« fonder », définition dans le dictionnaire Littré

fonder

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fonder

(fon-dé) v. a.
  • 1Établir les fondements d'une construction. Fonder un quai sur pilotis. Ceux qui fondèrent l'abbaye du mont Saint-Michel sur un roc.

    Fonder une ville, être le premier à la bâtir. Elle [Didon] a fondé une superbe ville, Fénelon, Tél. III. Crotone fut fondée par Myscellus, chef des Achéens, la troisième année de la XVIIe olympiade, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. III, p. 474, dans LACURNE.

    Familièrement et par plaisanterie. Fonder sa cuisine, pourvoir à ce qui regarde la subsistance. La religion chrétienne est partout incorporée à l'État ; et, depuis le pape jusqu'au dernier capucin, chacun fonde son trône ou sa cuisine sur elle, Voltaire, Dial. XXVI, 3.

  • 2 Fig. Faire le premier établissement d'une chose. Fonder une académie, une colonie, un ordre religieux. Vos aïeux dont Bélus a fondé la noblesse, Voltaire, Sénir. II, 2. Chasser les possesseurs et fonder des États, Voltaire, Tancr. I, 1. Du fond des Indes jusqu'aux extrémités de l'Europe, quiconque se trouve ou se met en droit de parler avec autorité à la populace peut fonder une secte, et c'est ce qu'on a vu dans tous les temps, Voltaire, Russie, I, 5.
  • 3 Fig. Avec un nom de chose pour sujet, servir comme de fondement. Cet ouvrage fonda la réputation de tel écrivain. Ces hautes vertus qui fondent ta puissance Réparent ce qui manque à l'heur de ta naissance, Corneille, Perthar. II, 5. Plus que vous je désire Qu'ici la vérité fonde un nouvel empire, Voltaire, Alz. I, 1. Ta religion que fonda l'imposture, Voltaire, Fanat. V, 2.
  • 4Léguer, donner un fonds pour l'établissement d'une œuvre religieuse, charitable, littéraire. Fonder une église, un couvent, une chapelle. Il y a bien de la différence d'être fondé par un saint ou par un roi, Maintenon, Lett. à Mme de la Viefville, 18 juin 1707. Je suis comme des gens qui fondent des hôpitaux, mais qui ne s'y font point recevoir, Voltaire, Lett. Richelieu, 16 janv. 1771. Homme éloquent et le premier [Balzac] qui fonda un prix d'éloquence, Voltaire, Louis XIV, Écriv. Balzac. Les rois ne laissèrent pas de bâtir de magnifiques églises, de fonder de riches évêchés, de repousser des ennemis puissants, de faire des conquêtes importantes, Raynal, Hist. phil. IV, 17.
  • 5 Fig. Établir d'une façon permanente. Fondez votre repos en me faisant heureux, Rotrou, Vencesl. III, 3. Voilà ce qui doit fonder votre tranquillité, Sévigné, 422. Sforce jugea qu'une telle conjoncture valait mieux que des droits ; quand on n'en a point à faire valoir, c'est par l'épée qu'on les fonde, Duclos, Hist. Louis XI, Œuv. t. II, p. 300, dans POUGENS. Les Romains n'oublièrent rien pour faire regarder ces concessions comme des grâces passagères qui ne fondaient point de droit, Vertot, Révol. rom. X, p. 23. Vous avez fondé notre bonheur pour la vie en me laissant faire, Marivaux, Jeux de l'am. et du has. III, 4.

    Fonder sur, asseoir, faire reposer sur. Sur votre perte il fonde ses projets, Corneille, Cinna, III, 1. Sur un présomptueux vous fondez quelque appui, Corneille, Nicom. III, 1. N'y ayant rien ni de plus libre ni de plus indépendant qu'un homme qui sait vivre de peu, et qui, sans rien attendre de la protection ou de la libéralité d'autrui, ne fonde sa subsistance que sur son industrie et sur son travail, Bossuet, Hist. III, 6. Puis-je sur ton récit fonder quelque assurance ? Racine, Brit. III, 6. Je fondais mon bonheur sur le débris des lois, Racine, Bérén. II, 2. [Un roi qui] Fondait sur trente États son trône florissant, Racine, Mithr. III, 1. Et sur mes faibles mains fondant leur délivrance, Racine, Esth. I, 1. Malheureux l'homme qui fonde Sur les hommes son appui, Racine, Cantiques. Il fondait ses espérances sur beaucoup d'esprit, Hamilton, Gramm. 9.

    Absolument. Tant de méchants placets, monsieur, sont présentés, Qu'ils étouffent les bons ; et l'espoir où je fonde Est qu'on donne le mien quand le prince est sans monde, Molière, Fâcheux, III, 2. Je fondais sur le sable et je semais sur l'onde, Lamartine, Harm. IV, 4.

