« bien », définition dans le dictionnaire Littré

bien

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

bien [1]

(biin ; l'n ne se lie jamais : ce bien est à moi, dites : ce biin est à moi, en donnant à biin la nasalité qui est dans in-digne, et non ce biin-n est à moi) s. m.
  • 1Ce qui est juste, honnête. Le bien et le beau. Le bien et la justice régnaient alors. Faire le bien. Se porter au bien. Il pratiqua le bien toute sa vie. Puissance pour le bien comme pour le mal. Des superbes mortels le plus affreux lien, N'en doutons pas, Arnauld, c'est la honte du bien, Boileau, Épître, III. Cette sagesse timide qui ne veut pas assurer que le bien soit bien, Guez de Balzac, Livr. VI, lett. 3. J'imagine à peine quelle sorte de bonté peut avoir un livre qui ne porte point ses lecteurs au bien, Rousseau, Hél. II, 18.

    Homme de bien, gens de bien, homme. gens d'une probité éprouvée, d'une véritable vertu.

    Femme de bien, femme dont la fidélité conjugale est irréprochable.

    Terme de métaphysique. Le souverain bien, le bien absolu, celui qui est infini en prix et en durée, et aussi Dieu. À moins que de traiter de l'immortalité de l'âme ou du souverain bien, Voiture, Lettr. 51.

  • 2Ce qui est dans la règle ou dans la convenance. Il y a du bien, il y a du mal dans cet ouvrage. L'ignorant ne trouve rien de bien que ce qu'il fait lui-même.
  • 3Ce qui est utile, avantageux, agréable. Pays fertile et abondant en toutes sortes de biens, Vaugelas, Q. C. 287. Un homme auquel vous avez fait tant de biens et à qui vous en avez enseigné encore davantage, Voiture, Lettr. 43. La vie est courte et ennuyeuse ; elle se passe toute à désirer ; l'on remet à l'avenir son repos et ses joies, à cet âge souvent où les meilleurs biens ont déjà disparu, la santé et la jeunesse, La Bruyère, 11. Il est si ordinaire à l'homme de n'être pas heureux, et si essentiel à tout ce qui est un bien d'être acheté par mille peines, qu'une affaire qui devient facile se rend suspecte, La Bruyère, ib. Cet hyménée Était un bien suprême à mon âme étonnée, Voltaire, Zaïre, III, 6. C'est le premier des biens pour mon âme attendrie, Voltaire, Fanat. II, 5. Le trépas est un bien qui finit nos misères, Voltaire, Dés. de Lisbonne. Nous rendre dans le bien, de plaisirs incapables, La Fontaine, Fabl. II, 13. Et le bien d'être libre aisément vous console De ce qu'a d'injustice un manque de parole, Corneille, Nicom. I, 2. Mon âme aurait trouvé dans le bien de te voir L'unique allégement qu'elle eût pu recevoir, Corneille, Cid, III, 4. Si le bien de vous voir m'était moins précieux, Corneille, Nicom. II, 2. Pour rendre à l'Aragon le bien de sa présence, Corneille, D. San. V, 3. Je ferais exprès ce voyage pour avoir le bien de vous embrasser, Guez de Balzac, liv. VI, lett. 2. Le dessein qu'a pris notre société pour le bien de la religion est de ne rebuter personne, Pascal, Prov. 6. Il serait utile au bien de la paix de représenter ces actes, Bossuet, Aut. eccl. En leur donnant [aux rois] sa puissance, il [Dieu] leur commande d'en user comme il fait lui-même, pour le bien du monde, Bossuet, Reine d'Anglet. J'ai le bien d'être de vos voisins, Molière, Éc. des mar. I, 5. M. de Noyon n'en eut que le bien devant Dieu [de s'être réconcilié avec M. de Caumartin] et l'honneur devant le monde, Saint-Simon, 24, 27.

    Avoir le bien, locution de politesse, en place de laquelle on dit plutôt aujourd'hui avoir l'avantage. Il s'est dit grand chasseur et nous a priés tous Qu'il pût avoir le bien de courir avec nous, Molière, Fâch. II, 7.

