« on », définition dans le dictionnaire Littré

on

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

on

(on ; l'n se lie : on aime, dites : on n'aime ; d'autres ne conservent pas le son nasal de la voyelle, et disent o-n aime. L'n ne se lie pas quand, dans une interrogation, on est après son verbe ; que dit-on à la cour ? Elle ne se lie pas non plus dans le proverbe : on est un sot. Vers la moitié du XVIIe siècle, on intercalait un z de liaison et on prononçait : on-z ouvre, on-z espère, etc. ; Méré, dans son Traité de l'éloquence et de l'entretien, s'élève contre cette prononciation) subst. abstrait
  • 1Il indique d'une manière générale ou vague les gens, les personnes ; il n'est employé jamais que comme sujet du verbe, qui se met toujours au singulier. On est toujours trop prêt quand on a du courage, Corneille, Cid. IV, 5. On garde sans remords ce qu'on acquiert sans crimes, Corneille, Cinna, II, 1. Tout le monde s'intéresse dans cette affaire [le procès de Foucquet] : on ne parle d'autre chose ; on raisonne, on tire des conséquences, on compte sur ses doigts, on s'attendrit, on espère, on craint, on peste, on souhaite, on hait, on admire, on est accablé, Sévigné, Lett. à Pompone, 17 décemb. 1664. Par le travail, on charmait l'ennui, on ménageait le temps, on guérissait la langueur de la paresse, Bossuet, Anne de Gonz. On aime les gens, on en est aimé, on en est sûr, on les néglige, on ne se contraint point avec eux, Maintenon, Lett. à d'Aubigné, 2 mars 1681. On ne surmonte le vice qu'en le fuyant, Fénelon, Tél. VII. L'on n'est rien devant Dieu quand on n'est pas ce que l'on doit être, Massillon, Pet. carême, Écueils. On est plus criminel quelquefois qu'on ne pense, Voltaire, Œdipe, IV, 1. On fut consterné dans Stockholm [à la suite de victoires des Russes], et l'on ne s'y croyait pas en sûreté, Voltaire, Russie, II, 5. On a vu des souris se loger sur leur dos [des cochons], et leur manger le lard et la peau sans qu'ils parussent le sentir, Buffon, Quadrup. t. I, p. 291. On entre dans le monde, on en est enivré, Au plus frivole accueil on se croit adoré, Gresset, Méchant, IV, 4. On riait un moment des épigrammes, et on retournait pleurer au Préjugé à la mode et à Mélanide, D'Alembert, Éloges, la Chaussée. On relit tout Racine, on choisit dans Voltaire, Delille, l'Homme des champs, I.
  • 2On remplaçant un sujet déterminé. Vous êtes malade, ma chère enfant : vous dites quelquefois que votre estomac vous parle ; vous voyez que votre tête vous parle aussi : on ne peut pas vous dire plus nettement que vous la cassez, que vous la mettez en pièces, Sévigné, 1er avril 1689. On [Mme de la Vallière dans la grille d'en haut et se faisant carmélite] vous dira de là haut qu'on peut quelque chose de plus difficile, puisqu'on peut embrasser tout ce qui choque, Bossuet, la Vallière. Quand on n'a jamais eu un mouvement de coquetterie, qu'on n'a dans ce genre aucune espèce d'expérience, et qu'on n'a que dix-huit ans, on s'engage avec beaucoup plus de facilité qu'une coquette de trente ans, Genlis, Mlle de la Fayette, p. 148, dans POUGENS. On n'a pas plus d'esprit, de grâce…, Collin D'Harleville, Mœurs du jour, I, 2.
  • 3On, désignant en général les hommes, les gens, peut, selon la signification du discours, restreindre son sens à telle ou telle personne désignée par je, tu, il, nous, vous, ils.

    On se dit pour je. Soyez tranquille, on songera à vos intérêts. Il y a longtemps qu'on ne vous a vu. Allez, vous êtes fou dans vos transports jaloux, Et ne méritez pas l'amour qu'on a pour vous, Molière, Misanthrope, IV, 3. On ne s'attache à nulle société, on ne prend aucun plaisir, on a toujours le cœur serré, Sévigné, 13. On a certains attraits, un certain enjouement, Que personne ne peut me disputer, je pense, Regnard, le Joueur, II, 2. Encore si on pouvait bien digérer ! mais avoir toujours mal à l'estomac, craindre les rois et les libraires ! on n'y résiste pas, Voltaire, Lett. d'Argental, octob. 1755. Le je est presque aussi scrupuleusement banni de la scène française que des écrits de Port-Royal, et les passions humaines, aussi modestes que l'humilité chrétienne, n'y parlent jamais que par on, Rousseau, Hél. II, 17.

