« ferme », définition dans le dictionnaire Littré

ferme

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ferme [1]

(fèr-m') adj.
  • 1Qui a de la consistance, de la dureté, par opposition à mou. Un terrain ferme. Un gâteau de pâte ferme. Ce poisson a la chair ferme. Comme les os se rendent plus fermes dans les endroits des ruptures, Bossuet, Sermons, jubilé, Pénitence, I.

    La terre ferme, le continent, ce qui n'est pas entouré d'eau, par opposition aux îles. Les vaisseaux s'abordaient par la proue ; on abaissait de part et d'autre des ponts-levis, et on se battait comme en terre ferme, Voltaire, Mœurs, 75.

    Particulièrement. Terre ferme, la partie des États de Venise qui était située sur le continent, par opposition à Venise et aux îles. Les nobles de terre ferme.

  • 2Qui tient fixement. Ce plancher est ferme. [La paix]… Et de la majesté des lois Appuyant les pouvoirs suprêmes, Fait demeurer les diadèmes Fermes sur la tête des rois, Malherbe, III, 2. La mer est dans un état ferme d'équilibre ; et, si, comme il est difficile d'en douter, elle a recouvert autrefois des continents aujourd'hui fort élevés au-dessus de son niveau, il faut en chercher la cause ailleurs que dans le défaut de stabilité de son équilibre, Laplace, Exp. IV, 12.

    Fig. Je ne sais s'il y a moyen de donner des règles fermes pour accorder les discours à l'inconstance de nos caprices, Pascal, Pensées, I, 3. Pour m'attacher à vous par de plus fermes nœuds, Th. Corneille, Ariane, II, 4. Il ne pouvait y avoir de paix ferme et durable que celle où toutes les parties trouvaient un avantage égal, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. v, p. 381, dans POUGENS. La justice, plus exactement rendue sous le règne d'Élisabeth que sous aucun de ses prédécesseurs, fut un des fermes appuis de son administration, Voltaire, Mœurs, 168. Orbassan de nos lois est le plus ferme appui, Voltaire, Tancr. I, 1.

  • 3Qui se tient sans chanceler. Être ferme sur ses pieds, à cheval.

    Être ferme sur ses étriers, se tenir d'aplomb à cheval.

    Fig. Défendre son sentiment, être immuable dans sa résolution.

    De pied ferme, loc. adv. Sans reculer. Attendre de pied ferme l'ennemi. Combattre de pied ferme. Contre nous de pied ferme ils tirent leurs alfanges, Corneille, Cid, IV, 3.

    En un sens particulier. Sans bouger d'un lieu. Il y a deux heures que je vous attends ici de pied ferme.

    Dans les manœuvres militaires, conversion de pied ferme, conversion dont le pivot est fixe.

    Fig. et familièrement. Attendre quelqu'un de pied ferme, l'attendre avec la résolution de lui résister, témoigner qu'on ne le craint pas.

    Terme de droit coutumier. Pied ferme. héritage affermé à longues années.

    Un pas ferme, un pas dans lequel le pied se pose avec solidité sur le sol.

    Fig. Avide de travaux, insensible aux délices, Il marchait d'un pas ferme au bord des précipices, Voltaire, Henr. IX.

    Terme de manége. Un cheval saute de ferme à ferme, il saute dans la même place.

  • 4Vigoureux, fort. Avoir la main ferme, les reins fermes. L'artère, qui devait avoir un battement si continuel et si ferme, Bossuet, Connaiss. II, 8.

    À la paume, avoir le coup ferme, pousser vigoureusement la balle.

    Avoir la main ferme, signifie aussi avoir une main qui ne tremble pas. Cet enfant, lorsqu'il écrit, n'a pas la main ferme.

    Fig. Tracer d'une main ferme le tableau d'une époque, le portrait d'un personnage, etc. raconter ces événements, faire ce portrait, etc. dans un style ferme.

