans le sens étroit, l'interpréter selon toute la rigueur de la lettre.

    En termes de l'Écriture, la voie étroite, le chemin étroit, le chemin du salut, par opposition à la voie large, c'est-à-dire la perdition. Marcher dans la voie étroite de l'Évangile, c'est réformer son cœur et renoncer à ses passions, Bourdaloue, 3e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. II, p. 383, dans POUGENS.

  • 6À l'étroit, loc. adv. Dans un espace trop resserré. Vous savez bien comme on est à l'étroit Dans ce logis…, La Fontaine, Berc. Le scorpion tenait la place de deux signes… et, en votre considération, se serait mis plus à l'étroit, Fontenelle, Dialogues, Auguste, Arétin. Quesnai, logé bien à l'étroit dans l'entre-sol de Mme de Pompadour, ne s'occupait du matin au soir que d'économie politique et rurale, Marmontel, Mém. v.

    Par extension. Les rois de macédoine furent réduits à l'étroit, Bossuet, Hist. II, 9.

    Fig. À la gêne. Voyez dans quel sentier la vertu chemine doublement à l'étroit et par elle-même et par l'effort de ceux qui la persécutent, Bossuet, Reine d'Anglet.

    Être à l'étroit, vivre à l'étroit, n'avoir pas les commodités de la vie.

REMARQUE

Au XVIIe siècle, il était encore loisible de suivre la prononciation normande étreit ; cela est aujourd'hui tout à fait interdit. La nation des belettes, Non plus que celle des chats, Ne veut aucun bien aux rats ; Et sans les portes étrètes De leurs habitations…, La Fontaine, Fabl. IV, 6. Damoiselle belette au corps long et fluet Entra dans un grenier par un trou fort étreit, La Fontaine, ib. III, 17.

SYNONYME

ÉTROIT, STRICT. Ces deux mots ne sont synonymes qu'au sens de rigoureux, sévère, bien qu'étymologiquement les mêmes, puisque étroit est la forme française, et strict la forme latine de strictus : l'usage n'y a guère mis que cette nuance : strict peut se dire des personnes, et étroit ne s'en dit jamais, en ce sens : un homme strict, et jamais un homme étroit.

HISTORIQUE

XIe s. Es destriers montent, si chevauchent estreiz, Ch. de Rol. LXXVII. Contre son piz [poitrine] estreit [il] l'ad embracet, ib. CLXI.

XIIe s. Bien se defendent à cet estroit passage, Ronc. p. 65. Saint Thomas e li reis furent mult lunguement Emmi le champ tut sul à estreit parlement ; Un sul n'i apelerent de tres tute lur gent, ib. 114.

XIIIe s. Estroit [ils] lui ont la corde en la bouche nouée, Berte, XVI. Mout lui sera la voie du paradis estroite, ib. CXXXVI. Et s'il n'ont tant de muebles, les despuelles de lor heritages, par desor lor estroite soustenance, y corroient, Beaumanoir, XVII, 7.

XVe s. … Le comte d'Armignac, qui estoit jeune et entreprenant et de grand'volonté, demanda ses armes et s'arma tout au clair et à l'estroit et de toutes pieces, Froissart, III, IV, 20.

XVIe s. Selon les vivres qui y estoient si estroits, que plus ne se pouvoient, Commines, VIII, 8. Se batirent bien estroit, tant que d'un costé et d'autre en eut plusieurs de morts, Jean D'Auton, Annales de Louis XII, p. 188, dans LACURNE. Vous passerez par l'estroict [détroit] de Sibyle, Rabelais, Garg. I, 33. L'estroicte cousture de l'esprit et du corps, Montaigne, I, 101. Les estroicts baisers de la jeunesse, Montaigne, I, 392. Nous embrassons ce bien, d'autant plus estroict que…, Montaigne, III, 1. Les siens qui ne pouvoient, pour l'estroit du lieu, aller aux coups d'espée, lui faisoient passer de main en main leurs pistollets, D'Aubigné, Hist. II, 290. La maniere de vivre et la police des Candiots pour lors estoit austere et estroite, Amyot, Lyc. 5. Cognoistre les maladies qui requierent diette estroitte ou large, Paré, Intr. XI.

ÉTYMOLOGIE

Génev. et Berry, étret, étrette ; wallon, sitreu ; provenç. estreg, estreit, estrech ; espagn. estrecho ; portug. estreito ; ital. stretto ; du latin strictus, participe passif de stringere (voy. ÉTREINDRE).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ÉTROIT. Ajoutez :
7Se mettre à l'étroit, se gêner, en parlant de ressources pécuniaires. Ce que je dois sur toute chose est de ne pas vous laisser mettre à l'étroit pour l'amour de moi, Rousseau, Lett. à Du Peyrou, 11 juin 1766.