« coutume », définition dans le dictionnaire Littré

coutume

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coutume

(kou-tu-m') s. f.
  • 1Manière à laquelle la plupart se conforment. Cela est passé en coutume. Cette vieille coutume en ces lieux établie, Corneille, Cid, IV, 5. La coutume ne doit être suivie que parce qu'elle est coutume, et non parce qu'elle soit raisonnable, Pascal, Vrai bien, 9. Aigris par la nécessité, emportés par les coutumes, Massillon, Car. Prière, I. Les coutumes d'un peuple esclave sont une partie de sa servitude ; celles d'un peuple libre sont une partie de sa liberté, Montesquieu, Esp. XIX, 27. Si ce n'est pas la religion, ce sont les coutumes qu'on y vénère au lieu des lois, Montesquieu, ib. II, 4. La coutume, la loi plia mes premiers ans à la religion des heureux Musulmans, Voltaire, Zaïre, I, 1. Ces raisons ne furent jamais senties dans une cour où la coutume était la loi suprême, Raynal, Hist. phil. VIII, 29. La coutume a sur les hommes une force qui n'a nullement besoin d'être appuyée de la raison, Fontenelle, Oracles, I, 7.
  • 2 Terme de jurisprudence féodale. Législation introduite par l'usage seul en certaines provinces, par opposition à droit écrit. La coutume de Normandie, de Bretagne. Le roi Pepin ordonna que partout où il n'y aurait point de loi, on suivrait la coutume, mais que la coutume ne serait pas préférée à la loi, Montesquieu, Esp. XXVIII, 13. Bientôt les coutumes détruisirent les lois, Montesquieu, ib. 12.

    Recueil de droit coutumier particulier à un pays. La coutume porte que… Sans cesse feuilletant les lois et la coutume, Boileau, Lutr. V. Cet avocat qui vient enseigner la coutume de Paris à St-Pétersbourg, Voltaire, Lett. à Cath. 143. Faire une coutume générale de toutes les coutumes particulières serait une chose inconsidérée, même dans ce temps-ci où les princes ne trouvent partout que de l'obéissance, Montesquieu, Esp. XXVIII, 37.

    Il s'est dit de certains péages et impôts. Payer la coutume.

    Terme de pêche. Poissons de coutume, redevance qu'on donne avant la vente au propriétaire du bateau ou au maître pêcheur.

  • 3Manière ordinaire d'agir, de se comporter, de parler, etc. Si c'est par instinct de nature Ou par coutume de m'aimer, Corneille, Héracl. V, 1. Sa coutume l'emporte et non pas la raison, Corneille, Cinna, II, 1. Contre sa coutume il ne peut me déplaire, Corneille, Hor. I, 3. Je n'en ferai pas ma coutume, Sévigné, 24. Vous savez sa coutume, et sous quelles tendresses Sa haine sait cacher ses trompeuses adresses, Racine, Mithr. I, 5. Le sénat aima mieux armer, contre sa coutume, 8000 esclaves que…, Bossuet, Hist. III, 6. Et tout ce qu'en semblable cas On est en coutume de dire, La Fontaine, Fiancée.

    Avoir la coutume, faire comme chose déterminée par une coutume. Les Anglais ont la coutume de finir presque tous les actes par une comparaison, Voltaire, Lett. à M. Maffei en tête de Mérope.

    Avoir coutume, faire d'ordinaire. Les gens qui ont coutume d'exagérer perdent bientôt toute créance, Régnier, dans BOUHOURS, Nouv. rem. Une dame de la première qualité se défit de tous les vains ornements dont elle avait coutume de se parer, Bouhours, Nouv. rem.

    De coutume, loc. adv. À l'ordinaire. Il en use comme de coutume. Il se porte mieux que de coutume. Et qu'étant loin de moi, quelque ombre d'amertume Vous fit trouver les jours plus longs que de coutume, Racine, Théb. II, 1.

    Avoir de coutume, locution vieillie pour avoir coutume. Pour vous ôter l'envie de nous faire courir toutes les nuits comme vous aviez de coutume, Molière, Scapin, II, 5. Plus librement que je n'ai de coutume, Descartes, Ép.

  • 4 Fig. En parlant des choses. Ce pommier a coutume de donner du fruit. Cette cheminée a coutume de fumer.

PROVERBES

C'est la coutume de Lorris, les battus payent l'amende, se dit quand un homme qui a sujet de se plaindre est encore condamné.

Une fois n'est pas coutume.

SYNONYME

1° COUTUME, HABITUDE. Coutume est objectif, c'est-à-dire indique une manière d'être générale à laquelle nous nous conformons. Au contraire, habitude est subjectif, c'est-à-dire indique une manière d'être qui nous est personnelle et qui détermine nos actions. L'habitude devient un besoin ; mais la coutume ne le devient jamais. Cependant on dira également : j'ai la coutume ou j'ai l'habitude de prendre du café, avec cette nuance cependant que avoir la coutume exprime seulement le fait que je prends ordinairement du café, tandis que avoir l'habitude exprime qu'un certain besoin s'y joint.

