« ver », définition dans le dictionnaire Littré

ver

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ver

(vêr) s. m.
  • 1Nom donné communément au lombric terrestre et à tout animal qui offre une conformation analogue à celle de ce lombric. J'ai été jusqu'à couper un même ver en vingt-six portions, dont la plupart ont repris, et dont plusieurs sont devenues des animaux complets, Bonnet, Observ. vers, Œuv. t. I, p. 184, dans POUGENS. En replis tortueux le ver rampant se traîne, Delille, Trois règ. VII.

    Nu comme un ver, entièrement nu.

    Je l'écraserai comme un ver, se dit par menace en parlant d'un homme qu'on croit pouvoir battre, confondre, punir aisément.

    Fig. Un ver se recoquille bien, ou se recroqueville bien quand on marche dessus, il n'est point d'homme si faible, si chétif, qui n'éprouve quelque ressentiment quand on l'offense.

    Fig. Ver coupé, homme, animal qui se meut, se redresse avec vivacité, par comparaison avec les mouvements vifs d'un ver qu'on a coupé. Quel ver coupé !

    On donne actuellement, avec Lamarck et de Blainville, le nom de vers à un type ou sous-embranchement des animaux invertébrés reconnaissables à un corps mou, à peu près cylindrique, en fuseau grêle et allongé ou aplati, constitué sur la forme binaire symétrique.

  • 2Ver de terre, le lombric terrestre. On dit aussi ver rouge, et ver des pêcheurs. Avec combien peu d'orgueil un chrétien se croit-il uni à Dieu ! avec combien peu d'abjection s'égale-t-il aux vers de la terre ! Pascal, Pens. XII, 19, éd. HAVET. Dans cet instant où le ver de terre qu'on foule aux pieds montre quelque énergie, Diderot, Opin. des anc. philos. (Jésuites).

    Fig. C'est un ver de terre, se dit d'un homme qui est dans un état fort abject.

    Il se dit de l'homme en vue des imperfections de sa nature. Dans l'obscurité d'une nuit si noire, ces malheureux vers de terre, sans assistance, sans armes, ont à combattre toutes les puissances de l'abîme, Patru, Plaid. 3. [L'homme] imbécile, ver de terre, Pascal, Pens. VIII, 1. Que lui importe [à Dieu], disent-ils, que des vers de terre comme nous s'égorgent, se trompent, se déchirent, vivent dans les plaisirs ou dans la tempérance ? Massillon, Car. Vérité d'un avenir.

  • 3Il se dit des vers qui rongent les corps dans la sépulture, suivant une opinion vulgaire, qui est une erreur ; dans le sein de la terre aucun ver ne ronge les corps qui se décomposent. Et dans ces grands tombeaux où leurs âmes hautaines Font encore les vaines, Ils sont mangés des vers, Malherbe, Paraph. du ps. 145. Vous savez qu'il m'importe bien peu que les vers du pays de Gex ou d'un autre fassent de mauvais repas de ma maigre figure, Voltaire, Lett. d'Argental, 20 janv. 1766.
  • 4On donne ce nom vulgairement aux larves de beaucoup d'insectes lorsqu'elles sont privées de pattes. Cette envie canine qui s'attache volontiers aux choses les plus estimables, comme le ver au meilleur et plus précieux fruit, Dial. d'Oratius Tubero, t. I, Dial. IV. Leurs tas [d'exemplaires], au magasin, cachés à la lumière, Combattent tristement les vers et la poussière, Boileau, Art p. III. Pour un fragile bois, que malgré mon secours Les vers sur son autel consument tous les jours ? Racine, Athal. III, 3. Les mers ont moins de flots, les fleurs moins de familles Qu'il n'est de vers ailés, jadis humbles chenilles, Delille, Trois règ. VII. Vous pouvez penser la mine qu'il [Longus] ferait à M. Furia, qui le laissait manger aux vers dans le vénérable bouquin, Courier, Lett. à M. Renouard.

