« voler », définition dans le dictionnaire Littré

voler

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

voler [1]

(vo-lé) v. n.
  • 1Se soutenir, se mouvoir en l'air par le moyen des ailes. Ô Dieu, que la gloire couronne, Dieu, que la lumière environne, Qui voles sur l'aile des vents, Et dont le trône est porté par les anges, Racine, Esth. I, 5. Buratini, maître de la monnaie du roi de Pologne, apporta en France, dans le XVIIe siècle, le modèle d'une machine pour voler, Richelet. L'art de voler ne fait encore que de naître, il se perfectionne, et quelque jour on ira jusqu'à la lune, Fontenelle, Mond. 2e soir. Les aigles, en général, volent beaucoup mieux que les vautours, Buffon, Ois. t. I, p. 245. Les oiseaux qui ne peuvent voler se réduisent à sept ou huit espèces ; les quadrupèdes qui volent, à cinq ou six, Buffon, ib. t. II, p. 210. Il [le merle vert de la Caroline] vole les pieds étendus en arrière, comme font ceux de nos oiseaux qui ont la queue très courte, Buffon, ib. t. VI, p. 97. Vers l'an 65, sous Néron, Simon, étant à Rome, entreprit de voler, et vola, dit-on, quelques moments ; mais, saint Pierre et saint Paul s'étant mis en prière, il fut précipité et mourut de sa chute ; ce fait est encore bien suspect, Condillac, Hist. anc. XV, 5.

    Fig. [Toi] Qui par tant de succès viens de te signaler Jusqu'où notre aigle encor n'avait osé voler, Rotrou, Bélis. I, 6.

    Tirer un oiseau en volant, le tirer pendant qu'il vole. Ô Dieu ! la belle proie à tirer en volant !…, Molière, l'Ét. I, 6.

    Fig. Il le faut tirer en volant, se dit d'un homme à qui on ne peut parler qu'en passant, à la hâte.

    Fig. Attraper en volant, saisir une chose, pendant qu'on ne fait qu'aller çà et là. C'était une folie de prétendre attraper vos lettres, en volant, par les villes où je ne suis qu'un moment, Sévigné, 11 mai 1680.

    Fig. Voler de ses propres ailes, agir sans le secours d'autrui.

    Il ne faut pas voler avant d'avoir des ailes, il ne faut pas tenter quelque chose, avant d'avoir les moyens de réussir.

  • 2Il se dit de ce qui flotte et semble voler. Ce char semblait voler sur la face des eaux paisibles, Fénelon, Tél. IV. L'appareil, inouï pour ces mortels nouveaux, De nos châteaux ailés qui volaient sur les eaux, Voltaire, Alz I, 1.
  • 3Il se dit des choses qui sont poussées dans l'air avec une grande vitesse comme les traits, les pierres, etc. Il mit l'épée à la main, et en moins de rien il fit voler à terre deux épées, Scarron, Roman com. I, 3. Quand la force attaque la grimace, quand un simple soldat prend le bonnet carré d'un premier président et le fait voler par la fenêtre, Pascal, Pensées diverses, 182, édit. FAUGÈRE. Le plomb vole à l'instant, Et pleut de toutes parts sur l'escadron flottant, Boileau, Épître IV. L'intrépide Hippolyte Voit voler en éclats tout son char fracassé, Racine, Phèdre, v, 6. Le jeu devint orageux ; les cartes volèrent par la chambre, Hamilton, Gram. 3.

    Faire voler la tête de quelqu'un, l'abattre. Et du haut d'un balcon, pour calmer la tempête, Sur ses nouveaux sujets faisons voler sa tête, Corneille, Nicom. v, 5. Elle [Élisabeth d'Angleterre] savait se faire craindre et faire voler les têtes, Fénelon, Dial. des morts mod. Dial. 16.