    Il se dit dans un sens analogue de la santé. Malgré une constitution très ferme et une vie toujours très réglée, M. Méry se sentit tout d'un coup abandonné de ses jambes vers l'âge de soixante-quinze ans, Fontenelle, Méry. Le baron : Votre santé, monsieur ? - Forlis : Assez ferme ; et la tienne ? Boissy, Dehors tromp. II, 10.

  • 5Termes d'arts et de littérature. Qui a le caractère de la vigueur. Un burin ferme. Manière, exécution ferme. Le jeu de ce musicien est ferme.

    Style ferme, style qui a de la concision et de la force.

  • 6 Fig. Qui a de la solidité morale, qui ne se laisse ni changer ni détourner. L'esprit sacré qui te conseille Est ferme en ce qu'il a promis, Malherbe, VI, 2. Vous paraissiez plus ferme en vos intentions, Corneille, Cinna, III, 2. Oui, je lui dois assez, seigneur, quoi qu'il en soit, Pour vous payer pour lui de l'amour qu'il vous doit ; Et je vous le promets, entier, ferme et sincère, Corneille, Héracl. v, 3. Il [Annibal] m'a surtout laissé ferme en ce point D'estimer beaucoup Rome et ne la craindre point, Corneille, Nicom. II, 3. Je l'ai toujours connu ferme dans son devoir, Corneille, Œdipe, III, 4. Le plus ferme souvent manque à ce qu'il propose, Rotrou, Herc. mour. I, 6. Sitôt qu'il crut son fils ferme dans son devoir, La Fontaine, Oies. Tous les hommes ensemble ont été fermes dans cette pensée, sans que jamais personne y ait contredit jusqu'à ce temps, Pascal, Pesant. de l'air, Conclusion. Un cœur…noble pour s'élever au-dessus des passions et des intérêts, tendre pour assister les malheureux, ferme pour résister à l'iniquité, Fléchier, Lamoignon. Crois-tu que, toujours ferme au bord du précipice, Elle [la femme] marche toujours sans que le pied lui glisse ? Boileau, Sat. X. Je demeure ferme dans le dessein de quitter…, Maintenon, Lett. à l'abbé Gobelin, 6 août 1674. Louis avait le cœur ferme et l'esprit timide, Duclos, Hist. Louis XI, Œuv. t. III, p. 358, dans POUGENS. Avec une âme juste et ferme, j'ai désiré que mon enfant eût un esprit droit, éclairé, étendu, Diderot, Lett. à la comtesse de Coerbach, Œuv. t. III, p. 446, dans POUGENS. Deux cents de nos guerriers, amis fermes et sûrs, Delavigne, Vêpr. sicil. III, 6.

    Rester ferme, ne pas changer d'opinion. Mon bon homme, qui avait tant d'envie de voir le roi, resta ferme : je crains les monopoleurs, dit-il, Voltaire, Polit. et législation, Diatribe à l'auteur des éphém.

    En un sens péjoratif. Le ladre a été ferme à toutes les attaques, Molière, l'Av. II, 6.

  • 7 Particulièrement. Qui ne se laisse point abattre par l'adversité, intimider par le péril. Une âme ferme. L'ébranlement sied bien aux plus fermes courages, Corneille, Hor. I, 1. Il [Valentinien] était chaste, libéral, humain, ferme dans la mauvaise fortune, et modéré dans la bonne, Fléchier, Hist. de Théod. IV, 34. Je vous crois fort au-dessus des revers que vous avez essuyés ; toutes les âmes nobles sont fermes, Voltaire, Lett. de la Borde, 16 avr. 1770.
  • 8Il se dit des choses en un sens analogue. Une volonté ferme. Une ferme espérance. Une foi ferme. La vertu la plus ferme évite les hasards, Corneille, Poly. II, 4. C'est peut-être un dessein mal ferme que le sien, Corneille, Sertor. IV, 1. Louis XIV, après huit ans de désastres dans la guerre de la succession d'Espagne, prit la résolution ferme d'aller combattre lui-même à la tête de ce qui lui restait de troupes, quoique à l'âge de soixante-dix années, Voltaire, Mœurs, Fragm. sur l'hist. art. XVIII. Des actions fermes et des paroles simples, voilà le vrai caractère des anciens Romains, Voltaire, Comm. sur Corn. Rem. Pompée.

