« traître », définition dans le dictionnaire Littré

traître

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

traître, esse

(trê-tr', trè-s') adj.
  • 1Qui trahit. Moi, seigneur ! moi, que j'eusse une âme si traîtresse, Corneille, Cinna, v, 1. Tout flatteur, quel qu'il soit, est toujours un animal traître et odieux, Bossuet, 5e avert. 31. Heureux ! si je pouvais avant que m'immoler Percer le traître cœur qui m'a pu déceler ! Racine, Mithr. IV, 2.

    Traître comme Judas, se dit d'un homme qui, sous le masque de l'amitié, trahit de la manière la plus cruelle.

    Populairement. Il n'est pas traître à son corps, il ne se refuse aucune commodité.

  • 2Il se dit des animaux domestiques qui mordent, égratignent ou ruent quand on y pense le moins. Le chat est traître. Prenez garde à ce cheval, il est traître. Un chien traître.
  • 3Il se dit des choses qui ont le caractère de la trahison, de la perfidie. Embûche traîtresse, Tristan, Mariane, IV, I. Une traîtresse voix bien souvent vous appelle ; Ne vous pressez donc nullement, La Fontaine, Fabl. VIII, 21. Ce blé couvrait d'un lacs Les menteurs et traîtres appâts, La Fontaine, Fabl. IX, 2. Et que j'ai cru trouver quelque sincérité Dans les traîtres appas dont je fus enchanté, Molière, Mis. IV, 3. L'excès prodigieux De ce fatal amour né de vos traîtres yeux, Molière, ib. IV, 3.
  • 4Il se dit de certaines choses qui sont dangereuses sans le paraître. Le seul Ulysse en échappa [des piéges de Circé] ; Il sut se défier de la liqueur traîtresse, La Fontaine, Fabl. XII, 1. Il [l'évêque de Saintes] était sans fièvre et se croyait entièrement hors d'affaire ; il causa une heure avec l'abbé Têtu ; ces sortes de mieux sont quasi toujours traîtres, et tout d'un coup il est retombé dans l'agonie, Sévigné, 1er juillet 1676. Pendant que nous en étions là, voilà une pluie traîtresse… qui, sans se faire craindre, se met d'abord à nous noyer, Sévigné, 23 août 1671. Des traîtresses de douleurs qui reviennent quelquefois, et dont il faut se moquer, parce que c'est la manière de peindre du rhumatisme, Sévigné, 1er mars 1676. À peine ai-je senti cette liqueur traîtresse, Que de ces vins mêlés j'ai reconnu l'adresse, Boileau, Sat. III. J'ai banni loin de moi cette liqueur traîtresse [le vin] Qui nourrit des humains la brutale mollesse, Voltaire, Mahom. II, 4.
  • 5 Familièrement. Il ne m'en a pas dit le traître mot, un traître mot, il ne m'en a pas dit un seul mot. (Cela signifie-t-il proprement : il ne m'en a pas dit un mot qui trahît ce dont il s'agissait ? ou bien traître est-il un simple terme d'injure, comme qui dirait : un chien de mot ?)
  • 6 S. m. et f. Celui, celle qui fait une trahison. Quiconque aime le traître, aime la trahison, Mairet, Mort d'Asdrub. II, 3. Au travers de son masque on voit à plein le traître ; Partout il est connu pour tout ce qu'il peut être, Molière, Mis. I, 1. Philippe aimait la trahison, et n'aimait pas les traîtres, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VI, p. 59, dans POUGENS. Le comte : Quant à moi, j'aime la politesse. - Lisimon : Moi je ne l'aime point, car c'est une traîtresse Qui fait dire souvent ce qu'on ne pense pas, Destouches, Glor. II, 15. Tous les historiens flétrissent le connétable [de Bourbon] du nom de traître ; on pouvait, il est vrai, l'appeler rebelle et transfuge ; il faut donner à chaque chose son véritable nom : le traître est celui qui livre le trésor, ou le secret, ou les places de son maître, ou son maître lui-même à l'ennemi, Voltaire, Mœurs, 123.

