« reposer », définition dans le dictionnaire Littré

reposer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

reposer

(re-pô-zé) v. a.
  • 1Mettre dans un état de repos. Reposer la jambe sur un tabouret, sa tête sur un oreiller. Heureux celui qui, connaissant tout le prix d'une vie douce et tranquille, repose son cœur au milieu de sa famille ! Montesquieu, Lett. pers. 155.

    Fig. N'avoir pas où reposer sa tête, être sans asile. Ce Dieu pauvre, qui dans tout le cours de sa vie n'eut pas même où se retirer ni où reposer sa tête, Bourdaloue, Exhort. Crucif. et mort de J. C. t. II, p. 198.

    Reposer sa vue, ses yeux sur un objet, les y arrêter avec plaisir.

  • 2Procurer du repos, du calme, avec un nom de chose pour sujet. Un jour égal et pur y repose les yeux [à la Roche-Guyon], Lamartine, Méd. I, 26.

    Cela repose la vue, se dit des parties d'un tableau, ou d'un ensemble d'objets, qui n'attirent pas l'attention et permettent à l'œil de se reposer.

    Le sommeil repose le teint, le rend frais.

    Cela repose les humeurs, les calme.

    Reposer la tête, l'esprit, l'âme, leur procurer du calme.

    Se reposer l'esprit, se donner du calme. Il y a sept jours que je suis revenue de Rennes, et que je me repose l'esprit, Sévigné, 18 août 1680.

  • 3 V. n. Dormir. Portons-le reposer dans la chambre prochaine, Corneille, Théod. V, 9. Une potion anodine et astringente, pour faire reposer monsieur, Molière, Mal. imag. I, 1. À la nuit qu'il fallut passer en présence des ennemis, comme un vigilant capitaine il reposa le dernier ; mais jamais il ne reposa plus paisiblement, Bossuet, Louis de Bourbon. Je fais pour reposer un effort inutile, Boileau, Sat. VI. …Les chagrins qu'il [Néron] me cause M'occuperont assez tout le temps qu'il repose, Racine, Brit. I, 1. Que s'étant mise au lit, elle reposait, Hamilton, Gramm. 11.
  • 4Il se dit d'un état de repos, de tranquillité. Il ne dort pas, il repose. Qui se plaît à bien faire et sait l'art d'obliger Repose sans péril au milieu du danger, Rotrou, Bélis. II, 8. Allez, et laissez-moi reposer un moment, Racine, Mithr. II, 2.

    Fig. Si je voyais partout les marques d'un créateur, je reposerais en paix dans la foi, Pascal, Pens. XIV, 2, édit. HAVET.

  • 5 Terme de manége. Reposer ou se reposer sur la main, se dit d'un cheval qui, ayant la bouche dure, pèse trop sur la main.
  • 6Être placé, déposé pieusement en quelque endroit. Le saint Sacrement repose dans cette chapelle. C'est sous cette pierre que son corps repose. Il y avait quatre jours que le corps d'Alexandre reposait sur son lit de parade, Vaugelas, Q. C. X, 10. Je reposerai avec mes pères, Sacy, Genèse, XLVII, 30. Les tombeaux où reposaient leurs cendres bénites, Bossuet, Hist. II, 3. Que tes cendres reposent en paix, Fénelon, Tél. XVII.

    Ici repose… ou ci-dessous repose… inscription que l'on met sur des tombes.

  • 7 Fig. Résider. L'espérance que j'ai et qui reposera toujours dans mon cœur, Sacy, Bible, Job, XIX, 27. Le Saint-Esprit repose invisiblement dans les reliques de ceux qui sont morts, Pascal, Lett. sur la mort de son père. Lieu terrible où de Dieu la majesté repose, Racine, Athal. V, 2.
  • 8Être établi, fondé sur. La base de l'édifice repose sur le roc. Les villes de Clermont, de Riom, d'Issoire ne sont bâties qu'avec des laves, et ne reposent que sur des laves, Buffon, Min. t. IX, p. 23.

    Fig. Ce raisonnement ne repose sur rien. Son crédit ne repose que sur de faibles bases.

  • 9En parlant de liqueurs, se rasseoir, de manière que les parties grossières tombent au fond. Il faut laisser reposer ce vin. Il faut se presser de travailler le suc de la betterave à mesure qu'on l'extrait ; si on le laisse reposer plusieurs heures, surtout quand il n'est pas concentré, il éprouve des altérations qui dénaturent le sucre, Chaptal, Instit. Mém. Acad. des scienc. t. I, p. 369. Alors, retiré du feu, il [le sirop d'érable] repose pendant douze heures, Chateaubriand, Amér. Récolte du sucre d'érable.