    Le bien public, l'utilité générale. Point de bien public auquel il ne se sacrifie, Massillon, Confér. Sacerdoce. L'amour du bien public empêchait le repos ; Les chefs encourageaient chacun par leur exemple, La Fontaine, Captivité de St. Malc.

    Les biens du corps, la santé, la force. Les biens de l'âme, les vertus. Les biens de l'esprit, les talents.

    Les biens temporels, les biens de ce monde, se dit par opposition aux biens éternels, c'est-à-dire ceux dont on jouit pour toujours dans une autre vie.

    Les biens de la terre, les productions du sol. Ce temps est contraire aux biens de la terre.

    Sentir son bien, avoir des sentiments dignes de sa naissance. Et Rominagrobis même ne saurait avoir meilleure mine et ne sentirait pas mieux son bien, Voiture, Lettr. 153. Locution qui a vieilli.

    Faire du bien à quelqu'un, le secourir, lui rendre service. Il est en votre pouvoir de faire du bien à une personne qui vous en demande, Voiture, Lettr. 60. Comme nous nous affectionnons de plus en plus aux personnes à qui nous faisons du bien…, La Bruyère, 4. Il ne cesse de faire du bien à ses citoyens, Bossuet, Hist. II, 6. Et qui fait bien à tous peut dormir sûrement, Rotrou, Bélis. II, 7. C'est un ordre des dieux qui jamais ne se rompt, De nous vendre bien cher les grands biens qu'ils nous font, Corneille, Cinna, II, 1. Votre Majesté ne se ferait pas grand tort, si elle me faisait un peu de bien, Scarron, Don Japhet, Épître au roi.

    Faire du bien à quelque chose, en procurer le développement, la prospérité. La paix fera du bien au commerce. Ce manquement de liberté ne ferait pas de bien à leur censure, Pascal, Prov. 3.

    Faire du bien, ayant pour sujet un nom de chose, être utile. Ce voyage lui a fait beaucoup de bien, a été utile à sa santé. Cette action lui a fait du bien, lui a donné de la considération, du crédit.

    Dire du bien de quelqu'un, d'un ouvrage, en parler avec éloge. Cela est assez ridicule que je dise tant de bien de ma fille, Sévigné, 2. Son frère lui a dit du bien de votre style, Sévigné, 141. J'avais dit beaucoup de bien de son cœur, Sévigné, 364. On m'a dit cent mille biens de vous, Sévigné, 27. Des gens qui lui en ont dit des biens, Sévigné, 450. On disait à Diogène du jeune homme tous les biens imaginables, Fénelon, Diog.

    Vouloir du bien à quelqu'un, vouloir le bien de quelqu'un, être bien disposé en sa faveur. Vous voulez du bien à ceux qui prennent ce soin, Molière, Sicilien, 7. Il faut briguer la faveur de ceux à qui l'on veut du bien, plutôt que de ceux de qui l'on espère du bien, La Bruyère, 4.

    On dit qu'une dame veut du bien à quelqu'un, quand elle a pour lui un sentiment tendre.

  • 4À bien, loc. adv. D'une façon qui réussit. Mener une entreprise à bien, faire qu'elle réussisse. Aller à bien, venir à bien, se terminer à bien, réussir. Puisse cette action se terminer à bien, Molière, le Dép. III, 4. La chose allait à bien par son soin diligent, La Fontaine, Fabl. VII, 10. Moyennant Dieu, l'enfant viendrait à bien, La Fontaine, Herm.

    Mettre à bien, s'est dit quelquefois ironiquement pour séduire, en parlant d'une femme. Encor faut-il du temps pour mettre un cœur à bien, La Fontaine, Joc.

  • 5En bien, locut. adverb. Avec honnêteté. On ne trompe point en bien, et la fourberie ajoute la malice au mensonge, La Bruyère, 11.