    On se dit pour tu. Qu'on l'embrasse tout à l'heure devant moi ; qu'on lui témoigne son repentir et qu'on la prie de vouloir te pardonner, Hauteroche, le Coch. 18.

    On se dit pour il ou elle. On l'écouta, on se laissa lorgner [en parlant d'une femme], Hamilton, Gramm. 6. On était ! on parlait ! on m'a vu !… quel langage ! Mon neveu, ce garçon méconnaît-il l'usage De nommer les gens par leur nom ? Imbert, Jaloux sans amour, III, 6.

    On se dit pour nous, et alterne avec nous. Je trouve qu'on ne souhaite l'estime que de ceux que nous aimons et que nous estimons, Sévigné, 17 nov. 1675. Qu'on hait un ennemi quand il est près de nous ! Racine, Théb. IV, 2. On sait sur les maris ce que l'on a d'empire, Regnard, le Joueur, II, 2.

    On se dit pour vous. Quoi ! Madame !… Le soin de son repos [d'Agamemnon livrant Iphigénie à la mort] est le seul qui vous presse ! On me ferme la bouche, on l'excuse, on le plaint [Achille à Iphigénie] ! Racine, Iph. III, 6. Et vous, à m'obéir, prince, qu'on se prépare, Racine, Mithr. III, 1. Vous, Narcisse, approchez ; Et vous, qu'on se retire, Racine, Brit. II, 1.

    On se dit pour ils ou elles, ou pour une compagnie, une masse de personnes dont on fait partie. En vain de tous côtés on l'a voulu tourner ; Hors de son sentiment on n'a pu l'entraîner, Molière, Mis. IV, 1. On se lève à huit heures ; très souvent je vais, jusqu'à neuf heures que la messe sonne, prendre la fraîcheur de ces bois ; après la messe on s'habille, on se dit bonjour, on retourne cueillir des fleurs d'orange, on dîne, jusqu'à cinq heures on travaille ou on lit, Sévigné, 562. Mais, s'il vous plaît, Ne ferions-nous pas bien d'aller voir où l'on est ? Gresset, le Méch. III, 5.