    Traître, traîtresse se disent quelquefois comme termes d'injure, sans impliquer trahison ou perfidie. Vous ne m'aimez donc pas, madame la traîtresse ? Scarron, Jodelet, III, 7. … Qui, oui, j'ai su que ce traître d'amant Parle de m'obtenir par un enlèvement, Molière, Éc. des mar. II, 11. Laisse là son nom, traître, et dis ce qu'il t'a dit, Molière, Mis. IV, 4. Si mon traître d'époux par hasard était mort, Regnard, Démocr. II, 7. D'où viens-tu, double traître ? Dans l'état où je suis peut-on laisser un maître ? Legrand, Aveugle clairvoyant, sc. 9.

  • 7Traître de mélodrame, l'acteur qui, dans les anciens mélodrames, jouait le rôle du traître, et qui exagérait presque toujours ses gestes ; et, par moquerie, l'homme qui affecte un air sombre, une marche cachée, des manières dissimulées. Tout à coup j'avise, rasant les maisons, le nez dans la cravate, sombre et voûté comme un traître de mélodrame, devinez qui ? Ch. de Bernard, Un homme sérieux, XX.
  • 8En traître, loc. adv. Avec trahison, traîtreusement. Va, tu l'as pris en traître ; un guerrier si vaillant N'eût jamais succombé sous un tel assaillant, Corneille, Cid, v, 6.

    Avec un sujet au plur. J. J. Rousseau a dit en traîtres. Aucun d'eux osa-t-il l'attaquer en face ? ils le prirent en traîtres, Lett. à M. de St-Germain, 26 fév. 1770. Il faut écrire en traître ; c'est une locution adverbiale.

HISTORIQUE

XIe s. Li reis Marsile i fit mult que traïtre, Ch. de Rol. XI.

XIIe s. Il maudit Gilemer le traïtor renois, Sax. XVIII. Queque dient li tuen e li deu traïtur [ceux qui trahissent Dieu et toi], Ne te turne à vilté mais à mult grant honur, Th. le mart. 74. Ne teus ovraignes [telles œuvres] comencier Vils, malvaises, ne traïtresses, Decevables ne felonesses, Benoit de Sainte-Maure, II, 1909.

XIIIe s. Joffrois, qui marescaus estoit de nostre ost, manda à l'empereour que il aroit bataille contre Burile le trahitour, H. de Valenciennes, VII.

XVe s. Furent toutes leurs maisons [aux Mahieux] abattues et portées par terre, ainsi que si ils fussent trahistres à tout le corps de la ville, Froissart, II, II, 54.

XVIe s. Ils crioyent contre les evesques, les blasmant outrageusement comme traistres de la discipline, Calvin, Instit. 994. Mais qui pis est, trahistre et cautelleux, Marot, J. V, 76. Car, maulgré eulx et leur langue traistresse, Je l'aymeray, et serviray sans blasme, Marot, J. V, 259. Vostre traistre soubris, vostre double faintise, Du Bellay, J. III, 70, recto. Complices du meurtrier qui vous tue, et traistres de vousmesmes, La Boétie, 23. Traistre beauté, venimeuse doulceur, La Boétie, 445. C'estoit un traistre qui parloit à un autre traistre, Amyot, Alc. 50. Nous tenons prisonniers en la Bastille de Paris les trahistres qui la vous ont vendu, Carloix, II, 1. Ah traistre amour, donne-moy paix ou treve, Ronsard, 6. Les Gaulois nos cousins, en Asie, haïssoient ces armes traistresses et volantes, duicts à combattre main à main, Montaigne, I, 363. Les meurtriers, les traistres, les tyrans, Montaigne, II, 11.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, traitt ; bourg. treite ; provenç. trahire, traire, trahidor, traidor, traitor ; espagn. traydor ; portug. traditor ; ital. traditore ; du lat. traditorem, de tradere (voy. TRAHIR). L'anc. français dit traïtre au nominatif répondant à traditor, et traïtor au régime, répondant à traditorem ; mais, pour que traditor donne traïtre, il faut supposer que les Romans de la Gaule ont prononcé traditor. La contraction de traïstre en traître était effectuée au XVIe siècle, bien qu'on orthographiât encore quelquefois trahistre.