    En bien, d'une façon favorable. Prendre en bien, interpréter favorablement. Changement en bien. Ne citer ni en bien ni en mal. Ce mot peut être pris en bien comme en mal.

    En tout bien, tout honneur, c'est-à-dire à bonne fin, à bonne intention.

    Pour le bien, locution familière signifiant à bonnes intentions. Il a fait cela pour le bien. Toute feinte est sujet de scrupule à des saints ; Ce qu'ils font pour un bien leur semble être une offense, La Fontaine, Captivité de St-Malc.

  • 6Bienfait. Pour tant de biens il commande qu'on l'aime, Racine, Athal. I, 4. Le bien qu'on croit caché sort de la nuit obscure, Et le ciel tôt ou tard le paye avec usure, Ducis, Abufar, III, 6.
  • 7Ce qui appartient en propre à quelqu'un, tout ce qu'on possède. Bien patrimonial. Les biens meubles et immeubles. On convie, on invite, on offre sa maison, sa table, son bien et ses services : rien ne coûte qu'à tenir parole, La Bruyère, 4. Le prodigue de l'Évangile, qui veut avoir son partage, qui veut jouir de soi-même et des biens que son père lui a donnés, Bossuet, Anne de Gonz. Lorsque l'on a du bien, Molière, Éc. des mar. I, 2. Clitie avait aussi beaucoup de bien, La Fontaine, Fauc. Telles je les croirai quand ils auront du bien, Régnier, Sat. IX. L'embarras était le bien ; j'en avais grand besoin pour nettoyer le mien, Saint-Simon, 15, 168. Un rival odieux, Seigneur, vous enlevait le bien de vos aïeux, Voltaire, Tancr. III, 3. Les saints recommandent aux riches de partager avec les pauvres les biens de la terre, s'ils veulent posséder avec eux les biens du ciel, Pascal, Prov. 16.

    Par extension. L'Attique est votre bien…, Racine, Phèd. II, 2. Ma vie est votre bien, Racine, Baj. II, 1. Rome est à vous, seigneur, l'empire est votre bien, Corneille, Cinna. II, 1. Nos libertés, nos jours ne sont pas votre bien, Chénier M. J. Œdipe roi, III, 2.

    Bien de campagne, ou, absolument, bien, propriété rurale. Clitie à cinq cents pas de cette métairie Avait du bien, La Fontaine, Fauc.

    Familièrement. Avoir du bien au soleil, avoir des terres, des biens-fonds, des maisons.

    En termes de mer, le navire a péri corps et biens, c'est-à-dire la cargaison et les hommes ont péri.

PROVERBES

Nul bien sans peine.

Le mieux est l'ennemi du bien, c'est-à-dire on risque de gâter un ouvrage, une situation, en essayant trop de l'améliorer.

HISTORIQUE

XIe s. Serez ses hom [son homme] par honur et par ben, Ch. de Rol. III. Ne ben ne mal [il] ne respont [à] son neveu, ib. X. Deus, se lui plaist, à bien nous le mercie, ib. XXXVIII. Ensemble [nous] aurons et le ben et le mal, ib. CLVII.

XIIe s. Par amistié et par bien, [je] vous commande, Ronc. p. 130. Puisqu'en vous sont tout mal estaint Et tout bien à droit alumé, Couci, III. Les biens d'amour que j'ai atendus tant, ib. XII. Douce dame, d'orgueil vous defendez, Ne trahissez vos biens [qualités] ne vos beautez, ib. XI. Quant plus me truis [je me trouve] pensis et esgaré, Plus [je] me confort as biens dont ele est pleine, ib. Un petiz biens vaut mieux, si Diex me voie, Qu'on fait courtoisement Que cent greignor fait envieusement, ib. XVI. S'avec ces biens [beauté et courtoisie] [vous] acueilliez felonie, ib. XX. [Je] N'en oi [ouis] nului parler qui moult de bien n'en die, Sax. VII. El tuen bien plaisir sera exalced li notre corz [corne], Liber psalm. p. 127.