  • 6Justifier, donner la raison de. Voilà sur quoi il fonde son opinion. Cela est fondé en raison. Je pourrais fonder ce prologue Sur gens de tous états…, La Fontaine, Fabl. VII, 14.
  • 7 Terme de droit. Fonder quelqu'un de procuration, lui donner sa procuration.
  • 8Se fonder, v. réfl. Être fondé, être assis sur des fondements. La digue de Cherbourg se fonda avec de très grandes difficultés.

    Fig. Tant cet empire eut de peine à se fonder !

  • 9 Fig. Être appuyé sur. Comme le seul espoir où mon bonheur se fonde, Corneille, le Ment. IV, 4. Mais j'ai vu dans votre âme ensuite une autre idée Sur qui mon espérance aussitôt s'est fondée, Corneille, Sertor. IV, 2. Vous avez vu ce fils où mon espoir se fonde ? Molière, l'Ét. IV, 3. Sa liberté [du monde] qui sur vous seul se fonde, Racine, Mithr. v, 5. Jéhu, sur qui je vois que votre espoir se fonde…, Racine, Athal. III, 6.
  • 10Prendre ses motifs, ses raisons. Il se fonde ordinairement sur nos pères, Pascal, Prov. 6. Je suis obligé d'avertir que nos mystiques se fondent principalement sur une opinion de l'école, qui met l'essence de la charité à aimer Dieu, comme on parle, sans retour sur soi, sans attention à son éternelle béatitude, Bossuet, Ét. d'orais. III, 8. Le peuple, dans tous les temps et dans toutes les difficultés, ne se fonde que sur Moïse, Bossuet, Hist. II, 3. Il se fonda sur les anciennes prophéties, Bossuet, ib. 9. Voilà ce qui rend la conception de Marie non-seulement si glorieuse, mais si sainte, et sur quoi saint Augustin s'est fondé, Bourdaloue, Myst. Concept. de la Vierge, t. II, p. 2.

HISTORIQUE

XIIe s. Sainte iglise funda Deus, e il l'establi, E par sun propre sanc delivra e franchi, Th. le mart. 79. Enracineit et fondeit en lei [dans la loi] par fermes racines, Saint Bernard, ms. p. 317, dans LACURNE.

XIIIe s. La terre est Dieu [est de Dieu], et sa largesse ; Car desor la meir [la mer] [il] la fundait [fonda], Et desor flus l'apareillait [l'appareilla], Psaumes en vers, dans Liber psalm. p. 276. Fondé des ars [très instruit dans les sciences], Flore et Blanchefl. v. 208. Li cuers de fame est fondez Sus foible complexion, Bibl. des chartes, 4e série, t. v, p. 33. En saint mont funda Dieux Jherusalem, Psautier, f° 105. Une bele abaïe [ils] ont au païs fondée, Berte, CXLII. Sachiez que de tous biens [qualités] [elle] est tant pleine et fondée, ib. CXV. Poi s'en faut, toutes cozes qui vienent en plet sunt por le meffet de l'une des parties, si que toz nostre livres est fondés sur la venjance des meffès, Beaumanoir, XXX, 106.

XIVe s. Et la tierce opinion est fondée sur ce que delettacion n'est pas fin, Oresme, Eth. 219.

XVe s. Il est mendiant et non fondé [renté], sinon sur ses aumones, Louis XI, Nouv. II.

XVIe s. Qui voudra donc qu'à aimer je me fonde, Il faut premier que l'amour on refonde, Marot, II, 421. Qu'ils pensent bien à ce qu'ils disent : et il ne se fonderont point en raison tant frivole, et de fait la raison sur laquelle se fonde saint Augustin est très ferme, Calvin, Instit. 246. Prendre le party le moins fondé en apparence, Montaigne, I, 132. Toute la masse [de chaume et de terre] commencea à prendre pied ferme [dans le Tibre] et à se fonder dedans l'eau, Amyot, Public. 13. Vous autres qui estes bien fondez [riches en biens-fonds], donnez vos pensées au paroistre, et nous à l'estre seulement, D'Aubigné, Faen. I, 13. Elle proposa de faire un hospital fondé de bonnes rentes et revenus pour les soldats estropiez, Castelnau, 162. Des murailles profondement fondées dans terre, pour oster aux connins l'esperance d'en sortir par dessous les fondemens, De Serres, 403. Quand un manant meurt chargé de tant de debtes que personne ne se veut fonder son heritier, les eschevins commettent curateurs aus dits biens comme vacans, Coust. génér. t. II, p. 939.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. fondar, fonzar ; espagn. fundar ; ital. fondare ; du latin fundare, de fundus, fond.