« haleine », définition dans le dictionnaire Littré

haleine

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

haleine

(a-lè-n') s. f.
  • 1L'air qui sort des poumons, pendant l'expiration. Une douce haleine. Une haleine forte, une haleine qui a une odeur désagréable. Il y avait beaucoup de monde et les haleines échauffaient la salle. À grand'peine ose-t-il son haleine tirer, Régnier, Élég. V. Embaumé d'une haleine Plus douce que l'œillet, Régnier, Dial. Un homme remue la langue, pousse son haleine, Descartes, Monde, 1. Leurs yeux [de dragons] sont tout de flamme, et leur brûlante haleine D'un long embrasement couvre toute la plaine, Corneille, Tois. d'or, I, 4. Ma femme a eu horreur de mon haleine, Sacy, Bible, Job, XIX, 17. La fraîcheur de ses chairs, l'éclat de son coloris, la blancheur de ses dents, la douceur de son haleine, Rousseau, Confess. VII.

    Retenir son haleine, suspendre momentanément sa respiration ; et fig. ne faire aucun bruit. Ne soufflez mot, retenez votre haleine ; Tremblez, enfants, vous qui jurez parfois, Béranger, Préf.

    Par plaisanterie. Cet homme serait bon trompette, il a l'haleine forte, se dit, par un jeu de mot sur haleine, de celui dont l'haleine sent mauvais.

  • 2La faculté de respirer. Ce cheval a beaucoup d'haleine et de vigueur. Tout hors d'haleine il prend pourtant sa place, Corneille, Horace, IV, 2. Enfin, perdant haleine après ces grands efforts, Corneille, Pomp. V, 3. Dorante, arrêtons-nous, le trop de promenade Me mettrait hors d'haleine, et me ferait malade, Corneille, le Ment. II, 5. Je me suis à courir presque mis hors d'haleine, Molière, Fâch. II, 3. Où courez-vous ainsi tout pâle et hors d'haleine ? Racine, Athal. II, 2.

    Sans haleine, succombant à la fatigue, presque évanoui. Malheureux, laisse en paix ton cheval vieillissant, De peur que tout à coup, efflanqué, sans haleine, Il ne laisse en tombant son maître sur l'arène, Boileau, Épître X. Le vieillard, accablé de l'horrible Artamène, Tombe aux pieds du prélat sans pouls et sans haleine, Boileau, Lutr. V.

    À perdre haleine, à perte d'haleine, en allant jusqu'à s'essouffler, en faisant de grands efforts. Riez si vous voulez jusqu'à perte d'haleine, Vous pouvez en crever, sans que j'en sois en peine, Hauteroche, les Appar. tromp. III, 8. La grandeur humaine Est une ombre vaine Qui fuit ; Une âme mondaine à perte d'haleine La suit, Et pour cette reine Trop souvent se gêne Sans fruit, Ancien lai, cité dans quelques traités de versification. Dans le bachique transport, Chacun à perte d'haleine Voudra faire un rouge bord, La Fare, Ode 8. Sois gai pour tromper l'ennemi, Et chante à perdre haleine…, Béranger, Faridond.

    Fig. Faire des discours, tenir des discours à perte d'haleine, faire des discours vains et interminables.

    Prendre haleine, respirer à son aise. Rodrigue a pris haleine en vous la racontant, Corneille, Cid, IV, 5. Ma foi, prenons haleine après tant de fatigues, Molière, l'Ét. III, 5. Mais c'est assez parlé ; prenons un peu d'haleine, Boileau, Sat. VII. Il laissa prendre un peu d'haleine à son cheval, Hamilton, Gramm. 5.

    Fig. Prendre haleine, prendre repos et forces. Laisse-moi prendre haleine, afin de te louer, Corneille, Cid, III, 6. Au sortir de Pharsale un si grand capitaine Saurait mal son métier s'il laissait prendre haleine, Corneille, Pomp. II, 4. Souffrez que nous prenions haleine parmi le beau monde de Paris, Molière, les Préc. 5.

    Reprendre son haleine, recommencer à respirer après une interruption accidentelle plus ou moins longue.

    Fig. Reprendre haleine, se reposer, reprendre des forces. J'ai pu reprendre haleine, et, sous de faux apprêts…, Corneille, Rodog. II, 2. C'est le seul lieu où vous pouvez reprendre haleine, Sévigné, 464. En voilà assez pour reprendre haleine, Bossuet, Lett. abb. 127.

    Donner haleine à son cheval, le mener quelque temps au pas, après l'avoir fait galoper.

  • 3La faculté d'être un certain temps sans respirer. Il faut qu'un plongeur ait beaucoup d'haleine. Avoir l'haleine longue, l'haleine courte.

    Fig. Quand on demande des grâces aux puissants de ce monde, et qu'on a le cœur bien placé, on a toujours l'haleine courte, Marivaux, dans DESFONTAINES.

