« vivant », définition dans le dictionnaire Littré

vivant

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

vivant, ante

(vi-van, van-t') adj.
  • 1Qui vit. Je l'adorais vivant, et je le pleure mort, Corneille, Hor. IV, 5. Alors le roi [Salomon] prononça cette sentence : Donnez à celle-ci l'enfant vivant, et qu'on ne le tue point ; car c'est elle qui est sa mère, Sacy, Bible, Rois, III, III, 27. Le bon Dieu fasse paix à mon pauvre Martin, Mais j'avais, lui vivant, le teint d'un chérubin, Molière, Sgan. 2. Quel est notre aveuglement, si, toujours avançant vers notre fin, et plutôt mourants que vivants…, Bossuet, Duch. d'Orl. Un chrétien n'est jamais vivant sur la terre, parce qu'il y est toujours mortifié, Bossuet, Mar.-Thér. Il [Thésée] a vu le Cocyte et les rivages sombres, Et s'est montré vivant aux infernales ombres, Racine, Phèdre, II, 1. J'ai apostrophé Saint-Évremond, parce que, devant la justice également à ceux qui sont et à ceux qui ne sont plus, je parle aux morts comme s'ils étaient vivants, et aux vivants comme s'ils étaient morts, Diderot, Cl. et Nér. II, 37. Vivante, on l'oubliait ; morte, on va la venger, P. Lebrun, Marie St. IV, 7.

    Fig. La très petite dépense que cette culture suppose et la satisfaction de rendre vivantes des terres absolument mortes, Buffon, Expos. sur les végét. 2e mém.

    Familièrement. De la vie vivante, de vie vivante, de votre vie vivante (avec une négation), jamais.

    Il n'y a homme vivant qui…, il n'y a personne qui… Si on le prenait [M. de Béthune, qui avait enlevé une fille d'un couvent], et qu'on lui fît son procès, homme vivant ne le pourrait sauver, Sévigné, 28 mars 1689.

    Âme vivante, qui que ce soit. Je suis allé en ce lieu ; et je n'y ai trouvé âme vivante.

    La nature vivante, l'ensemble des végétaux et des animaux. Le réveil de la nature vivante au printemps.

    Terme de jurisprudence féodale. Homme vivant et mourant, homme que les gens de mainmorte étaient obligés de désigner au seigneur du fief, et à la mort duquel ils devaient certains droits seigneuriaux.

    On donnait le même nom à une personne sous le nom de laquelle on payait le droit de survivance, pour conserver un office.

    Fig. C'est une bibliothèque vivante, c'est un homme très savant, remarquable surtout par sa grande mémoire.

  • 2Le Dieu vivant, se dit pour marquer qu'il n'y a que Dieu qui vive, qui existe par lui-même. Vous reconnaîtrez à ceci que le Seigneur, le Dieu vivant, est au milieu de vous, Sacy, Bible, Josué, III, 10. C'est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant, Sacy, ib. St Paul, Epît. aux Hébr. x, 31. Soldat du Dieu vivant, défendez votre roi, Racine, Ath. v, 5.
  • 3En un sens plus particulier. Qui est de notre temps, notre contemporain. Je ne vous ai trouvé que deux défauts impardonnables, c'est d'être Français et vivant, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 2 sept. 1760.
  • 4Quartier vivant, quartier d'une ville où il y a beaucoup de monde.

    On dit de même : rue vivante.

  • 5Langue vivante, langue qu'un peuple parle actuellement, par opposition à langue morte. L'usage seul peut suffire pour les langues vivantes ; mais il n'en est pas ainsi de celles qui sont mortes, Rollin, Traité des Ét. I, 3. On ne sait bien une langue vivante que quand on la parle ; on ne sait bien une langue morte, ou du moins autant qu'il est possible de la savoir, que quand on a tâché de l'écrire, D'Alembert, Éloge Girard, note 5.
  • 6Tableaux vivants, groupes de personnages vivants, représentant, par leur attitude et leur costume, des tableaux plus ou moins célèbres, des sujets historiques, etc.
  • 7Qui conserve une certaine portion de vie. Aussi vivant par l'esprit qu'il était mourant par le corps, Bossuet, le Tellier.