2° J'AI COUTUME, J'AI LA COUTUME. J'ai coutume de fumer, veut dire je fume d'ordinaire ; j'ai la coutume de fumer, veut dire que cela est entré dans mes coutumes. C'est cette nuance délicate il est vrai mais réelle qui fait que avoir coutume peut se dire des choses, tandis que avoir la coutume ne peut pas s'en dire. La rivière a coutume de déborder à cette époque de l'année ; mais elle n'en a pas la coutume.

HISTORIQUE

XIe s. Ço'st la custume en…, Lois de Guill. 4. Sa coustume est qu'il parole à leisir, Ch. de Rol. X.

XIIe s. Il vous a de chevage la costume requise, Sax. XXIII. Custume n'est pas dreiz, bien le poez veeir ; Kar chascuns riches hum, qui ne volt nul cremeir [craindre], Alieve sur sa gent custume à sun voleir, Th. le mart. 92.

XIIIe s. [Il y] Avoit une coustume ens au Tyois païs, Berte, V. Mainte male coustume [impôt] i ot ele establie, ib. LX. Dessur les marcheans [elle] fist coustume [impôt] asseïr, ib. LXIII. Chascun jour [il] l'avoit [cela] à coustume, Lai d'Ignaur. Ceste floiche ot fiere coustume, Douçor i ot et amertume, la Rose, 1883. Nous disons qu'il soit mis en trois pures defautes, toz sans les jors qu'il puet contremander et essonier par coustume, Beaumanoir, 48. La difference qui est entre coustume et uzage, si est que toutes coustumes font à tenir, Beaumanoir, XXIV, 3. Loys rois dit que costume doit valoir loi ; quant aucune doutance est de la loi, ele doit avoir l'autorité des choses qui toz jors sunt jugies, Liv. de just. 7.

XIVe s. Des choses justes, aucunes en y a qui semblent estre justes seulement par loy ou par coustumes et non pas par nature, Oresme, Eth. 111. Ainsi comme au pays est de coustume, Du Cange, avantagium. Oÿe la complainte qui nous a esté faite par la coustume [corps de métier] des tisserans, Du Cange, consuetudo. Cognoistre et determiner sommierement selon la coustume de la mer, Du Cange, ib.

XVe s. Un usage est en Angleterre, et aussi est-il en plusieurs pays, que les nobles ont grands franchises sur leur hommes et les tiennent en servage ; c'est à dire que ils doivent de droit et par coustume labourer, Froissart, II, II, 106. Ils avoient et ont de coustume encores d'aller…, Commines, II, 3. Coustume rend maistre et devient nature, Roman du Jouvencel, f° 80, dans LEROUX DE LINCY, Prov. t. II, p. 488.

XVIe s. La force de la coustume [habitude], Montaigne, I, 105. Ce que disent quelques coutumes : quand argent faut, finaison nulle, Loysel, 592. Entre enfans, n'y a qu'un droit d'ainesse… Toutefois, s'il y a diverses successions, coutumes ou bailliages, il prendra droit d'ainesse en chacune d'icelles, Loysel, 631. Une fois n'est pas coutume [ne suffit pas pour prouver la coutume], Loysel, 780. Il sortit de son logis, et s'en alla sur la place promener avec ses amis comme il avoit de coustume, Amyot, Aratus, 7. Us et coustumes, Amyot, Numa, 20. Coustume est ce qui a esté gardé d'ancienneté, Anc. coust. de Normandie, f° 21, dans LACURNE. Qui croiroit combien est grande et imperieuse l'authorité de la coustume, qui la dit estre une autre nature, ne l'a pas assez exprimé ; car elle fait plus que nature, elle combat nature, Charron, Sagesse, p. 336, dans LACURNE. Gasteau et mauvaise coustume se doivent rompre, Cotgrave Le loup alla à Rome, et y laissa de son poil, mais rien de ses coustumes, Cotgrave Les bonnes coustumes sont à garder, et les mauvaises à laisser, Leroux de Lincy, t. II, p. 332.

ÉTYMOLOGIE

Berry, cotume, couteume ; provenç. costum, s. m. et costuma, cosdumna, s. f. ; espagn. costumbre, s. f. ; portug. costume, s. m. ; ital. costume, s. m. et costuma, s. f. ; bas-lat. coustuma, dans un texte du commencement du VIIIe siècle. Il y a des distinctions à faire dans ces mots romans. Diez fait remarquer que les masculins ne peuvent venir directement de consuetudinem, et qu'il faut supposer que le suffixe s'est transformé en umen : consuetumen. Quant aux féminins en e : coutume et costumbre, ils viennent de consuetudinem, comme amertume, de amaritudinem. Enfin les féminins en a répondent à un pluriel neutre consuetumina (ces neutres pluriels deviennent souvent des noms féminins dans les langues romanes).