    Tout d'une haleine, sans reprendre haleine. Boire un grand coup tout d'une haleine.

    Fig. Ne me grondez point sur la longueur de mes lettres, je ne les écris point tout d'une haleine, je les reprends, et, bien loin de me donner de la peine, c'est mon unique plaisir, Sévigné, 334.

    Débiter, réciter un discours tout d'une haleine, sans s'arrêter.

    Fig. D'une haleine, de suite, sans interruption. [Éléphant de pierre] Le porter, d'une haleine, au sommet de ce mont Qui menace les cieux de son superbe front, La Fontaine, Fabl. X, 14. Voilà la carrière que vous parcouriez d'une haleine, Rousseau, Ém. III.

    Période de longue haleine, phrase longue à prononcer.

    Fig. De longue haleine, qui exige temps et efforts. Un ouvrage de longue haleine. Je crains fort de vous voir un procès de longue haleine contre M. de Cîteaux, Maintenon, Lett. à Mme de la Vief ville, 18 juin 1707. Les Italiens réussirent surtout dans les grands poëmes de longue haleine ; genre d'autant plus difficile que l'uniformité de la rime et des stances, à laquelle ils s'asservirent, semblait devoir étouffer le génie, Voltaire, Mœurs, 121.

    D'haleine, s'est dit pour de longue haleine. Je suis toujours le même, haïssant les ouvrages d'haleine, La Chapelle, les Am. de Catulle, I, 2. C'est lors qu'il court d'haleine et qu'en pleine carrière, Quittant souvent la terre en quittant la barrière, Puis d'un vol élevé se cachant dans les cieux, Il rit du désespoir de tous ses envieux, Corneille, Excuses à Ariste.

    Courte haleine, essoufflement, respiration difficile et fréquente. Je suis quitte de la fièvre, mais non de la courte haleine ou asthme, Nicole, Essais, t. VII, p. 300, dans POUGENS. L'auteur n'a pas la courte haleine, s'il prononce, sans respirer, ses périodes, Voltaire, Lett. d'Argenson, 8 fév. 1745.

    Fig. et familièrement. Cet auteur a la courte haleine ou l'haleine courte, il a peu de facilité et d'abondance.

    Terme de manége. Cheval gros d'haleine, ou court d'haleine, cheval qui souffle extraordinairement quand il galope, quoiqu'il ne soit pas poussif.

  • 4Il se dit des vents. Les vents retenaient leurs haleines, Fénelon, Tél. II. Sitôt… Que des zéphyrs nouveaux les fécondes haleines…, Regnard, Satire contre les maris. Quand des vents du midi les funestes haleines De semences de mort ont inondé nos plaines, Voltaire, Loi natur. 2e part. Quand la douce haleine du printemps a tapissé les forêts de verdure, Buffon, Morceaux choisis, p. 293. Chaque saison lui [au soleil] doit les attraits qu'elle étale ; Le printemps, les parfums que son haleine exhale, Delavigne, Paria, I, 5. Où vont ces rapides nuages, Que roule à flocons d'or l'haleine des autans ? Lamartine, Harm. I, 10.

    Dans le langage ordinaire, haleine de vent, un léger souffle. Il ne fait pas une haleine de vent.

  • 5 Fig. Force, capacité. On doit selon sa force entreprendre la peine, Et se donner de ton autant qu'on a d'haleine, Régnier, Sat. VI. Moi qui n'ai ni l'esprit, ni l'haleine assez forte, Pour te suivre de près, Régnier, Sat. IX. Je n'eus assez d'haleine à si grand exercice, Régnier, Élég. IV. Au bout d'une carrière et si longue et si rude, On a trop peu d'haleine et trop de lassitude, Corneille, Au roi, sur son retour de Flandre.
  • 6En haleine, loc. adv. En exercice, en habitude de travailler soit de corps, soit d'esprit. Pour me remettre en haleine, Molière, Amph. I, 2. Son dessein est de les [ses disciples] tenir toujours en haleine, et de les empêcher d'être jamais satisfaits d'eux-mêmes, quelque fidélité qu'ils puissent avoir eue pour les pratiques de leur règle, Bossuet, Panég. St Benoît, 3. Mes chevaux s'animèrent et se mirent peu à peu en haleine, Fénelon, Tél. V. Ces petites affaires-là tiennent la vieillesse en haleine, et repoussent l'ennui qui cherche toujours à s'emparer des derniers jours d'un pauvre homme, Voltaire, Lett. Richelieu, 20 juin 1771. Un de mes centurions se battait tous les matins contre son signe pour se tenir en haleine, Voltaire, Memmius, IX. Je crois qu'un ordre exprès des cieux Tient en haleine la sagesse, Béranger, Deo gratias.

    Fig. Tenir quelqu'un en haleine, signifie quelquefois tenir dans un état d'incertitude mêlé d'espérance et de crainte. Détruire tout l'espoir qui les tient en haleine, C'est les perdre…, Corneille, Sertor. IV, 2. Toutes ces considérations tenaient tout le monde en haleine, pour apprendre en quoi consistait donc cette diversité, Pascal, Prov. III.