    Fig. S'ensevelir vivant, se condamner à la retraite dans un âge où l'on pourrait rester dans le monde. Eh quoi ! pour un mari vous serez complaisante Jusqu'à vouloir pour lui vous enterrer vivante, Destouches, Phil. marié, v, 4.

    Tout vivant, conservant toutes ses facultés, toute sa force d'esprit. M. le Tellier se condamnait, en rendant les sceaux, à rentrer dans la vie privée, au hasard de s'ensevelir tout vivant, Bossuet, le Tellier.

  • 8Il se dit de la vie religieuse et spirituelle. L'Église catholique, cité sainte dont toutes les pierres sont vivantes, Bossuet, Mar.-Thér.
  • 9Portrait vivant, image vivante, se dit d'une personne qui ressemble beaucoup à une autre, soit par la physionomie, soit par le caractère. Il est le portrait vivant de son père. Ils [les dieux] descendent bien moins dans de si bas étages [le public] Que dans l'âme des rois, leurs vivantes images, Corneille, Hor. III, 3. Toi, son vivant portrait, que j'adore dans l'âme, Corneille, Rodog. III, 3. Ce fils victorieux que vous favorisez, Cette vivante image en qui vous vous plaisez, Racine, Mithr. III, 5.

    Fig. La tragédie chez les Grecs ne fut que le tableau vivant de leur histoire, Marmontel, Œuv. t. IX, p. 394.

  • 10 Fig. Qui dure encore, qui se fait encore sentir. Par cette pratique [faire ce que les morts nous ordonneraient s'ils étaient encore de ce monde], nous les faisons revivre en nous en quelque sorte, puisque ce sont leurs conseils qui sont encore vivants et agissants en nous, Pascal, Lett. sur la mort de son père. Que les exemples encore vivants de sainte Thérèse entretiennent ce qu'elle a établi par ses travaux, Fléchier, Panég. Ste Thér. N'y portent-elles pas toutes les passions encore vivantes dans leurs racines ? Massillon, Avent, Disposit.
  • 11 Fig. Qui se fait dans la vie, dans la pratique. Les exemples vivants sont d'un autre pouvoir ; Un prince dans un livre apprend mal son devoir, Corneille, Cid, I, 3. Non content de lui enseigner la guerre par ses discours, le prince le mène aux leçons vivantes et à la pratique, Bossuet, Louis de Bourbon.
  • 12 Fig. Vif, animé. Scène vivante. Récit vivant. Ce sont là, si je ne me trompe, de ces peintures vivantes et animées qu'on ne connaissait pas autrefois, et dont M. Lekain a donné des leçons terribles qu'on doit imiter désormais, Voltaire, Scythes, préface.

    Terme de peinture. Tableau vivant, tableau dont le sujet est animé, dont les figures ont de la vie, dont l'action est naturelle, où chaque figure est nécessaire et n'est point placée pour remplir un vide.

  • 13Mal vivant, qui se conduit mal. Et qu'il est aux enfers des chaudières bouillantes Où l'on plonge à jamais les femmes mal vivantes, Molière, Éc. des fem. II, 2.

    Absolument. En termes d'anciennes ordonnances, un mal vivant, un homme de mauvaise vie. Tant de brigands infectent la province, Que l'on ne sait à quoi songe le prince De les souffrir ; mais quoi ! les mal vivants Seront toujours…, La Fontaine, Orais. Je n'ai pas de peine à croire que ce notaire [devant qui on avait déclaré le servage de 80 personnes] était un étranger, un mal vivant et un ivrogne, Voltaire, Lett. Christin, 23 déc. 1777.

  • 14S m. Personne qui vit. Autrement [sans une bonne vie], dit saint Augustin, qu'opère un tel sacrifice [celui de la messe] ? nul soulagement pour les morts, une faible consolation pour les vivants, Bossuet, Mar.-Thér. On refuse aux vivants des temples Qu'on leur élève après leur mort, Deshoulières, t. II, p. 104. Ce nombre de trente vivants pour un mort dans la ville de Londres a été adopté par tous les auteurs anglais qui ont écrit sur cette matière, Buffon, Prob. de la vie, Œuv. t. x, p. 564.
  • 15Un vivant, un homme d'un caractère décidé, et aussi un homme d'un caractère jovial. C'est un vivant, ne vous y fiez pas. C'est un vivant qu'on ne déconcerte pas facilement. C'est un vivant qui ne se refuse point un plaisir qui se présente, Lesage, Gil Blas, x, 8. Nous nous joignîmes à ces vivants, Lesage, ib. VIII, 14. Quoi ! ce gros vivant qui ordonne tout dans la maison, qui taille, qui rogne, Dancourt, Cur. Compiègne, sc. 4.