  • 4On peut désigner très clairement une femme ; et alors, emportés par la signification, nous accordons l'adjectif avec le sens et non avec la forme du mot, et le mettons au féminin ; c'est une syllepse. On n'est pas plus belle que cette femme-là. C'est un admirable lieu que Paris, il s'y passe cent choses tous les jours qu'on ignore dans les provinces, quelque spirituelle qu'on puisse être, Molière, Préc. 10. À quoi qu'en reprenant on soit assujettie, Je ne m'attendais pas à cette repartie, Molière, Mis. III, 5. On a beau se sentir de la résolution, on est femme, et on ne répond point de soi pour l'avenir, Lamotte, Minutolo, sc. 3. On vous épousera, toute fière qu'on est, Marivaux, Fausse confid. I, 2. S'attrister est bien fou… On est plus jolie à présent, Et d'un minois plus séduisant On a les piquantes finesses, Marmontel, Mél. de litt. Rép. à Voltaire. On espérait le lendemain qu'il viendrait de bonne heure et avant la foule : on l'attendit, on fut inquiète ; il ne vint point, on eut de l'humeur ; il écrivit, on lut son billet et l'humeur cessa, Marmontel, Cont. mor. Heureux div. Et que trouvez-vous donc de si extravagant à vouloir régner avec vous ? est-on faite de manière à déparer un trône ? Marmontel, Contes mor. Soliman II.
  • 5On, par une syllepse semblable à la précédente, peut prendre l'adjectif pluriel masculin ou féminin. Est-on allé là ? on y est allé deux. Ici on est égaux, en parlant d'un cimetière. On n'a tous deux qu'un cœur qui sent mêmes traverses, Corneille, Poly. I, 3. Que tous deux on se taise, Molière, Éc. des femm. I, 2. De tous vos façonniers on n'est point les esclaves, Molière, Tart. I, 6. Quand je vois qu'on ne me veut point, il me prend une envie pareille de ne les avoir point, Sévigné, 349. Hier on [le roi et Mme de Montespan] alla ensemble à Versailles, accompagnés de quelques dames ; on fut bien aise de le visiter avant que la cour y vienne, Sévigné, 10 juill. 1676. Le commencement et le déclin de l'amour se font sentir par l'embarras où l'on est de se trouver seule, La Bruyère, IV. Personne n'est surpris de me voir passer l'hiver à la campagne ; mille gens du monde en ont fait autant ; on est toujours séparés, mais on se rapproche par de longues et fréquentes visites, Rousseau, Lett. au maréch. de Luxembourg. Mais par l'effet d'un rare aveuglement Qui fait bien voir que, quoi qu'on soit princesses, On peut parfois causer des maladresses…, Dumouriez, Richardet, II, 11. On est réconciliées [Mme de Sévigné et sa fille], on dit les plus belles choses sur l'amitié, sur l'absence, Abbé de Vauxcelles, Réflexions sur les lettres de Mme de Sévigné, t. XII, p. LXXV, édit. GROUVELLE, 1813.
  • 6On admet devant lui l'article l', particulièrement dans les cas où l'euphonie l'exige. Pour paraître à mes yeux son mérite est trop grand, On n'aime pas à voir ceux à qui l'on doit tant, Corneille, Nicom. II, 1. Il faut mettre que l'on et non pas qu'on devant des mots qui commencent par con ; je ne dirais pas qu'on conduise, mais que l'on conduise, Vaugelas, Rem. t. I, p. 32, dans POUGENS. C'est l'oreille seule qu'on doit prendre pour juge sur le choix d'on et de l'on, Acad. Observ. sur Vaugel. p. 15, dans POUGENS. Mais puisque l'on s'obstine à m'y vouloir réduire, Molière, Tart. IV, 5. C'est d'un roi que l'on tient cette maxime auguste, Que jamais on n'est grand qu'autant que l'on est juste, Boileau, Sat. X. Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, Boileau, Art p. I. L'on hait avec excès lorsque l'on hait un frère, Racine, Théb. III, 6. L'on marche sur les mauvais plaisants ; et il pleut par tous pays de cette sorte d'insectes, La Bruyère, V. Pour éviter un hiatus ou pour rompre la mesure du vers dans la prose, il est très permis d'écrire l'on, et c'est le seul de nos pronoms substantifs qui, par lui-même et sans que cela change rien à sa nature, souffre quelquefois l'article, D'Olivet, Ess. gramm. III, 1.
  • 7Quand on suit le verbe dont il est le sujet, il s'y joint par un trait d'union. Pensait-on que je céderais ? Mon père y tient l'urne fatale [aux enfers] ; Le sort, dit-on, l'a mise en ses sévères mains, Racine, Phèdre, IV, 6.

    Si le verbe se termine par un e muet ou par un a, on le joint à on par un trait d'union et par un t euphonique. Pense-t-on que je céderai ? Prie-t-on ? Alla-t-on à Paris ? Ira-t-on à Lyon ?

  • 8On dit, sorte de locution jouant le rôle de substantif, et signifiant : ce qui se dit. Un on dit. Les on dit. Croire les on dit, croire des rapports sans preuve, ajouter foi à des bruits vagues.
  • 9Le qu'en dira-t-on, sorte de substantif composé. Se moquer du qu'en dira-t-on, se moquer de ce que les autres peuvent dire.

    PROVERBE

    On est un sot, c'est-à-dire qu'un rapport vague et sans autorité doit être regardé comme une sottise.
    Anselme : Et partout sa vertu lui donne tant de lustre, Que sur ce qu'on en dit… - Le marquis : Monsieur on est un sot, Th. Corneille, Comtesse d'Orgueil, II, 1.