    Fig. Tirer à quelqu'un les vers du nez, lui faire dire ce qu'on veut savoir, en le questionnant adroitement (voy. NEZ, n° 1). Ah ! que vous en savez long ! mais je vous vois venir : vous voulez me tirer les vers du nez, Destouches, Fausse Agnès, III, 4.

  • 5Ver luisant, nom sous lequel on désigne la femelle seule du lampyre luisant, coléoptères, laquelle jette une lueur dans l'obscurité. Le célèbre Geer a prouvé, il y a bien des années, que le ver luisant est phosphorique dans des temps fort éloignés de ceux de la métamorphose, Bonnet, Contempl. nat. x, 26.
  • 6Ver à soie, chenille qui fait la soie. Aristote, quoique le plus ancien des naturalistes, est celui qui a donné la description d'un insecte le plus approchant du ver à soie, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. x, p. 565, dans POUGENS. Deux moines venant des Indes apportèrent à Constantinople des œufs de ver à soie, avec l'instruction pour les faire éclore, les élever, les nourrir et tirer la soie, la filer, la mettre en œuvre, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuv. t. IV, p. 223. La propreté est un des soins les plus essentiels qu'exige le gouvernement des vers à soie, Genlis, Maison rust. t. I, p. 417, dans POUGENS.

    Faire des vers à soie, se livrer à la production des vers à soie. Fait-on des vers à soie dans votre pays ?

    Fig. Ceux qui travaillent utilement pour l'humanité. Tandis que les vautours [les conquérants, les guerriers] s'égorgeaient, les vers à soie filaient pour nous dans le silence ; nous jouissons de leur travail sans les connaître, et nous ne savons que l'histoire des vautours, D'Alembert, Mélanges, t. v, Réflex. sur l'hist.

  • 7Les parasites en forme de vers qui se développent dans le corps vivant. Nous avons eu plusieurs charlatans qui font accroire que toutes les maladies étaient causées par des vers, et que, chaque espèce d'animaux étant dévorée par une autre espèce, on pouvait faire manger les vers de l'apoplexie et de l'épilepsie par des vers anti-apoplectiques et anti-épileptiques, Voltaire, Phil. Bible expl. Lévitique.

    Ver des enfants, nom vulgaire de l'ascaride lombricoïde, entozoaires, appelé strongle par les anciens médecins, mais qu'il ne faut pas confondre avec le strongle proprement dit, ou mieux, le strongle géant, qu'on trouve parfois dans les reins de l'espèce humaine. De longues toux les suffoquent ; les vers les tourmentent [les enfants], Rousseau, Ém. I.

    Poudre à vers, poudre vermifuge. Mme de Sanzei s'est opiniâtrée à ne point faire saigner son fils ; elle lui a donné tout simplement de la poudre à vers ; il est guéri, Sévigné, 26 juin 1675.

    Fig. Tuer le ver, boire le matin à jeun de l'eau-de-vie ou du vin blanc, parce qu'on s'imagine que, pris à cette heure, le vin ou l'eau-de-vie tuent les vers intestinaux.

    Ver solitaire, voy. TÉNIA.

    Ver de Guinée, ver de Médine (voy. FILAIRE).

    Ver de crin, nom donné parfois aux différentes espèces du genre filaire (entozoaires).

    Ver macaque, ver maringouin (voy. MACAQUE).

  • 8Ver blanc, larve du hanneton, qui vit sous terre et cause, en certaines années, de grands ravages, dévorant les racines des plantes.
  • 9Ver assassin, larve du grand hydrophile.

    Ver du bigarreau, la larve de la mouche du cerisier, diptères.

    Ver de chapelet, chenille qui produit la teigne des grains.

    Ver lion, nom donné aux larves du genre rhagion. M. de Réaumur est le premier qui nous ait donné en 1753 une bonne histoire du ver lion ; il était pourtant connu dès le commencement du siècle, Bonnet, Contempl. nat. XII, 42.

    Ver noir, un thrips, insecte de la famille des thysanoptères, voisine des orthoptères et des hémiptères ; il passe l'hiver caché dans les anfractuosités des branches des oliviers, et surtout dans les petits trous que les scolytes ont faits aux jeunes rameaux.

