« quitte », définition dans le dictionnaire Littré

quitte

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

quitte

(ki-t') adj.
  • 1Qui ne doit plus rien, qui s'est libéré de sa dette, en parlant des personnes. On croit que Monsieur le Prince n'en sera pas quitte pour quarante mille écus, Sévigné, 43. Ce nouveau magistrat proposa une loi qui déclarait les débiteurs quittes de leurs dettes en payant à leurs créanciers la quatrième partie du principal, Vertot, Révol. rom. XI, p. 78.

    Fig. [Dans le monde] On reçoit et l'on rend, on est à peu près quitte, Gresset, le Méch. IV, 7.

    Fig. Il en mourra quitte, signifie qu'on se vengera tôt ou tard de l'offense faite.

    Quitte se dit aussi des immeubles. Un domaine franc et quitte de toutes dettes et hypothèques. Drusus donna à de pauvres habitants la même quantité de ces terres quittes et franches de toute contribution, Vertot, Révol. rom. IX, p. 340.

    Fig. Être quitte envers quelqu'un ou envers quelque obligation morale, s'être acquitté de ce qu'exigeait le devoir, la reconnaissance. Mais, quitte envers l'honneur et quitte envers mon père, C'est maintenant à toi que je viens satisfaire, Corneille, Cid, III, 4. Quoi ! le seigneur Ésope en croit donc être quitte Pour m'avoir en passant daigné rendre visite ? Boursault, Ésope à la cour, I, 4. Soyez heureux, mes enfants, vous serez quittes envers nous, Genlis, Théât. d'éduc. la Cloison, sc. 19.

    Il s'est dit aussi des obligations accomplies, satisfaites. Ta gloire est dégagée, et ton devoir est quitte, Corneille, Cid, V, 7.

    Fig. Tenir quitte, dispenser. Dis-lui que rien ne presse, et que je l'en tiens quitte, Fagan, Rendez-vous, sc. 15.

    Ironiquement, je l'en tiens quitte, se dit de quelqu'un dont les services ou les politesses sont à charge ou suspects.

  • 2Délivré, débarrassé. Te voilà donc bientôt quitte d'un grand souci ? Corneille, le Ment. IV, 9. Prétendez-vous… en demeurer quitte à si bon marché ? La Fontaine, Berc. Mais quitte des ennuis où m'enchaîne la vie, Th. Corneille, Ariane, III, 4. Quand il [M. Cassini] était quitte de ses devoirs, il retournait à ses plaisirs, c'est-à-dire aux observations célestes, Fontenelle, Cassini. Quand elles [les maîtresses] meurent, alors le désir meurt avec l'objet, l'on rentre dans son bon sens, et l'on est quitte de mourir, Comte de Caylus, Acad. de ces dames et de ces messieurs, Œuv. t. XII, p. 72, dans POUGENS. Me voilà quitte d'un cruel entretien, Genlis, Théât. d'éduc. Zélie, II, 5.

    Être quitte pour, en être quitte pour, n'avoir à souffrir, à supporter que… pour. Octave aura donc vu ses fureurs assouvies… Rempli les champs d'horreur, comblé Rome de morts, Et sera quitte après pour l'effet d'un remords ! Corneille, Cinna, II, 2. J'en voudrais être quitte pour dix pistoles, Molière, Impromptu, 1. Il faudrait… ne pas croire qu'on en fût quitte pour dire…, Bossuet, Hist. II, 13. Mme de Caylus a été quitte de la rougeole pour la peur, Maintenon, Lett. au duc de Noaill. 16 avril 1712.

    Absolument et familièrement, quitte pour, quitte à, à charge de. Quitte pour être grondé. Quitte à être grondé. J'irai toujours mon chemin, quitte à changer quand on changera, Sévigné, 236. Miss Temple… fit vœu en elle-même d'en avoir le cœur net, quitte pour ne plus lui jamais parler après, Hamilton, Gramm. 10.

  • 3Adverbialement. Terme de jeu. Jouer à quitte ou à double, jouer à quitte ou double, jouer quitte ou double, jouer une dernière partie par laquelle celui qui a déjà perdu sera acquitté ou payera double.

    Absolument. Dans le même sens, quitte ou double.

