« délice », définition dans le dictionnaire Littré

délice

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délice

(dé-li-s')

Au singulier ce mot est masculin, au pluriel il est féminin, étant de ces noms qu'on nomme hétéroclites et qui changent de genre en changeant de nombre.

  • 1S. m. sing. C'est un grand délice que de boire frais, Acad. Observ. sur Vaugelas, p. 272, dans POUGENS. Quel délice d'être avec des gens d'une société agréable ! ib. Je vous retrouve enfin, ô bonheur ! ô délice ! Rotrou, Bélis. II, 5. Il disait que chaque nouvel objet était un délice nouveau, Buffon, De la vue.
  • 2 S. f. plur. Plaisir qui ravit, transporte. Si quelqu'un, d'aventure, en délices abonde, Malherbe, I, 4. Il était sous Néron de toutes ses délices [parties de plaisir], Corneille, Othon, II, 4. Affranchis-le [mon cœur] de tous ses vices, Déracine ses passions, Efface les impressions Qu'y forment les molles délices, Corneille, Imit. III, 5. Les délices du soir font un triste matin, Corneille, ib. I, 20. Qu'ils aient moins d'aversion pour l'austérité de la mortification des sens qu'ils ne trouvent de charmes dans l'usage des délices vicienses du péché, Pascal, Comp. des chrét. Il n'y a rien de plus pernicieux à l'homme ni de plus dangereux pour le salut de son âme, que ce qui sert aux délices du corps, Bourdaloue, 6e Dim. après la Pentec. Domin. Vous qui goûtez ici des délices si pures, Racine, Esth. Prol. Ensuite, entrant dans la ville, il remarqua qu'il y avait beaucoup moins d'artisans pour les délices de la vie et beaucoup moins de magnificence, Fénelon, Tél. XXII. Vous qui vivez dans les délices, Massillon, Car. Riche. Il [Milton] transporte le lecteur dans le jardin des délices, Chateaubriand, Génie, II, II, 3.

    Les délices d'un lieu, d'un pays, ce qui le rend plein de douceur et de plaisir. Je connais aussi bien que personne les délices d'Espagne, Voiture, Lett. 35.

    Les délices de Capoue, quartiers d'hiver délicieux qu'Annibal prit à Capoue après la victoire de Cannes, et qui passent pour avoir amolli son armée. Tout cela porte assez à croire que Tite Live exagère les pernicieux effets des délices de Capoue, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. I, p. 447, dans POUGENS.

    Par extension. C'est le duc de Villeroi qui est le général de cette petite armée ; ils sont dans le repos et les délices de Capoue, c'est le plus beau pays du monde, Sévigné, 293.

    Fig. Les délices de Capoue, délices où l'on s'oublie, où l'on s'amollit.

    Les délices de Baies, lieu renommé de la Campanie où les riches Romains allaient chercher le repos. Voilà devant vous le temple de la Sibylle de Cumes ; nous traversons les lieux célébrés sous le nom des délices de Baies, Staël, Corinne, III, 3.

