« adresser », définition dans le dictionnaire Littré

adresser

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

adresser

(a-drè-sé) v. a.
  • 1Envoyer avec une indication. Il leur adressa son ami avec beaucoup de recommandations. Je vous ai adressé à l'homme qui pouvait le mieux vous renseigner. Je ne savais où vous adresser ma lettre. Montrons l'ordre cruel qui vous fut adressé, Racine, Baj. I, 2. La voici ! mon bonheur me l'adresse, Racine, Brit. III, 2.

    Mal adresser, donner une fausse adresse, une fausse indication. Paix, voici votre père ; le vilain usurier est avec lui. - Vient-il demander ce que je lui dois ? - Il serait mal adressé, Regnard, Sérénade, IV.

  • 2 Par extension, adresser la parole à quelqu'un, lui parler directement. Adresser une question, des vœux. Je ne vous adresse pas ce reproche. Il ne m'a pas trouvée assez bien faite pour m'adresser ses vœux, Molière, Princ. d'Élide, V, 2. Mon esprit, il est vrai, trouve une étrange voie Pour adresser mes vœux au comble de leur joie, Molière, l'Étour. IV, 2. Entre ceux qui t'adressent leurs veilles, Boileau, Disc. au Roi. Sur un plus digne objet adresse ta pensée, Rotrou, St-Gen. III, 6. Quoi ! c'est lui dont les vœux vous furent adressés ! Voltaire, Orphel. I, 1.
  • 3 Fig. Adresser, envoyer à l'adresse de quelqu'un, dire quelque chose qui est à son adresse. Sans doute il m'adressait le discours [il m'avait en vue], Massillon, Magd.
  • 4Diriger, tourner. Mais votre frère Attale adresse ici ses pas, Corneille, Nic. I, 1. … mais vous n'ignorez pas Quel important sujet adresse ici mes pas, Rotrou, St-Gen. II, 8. Où suis-je ? c'est ici qu'on adresse mes pas, Voltaire, Orphel. IV, 3. Il [le ciel] adressait mes coups, il soutenait mes armes, Rotrou, Bél. I, 1. Ainsi l'homme qui fuit l'abord des médisants Et chemine en la voie où le Seigneur l'adresse, A pour sa récompense une heureuse vieillesse, Racan, 1er Psaume. Il a établi la raison dans la suprême partie de notre âme, pour adresser nos pas à la bonne voie, Bossuet, Serm. Quinq. 2.

    S'ADRESSER, v. réfl.

  • 5Aller trouver, avoir recours. S'adresser par écrit à quelqu'un. Je m'adresse à vous pour savoir ce que je dois faire. Au factotum tu n'as qu'à t'adresser, La Fontaine, Mazet. Les Juifs à d'autres dieux osèrent s'adresser, Racine, Esth. III, 4. … Dieu, maître des rois, à qui mon cœur s'adresse, Voltaire, Orphel. V, 6.
  • 6 Familièrement. Vous vous adressez mal ; à qui croyez-vous vous adresser ? se dit quand on avertit quelqu'un qu'il se méprend.
  • 7Se diriger, aller. Nous sommes aperçus, quelqu'un vers nous s'adresse, Rotrou, Antig. III, 7. Mais son chemin, je crois, s'adresse par ici, Du Ryer, Scév. II, 2. Tout le monde courant çà et là pour ses affaires, on ne sait où s'adresse le chemin de chacun, Perrot D'Ablancourt, Tac. 250. Où s'adressent tes pas ? Molière, Amph. I. Quelle est donc cette pompe où s'adressent tes pas ? Voltaire, Alz. II.
  • 8S'adresser à quelqu'un, adresser la parole à quelqu'un. Il s'adressa ensuite aux assistants. C'est aux malades que je m'adresse. C'est à vous que ce discours s'adresse. Cet orateur s'adressait à la pitié. Quand je dis vous, je m'adresse presque à tous les hommes, Massillon, Élus. Et, s'adressant aux siens d'une voix oppressée, Voltaire, Orphel. V, 1.
  • 9Cette lettre s'adresse à lui ; la suscription fait voir qu'elle lui doit être rendue.

    Figurément, cela s'adresse à vous, se dit d'une chose qui concerne indirectement quelqu'un dans un discours, une critique, etc. Cela s'adresse à vous, esprits du dernier ordre, La Fontaine, Fabl. V, 16.

  • 10Être dirigé. Toute métaphore s'adresse à nos sens. Mais pourquoi, trompeuse déesse, S'il est vrai que tu n'as point d'yeux, Est-ce plutôt à de hauts lieux Qu'à des toits de bergers que ta rigueur s'adresse ? Rotrou, Antig. III, 1. Mon frère, au nom des dieux protecteurs de la Grèce, Car vers eux maintenant votre zèle s'adresse, Rotrou, ib. II, 2. C'est à toi que dans cette guerre Les flèches des méchants prétendent s'adresser, Racine, Ath. IV, 6. Je vois qu'en m'écoutant vos yeux au ciel s'adressent, Racine, Esth. II, 7. Le seul [cœur] où mes regards prétendaient s'adresser, Racine, Andr. III, 4.

    ADRESSER, v. n. Toucher droit où l'on vise. Bien adresser n'est pas petite affaire, La Fontaine, Fab. I, 17. C'est assez… qu'une aveugle pensée… vous ait fait adresser Au plus haut objet de la terre, Malherbe, V, 8.