  • 4Courir avec une grande vitesse. Ce cheval vole. Va, cours, vole et nous venge, Corneille, Cid, I, 8. Le voyez-vous comme il vole ou à la victoire ou à la mort ? Bossuet, Louis de Bourbon. Marchez, courez, volez où l'honneur vous appelle, Boileau, Lutr. III. On vous voit moins souvent… Tantôt faire voler un char sur le rivage…, Racine, Phèdre, I, 1. Le peuple cependant, que ce spectacle étonne, Vole de toutes parts, se presse, l'environne, Racine, Brit. v, 8. Seigneur, vous entendez : quelque prix qu'il en coûte, Il veut voler à Troie et poursuivre sa route, Racine, Iphig. I, 3. Cet ordre redoubla encore ma reconnaissance pour elle ; je n'allai pas, je volai, Marivaux, Pays. parv. 1re part.

    Fig. En vain les services d'un illustre frère, le mérite et le crédit d'un neveu, qui vole si rapidement à la gloire et aux honneurs, lui laissent entrevoir des espérances toujours fatales à l'honneur du sacerdoce, Massillon, Or. fun. Villars.

    Fig. et poétiquement. Faire voler le trépas, répandre au loin la mort. Ses anges devant lui font voler le trépas, Lamartine, Méd. I, 23.

  • 5 Fig. Changer souvent, rapidement, ne pas s'attacher. Je suis chose légère et vole à tout sujet ; Je vais de fleur en fleur et d'objet en objet, La Fontaine, Poésies mêlées, LXIX. Il [un protégé du duc de Richelieu] vole d'objet en objet, sans s'arrêter à aucun, Voltaire, Lett. Richelieu, 25 avril 1767.
  • 6Il se dit des bruits et de la renommée. La renommée la fait voler [cette nouvelle] de bouche en bouche dans toute la grande ville de Tyr, Fénelon, Tél. VIII. Du retour de son roi la nouvelle semée, Volant de bouche en bouche, a changé les esprits, Voltaire, Mérope, v, 8.
  • 7 Fig. Il se dit des mouvements qui entraînent l'âme fortement et rapidement. Et mon cœur tout entier vole à votre secours, Corneille, Héracl. I, 4. J'écrirais jusqu'à demain ; mes pensées, ma plume, mon encre, tout vole, Sévigné, 25 fév. 1689. Je vois voler partout les cœurs à mon passage, Racine, Brit. IV, 3. Mon cœur pour le chercher volait loin devant moi, Racine, Iphig. II, 3. Vous voyez déjà tous les cœurs voler après vous, Sire, Massillon, Pet. carême, Grand. de J. C. Un vain peuple, qui vole après la nouveauté, Voltaire, Mérope, IV, 5. Que notre âme épurée Vole à ces vérités dont elle est éclairée, Voltaire, Épît. XLIV. Pouvez-vous former un désir qu'il soit en mon pouvoir de satisfaire, sans que mon cœur vole au-devant de vos vœux ? Riccoboni, Œuvr. t. II, p. 55, dans POUGENS.
  • 8Passer rapidement, en parlant du temps. Le temps vole, et bientôt amènera le jour Où le nom des Hébreux doit périr sans retour, Racine, Esth. I, 3.
  • 9 Fig. Il se dit de ce qu'on personnifie pour le représenter comme volant. Les Parthes… tantôt vainqueurs, tantôt presque enfoncés, Sur l'une et l'autre armée également heureuse, Virent longtemps voler la victoire douteuse, Corneille, Rodog. I, 6. Si la victoire volait devant lui [le roi], les vœux de la reine avaient volé devant la victoire, Fléchier, Mar.-Thér. Quelqu'un a dit que la gloire réside au haut d'une montagne ; les aigles y volent, et les reptiles s'y traînent, Voltaire, Lett. la Harpe, 19 oct. 1765.
  • 10 Fig. S'élever dans l'ordre moral, intellectuel. Miton voit bien que la nature est corrompue, et que les hommes sont contraires à l'honnêteté ; mais il ne sait pas pourquoi ils ne peuvent voler plus haut, Pascal, Pens. XXV, 92 bis, éd. HAVET.
  • 11 V. a. Terme de fauconnerie. Il se dit de certains oiseaux de proie qu'on dresse à poursuivre et à prendre d'autres oiseaux ou quelque autre sorte de gibier. Cet oiseau vole la perdrix.

    Voler en long, voler en droite ligne.

    Voler en coupant, couper le vent en le traversant.