  • 3Charmes. Craignez que de sa voix les trompeuses délices…, Rousseau J.-B. Ode s. la flatt.
  • 4 Par extension, vif sentiment de l'âme comparé aux délices du corps. Et s'il faut affronter les plus affreux supplices, Y trouver des appas, en faire mes délices, Corneille, Poly. I, 1. J'en fais toute ma gloire et toutes mes délices, Corneille, Sertor. III, 4. La reine, à la gêner prenant mille délices…, Corneille, Rodog. I, 6. En nous formant, nature a ses caprices ; Divers penchants en nous elle fait observer ; Les uns à s'exposer trouvent mille délices ; Moi j'en trouve à me conserver, Molière, Amph. II, 1. Seigneur, que ne pouvons-nous obtenir de votre bonté, si, comme nos prédécesseurs, nous faisons nos chastes délices de votre Écriture ? Bossuet, le Tell. Ceux dont la chasteté faisait les délices, Bossuet, Hist. II, 12. Souffrir et mourir pour Jésus-Christ, ce sont leurs plus chères délices, Bourdaloue, Myst. Pentecôte. Votre parole est devenue la joie et les délices de mon cœur, Sacy, Bible, Jérémie, XV, 16. Cette liberté qui fait les délices de la cour, Massillon, Or. fun. Conty. La différence qu'il y a des troupes françaises aux vôtres [en Perse], c'est que les unes, composées d'esclaves naturellement lâches, ne surmontent la crainte de la mort que par celle du châtiment ; au lieu que les autres se présentent aux coups avec délices et bannissent la crainte par une satisfaction qui lui est supérieure, Montesquieu, Lett. pers. 89. Conservons avec soin, augmentons le dépôt de ces nobles connaissances, les délices des êtres pensants, Laplace, Expos. V, 6.

    Lieu de délices, lieu où l'on se plaît infiniment. Tout cela ne me console pas d'être loin de Noisy ; c'est le lieu de délices pour moi, Maintenon, Lett. à d'Aubigné, 3 oct. 1684.

    Faire les délices, être les délices de quelqu'un, en être singulièrement chéri. Moi que du genre humain on nomme les délices, Corneille, Tite et Bérén. II, 1. Vous êtes les délices de mon cœur et de ma vie, Sévigné, 59. Ce nom devient les délices des Romains, Bossuet, Hist. I, 10. De Rome pour un temps Caïus fut les délices, Racine, Brit. I, 1. Pour entreprendre d'être les délices du peuple, Fénelon, Tél. XI. Il est les délices de ceux qui vivent avec lui, Fénelon, ib. XX. Il fit les plus chères délices du roi, Hamilton, Gramm. 11. Télémaque dont Minerve fait ses délices, Fénelon, Tél. XVII. Tout ce qui peut faire d'un homme les délices des autres hommes, Massillon, Or. fun. Conty. Il a gouverné Rome au milieu des supplices ; Il en était l'effroi, j'en serai les délices, Voltaire, Mort de César, I, 4.

    Faire, être les délices d'un lieu, en faire le charme, y jouir de la plus grande faveur. Mon fils est toujours les délices de Quimper, Sévigné, 399. Il a fait les délices de tous les pays, Hamilton, Gramm. 1. Vous faites les délices d'une cour toute jeune, Hamilton, ib. 6.

REMARQUE

Vaugelas et Marguerite Buffet condamnent délice au singulier masculin. Balzac l'a fait masculin au pluriel : Pour aller jouir avec vous de nos délices communs, liv. IV, lett. 9. Le genre de ce mot a varié, si bien que, l'anomalie s'étendant, il est devenu masculin au singulier, et féminin au pluriel.

HISTORIQUE

XIIIe s. Por ces delices oblient li pecheor nostre Seigneur, Psautier, f° 10.

XVe s. Tous les plaisirs… et plusieurs pompes et delices, Commines, V, 18.

XVIe s. Et nous sembloyt que nous fussions transportez es souveraines delices du ciel, Rabelais, Pant. V, 25. Les superfluitez et delices ioniques, Amyot, Lyc. 5. Les delices, estans destituées des choses qui les nourrissent, venoient à se faner petit à petit, et finablement à tomber d'elles mesmes, Amyot, ib. 14. Il lui recite les grandes delices dont il jouissoit aux champs, De Serres, 1001. Par ta mort, Adonis, toutes delices meurent, Ronsard, 795. Plongé en l'oysiveté et aux delices, Montaigne, I, 278.

ÉTYMOLOGIE

Berry, dellice, ll mouillées ; du latin deliciæ, au singulier delicium, de delicire, de de, et lacire, faire tomber dans un lacs (voy. LACS). Delicium, deliciæ, en latin, expliquent sans doute le double genre en français.