« meilleur », définition dans le dictionnaire Littré

meilleur

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

meilleur, eure

(mè-lleur, lleu-r', ll mouillées, et non mè-yeur) adj.
  • 1Comparatif qui a le même sens que plus bon, lequel ne se dit pas. Je me souviens d'avoir vu quelquefois meilleure compagnie dans les ruisseaux de Paris que je n'en ai encore rencontré dans la chambre de la duchesse, Voiture, Lett. 8. Et toi, de mes exploits glorieux instrument… Passe pour me venger en de meilleures mains, Corneille, Cid, I, 7. D'autres soins… vous porteront ailleurs, Où vous pourrez trouver quelques destins meilleurs, Corneille, Sert. III, 4. Je n'ai jamais vu un homme ni d'un meilleur esprit, ni d'un meilleur conseil, Sévigné, 13 janv. 1672. Hippias, pour qui Darius se déclara, avait de meilleures apparences, Bossuet, Hist. I, 8. Ne vous étonnez pas si le même Ecclésiaste méprise tout en nous, jusqu'à la sagesse, et ne trouve rien de meilleur que de goûter en repos le fruit de son travail, Bossuet, Duch. d'Orl. Ô reine admirable et digne d'une meilleure fortune ! Bossuet, Reine d'Anglet. Ariane aux rochers contant ses injustices [de Thésée], Phèdre enlevée enfin sous de meilleurs auspices, Racine, Phèdre, I, 1. Qu'ils savent juger, trouver bon ce qui est bon, et meilleur ce qui est meilleur, La Bruyère, I. N'ayant rien de meilleur à faire, Fénelon, Tél. XII. Et j'ai pleuré longtemps sur ces tristes vainqueurs, Que le ciel fit si grands sans les rendre meilleurs, Voltaire, Alz. I, 1. Vous êtes meilleur père que bon républicain, Le P. Catrou, dans DESFONTAINES.

    Meilleur à, qui convient mieux à, qui vaut mieux pour. Je vous conjure, Seigneur, de retirer maintenant mon âme de mon corps, parce que la mort m'est meilleure que la vie, Sacy, Bible, Jonas, IV, 3. J'ai dit à Vardes que je le priais de vous faire entendre que je vous étais meilleure présentement à Paris qu'à Grignan, Sévigné, 29 sept. 1677. Je crois que la Carnavalette [l'hôtel Carnavalet] nous sera meilleure que l'autre maison qu'on nous avait indiquée, Sévigné, 22 sept. 1677.

  • 2 Impersonnellement. Il est meilleur, il vaut mieux. Il est meilleur d'agir ainsi, ou, par inversion, meilleur est d'agir ainsi. Il est bon de parler et meilleur de se taire, La Fontaine, Fabl. VIII, 10. Il [Cromwell] leur déclara [aux membres du parlement] que, si la république devait souffrir, meilleur était qu'elle fût dépendante des riches que des pauvres, qui, selon Salomon, lorsqu'ils oppriment, ne laissent rien après eux, Chateaubriand, Stuarts, protectorat.
  • 3De meilleure heure, plus tôt. On s'y marie de meilleure heure, Montesquieu, Esp. V, 15.
  • 4Le meilleur, la meilleure, les meilleurs, superlatif relatif de bon, qui est au-dessus de tout dans son genre pour la bonté, l'utilité. Il fondait là-dessus l'achat d'une feuillette Du meilleur vin des environs, La Fontaine, Fabl. VII, 11. La raison du plus fort est toujours la meilleure, La Fontaine, ib. I, 10. Je vous demande une amitié toute des meilleures pour M. de Pellisson, Sévigné, à Mlle de Scudéry, 11 sept. 1684. Je n'ose assurer que cette pièce soit en effet la meilleure de mes tragédies ; je laisse aux lecteurs et au temps à décider de son véritable prix, Racine, Phèdre, préf. Rameau nous a donné non la meilleure musique dont il fût capable, mais la meilleure que nous pussions supporter, D'Alembert, Lib. de la mus. Œuvres, t. III, p. 342, dans POUGENS.