    Fig. Laisser reposer ses esprits, se calmer.

  • 10Se reposer, v. réfl. Être dans le repos, goûter le repos. Castor et Pollux se reposent tour à tour ; mais moi, je ne repose jamais, et ne fais que courir haut et bas, Perrot D'Ablancourt, Lucien, dial des dieux, Mercure et sa mère. Est-on, disait-il, dans les places pour se reposer et pour vivre ? ne doit-on pas sa vie à Dieu, au prince et à l'État ? Bossuet, le Tellier. L'Inde se reposait dans une paix profonde, Racine, Alex. II, 2. Ami, reposons-nous sur ce siége sauvage, Voltaire, Scythes, I, 3. Sitôt donc qu'une partie des hommes se repose, il faut que le concours des bras de ceux qui travaillent supplée au travail de ceux qui ne font rien, Rousseau, Ém. III. Morellet, dont l'esprit trop souvent se repose, Enfant de soixante ans qui promet quelque chose, Chénier M. J. le Docteur Pancrace.

    Se délasser. Vous me semblez tous deux fatigués du voyage ; Reposez-vous ; usez du peu que nous avons, La Fontaine, Phil. et Bauc. Je me repose des autres lettres, quand je vous écris, Sévigné, 479. On voit des Calabrais qui se mettent en marche pour aller cultiver les terres avec un joueur de violon à leur tête, et dansant de temps en temps pour se reposer de marcher, Staël, Corinne, XI, 1.

    Fig. Ô épée de la justice de Dieu, ne vous reposerez-vous point ? remplirez-vous toujours la terre de meurtres ? Nicole, Ess. mor. 3e traité, ch. 5.

    Fig. Familièrement. Se reposer sur ses lauriers, demeurer inactif après un succès. Il [Corneille] se reposait sur sa réputation ; sa gloire nuisait à son génie, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Perth. préface.

    On dit dans le même sens : reposer sur ses lauriers.

    Avec faire et laisser, on fait ellipse du pronom personnel. Faites reposer vos chevaux ; laissez reposer un moment ces hommes. Laissez un peu reposer votre cœur et votre imagination dans la certitude d'une si grande chose [un bon mariage pour le jeune Grignan], Sévigné, 11 sept. 1680.

  • 11Se reposer, être en jachère, en parlant d'une terre.

    Fig. Soit qu'en tout pays la nature se repose après de grands efforts, comme les terres après une moisson abondante…, Voltaire, Lett. au pr. roy. de Pr. 27 mai 1737.

    Avec ellipse du pronom personnel. Laisser reposer une terre, la laisser en jachère, sans l'ensemencer.

    Fig. Laisser reposer un ouvrage, cesser de travailler à un ouvrage, pour le reprendre et le revoir à loisir.

  • 12S'arrêter pendant quelque temps, en parlant de la vue, de l'esprit, etc. Expier tous les crimes de vos regards en les laissant reposer sur un objet désagréable, Massillon, Carême, Mauv. riche. Il en est encore dont je n'ai pas voulu parler comme en passant, et sur lesquels mes souvenirs se plaisent à se reposer, Marmontel, Mém. X. La vue, en parcourant l'horizon, se repose à droite sur cette mer qu'on appelle Propontide, Barthélemy, Anach. ch. 2.
  • 13Se poser, résider. La puissance du Seigneur se reposera sur cette montagne, Sacy, Bible, Isaie, XXV, 10. L'esprit s'étant reposé sur eux, ils commencèrent à prophétiser, Sacy, ib. Nomb. XI, 25.

    Être posé sur. [La réforme] En renversant le fondement sur lequel se reposait la foi des peuples, Bossuet, 6e avert. III, 3.

  • 14 Fig. Se reposer sur, avoir confiance en. Sur leur ordre éternel [des dieux] mon esprit se repose, Corneille, Hor. III, 5. Chacun se dit ami ; mais fou qui s'y repose, La Fontaine, Fabl. IV, 17. Je me reposerai sur ma conscience et sur mon cœur, qui ne peut jamais me laisser faillir sur ce qui vous regarde, Sévigné, 6 avr. 1672. Le cœur de son père se repose sur elle, comme un voyageur abattu par les ardeurs du soleil se repose à l'ombre sur l'herbe tendre, Fénelon, Tél. XXII. Reposez-vous sur moi, je réponds de l'affaire, Regnard, Fol. amour, III, 8. C'est une des singularités de ma mémoire qui mérite d'être dite : quand elle me sert, ce n'est qu'autant que je me suis reposé sur elle ; sitôt que j'en confie le dépôt au papier, elle m'abandonne, Rousseau, Confess. VIII. Lorédan n'est-il pas mon ami ? J'aime à me reposer sur sa reconnaissance, Delavigne, Vêp. sicil. II, 2.