REMARQUE

1. Il faut éviter dans une phrase que on se rapporte à des personnes différentes. Ce défaut se trouve dans les exemples suivants : On amorce le monde avec de tels portraits ; Pour les faire surprendre, on les apporte exprès ; On s'en fâche, on fait bruit, on nous les redemande ; Mais on tremble toujours de crainte qu'on les rende, Corneille, la Suite du Ment. II, 7. Au moins en pareil cas est-ce un bonheur bien doux, Quand on sait qu'on n'a point d'avantage sur vous, Molière, le Dép. II, 4. Si ces personnes étaient en danger d'être assassinées, s'offenseraient-elles de ce qu'on les avertirait de l'embûche qu'on leur dresse ? Pascal, Prov. X. Mais, dans l'exemple suivant, on, bien que se rapportant à des personnes différentes, est très clair : Puisqu'on [Orgon] ne veut point croire à tout ce qu'on [Elmire] peut dire, Et qu'on [Orgon] veut des témoins qui soient plus convaincants ; Il faut bien s'y résoudre et contenter les gens, Molière, Tart. IV, 5.

2. On se met devant et après le verbe ; mais l'on ne se met jamais que devant.

HISTORIQUE

IXe s. Si cum om per dreit son fradra [frère] salvar dist [doit], Serment.

XIe s. Ce sait hom bien que je sui tis parastres [ton beau-père], Ch. de Rol. X.

XIIe s. Ço est la lei à hume, ke hum te serve en simplicited e pureted, Rois, p. 145. Iluec dit on que Lucifer desçant, Bat. d'Aleschans, v. 5980. Quant prez erent [étaient] de cel endreit Come hom piere jeter porreit, Rou, v, 6702. Ne dira l'on en France la louée…, Ronc. p. 23. Mais à dame de valor Doit on penser nuit et jor, Couci, I. Mais se vos ieuz où l'on se puet mirer…, ib. II. On ne puet [peut] pas servir à tant seigneur, ib. XXIV.

XIIIe s. L'en doit bien reculer pour le plus loin saillir, Berte, XII. Si en fache on [qu'on en fasse] un mangier faire, Lai d'Ignaurès. Une chançon tote de Rome, Onques si bele n'oït home, Ren. t. III, p. 47.

XVe s. Tost serons au lieu que vouldroye, Que l'en appelle Nonchaloir, Orléans, Départie d'Amour en ball. À commencer la guerre et à l'entreprendre ne se fault point tant haster, et a l'on assez de temps, Commines, V, 18. Tant chauffe on le fer qu'il rougit, Villon, Ballade. Tant aime on Dieu, qu'on craint l'eglise, Villon, ib.

XVIe s. Il est des peuples où on tourne le dos à celuy qu'on salue, et ne regarde l'on jamais celuy qu'on veult honorer, Montaigne, I, 110. Il en est où l'on pleure la mort des enfants, et festoye l'on celle des vieillards, Montaigne, I, 112. On l'esteindroit [une antipathie], qui s'y prendroit de bonne heure, Montaigne, I, 184. J'aime mieulx, dit-il, que l'on demande pourquoy l'on n'a point dressé de statue à Caton, que pourquoy on luy en a dressé, Amyot, Caton, 38. Quand on est bien, qu'a l'on besoing d'amis ? Amyot, Comm. disc. le flat. 49. Qu'on chante les nouveaux hymnes, Mais qu'on vante les vins vieux, Ronsard, 394. L'en, l'on ou on peult estre bien joyeux, Palsgrave, fol. 102, verso.

ÉTYMOLOGIE

Picard, un, ein, o, ol, os ; Berry, ou ; provenç. et anc. catal. hom ; anc. espagn. omne ; anc. portug. ome ; anc. ital. huom ; du lat. homo, homme. Hom, om, on, est le nominatif du mot dont le régime est home. On comprend comment ce mot homme a pu devenir le substantif abstrait on. Dans l'ancien français on a dit souvent en pour on, par une tendance à changer la voyelle on en en, comme o latin en a (exemple dame de domina).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ON. - REM. Ajoutez :

3. Selon l'usage de la langue de Malherbe, on et l'on pouvaient avoir dans la phrase une place qu'on ne leur donnerait pas aujourd'hui. Rochefontaine s'est sauvé, et n'a-t-on trouvé sur Montchrestien autre chose qu'un billet, Lexique, éd. L. Lalanne. Le marché d'enclore les faubourgs dans la ville est fait, et y commencera l'on à ce printemps, ib. On l'a ouvert aujourd'hui [le comte de Sault], et a l'on trouvé qu'il avait les boyaux pourris, ib.