« parer », définition dans le dictionnaire Littré

parer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

parer

(pa-ré) v. a.
  • 1Apprêter certaines choses de manière à leur donner meilleure apparence, à les rendre plus commodes (ce qui est le sens étymologique et propre). Mon fils a des ouvriers ; il a fait parer, comme on dit ici [en Bretagne] ses grandes allées, vraiment elles sont belles, Sévigné, 18 sept. 1689.

    Les fruitières parent leur marchandise en mettant les plus beaux fruits au-dessus du panier.

  • 2 Terme de maréchalerie. Parer le pied du cheval, enlever avec le rogne-pied et le boutoir la corne qui donne au pied un excès de longueur.

    Niveler la surface plantaire du pied pour recevoir l'application du fer.

  • 3 Terme de jardinage. Rogner légèrement les racines, les branches d'un végétal qu'on plante. Après les avoir enlevés de la pépinière [les jeunes plants], on peut parer les racines sans aucun inconvénient, Genlis, Maison rust. t. III, p. 221, dans POUGENS.
  • 4 Terme de marine. Parer quelque chose, mettre en ordre une chose qui sert dans un navire. Parer l'ancre, le câble, les manœuvres.

    Parer la carène, en rendre la surface régulière, en enlever les aspérités.

    Pare à virer, prépare tout pour virer, commandement fait par celui qui préside à la manœuvre, au moment où le navire va virer de bord.

    Pare manœuvre, commandement qui a pour but de faire lover toutes les manœuvres qui ont été déployées dans un virement de bord.

    Pare à mouiller, commandement pour que tout soit disposé à l'effet de laisser tomber l'ancre.

    Pare au grain ! pare ! s'est dit pour commander aux matelots de se tenir prêts pour amener les voiles, à l'approche d'un grain.

  • 5Parer le cidre, le poiré, le faire fermenter, pour lui ôter le goût douceâtre.
  • 6 Terme de boucherie. Parer les viandes, ôter les peaux et les graisses superflues.

    Parer un agneau, lever la graisse qui est sur la peau et l'étendre sur le quartier de derrière.

    En termes de cuisine, parer des côtelettes, en enlever, pour les faire cuire, tout ce qui en est moins bon. Parer des poires, des pommes, les peler.

  • 7 Terme de mégissier. Parer un cuir, une peau, donner une certaine façon au cuir, à la peau.
  • 8 Terme de relieur. Ôter avec le couteau les extrémités et quelquefois le dos d'un morceau de peau dont on veut couvrir un livre.
  • 9 Terme de jeu de paume. Parer la balle de volée, rendre la balle en la frappant avant qu'elle ait touché à terre.
  • 10 Terme de pêche. Tenir la senne au fond de l'eau.
  • 11Orner, embellir (ce qui est aussi une sorte de préparation d'arrangement). Parer une maison, une chambre. Je vois d'ici… votre clocher, que vous avez paré d'une balustrade qui doit faire un très bel effet, Sévigné, 24 juill. 1680. Toute la nature s'épuise pour la parer [une femme vaine], Bossuet, la Vallière. Quelle erreur à une chrétienne, et encore à une chrétienne pénitente, d'orner ce qui n'est digne que de son mépris, de peindre et de parer l'idole du monde ! Bossuet, Anne de Gonz. Tantôt à vous parer vous excitiez nos mains, Racine, Phèdre, I, 3. Relevez, relevez les superbes portiques Du temple où notre Dieu se plaît d'être adoré ; Que de l'or le plus pur son autel soit paré, Racine, Esth. III, 9.

    Fig. Vous avez perdu votre bon et fidèle ami le duc de Saint-Aignan… il avait un air et une manière qui parait la cour, Sévigné, à Bussy, 17 juin 1687. Ses rois [de la Grèce], à vous ouïr, m'ont paré d'un vain titre, Racine, Iphig. IV, 6. Plus d'autres ont paré le vice, Plus je dois parer la vertu, Lamotte, Odes, t. I, p. 418, dans POUGENS. Né sous un ciel sauvage et nourri loin des cours, On ne m'a point appris à parer mes discours, Ducis, Othello, I, 7.

  • 12Éviter, détourner (par une dérivation du sens d'arranger, disposer). Parer une botte. Cent coups étaient portés et parés à l'instant, Voltaire, Henr. x. Je n'eus que le temps de me mettre en défense, et de parer le coup qui m'était porté, Duclos, Œuv. t. VIII, p. 122.

    Absolument. Parer et porter en même temps. Tu me pousses en tierce avant de me pousser en quarte, et tu n'as pas la patience que je pare, Molière, Bourg. gent. III, 3.

    Terme d'escrime. Parer du corps, détourner le corps de la ligne par où le coup doit passer.

    Parer de la pointe, écarter avec la pointe l'arme de l'adversaire de la ligne du corps.

    Parer en quarte, détourner l'épée de son adversaire, sur un coup qu'il porte dedans et sous les armes.