    Ver de l'olive, larve du dacus oleae, Meigen, diptère muscide dont la piqûre diminue et déprécie grandement les huiles d'olive.

    Ver palmiste, nom vulgaire sous lequel on désigne la larve de la calandre des palmiers, coléoptères, ou calandre palmiste, qui est le charançon palmiste de certains auteurs.

    Ver de viande, asticot.

  • 10Ver de mer, ver des digues, ver des vaisseaux, noms vulgaires donnés aux mollusques du genre taret (acéphales), et, principalement, au taret naval qui exerce ses ravages dans nos ports.
  • 11Vers spermatiques, ancien nom des zoospermes.
  • 12Ver rongeur, larve qui ronge. Quand un lis virginal penche et se décolore, Par un ciel brûlant desséché, Sous l'urne qui l'arrose il peut renaître encore ; Mais quand un ver rongeur dans son sein est caché, Quel remède essayer contre un mal qu'on ignore ? Delavigne, Paria, II, 6.

    Fig. Ver rongeur, un vif remords de conscience.

    Tourment, chagrin. Le ver rongeur du fils [Harlay] était de n'être rien, Saint-Simon, 470, 207. Mon grand chagrin, mon ver rongeur est d'être loin de vous, Voltaire, Lett. Richelieu, 27 août 1777.

    Par plaisanterie, un ver rongeur, un fiacre pris à l'heure et qu'on fait attendre.

  • 13 Fig. Ce qui ronge comme fait un ver. Cette élévation intérieure qui est le ver des richesses, dit saint Augustin, Nicole, Essai de mor. 1er traité, ch. 1. Le ver secret et dévorant de leur conscience corrompue, Massillon, Profess. relig. Sermon 1. On veut bien sortir du crime… parce que c'est un ver dévorant dont on est rongé, Massillon, Car. Pâques. Le ver de la conscience n'est pas mort, il n'est qu'assoupi, Massillon, Panég. Ste Magdel.

HISTORIQUE

Xe s. Dunc si rogavit [commanda] Deus ad un verme, que percussist cel edre [ce lierre], Fragm. de Valenc. p. 468.

XIIe s. Mais dedens cel an porent sa char li ver rungier, Th. le mart. 32. Sa haire remuout [il changeoit] pur vers e pur suur, ib. 103.

XIIIe s. Robe qui empire par vers ou par enviesir [vieillir], Beaumanoir, XXXVII, 1.

XVe s. Povres orphenins impourveuz Et desnuez comme le ver, Villon, Petit testam.

XVIe s. Il vient à s'engendrer, de l'ordure et pourriture de ces excrements, des vers qui lui rongent le corps, Amyot, Artax. 20. Huile de vers, Paré, VIII, 40. La soie vient directement du ver, qui la vomit toute filée, et le ver procede de graine, De Serres, 458. Les Grecs et Latins l'ont appellé bombyx, et aujourd'hui en Italie cavalieri et bachi ; en Espagne llavor, en France vers-à-soie, en Languedoc prouvenée et ès environs magniaux, De Serres, 459. Qu'il y avoit fort bien presté l'oreille, pour en tirer les vers du nez et en tirer les secrets, Brantôme, Pescayre. Tout estat est viande aux vers, Cotgrave C'est le dejeusner d'un petit ver, que le cœur et la vie d'un grand et triumphant empereur, Montaigne, II, 171.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, vièr ; bourguig. var ; saintong. var ; provenç. verm, masc. et verma, féminin ; portug. verme ; ital. verme, vermo ; du lat. vermem, de même radical que l'allem. Wurm ; angl. worm ; suéd. orm ; goth. vaurms ; que le grec ἕλμινς, comme le prouvent l'esprit rude et le μ ; sanscr. krimi, ver (voy. CRAMOISI). Toutes ces formes supposent une forme primitive kverm, de la racine kram, aller, ramper.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

VER. Ajoutez :
14 Ver de vase, larve d'un petit diptère, le chironome ; elle est rouge et est employée par les pêcheurs comme appât, E. Blanchard, Rev. des Deux-Mondes, 1er oct. 1874, p. 606.