    Avoir le jugement ferme, l'esprit ferme, la tête ferme, avoir l'esprit solide et droit.

    Qui révèle de la fermeté. Regard, contenance, voix ferme. Voilà Ulysse lui-même ; voilà ses yeux pleins de feu et dont le regard était si ferme, Fénelon, Tél. IX.

  • 9 Terme de commerce et de bourse. Marché, achat, vente ferme, marché, achat, vente qui emporte obligation de faire ou de prendre livraison.

    Ferme contre prime, ou opération ferme contre prime, vente ferme et achat à prime.

    Terme d'administration. Marché à prix ferme, marché passé par les ministres avec les fournisseurs pour les approvisionnements de l'armée, etc.

  • 10Ferme, adv. D'une manière ferme, fortement. Tenir quelque chose bien ferme. Frapper ferme.

    Se tenir ferme, se tenir solidement. Polyclète, se penchant trop sur ses chevaux, ne put se tenir ferme dans une secousse, il tomba, Fénelon, Tél. v. Nous nous tenions ferme, de peur que, dans cette violente secousse [des vagues], le mât qui était notre unique espérance ne nous échappât, Fénelon, ib. VI.

    Faire ferme, s'arrêter dans une retraite, et tenir tête à l'ennemi. Le général Stenau fit ferme avec deux régiments, Voltaire, Charles XII, 2.

    Fig. [Il] Fit ferme quelque temps et puis se démentit, Tristan, M. de Chrispe, I, 3. Il faut faire ici ferme et montrer du courage, Corneille, Œdipe, v, 4.

    Il se dit aussi de la solidité d'un terrain. Vous trouverez de la consistance au milieu de l'inconstance des choses humaines… vous demeurerez immuables comme si tout faisait ferme sous vos pieds, Bossuet, Panég. St Benoît, 2.

    Tenir ferme, opposer une résistance vigoureuse. Toutefois il tient ferme et nous montre visage, Du Ryer, Scévole, I, 3. Tantôt, sur les rives de la Loire, suivi d'un petit nombre d'officiers et de domestiques, il court à la défense d'un pont, et tient ferme contre une armée, Fléchier, Turenne. Il tient ferme pourtant et ne perd point courage, Racine, Théb. v, 3.

    Fig. Il tint ferme contre la critique. En tout cas, je suis très assuré que vous tiendrez ferme au milieu des ruines publiques, Guez de Balzac, liv. I, lett. 3. Qu'il tienne ferme pour faire observer les lois, Fénelon, Tél. XI.

    Tenir ferme, ne pas renoncer à, ne pas abandonner. Tenons ferme dans l'espérance, Bossuet, Sermons, Ascension. 1.

    Parler ferme à quelqu'un, lui parler avec force, et de manière à lui en imposer. Vous me parlez bien ferme, et cette suffisance…, Molière, Mis. I, 2.

    Fort et ferme, avec force, avec ardeur, avec appétit, etc. On disputera fort et ferme de part et d'autre, Molière, Critique, 8. Comme il sentait une grande faim à son réveil, il mangea fort et ferme, Hamilton, Gramm. 9.

    Ferme, loc. interj. qui s'emploie pour exciter, encourager. Allons, ferme ! poussez, mes bons amis de cour, Molière, Mis. II, 5. Ferme ! continuez à ne vous pas entendre, Lachaussée, Préjugé à la mode, I, 4.