    Se reposer de… sur…, s'en remettre à… pour la chose dont il s'agit. Reposez-vous sur moi, seigneur, de tout son sort, Corneille, Hér. II, 2. Qu'un père si éclairé… se soit reposé sur vous [le fils de Condé] de choses si importantes, Bossuet, Louis de Bourbon. Il lui fut permis de se reposer des occupations de sa charge sur un fils, Bossuet, le Tell. Vous savez qu'on s'en peut reposer sur ma foi, Racine, Esth. II, 1. Ils se reposent de leur élévation sur leurs titres, Massillon, Pet. carême, Tentat. des gr. Van Swieten a eu ordre de l'empereur et de l'impératrice de faire compliment à Marmontel, et il s'en est reposé sur son fils, qui s'en est acquitté on ne peut mieux, Diderot, Lett. à Mlle Voland, 11 oct. 1767.

    On a dit aussi, avec le même sens, se reposer dans. Nous sommes plaisants de nous reposer dans la société de nos semblables, misérables comme nous, impuissants comme nous, Pascal, Pens. XIV, 1, édit HAVET.

HISTORIQUE

Xe s. E repauser se podist [et se pût reposer], Fragm. de Valenc. p. 468.

XIe s. Dunc le menat androit [directement] suz [sous] le degret, Fait li sun lit o [où] il pot reposer, St Alexis, XLVII.

XIIe s. Onques [il] ne fu un sol jor reposans De Sarasins ocirre et de Persans, li Covenans Vivien, V. 70. Ne fausse amors ne vuet que s'entremete De moi laissier dormir ne reposer, Couci, VI.

XIIIe s. Quar se je repose De fere chançon…, Coussemaker, l'Art harmonique, p. 183. Ne soies pas toz jors en oevre, mais aucune fois laisse reposer ton corage, Latini, Trésor, p. 348. En pes me dormiré et reposeré en Dieu meismes, Psautier, f° 10. Laissez la [votre fille] reposer jusques à la vesprée, Berte, LXXXII. Et on lor dist qu'il sejournoit à Nichole, une ferme sitée à XII lieues de Cantorbile où sains Thumas li martyrs repose, Chr. de Rains, 132.

XIVe s. En ycelle abbaïe où il a lieu jolis, Reposerent trois jours nos François poestis, Guesclin, 20456. En la ville se sont nos François reposé, ib. 19513. Qui a à faire à bonnes gens, il se repose, Ménagier, II., 3.

XVe s. La cheveleure qui lui reposoit sur les espaules, Perceforest, t. IV, f° 69.

XVIe s. Homme reposé, non entreprenant, Amyot, Solon, 61. … Là où il se logea pour reposer ses gens qui estoient travaillez du chemin, Amyot, P. Aem. 24. Il les avoit remparez, et se reposoit sur lesdits remparemens, Amyot, Caton, 26. Il avoit besoing de quelque homme de faict et d'entendement, sur la foy duquel il se peust reposer de la garde de son estat, Amyot, Eumènes, 6. Jusques à ceste heure qu'elle commence à reposer, elle a esté vingt-quatre heures en extremité de douleurs du pied gauche, Marguerite de Navarre, Lettre 15. Tout ce jour madame a fait bonne chere, se repousant sur son petit lict, Marguerite de Navarre, ib. 52. L'asseurance que j'ay de vous me faict entierement repouser sur vostre promesse, Marguerite de Navarre, ib. 58. Je vous supplie vous en repouzer sur moy, Marguerite de Navarre, ib. 38. Estant en nostre sens froid et reposé…, Montaigne, II, 325. Nous avons fort peu de choses à dire de l'Espagne, pour ce qu'elle a reposé en soy, troublant les autres nations, D'Aubigné, Hist. I, 18. Monsieur sera à se reposer, ouy de bien faire, Dial. de Tahureau, p. 80, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Berry, arpouser ; wallon, rípoizé ; prov. repausar ; esp. reposar ; port. repousar ; ital. riposare ; du lat. repausare (QUICHERAT, Addenda), donner du loisir, de re, et pausa, pause (voy. POSER).