    Fig. Parer un coup, une botte, se défendre d'un mauvais office, d'une demande fâcheuse, importune. Et ce n'est qu'en fuyant qu'on pare de tels coups, Corneille, Hor. II, 7. Et ce sont de ces coups que l'on pare en fuyant, Molière, Tart. V, 6. Je me tiens trop heureux D'avoir paré le coup qui vous perdait tous deux, Racine, Mithr. V, 4. Son épître dédicatoire [de le Franc de Pompignan] est pire que son discours à l'Académie ; ce sont là de ces coups qu'il faut parer, Voltaire, Lett. d'Alembert, 20 oct. 1761.

    Fig. Détourner, empêcher. Vous ne pouvez enfin qu'aux dépens de sa tête Mettre à l'abri la vôtre et parer la tempête, Corneille, Pomp. I, 1. Et songeons à parer ce fâcheux mariage, Molière, Tart. II, 4. J'ai fait sagement de parer la déclaration d'un désir que je ne suis pas résolu de contenter, Molière, Amour méd. I, 5. Et quand, par les plus grandes précautions du monde, vous aurez paré tout cela, Molière, Fourber. II, 8. Il faut arranger ses pièces et ses batteries, avoir un dessein, le suivre, parer celui de son adversaire, La Bruyère, VIII. Ma mère craignait pour moi le sort des jeunes gens qui se trouvent leurs maîtres de bonne heure ; mon père, né en 1606, ne pouvait vivre assez pour me parer ce malheur, Saint-Simon, I, 20. Ce sont des vices qui ont paré le mal que pouvaient faire d'autres vices, Condillac, Étud. hist. II, 2. Pour parer cet inconvénient, on vous propose de partager le sénat, Rousseau, Pologne, 7.

  • 13 Terme de marine. Parer un abordage, l'éviter.

    Parer un cap, le doubler.

    Être paré, avoir échappé à quelque péril. Nous sommes parés.

    Absolument. Ce vaisseau a paré, en parlant d'un écueil, d'un danger qu'il a évité.

  • 14Mettre à couvert de, défendre (avec la préposition de ou la préposition contre). Cela vous parera de la pluie, du soleil. Rien ne m'en a su parer [de la mort], Malherbe, VI, 13. Rien ne m'a pu parer contre ces derniers coups, Racine, Bajaz. II, 5. Le bois que vous plantez parera quelque jour votre maison contre le vent du nord, Dict. de l'Acad.
  • 15 V. n. Se garantir de, remédier à. Avec les armes de la foi, il pare à tous les coups, il résiste à toutes les attaques, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 229. On ne peut pas parer à des événements qui naissent continuellement de la nature des choses, Montesquieu, Espr. x, 13. Je vais… parer à ce coup imprévu, Collin D'Harleville, Vieux célib. V, 3. Éclairé par les fautes où l'on est tombé, il ne se contente pas de parer à quelques inconvénients, Condillac, Hist. anc. Lois, ch. 16.
  • 16 Terme de manége. Parer sur les hanches, se dit du cheval qui se soutient sur le derrière en galopant.

    S. m. Le parer, arrêt relevé du cheval. Un beau parer.

  • 17Atteindre la maturité, en parlant de fruits que l'on a cueillis avant qu'ils fussent tout à fait mûrs et que l'on laisse mûrir dans le fruitier. Ces poires n'ont pas encore paré, ne sont pas encore parées. Faire parer les fruits, les poires, etc.
  • 18 En termes de marine, se parer, v. réfl. Se parer ou être paré à faire quelque chose, s'y préparer.
  • 19Se parer, faire une toilette recherchée. Presque tous ceux qui déclament contre les femmes qui se parent iraient les prier de reprendre leurs ajustements si elles cessaient de s'en servir, Saint-Évremond, dans RICHEMONT. Un jeune homme qui aime à se parer vainement comme une femme, est indigne de la sagesse et de la gloire, Fénelon, Tél. I. Chez les femmes, se parer et se farder n'est pas, je l'avoue, parler contre sa pensée ; c'est plus aussi que le travestissement et la mascarade, où l'on ne se donne point pour ce que l'on paraît être, La Bruyère, III. Par respect pour la terre, en revoyant le port, Tous ils [les marins] se sont parés de leurs habits de fête, P. Lebrun, Voy. de Grèce, I, 4.

    Être orné, embelli. J'espérais que l'éclat dont le trône se pare Toucherait vos désirs plus qu'un objet si rare, Corneille, Rodog. I, 5. Les noms les plus fameux dont se pare l'histoire, Corneille, Perthar. II, 5. Aux feux inanimés dont se parent les cieux, Il rend de profanes hommages, Racine, Esth. II, II, 9.

  • 20Faire parade. Et sans plus te parer d'une vertu forcée, Corneille, Héracl. III, 3. Sachez que j'ai le cœur trop bon pour me parer de quelque chose qui ne soit point à moi, Molière, l'Avare, V, 5. Nous la considérâmes [votre lettre] comme une pièce digne d'être gardée, pour s'en parer dans de pareilles occasions, Sévigné, 16 oct. 1676. Hé bien ! sans me parer d'une innocence vaine, Racine, Mithr. III, 2. Du zèle de ma loi que sert de vous parer ? Racine, Athal. I, 1. Sans se parer à tout propos des lumières de son esprit, Hamilton, Gramm. 7.

