« roman.2 », définition dans le dictionnaire Littré

roman

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roman [2]

(ro-man) s. m.
  • 1Narration vraie ou feinte, écrite en vieux langage ou langage roman, soit en vers, soit en prose. Le roman de Mahomet. Le roman de la Rose. Le roman de Perceforest. Les vieux romans de chevalerie. Quelque autre Jean de Meung en fera des romans, Régnier, Épît. I.
  • 2Histoire feinte, écrite en prose, où l'auteur cherche à exciter l'intérêt par la peinture des passions, des mœurs, ou par la singularité des aventures. Je ne le saurais pas mettre [un principe] par force en l'esprit de ceux qui ne liront mes Méditations que comme un roman, pour se désennuyer et sans y avoir grande attention, Descartes, Rép. II, 11. Le conseiller dit qu'il n'y avait rien de plus divertissant que quelques romans modernes ; que les Français seuls en savaient faire de bons, Scarron, Rom. com. I, 21. Ce que l'on appelle proprement roman sont des histoires feintes d'aventures amoureuses, écrites en prose avec art pour le plaisir et l'amusement des lecteurs, Huet, De l'origine des romans, p. 3. La fable représente des choses qui n'ont point été, et n'ont pu être ; et le roman représente des choses qui ont pu être, mais qui n'ont point été, ID. ib. p. 119. La cour est toute réjouie du mariage de M. le prince de Conti et de Mlle de Blois ; ils s'aiment comme dans les romans, Sévigné, 394. Des aventuriers, des épées, des chapeaux du bel air, une idée de guerre, de roman, d'embarquement, d'aventures, de chaînes, de fers, d'esclaves, de servitude, de captivité ; moi, qui aime les romans, je suis transportée, Sévigné, 166. Elle y perdait [dans l'étude de l'histoire] le goût des romans et de leurs fades héros ; et, soigneuse de se former sur le vrai, elle méprisait ces froides et dangereuses fictions, Bossuet, Duch. d'Orl. Les romans et les autres livres corrupteurs de la vie humaine, Bossuet, Comédie, 4. Un roman, sans blesser les lois ni la coutume, Peut conduire un héros au dixième volume, Boileau, Sat. IX. Bientôt, l'amour, fertile en tendres sentiments, S'empara du théâtre ainsi que des romans, Boileau, Art p. III. Je montrerais qu'il y a des genres de poésie, où non seulement les Latins ne nous ont point surpassés, mais qu'ils n'ont pas même connus, comme, par exemple, ces poëmes en prose que nous appelons romans, et dont nous avons chez nous des modèles qu'on ne saurait trop estimer, à la morale près qui est fort vicieuse, et qui en rend la lecture dangereuse aux jeunes personnes, Boileau, Lett. à Perrault. Il semble que le roman et la comédie pourraient être aussi utiles qu'ils sont nuisibles, La Bruyère, I. Il semble que la fortune imitât un auteur de roman qui aurait ménagé des rencontres imprévues et singulières en faveur des vertus de son héros, Fontenelle, Marsigli. La lecture des romans et des histoires fabuleuses, qui étouffent peu à peu l'amour et le goût du vrai, Rollin, Traité des Ét. 3e part. I, 2. Il regarde ces vertus… comme des vertus de roman et de théâtre, Massillon, Pet. carême, Tentat. des Gr. Faites des romans, lui dit un bel esprit qui était là ; c'est une excellente ressource à Paris, Voltaire, Jeannot et Colin. L'histoire dit ce qu'on a fait ; Un bon roman, ce qu'il faut faire, Voltaire, Lett. en vers et en prose, 141. Je voudrais qu'on trouvât un autre nom pour les ouvrages de Richardson, qui élèvent l'esprit, qui touchent l'âme, qui respirent partout l'amour du bien, et qu'on appelle aussi des romans, Diderot, Élog. de Richardson. Sa disgrâce [de Fénelon] à la cour, qui avait commencé par ses opinions mystiques, fut consommée sans retour par son roman de Télémaque, D'Alembert, Éloges, Fénelon. Malheur à tout roman que le lecteur n'est pas pressé d'achever ! D'Alembert, Éloges, Marivaux. Il [Napoléon, à Moscou] cherchait à s'étourdir ; puis, s'appesantissant, ils le voyaient passer ses longues heures à demi couché, comme engourdi, et attendant, un roman à la main, le dénoûment de sa terrible histoire, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 11. Il faut le dire, messieurs, le roman éloquent, le roman passionné, le roman moral et vertueux est le poëme épique des nations modernes, Villemain, Litt. fr. XVIIIe siècle, 2e part. 1re leçon. Le roman profondément moral, le roman qui prend l'âme et la suit dans toutes ses nuances, le roman qui prend la vie dans toutes ses conditions, qui laisse à chaque condition son caractère, son intérêt, sa passion, son langage, le roman qui est un immense drame, n'existait pas, Villemain, ib.

    Héros de roman, le personnage principal d'un roman. Des héros de roman fuyez les petitesses ; Toutefois aux grands cœurs donnez quelques faiblesses, Boileau, Art p. III. Au lieu que d'Urfé, dans son Astrée, de bergers très frivoles avait fait des héros de roman considérables, ces auteurs, au contraire, des héros les plus considérables de l'histoire firent des bergers très frivoles, Boileau, Héros de romans, discours.

    Fig. Héros de roman, homme qui affecte d'agir et de parler comme les héros de roman.

    Princesse de roman, femme qui vit, qui voyage sans paraître s'occuper des conditions nécessaires de la vie, comme font les héroïnes de roman. C'est pour le coup que miss Betsy pouvait dire que j'avais l'air d'une princesse de roman, Mme Riccoboni, Fanny Butler, t. I, p. 156, dans POUGENS.