    La meilleure partie, la meilleure part, la plus grande partie, en parlant de nombre, de quantité. Et que de ses sujets la meilleure partie… Ne tourne obstinément ses armes contre nous, Corneille, Sertor. I, 2. La ville [Jérusalem] fut renversée de fond en comble, le temple réduit en cendres, et le roi mené captif à Babylone, avec Saraïa, souverain pontife, et la meilleure partie du peuple, Bossuet, Hist. I, 7. Un prince qui s'est vu maître de la meilleure partie de l'Europe, Fontenelle, Dial. 2e, morts mod. Quintius, père de Céson, après avoir vendu la meilleure partie de son bien…, Vertot, Révol. rom. IV, 311.

    La meilleure part à, la plus grande participation à. Chacun le frappe à l'envi, et veut avoir la meilleure part au crime, espérant l'avoir à la récompense, Fléchier, Panég. II, 457. Les usages, les passions, les circonstances du bien, du rang, de la naissance, qui ont d'ordinaire la meilleure part au choix d'un état de vie, Massillon, Carême, Vocation.

    Dans la poésie, on supprime quelquefois l'article. [Celui] qui pourra montrer une marque certaine D'avoir meilleure part au cœur de Célimène, Molière, Mis. III, 1.

  • 5 S. m. et f. Le meilleur, la meilleure, celui, celle qui l'emporte sur les autres par ses qualités. Et c'était une blanque à de bons bénéfices ; Mais elle est épuisée, et les vers à présent Aux meilleurs du métier n'apportent que du vent, Corneille, Excuse à Ariste.

    PROVERBE

    Le meilleur n'en vaut rien, se dit de deux ou de plusieurs personnes presque également méchantes ou vicieuses.
  • 6 S. m. Le meilleur, ce qu'il y a de mieux. Ne m'importune plus, Philandre, je t'en prie ; Me rapaiser jamais passe ton industrie ; Ton meilleur, je t'assure, est de n'y plus penser, Corneille, Mél. V, 3. Tu vois ce qui m'est le meilleur, De mes maux tu sais le remède ; Regarde mon désir, et règle-le, Seigneur, Ainsi que tu veux qu'il succède, Corneille, Imit. III, 15. L'affaire presse, et le plus tôt que vous pourrez sortir d'ici sera le meilleur, Molière, Festin, II, 8. J'essaye, autant que je puis, de ne m'affliger de rien, et de prendre tout ce qui arrive pour le meilleur, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 5. Discernant non-seulement le bon d'avec le mauvais, mais encore le meilleur d'avec le bon, Fléchier, Lamoignon. Sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et le meilleur est enlevé [par les anciens], La Bruyère, I. Tout ce qui vous convient est toujours le meilleur, Regnard, Ménechmes, V, 4.

    Le meilleur, ce qu'il y a de plus curieux, et aussi, ironiquement, ce qu'il y a de plus mal. Écoutez, madame, voici bien le meilleur, Baron, Hom. à b. fort. III, 7. Quand M. Beccaria fut applaudi pour avoir démontré que les peines doivent être proportionnées aux délits, il se trouva bien vite chez les Iroquois un avocat qui soutint que torturer, pendre, rouer, brûler, dans tous les cas, est toujours le meilleur, Voltaire, Dict. phil. Supplices.

    Proverbialement. Le plus beau et le meilleur n'est pas de trop pour lui ; c'est-à-dire c'est un homme qui mérite ce qu'il y a de mieux ; ou, ironiquement, c'est un homme trop exigeant.

    Du meilleur de l'âme, du cœur, c'est-à-dire avec la plus entière bienveillance, cordialité. Du meilleur de mon cœur je voudrais vous complaire, Molière, Éc. des f. V, 5. Et je vous parle ici du meilleur de mon âme, Molière, Mis. IV, 1. Et le prier du meilleur de mon cœur, Bossuet, Lett. 168.

  • 7 Familièrement. Boire du meilleur, tirer du meilleur, boire, tirer du meilleur vin qu'on ait. Et fait tirer du meilleur cependant, La Fontaine, Orais. Vivons libres, soutenons nos droits, et buvons du meilleur, Voltaire, Facéties, Quest. sur les mir. 13.
  • 8Adverbialement. Il fait meilleur, on est mieux. Non pas cela, dit l'homme, il fait meilleur chez nous, La Fontaine, Fabl. IV, 13.
  • 9 Terme de marine. Meilleur ! plus fort, plus énergiquement ! Quand les rameurs d'une embarcation nagent mollement, on leur crie : meilleur ! meilleur ! meilleur tribord ! pour faire nager plus vigoureusement les rameurs de droite ; et meilleur bâbord ! pour exciter ceux de gauche.