    Fig. Jouer à quitte ou à double, à quitte ou double, et, plus ordinairement aujourd'hui, jouer quitte ou double, risquer tout. Ce remède se peut mettre en comparaison avec la poudre du bonhomme ; il est même un peu violent, mais aussi on joue à quitte ou à double, Sévigné, 338. Vendôme, à qui deux assauts avaient déjà mal réussi, joua à quitte ou à double, et ordonna un troisième assaut, Saint-Simon, 283, 94.

    Être quitte à quitte, ne se devoir plus rien de part et d'autre, au jeu, dans les affaires, dans les comptes. Nous sommes quitte à quitte. Nous voilà quitte à quitte.

    Fig. Faire quitte à quitte, être quitte à quitte, ou, absolument, quitte à quitte, se rendre la pareille, s'être rendu la pareille. Hélas ! tant qu'il [le cardinal Mazarin] vécut, nous fûmes quitte à quitte ; Il ne fit rien pour moi, je ne fis rien pour lui, Cailly, dans RICHELET. Argan : Tu m'as fait égosiller. - Toinette : Et vous m'avez fait, vous, casser la tête ; l'un vaut bien l'autre : quitte à quitte, si vous voulez, Molière, Mal. imag. I, 1. Est-il vrai que la Simiane s'est séparée de son mari, sous prétexte de ses galanteries ? quelle folie ! je lui aurais conseillé de faire quitte à quitte avec lui, Sévigné, 8 mai 1676.

    Fig. Nous voilà quitte à quitte, se dit lorsqu'on a reçu quelque déplaisir de quelqu'un, et qu'on lui a rendu la pareille. Adieu, lui dit-il, quitte à quitte, Piron, Le nez et les pincettes, conte en vers.

    On dit dans le même sens : partant quitte. Voilà l'argent que vous m'avez prêté, partant quitte.

    PROVERBE

    Quitte à quitte et bons amis.

HISTORIQUE

XIe s. Bien sont asouz, quites de lur pecchez, Ch. de Rol. LXXXVIII.

XIIe s. De mil souspirs que je li doi par dete [elle] Ne m'en veut pas un seul quite clamer, Couci, VI.

XIIIe s. Dis et soulas et joie m'ont bien clamée quite, Berte, XXXVII. Ainçois le [ton cœur] donne en don tout quite, Si en auras greignor [plus grand] merite, la Rose, 2263. Et après ce il n'est pas quites de l'amende, porce qu'il a enfreint l'establissement, Beaumanoir, I, 39. Lors puet savoir qu'il a boen hoste, Et lors resoit il son merite, Que Dieux et il sunt quite et quite, Rutebeuf, 49. Si tost comme le paiement fu fait, le roy nous dit que des ore mais estoit son serement quites, et que nous nous partissions de là, Joinville, 250.

XIVe s. Ne sai se me devez, ou se nous vous devons ; Or soit tout quite quite, puisque nous departons, Guesclin. 10860. Si vous pri que vous en taisiés… Et s'il y a parole dite Mal faite, se soit quitte et quitte, Jean de Condé, t. III, p. 57.

XVe s. Et ainsi pareillement ferai tout le voyage durant ; et serai quitte pour faire devant chacun juge une fois lesdites armes, Monstrelet, I, 8. Et sur ce point ai je donné à Galehault mon compaignon Chambre et estable en ma maison, à Paris, tant comme il vourra, Et, la demeure lui plaira, Par la maniere dessus dite, Et, s'il ne luy plaist, quitte à quitte, Deschamps, Poés. mss. f° 412. Quant on sent les ennemis venir et qu'on se sent le plus foible, et qu'on ne les peust attendre, en ces deux poins il fault donner l'assault pour en jouer à quitte et à double, le Jouvencel, f° 83, dans LACURNE.

XVIe s. S'en ira il quitte, ayant assailli ma teste ? Montaigne, I, 128. Vous perdés tout-quitte [entièrement] le cheval, s'il s'espaule, s'il se rompt ou s'estord une jambe, De Serres, 82. Il n'est pas quitte qui doibt de reste, Cotgrave Les vainqueurs… y gagnerent [à la prise de Rome] ce qu'ils voulurent, jusqu'aux quictes goujats [jusqu'aux simples goujats], Brantôme, Conn. de Bourbon.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. quiti ; catal. quiti ; espagn. quito ; ital. quite ; du lat. quietus, tranquille (voy. COI), et, par extension, quitte. C'est de la même façon que le lat. pacare, apaiser, a signifié payer.