    Fig. Se parer des plumes du paon, des plumes d'autrui, tirer vanité de ce qui appartient à autrui. Il est assez de geais à deux pieds comme lui Qui se parent souvent des dépouilles d'autrui Et que l'on nomme plagiaires, La Fontaine, Fabl. IV, 9.

    Se parer de quelqu'un, tirer vanité de la connaissance, de l'appui de quelqu'un. Elle a une nouvelle amie à Vitré dont elle se pare, parce que c'est un bel esprit qui a lu tous les romans, et qui a reçu deux lettres de la princesse de Tarente, Sévigné, 57. On se pare fort de M. Tronson, Bossuet, Lett. quiét. 90.

  • 21Se mettre à couvert de, se défendre contre. Mais certes, c'est en vain qu'on a recours aux charmes Pour éteindre les feux et se parer des armes De ce dieu si petit et si grand en tous lieux, Racan, Bergeries, Polysthène, I, 2. Toutes les mesures qu'il prend pour se parer du malheur qu'il craint…, Molière, Critique, 7. Quoi ! de votre poursuite on ne peut se parer ? Molière, Tart. IV, 5. De ce coup imprévu songeons à nous parer, Racine, Athal. v, 2.

HISTORIQUE

XIe s. D'or e de gemmes fut li sarqueus [cercueil] parez Pur cel saint cors qu'il i deivent porter, St Alexis, CXVIII.

XIIe s. E li maschun Salomun e li maschun Yram les taillerent [les pierres] et parerent, juinstrent [joignirent] e acuplerent de primes à munz, Rois, p. 245. Les chasteaux fist tout enforchier, Fossez parer, murs redreschier, Wace, dans DU CANGE, parare.

XIIIe s. Semence de coins, cumin, amandes parées, Alebrand, f° 7. Et les dames parées contre l'avenement [pour la circonstance], Berte, IX. Venue [elle] est à la serve, qui git au lit paré, ib. X. Nus foulons ne puet ne ne doit parer drap qui ne soit parés bien et loiaument, Liv. des mét. 134. Nus [nul] barillier ne puet [peut] over de nul fust, se il n'est ses [sec], c'est à savoir après ce que li baris ait esté parés un mois avant qu'on mete la ferreure, ib. 103. Et de l'iauve simple bevoient, Sans querre piment ne claré, N'onques ne burent vin paré, la Rose, 8419. [Foi et charité] C'on soloit jadis si chierir Que li preudoume s'en paroient, Baudouin de Condé, t. I, p. 4.

XIVe s. Se vous avez des espices, si soient broyées avec [la moutarde], et après la laissier parer, Ménagier, II, 5. Li rois ne trova pas qui li parast chastaignes ; Les meilleurs y perdit de toutes ses compaignes, Girart de Ross. v. 1671. Par ce que sa felicité est de tielx biens de fortune decorée, parée et aornée, Oresme, Eth. 24. Or fu li rois Henris à Bordeaux la cité ; Au matin se leva, n'a pas son corps paré, Guesclin. 12842. Se la rime i est bele… Car bel sunt li ouvrage, quant on les a parés, Baud. de Seb. XI, 8.

XVe s. Et s'en tenoient les plus nobles chevaliers de Flandre à bien parés, quand ils estoient bourgeois de Gand, Froissart, II, II, 52. La chambre à parer, qui estoit bien tendue de belle tapisserie…, Louis XI, Nouv. LIII.

XVIe s. Ce pendant Loupgarou tiroit de terre sa masse, et l'avoit jà tirée, et la paroyt pour en ferir Pantagruel, Rabelais, Pant. II, 29. On pare [prépare] le pantagruelion soubz l'equinocte autumnal en diverses manieres, Rabelais, ib. III, 50. Pare les escoutes, pare les bolines ; amure babord, Rabelais, ib. IV, 22. Rechercher les lettres pour s'enrichir et parer au dedans, Montaigne, I, 160. Il fault eschever aux coups que nous ne saurions parer, Montaigne, 164. Anieres, ne pouvant faire assieger Pons, obtint seulement de faire parer le canon et l'atelage comme pour y marcher le lendemain, D'Aubigné, Hist. I, 336. Ils se parerent [garantirent] de 22 entreprises qu'il y avoit sur leurs places, D'Aubigné, ib. II, 310. Favas remontra le peril de desplacer à veue d'ennemi et en lui parant le costé, D'Aubigné, ib. III, 50. L'armée liguée paroit [donnait] beau jeu sur la dessente d'un costeau, D'Aubigné, ib. III, 230. Encor falut-il voir cette Chambre dorée, De justice jadis, d'or maintenant parée, D'Aubigné, Tragiques, la Chambre dorée. Parez un herisson, il semblera baron, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Génev. pârer le fromage, en ôter la croûte ; provenç. et espagn. parar ; ital. parare ; du lat. parare, préparer, qui répond à une forme causative du radical sanscrit par, prĭ, achever.