REMARQUE

Pascal a employé adresser dans le sens de dresser : On les avertirait de l'embûche qu'on leur adresse, Prov. 11. C'est un archaïsme (voy. l'historique).

HISTORIQUE

XIIe s. Face le sis prelaz en sa chartre lancier ; Qu'il ne puisse jamais hors d'iluec repeirier ; Iluec pourra, s'il volt, ses mesfeiz adrecier [redresser], Th. le Mart. 31.

XIIIe s. Nous otroions le pardon à tous ceux qui confès morront, por cest forfait adrecier, Villehardouin, 98. Dont fist li rois Richars atourner ses nés [nefs], et monta sour mer, et s'adrecha au plus droit et au mius qu'il pot vers Alemaigne, et prist port, Chron. de Reims, p. 46. Belle Doette s'est en estant dressie ; Voit l'escuier, vers lui s'est adrecie, Romancero, p. 47. Vers une riviere m'adresce, Que j'oi près d'ilecques bruire, la Rose, 104. En tex peris les met jonesce, Qui les cuers à delit adresce, ib. 4486. Et tel sentier si furent fait pour soi adrecier de grant quemin [chemin] à autre, Beaumanoir, XXV, 2. Fai premier ce qu'il afiert à Dieu, et il te adrescera toutes ces autres besoignes, Joinville, 191. Li rois de France, qui sot [sut] que il estoient là, s'adreça tout droit là pour combattre à eulx, Joinville, 104. Et se il ne vouloient adrecier la treve que il li avoient rompue…, Joinville, 261. Et se il i a aucune chose à amender, si l'amende et adresce [redresse], et les [tes sujets] tien en faveur et en amour, Joinville, 301.

XIVe s. C'est la conclusion de cest chapitre que Dieu nous adresce à bien faire en delectations et en tristesces, Oresme, Eth. 39.

XVe s. Et tant y sont avenues d'aventures, et tant de batailles adressées, Froissart, I, I, 1. Si s'en vint sa voie, et s'adressa sur Monseigneur Geffroy, et là, en parlant à lui, il changea un peu de contenance, Froissart, I, I, 329. Là endroit [avant la bataille] se confessa et adressa chacun à son loyal pouvoir, Froissart, I, I, 41. Et celui qui parlera pour le roi de France adrecera ces paroles au roi et duc et dira ainsi…, Froissart, I, I, 53. De premiere venue il y eut dure encontre, et s'adresse le roi dessus messire Eustache de Ribeumont, lequel estoit moult fort chevalier, Froissart, I, I, 328. En leur priant humblement excuser et supployer à mon ignorance et adresser ce que y seroit mal mis, J. de Troyes, Chron. 1460. Garni et adressé de tout ce qu'on saurait louer en noble homme, Louis XI, Nouv. 28.

XVIe s. Le premier à qui il s'adressa estoit vestu d'une robe…, Rabelais, Pant. V, 18. Dieu permet bien que les trompeurs adressent quelquefois à dire verité, Calvin, Inst. 130. Pour estre esclairez et adressez en la vraye religion, il nous faut commencer par la doctrine celeste, Calvin, Inst. 29. Ce n'est pas à l'homme d'adresser ses pas. Les pas de l'homme sont adressez de Dieu, Calvin, ib. 138. Et puis leur gibier ne s'adresse pas [ne vient pas] par deçà, Despériers, Cymb. 158. A toy s'est adressée Ma clameur jours et nuits, Marot, IV, 332. À un qui est soigneux, qui s'adresse et exerce, le bien lui vient toujours plus tost qu'à un autre, La Boétie, 200. Tu t'adresses aux armes, La Boétie, 201. Les Dieux sont amoureux de ceux dont ils purifient les meurs, et les addressent à la vertu, Amyot, Num. 7. Ainsi que dit Epicharmus, en un petit traitté qu'il a escrit et addressé à Antenor, Amyot, ib. 15. On doibt former les meurs des enfants, et les duire et addresser dès et depuis leur naissance à une mesme fin, Amyot, Lyc. et Num. 9. Minutius, adressant sa parole à Brutus et à tous les assistants, leur dit…, Amyot, Publ. 4. Il mit en pieces les premiers des ennemis, ausquelz il s'adressa et arresta tout court les autres, Amyot, Cor. 10. Il receut sur son propre corps plusieurs coups qui estoient addressez à Aemylius, Amyot, Marc. 14. Adressant leurs corps et les endurcissant à la peine, Amyot, Eum. 7. On ne s'adresse [on ne s'en prend] pourtant qu'à lui, Montaigne, I, 99. On reçoit ces advis comme adressez au peuple, Montaigne, I, 116. S'adresser aux loix pour avoir raison d'une offense, Montaigne, I, 119. N'adresse elle [redresse-t-elle] pas quelques fois nos conseils et les corrige [la fortune] ? Montaigne, I, 254. Il faut adresser et arrester nos desirs aux choses les plus aysées, Montaigne, III, 277. Puis addressant son propos à son oncle, Montaigne, IV, 324.

ÉTYMOLOGIE

Picard, adrécher ; wallon, adiersî ; rouchi, adercer ; provenç. adressar, adreysar ; espagn. aderezar ; ital. addirizzare ; de à et dresser : signification première, mettre à droit, ce que nous disons aujourd'hui redresser, puis diriger, conduire, porter vers.