    Fig. Prendre le roman par la queue, se marier avant de faire l'amour. Ne faire l'amour qu'en faisant le contrat de mariage, et prendre justement le roman par la queue, Molière, Préc. 5.

    Prendre le roman par la queue signifie aussi : vivre maritalement avant le mariage.

    Faire un roman, gagner le cœur, comme on voit dans les romans, d'une personne de condition supérieure. Quelque jeune princesse avec laquelle je pusse faire un roman, Rousseau, Conf. II.

    En un autre sens, faire un roman, raconter les choses tout autrement qu'elles ne se sont passées. La belle lui fit Un long roman de son histoire, La Fontaine, Fianc.

    Fig. Abréger le roman, arriver promptement au dénoûment d'une affaire, et surtout d'un amour, d'un mariage. Si tu réussis, nous abrégerons le roman, je te le promets, Dancourt, les Fées, I, 4.

    Roman d'éducation, roman qui représente l'éducation d'un personnage fictif comme type d'éducation à donner.

    Roman historique, roman dans lequel on peint une époque historique. Ce qui m'inclinerait à croire que le roman historique est un mauvais genre : vous trompez l'ignorant, vous dégoûtez l'homme instruit, vous gâtez l'histoire par la fiction et la fiction par l'histoire, Diderot, Claude et Nér. II, 101.

    Roman intime, roman où l'on peint l'intérieur d'une âme, les pensées, les mobiles.

    Roman d'intrigue, roman où se déroule une intrigue plus ou moins compliquée.

    Roman merveilleux ou fantastique, roman où les êtres surnaturels jouent un rôle.

    Roman de mœurs, roman où l'on fait la peinture des mœurs.

    Roman poétique, roman qui a la forme, le langage, la pompe d'un poëme.

  • 3 Fig. De roman, se dit pour exprimer ce qui a le charme, le merveilleux des romans. Paris semble à mes yeux un pays de romans, Corneille, le Ment. II, 5.
  • 4Aventures extraordinaires, récits ou peintures sans vraisemblance. Sa vie est un roman. Cela tient du roman. On dit que le petit prince [d'Angleterre] n'est point à Portsmouth… sa fuite fera roman quelque jour, Sévigné, 13 déc. 1688. Elle débita un roman avec tant d'esprit que le capitaine en fut charmé, Lesage, Diable boit. 9. La Cyropédie de Xénophon est un roman ; mais des fables qui enseignent la vertu valent mieux que des histoires mêlées de fables qui ne racontent que des forfaits, Voltaire, Pyrrh. hist. 13. J'aurais bien plus écrit ; mais je dois regretter Quelques beaux jours perdus loin de mon oratoire : C'était un vrai roman ; le reste est de l'histoire, Et de la sainte encor [c'est Mme de Genlis qui parle], Chénier M. J. Les nouveaux saints.
  • 5Il se dit des idées qui n'ont pas plus de réalité que n'en ont les romans. Les spéculatifs composent des romans dans les conseils, et font des propositions à peu près semblables à celles de cet artisan…, Guez de Balzac, De la cour, 4e disc. Il [Théophile] feint, il exagère, il passe le vrai dans la nature, il en fait le roman, La Bruyère, I. Ceux qui ont fait le roman des idées se sont flattés qu'ils rendraient raison des idées de l'infini, Voltaire, Métaph. 3. Une foule d'arguments prouvent que ce plein prétendu était un roman, Voltaire, Newt. II, 2. Le bonheur de mon espèce m'est si cher, que je suis toujours tenté de croire aux romans qu'on m'en fait, Diderot, Claude et Nér. II, 33. Fontenelle admira Newton ; mais il n'eut pas le courage d'abandonner les romans de Descartes, Sennebier, Ess. art d'observ. t. I, p. 91, dans POUGENS. Ainsi, de la nature audacieux romans, Périront, renversés sur leurs vains fondements, Tant de rêves fameux, Delille, Trois règnes, I.

HISTORIQUE

XIIIe s. Ci est le Rommant de la Rose, Où l'art d'amors est tote enclose, la Rose, titre. Ne porroit-l'en les maus d'amer Conter en rommant, ne en livre, ib. 2619. Li uns viole [joue de la viole], li autre conte romans, Du Cange, romanus. Je faiz savoir à touz, que j'ai ceans mis grant partie des faiz nostre saint roy devant dit, que je ai veu et oy, et grant partie de ces faiz que j'ai trouvez qui sont en un romant, lesquiex j'ai fait escrire en cest livre, Joinville, 304.

XIVe s. Tragedies sont dites comme romans qui parlent et traitent de aucuns grans faiz notables, Oresme, Eth. 27.

XVe s. Droitement sur l'eure de prime S'esbatoit une damoiselle Au lire un rommant, Froissart, Épin. amour. Car toute la nuit mon cœur lit Ou [au] rommant de plaisant penser, Et me prie de l'escouter, Orléans, Bal. 8.

XVIe s. Et acheverent tant nobles faiz, et prindrent citez, villes et chasteaulx assis sur roches, que de leur vies peust on faire romans, Menard, Hist. de du Guesclin. p. 458, dans LACURNE. Te faudroit voir tous ces vieux romans et poetes françois, où tu trouveras un… isnel pour leger… et mil' autres bons mots que nous avons perdus par nostre negligence, Du Bellay, J. I, 29, recto. Ceux qui s'amusoient d'escrire les faits heroïques de nos chevaliers, premierement en vers, puis en prose, appellerent leurs œuvres romans, Pasquier, Recherch. VIII, p. 654, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Roman 1 ; compositions ainsi dites, parce qu'elles étaient écrites en langage roman ; prov. roman ; ancien catal. romans ; catal. mod. romanso ; espagn. et port. romance ; ital. romanzo.