    Être en haleine, être en train de faire quelque chose. Achevons, puisque nous sommes encore en haleine.

    Être en haleine, signifie aussi être en bonne disposition pour faire quelque chose. Il faut que j'interrompe mon travail, je ne suis pas en haleine, je n'avance pas. Il ne faut d'ordinaire pour ces expéditions que trouver les postes bien fournies, être en haleine, ou s'être pourvu de relais, Hamilton, Gramm. 5.

    Terme de manége. N'être pas en haleine, se dit d'un cheval qui est demeuré longtemps à l'écurie.

  • 7Haleine de Jupiter, le diosme.

HISTORIQUE

XIe s. Ce dist li reis : cel cor a longue aleine, Ch. de Rol. CXXXIII.

XIIe s. Forz fu l'alene [du cor], la voix en fut moult granz, Ronc. p. 84.

XIIIe s. Et quant l'aleine douce vente Qui vient de cel douz païs Où cil est qui m'atalente…, Dame de Faiele, dans Couci. À cest mot [elle] chet pasmée sans vois et sans aleine, Audefroi le Bastard, Romancero, p. 16. Mais li vilains s'est efforciez, Si a repris cuer et alaine, Ren. 2450. Tant qu'il est à la grosse alaine, la Rose, 9421. S'el set qu'ele ait mauvese alaine, Ne li doist estre grief ne paine De garder que ja ne jeüne, Ne qu'el ne parole jeüne, Et gart s'el puet si bien sa bouche, Que près du nez as gens ne touche, ib. 13549. Douce alene ot et savorée, ib. 535. …il [Narcisse] ot soif por l'aspreté Du chault, et por la lasseté Qui li ot tolue [ôté] l'alaine, ib. 1485. Li lox [loup] li ala demander De s'alene, s'ele ert [était] puanz, Ou s'ele estoit souef oulanz [ayant odeur suave], Marie de France, Fable 37.

XVe s. Là put-on voir grand foison de beaux faits d'armes et de durs rencontres… et en avoient le meilleur ceux qui pouvoient bien porter longuement haleine, Froissart, II, III, 33. Et poussoient de leurs glaives si roidement là où ils se atteignoient que ils se mettoient jusques à la grosse alaine [combat des Anglais et des Français à la Rochelle], Froissart, II, II, 43. Plusieurs ont perdu la journée, Mains barons, ducs, contes et roys, De n'avoir alaine gardée ; Que, quant ce vient à la meslée, Et que ung hons est hors d'alaine, Sa vertu si est demourée, Et nen est sa force certaine, Myst. du siége d'Orléans, p. 766. Le Turq fist sa bataille arrester pour veoir l'ordonnance des chrestiens et pour tenir eulx et tous leurs chevaulx en alaine, J. de Saintré, ch. 61. Puis autrefois couroit ou alloit longuement à pied, pour s'accoutumer à avoir longue haleine et souffrir longuement travail, Bouciq. I, 3. Alors le roy, qui l'avoit souffert parler tout à son ayse et d'une alayne, Chastelain, Chron. I, 28. Le dit comte marcha tout d'une boutée, sans donner aleyne à ses archiers, Commines, I, 3.

XVIe s. Quelqu'ung l'admonesta à demye alaine d'ung grand hanap plain de vin, Rabelais, Pant. II, 14. Je me recouppe si souvent à faulte de haleine, Montaigne, I, 103. Nul loisir de se reposer et prendre haleine, Montaigne, I, 357. Il faut reserver d'embesongnement et d'occupation autant seulement qu'il en est besoin pour nous tenir en haleine, Montaigne, I, 384. Se voiant pressé par les Suisses et n'ayant plus d'haleine, il tourna, lui dixiesme, aux coups d'hallebarde, D'Aubigné, Hist. II, 306. Ils ne prirent haleine de leur fuitte que quand leurs chevaux la perdirent, D'Aubigné, ib. III, 55. Ils contoient les amorces sans ouir un seul coup, quoiqu'il ne fit aucune haleine de vent, D'Aubigné, ib. III, 240. Le marquis lui vint au devant un peu en forte halaine, pour lui aprendre qu'il venoit d'estre pressé par 400 chevaux, D'Aubigné, ib. 353. …Si aussi elle a les dents gastées, et si elle a l'haleine forte, Paré, XVIII, 23. Il avoit la langue empeschée et l'haleine courte, Amyot, Démosth. 9. Il [Démosthène] renforça sa voix à courir contre mont des cousteaux qui estoient droits et roides, en prononceant quant et quant à la grosse haleine quelques harengues, Amyot, ib. 16.

ÉTYMOLOGIE

Voy. HALENER ; Berry, halein, s. m. ; provenç. alen, s. m. et alena, s. f. ; anc. ital. alena ; ital. mod. lena.