HISTORIQUE

XIIe s. Tant ai en li [elle] ferm assis mon corage, Qu'aillors [je] ne pense…, Couci, XI.

XIIIe s. Il lit le bref, car il rest [est] clers [clerc], Et de bien lire et haus et fers, Partonop. v. 2741. L'on li amaine un bon ceval… Bien afernés [garni de frein] et aaisiés, Et fers et en dos et en piés, ib. v. 9634. Quant ferme fut la pais et la guerre fenie, Audefroi le Bastard, Romancero, p. 12. La covenance [la promesse] est moult grans, ne je ne puis maintenant veoir ne penser comment elle puisse estre ferme, Villehardouin, LXXXVI. De peine et de travail [elle] dort si ferm et si dur, Berte, XLI. À Socrates seras semblables, Qui tant fu fers et tant estables, Qu'il n'ert liés [gai] en prosperités, Ne tristes en aversités, la Rose, 5872.

XIVe s. Dieu doint à nostre duc faire tele aiance De gens fermes, entiers, et de si grant puissance, Que des anemis puissent prendre entiere vengeance, Complainte sur la bat. de Poitiers, Bibl. des chartes, 3e série, t. II, p. 263. Vertu est une ferme qualité de l'ame, par laquelle qualité nous sommes enclins à eslire le moyen entre excès et deffaute, Oresme, Eth. 46.

XVIe s. S'estant fichez la vue ferme l'un contre l'aultre, Montaigne, I, 102. Il fault avoir les reins fermes pour entreprendre de…, Montaigne, I, 55. Je marche plus seur et plus ferme à mont qu'aval, Montaigne, I, 161. Une viande massive et ferme [une nourriture solide], Montaigne, I, 189. J'avois une santé ferme et entiere, Montaigne, I, 195. Il le nioit fort et ferme, Montaigne, I, 323. Les dogmatistes les plus fermes sont contraincts, en cet endroict, de…, Montaigne, II, 304. Ce n'est point une isle, ains terre ferme et continente avecques…, Montaigne, I, 232. Quand ce venoit à choquer de près à pied ferme, les ennemis avoient avantage sur eulx, Amyot, Philop. 13. Il les rendit encore plus fermes en l'alliance des Romains, Amyot, Flam. 30. Il fut contraint à faire quelque ferme, et là prit prisonniers de ceux qui le pressoient, D'Aubigné, Hist. III, 232.

ÉTYMOLOGIE

Bourguign. farme ; provenç. ferm ; espagn. et portug. firmo ; ital. fermo ; du lat. firmus, qui est rapporté au sanscrit dhar, dhrĭ, tenir étroitement, soutenir.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. FERME.
9Ajoutez :

Vendeur ferme, celui qui vend effectivement, par opposition à celui qui vend la marchandise sans l'avoir, et qui n'est que commissionnaire.

Fig. et par application du terme de bourse à la politique. Il y en a deux [propositions] : l'une, celle de la commission, qui consent à la prorogation des pouvoirs, avec une condition suspensive ; l'autre, qui vous demande la prorogation ferme, toujours avec la perspective des lois constitutionnelles ; mais cette condition n'altérera pas le caractère définitif de la prorogation des pouvoirs, Journ. offic. 19 nov. 1873, p. 7040, 2e col. … et qu'il vous demande de le proroger dès à présent, d'une manière ferme, qu'il advienne ou qu'il n'advienne pas de constitution, J. Grévy, Journ. offic. 20 nov. 1873, p. 7082, 2e col.

Ajoutez :
11Commandement pour déterminer un mouvement dans certaines manœuvres d'artillerie qui nécessitent le concours des efforts simultanés de plusieurs hommes. Dressez la pièce : ferme !
12 S. m. Le ferme, le sol ferme, consistant. Les fouilles faites à l'extérieur de la première tour furent poussées à quatre mètres de profondeur pour atteindre le ferme, Rev. d'anthr. t. IV, p. 507.