    Voler en pointe, s'élever rapidement ou descendre de même.

    Voler pour bon, se dit des oiseaux de proie qui sont bien affaités.

    Il se dit aussi des personnes qui se servent de ces oiseaux pour chasser. Voler la corneille, le héron. Les meutes et les chasses à courre sont inconnues en Espagne ; mais tirer, voler, et des battues aux grandes bêtes sont les chasses ordinaires, Saint-Simon, 89, 165. Sur une route, je rencontrai un de leurs chefs qui volait avec des faucons, Legrand D'Aussy, Instit. Mém. sc. mor. et pol. t. v, p. 525.

HISTORIQUE

Xe s. In figure de colomb volat [elle vole] à ciel, Eulalie.

XIe s. Plus est isnels [rapide] que n'est oisel ki volet, Ch. de Rol. CXXI. Cuntre le ciel volet li fous [étincelle] touz clairs, ib. CCLXXXVI.

XIIe s. Pierres et flors en volent [du casque] en sablon [sur le sable], Ronc. p. 88. Le primerain [il] fiert si de l'espée d'acier, La teste en fait voler à tout le henapier, Sax. X. E nostre sires muntad sur cherubin et volad, Rois, p. 206.

XIIIe s. De grans festes dient pluseurs helas, Et des deliz de chacier ensement, Et de voler et de tournoiement, Lai de l'ombre. Mais parole une fois volée Ne puet [peut] plus estre rapelée, la Rose, 16 747. On pot bien savoir que les denrées ne volerent pas d'un lieu en autre…, Beaumanoir, XXIX, 18. Endementiers que [tandis que] il venoient, il sembloit que la galie volast par les nageurs qui la contreingnoient aus avirons, Joinville, 215. Une grant route [troupe] de Turs vint hurter à nous, et me porterent à terre, et alerent par desus moy, et volerent [firent voler] mon escu de mon col, Joinville, 225.

XIVe s. Jehan le croit trop de legier ; Trop pou savoit du bas voler, Et par ce fut il habusé, Liv. du bon Jeh. 667. Si, après le baing, tu trouves l'esprevier en bon coraige, tu en pues [peux] bien voler l'endemain au vespre, Modus, f° XCIX, verso. Tu scez, sire, que les jours passent en volant sans jamais retourner, Ménagier, I, 6.

XVe s. Le roi [anglais] issit de son vaissel, et du premier pied qu'il mit à terre, il chey si roidement que le sang lui vola hors du nez, Froissart, I, I, 266. Vous avez ouvré de votre volonté et cru cet evesque de Norduich qui cuidoit voler ainçois qu'il ait des ailes, Froissart, II, II, 212.

XVIe s. En y allant la corneille esvolée (Pour sçavoir tout) après luy est volée, Marot, IV, 84. Les lances rumpues, meirent la main aux espées, et soy chamaillerent l'ung l'aultre, si brusquement que leurs espées volerent en pieces, Rabelais, Sciomachie. Uses donques hardiment des verbes et participes, qui de leur nature n'ont point d'infinitifs après eux, avec des infinitifs, comme tremblant de mourir, et volant d'y aller, pour craignant de mourir, et se hastant d'y aller, Du Bellay, J. I, 32, verso. Je vy l'oiseau, qui le soleil contemple, D'un faible vol au ciel s'avanturer… Je le vy croistre, et d'un voler plus ample Des plus hauts monts la hauteur mesurer, Du Bellay, J. VI, 62, recto. Les Gaulois haïssoient ces armes traistresses et volantes, Montaigne, I, 363. Ce prince faisoit voller des cailles à un emerillon dans sa chambre, D'Aubigné, Hist. II, 184. Leve plus haut ta veue, Je veux faire voler ton esprit sur la nue, D'Aubigné, Tragiques, éd. LALANNE, p. 123. Et elle ne croyoit pas du commencement que vos desseins volassent si haut, Sat. Mén. Disc. de d'Aubray. Ton ame, volée au troisieme ciel, puisse reluire entre les estoiles, Yver, p. 593. Tel pense voler qui ne sauroit bouger, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Wallon, volé ; provenç. et espagn. volar ; ital. volare ; du lat. volare.