    Un bon vivant, un homme d'une humeur facile et gaie. [Paroles] qu'apparemment on ne saura pas à Langres, où il y a d'assez bons vivants pour se réjouir des naïvetés du mort ; les mots de bons vivants, qui me viennent d'échapper, ne sont pas du beau style ; je l'ai senti en écrivant, Boursault, Lett. nouv. t. II, p. 297, dans POUGENS. C'est un de mes anciens amis, un bon vivant, Dancourt, Charivari, sc. 18. Si le mari est un bon défunt, je suis un bon vivant, moi, Lamotte, Matr. d'Éph. sc. 15.

  • 16 Terme de théologie. Se dit de ceux qui jouissent de l'éternité bienheureuse. Ainsi est mort le père Bourgoing ; et voilà qu'étant arrivé dans la bienheureuse terre des vivants…, Bossuet, Bourgoing.
  • 17Ce qui a vie, ce qui est vivant. Après avoir reconnu qu'il doit exister une infinité de parties organiques vivantes qui doivent produire le vivant ; après avoir montré que le vivant est ce qui coûte le moins à la nature, je cherche quelles sont les causes principales de la mort, de la destruction, Buffon, Hist. anim. ch. II.
  • 18Le vivant, l'homme, l'animal tant qu'il vit. Portrait fait sur le vivant. Celle [une planche] de M. Edwards qui a été faite et retouchée à loisir d'après le vivant [il s'agit d'un faisan], Buffon, Ois. t. IV, p. 107.
  • 19Il se dit pour la vie, mais avec la préposition de. Ne désespère point du vivant de Caton, Corneille, Pomp. II, 2. On doit avertir les jeunes gens d'être sur leur garde quand ils lisent les histoires écrites du vivant des princes dont il est parlé, parce qu'il est rare que ce soit la vérité seule qui les ait dictées, Rollin, Traité des Ét. v, 3e part. I, 2. Il [Bacon] a été, comme c'est l'usage parmi les hommes, plus estimé après sa mort que de son vivant, Voltaire, Dict. phil. Fr. Bacon. Il [Newton] a eu l'avantage singulier de voir sa philosophie généralement reçue en Angleterre de son vivant, D'Alembert, Œuv. t. I, p. 281. Racine avait été enterré à Port-Royal, et le comte de Roucy dit : De son vivant il ne se serait pas fait enterrer là, Condillac, Art d'écr. II, 10.

    On dit dans le même sens : en son vivant. Au décès d'un lion, En son vivant prince de la contrée, La Fontaine, Fabl. VI, 6.

    En son vivant se trouve aussi dans d'anciennes épitaphes. Ci-gît un tel, en son vivant bourgeois, conseiller, etc.

HISTORIQUE

XIe s. Ne l'amerai à trestut mun vivant, Ch. de Rol. XXIV.

XIIe s. Curuz de rei n'est pas jus [jeu] de petit enfant ; Qu'il comence à haïr, seit pur poi u pur grant, Jamais ne l'amera en trestut sun vivant, Th. le mart. 38.

XIIIe s. Li daerrains vivans, soit li feme, partit contre les hoirs moitiet à moitiet, à droite parçon, Tailliar, Recueil, p. 451. N'a entour la forest remès [resté] homme vivant, Berte, CVII. Se le [la] dame fust morte au vivant de son fil, Beaumanoir, XIII, 15.

XVIe s. Le pays estoit purgé de tous turbulants et malvivants, Carloix, X, 16. Theseus en son vivant fut defenseur des oppressés, Amyot, Thés. 45. Il la feit transporter, qu'elle estoit encore vivante, en une autre maison, Amyot, Sylla, 71. Donne de l'eau vivante à ma bouche altérée, Desportes, Œuv. chrest. XVIII, Plainte. Tu ne meurs pas de ce que tu es malade ; tu meurs de ce que tu es vivant, Montaigne, IV, 271.

ÉTYMOLOGIE

Vivre ; wallon, vikan.