REMARQUE

Plus bon est complétement inusité ; c'est un barbarisme ; mais ne confondez pas plus terme de comparaison, avec plus terme d'ordre de temps : Il n'est plus bon à rien, est correct, parce que plus ne se rapporte pas à bon.

HISTORIQUE

XIe s. Quant chascuns ert [sera] à son meillor repaire, Ch. de Rol. IV. Et des meillors [des plus braves] qui al champ [de bataille] cuident estre, ib. CLV.

XIIe s. [Il] Vest un haubert, nus hom [nul homme] n'en vit meillor, Ronc. 53. Sur les mellors chevaus qu'il ont trouvé, ib. 166. La mieldre dame qui soit de mere née, ib. 175. Saisne vont par ces rues faisant moult grant martire [massacre] ; N'i estoit esparné li miadres ne li pires, Sax. X. Vez-ci bone achoison pour la voie laissier. - Voire, dit Gilemers, nule meillor [je] n'en quier [n'en demande], ib. XVI. Passez vos an là outre, vostre meillor n'y voi, ib. LXXI.

XIIIe s. Et vous avez, par Dieu, meillor envie D'un bel valet baiser et accoler, Quesnes, Romanc. p. 108. Puisqu'ele est eschapée, au meillor nous tenons [tenons-nous à ce qu'il y a de meilleur], Berte, XXIII. Berte est la mieudre ouvriere que oncques esgardai, ib. LVII. N'avoit [il n'y avait] meillor ouvriere de Tours jusqu'à Cambrai, ib. LVII. Quant le pieur [le pire] [il] reçoit, et le meilleur hors lance [rejette], J. de Meung, Test 1607.

XIVe s. En tele policie celui qui est le melleur a plus de bien selon la quantité de sa vertu, Oresme, Eth. 249. C'est le moien et la très meillour chose qui soit en vertu, Oresme, ib. 44.

XVe s. Si sçai-je bien, quant mon temps compte, Que, se pour s'amour je moroïe, Millour fin avoir ne poroie, Froissart, Espin. amour. Sur la fin du parlement, il fut dit et arresté et regardé pour le meilleur que…, Froissart, I, I, 125. Maistre, il nous fault de l'oignement [parfum]… Tout le meilleur que vous aïez ; Vous en serez trop bien paiez, Résurr. de J. C. Aucuns eurent desir de nous assaillir, et mon advis est qu'ils en eussent eu le meilleur [qu'ils nous eussent battus], Commines, II, 1. Et la premiere chose qu'ilz font, sans dire Pater ni Ave Maria, elles bevront du meilleur très bien, en attendant que l'autre amende, Les quinze joyes de mariage, p. 125.

XVIe s. L'issue [du combat] en estoit encore incertaine, et ne sçavoit on qui en devoit avoir le meilleur, Amyot, Démét, 19. Je ne vous puis pour ceste heure faire millieure aide, Marguerite de Navarre, Lett. 126. Les millieurs visaiges, les millieurs propos monstrant l'envie qu'ils ont de vous faire service que l'on sçauroit souhaiter, Marguerite de Navarre, ib. 127. Les plus courtes folies sont les meilleures, Marguerite de Navarre, Nouv. XX. Le meilleur des deux n'en vaut rien, Marguerite de Navarre, ib. Il y fault prouveoir de meilleure heure, Montaigne, I, 75. Qui avec son seigneur mange poires, il ne choisit pas des meilleures, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Berry, mélieur ; bourg. mouïou, moillou ; wallon, mèieûs ; Hainaut, melieu ; provenç. melhor, meillor, melher, meilher ; cat. millor ; esp. mejor ; port. melhor ; ital. migliore ; du lat. meliorem. Le vieux français dit mieudre, mieldre au nominatif, du latin melior, accent sur me, et meillor au régime, de meliorem, accent sur o. Melior a été rattaché à ἀμείνων ; c'est une erreur ; Corssen démontre (Beitr. p.239) qu'il se rapporte à μάλα, beaucoup, μᾶλλον, plus (pour μάλιον) μάλιστα, le plus ; il pense que la racine est le sanscrit mal, tenir, et que le sens est ferme, solide, fort.