XIIIe s. Et de faire tout bien [elle] fu en grant convoitise, Berte, VI. Qui de bien est venus, drois est qu'à bien retraie, ib. VIII. Dame, ce dist Tybers, grans biens vous est venus, ib. XXIV. Et qu'à force [elle] leur tout [enlève] leur biens et leur richoise, ib. LXII. Quant [elle] parti de ma terre, de tous biens [qualités] estoit pleine, ib. LXXIV. [Dieu] Qui vous rende les biens que vous fais nous avez, ib. CXXXII. Car, amis, [je] ne prise une prune Contre ami les biens de fortune, la Rose, 8111. En tele maniere se pot on entremetre d'autrui service, tout n'i pensast on fors qu'à bien, Beaumanoir, XXIX, 12. Pour ce que il cuidoient avoir bien [récompense], il descendirent à pié, et l'alerent saluer là où il chaçoit aus bestes sauvages, Joinville, 235.

XIVe s. Instruments desquex l'on se peut aidier et en user en bien, Oresme, Eth. 21. Jà soit ce que les biens de fortune ont aucune foiz mestier ; et s'en aide l'en en aucunes nobles operacions, Oresme, ib. 24. Bien est ce que toutes choses desirent, Oresme, ib. 2. Ainsi doit dire cuer qui à bien veult penser, Et c'est toute la fin où li hons doit penser, Guesclin. 15178.

XVe s. L'endemain il fit faire et appareiller instruments et engins, pour plus fort assaillir le chastel, et bien dit qu'il ne s'en partiroit pour bien ni pour mal, si l'auroit à sa volonté, Froissart, I, I, 149. Sainte Marie, dis-je au chevalier, que vos paroles me sont agreables et que elles me font grand bien, Froissart, II, III, 12. De celle chose s'enfelonna le duc de Berry sur le comte de Foix, et n'en pouvoit le dit duc ouïr parler en bien devant lui, Froissart, ib. Grant bien me fait à m'y mirer, En actendant bonne esperance, Orléans, Bal. 35. Qui bien fera, bien trouvera, Orléans, Rondeau. Il voloit [voulait] du bien beaucoup au dict leur roy, nonobstant qu'ennemy feust à son cousin germain le roy Henry, Chastelain, Chron. des ducs de Bourg. II, ch. 46. Lequel, comme je croy, le fait pour vostre bien, et pour maintenir sa maison vive, Chastelain, ib. II, ch. 27. Et certes, on ne peut trop honorer ne faire de bien à un vaillant homme d'armes ; car moult en est le mestier perilleux, Bouciq. II, ch. 19. Il fault dire du bien le bien, Coquillart, Plaid. de la simple. À tout quarante ou cinquante gentilz hommes de Savoye, gens de bien, Commines, I, 3. Les hommes de bien et vertueux de cette avant-garde se tindrent ensemble, Commines, II, 10. Tous deux avoient autreffois receu bien du roy, Commines, I, 12.

XVIe s. J'ay ung merveilleux regret d'avoir perdu le bien de les voir si tost que je le desirois, Marguerite de Navarre, Lett. 84. La plupart des hommes attendent à faire des biens [aumônes, bonnes œuvres], lorsqu'ils se sentent assaillis de la mort, Marguerite de Navarre, Nouv. LV. Se servir d'une chose au bien de sa cause, Montaigne, I, 19. Ses biens furent confisqués, Montaigne, I, 39. Perdre son bien, Montaigne, I, 64. [Par sa mort] donner reputation en bien ou en mal à toute sa vie, Montaigne, I, 67. Des gents de bien, Montaigne, I, 128.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. ben, be ; espagn. bien ; portug. bem ; ital. bene. Bien ne peut pas venir de bonum ; à la vérité, dans le dialecte normand, bonus avait donné buen, comme homo, huem, et comes, cuens ; mais il n'y a aucun exemple que cet u y ait été changé en i. Il vient donc de bene, adverbe, mais adverbe transformé par les langues romanes en un substantif et même, comme dans un exemple du XIIe siècle (bien plaisir), en un adjectif.