« volée », définition dans le dictionnaire Littré

volée

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volée

(vo-lée) s. f.
  • 1L'espace que parcourt un oiseau sans s'arrêter (sens propre, indiqué par la finale qui est celle d'un participe passé). On dit que les hirondelles traversent quelquefois la Méditerranée tout d'une volée. De la première volée. Il a si loin d'ici sa valeur signalée, Que l'aigle pour le suivre a forcé sa volée, Rotrou, Bélis. III, 5.

    Fig. Il [Prévost-Paradol] ne se hâta pas de suivre ses camarades dans leur volée vers les régions profanes, C. Rousset, Disc. à l'Acad. Journ. offic. 3 mai 1872, p. 2962, 3° col.

    Donner la volée à un oiseau, permettre à un oiseau captif de s'envoler.

    Fig. Aux femmes du sérail je donne la volée, Favart, Soliman II, III, 10.

    Prendre sa volée, s'envoler.

    Fig. Prendre sa volée, partir inopinément, sans annoncer son départ.

    Prendre sa volée, se dit aussi d'un jeune homme qui de bonne heure s'affranchit de tutelle et de surveillance.

  • 2 Collectivement. Troupe d'oiseaux qui volent tous ensemble. C'est alors que l'on voit, autour des lieux habités, des volées nombreuses, composées de toutes les espèces de corneilles, se tenant presque toujours à terre pendant le jour, errant pêle-mêle avec nos troupeaux et nos bergers, Buffon, Ois. t. v, p. 63.

    En parlant des pigeons, volée de mars, volée d'août, les pigeons éclos en mars, en août.

    Terme de chasse. Compagnie d'oiseaux éclos d'une même couvée.

  • 3 Fig. Gens qui sont de même âge, de même profession, de même condition ; compagnie de personnes. Au lieu de quatre amis qu'on attendait le soir, Quelquefois de fâcheux arrivent trois volées, Boileau, Épît. VI. On sait que, dans ce temps-là même, une volée de philosophes revenait du cercle polaire, sous lequel ils avaient été faire des observations dont personne ne s'était avisé jusqu'alors, Voltaire, Microm. 4. J'ai lu dans une gazette suisse que vous avez été présenté au roi danois avec une volée de philosophes, tels que les Saurin, les Diderot, les Helvetius, les Duclos, les Marmontel, et que les Ribaudier n'en étaient pas, Voltaire, Lett. à d'Alembert, 12 déc. 1768. Une volée de religieuses autrichiennes qui sont venues vous demander un asile, D'Alembert, Lett. au roi de Prusse, 13 déc. 1782.
  • 4 Fig. Rang, qualité, élévation, mérite. On est au désespoir, on n'a pas un sou, on ne trouve rien à emprunter, les fermiers ne payent point… jouissez du plaisir d'être présentement le seul homme de votre volée qui puisse se vanter d'avoir du pain, Sévigné, à Bussy, 24 avr. 1672. Le frère de Mme de Châtillon avait auprès de M. le Prince le mérite d'avoir suivi sa fortune jusqu'au bout, qu'il partageait avec fort peu de gens de sa volée, Saint-Simon, 16, 189. Je ne doutai pas que ce ne fût une dame de la première volée, Lesage, Guzm. d'Alf. II, 6. Une centaine d'êtres pensants de la première volée sont venus dans nos cantons, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 13 août 1773. J'avais, au même village de Saint-Brice, le libraire Guérin homme d'esprit, lettré, aimable, et de la haute volée dans son état, Rousseau, Confess. x.
  • 5 Fig. Décharge de plusieurs canons faite en même temps (par comparaison à une volée d'oiseaux). Une volée de notre canon avait failli à tuer ce général [Montecuculli], et rasé le nez de son cheval, qui, s'emportant et se cabrant, fut bien près de le jeter par terre, Pellisson, Lett. hist. t. II, p. 390. Toutes les volées de canon jusques alors avaient passé fort haut par-dessus nos têtes, Pellisson, ib. t. I, p. 97. Une des premières volées du canon moscovite [à Pultawa] emporta les deux chevaux du brancard de Charles [blessé] ; il en fit atteler deux autres ; une seconde volée mit le brancard en pièces et renversa le roi, Voltaire, Charles XII, 4.

    Une volée de canon se dit aussi d'un seul coup de canon. Il eut la tête emportée d'une volée de canon.

  • 6Partie d'un canon ou d'un obusier qui est en avant des tourillons.

    Tirer à toute volée, tirer une pièce sous le plus grand angle qu'on puisse lui donner et avec la plus forte charge de guerre que comporte son calibre.

  • 7Branle des cloches. Sonner une, deux, trois volées. C'était Dieu même qui commandait à l'ange des victoires de lancer les volées qui publiaient nos triomphes, Chateaubriand, Génie, IV, I, 1. Du pieux carillon les légères volées Couraient en bondissant à travers les vallées, Lamartine, Jocelyn, I.

    Sonner à toute volée, mettre les cloches tout à fait en branle.

  • 8Mouvement d'un projectile qui, lancé, n'a pas encore touché la terre. Le canon ne pouvait incommoder les ennemis de volée, mais seulement de bonds, Saint-Simon, 12, 136.

    Au jeu de paume, de balle et de ballon. Jouer de volée, prendre de volée, à la volée, renvoyer la balle avant qu'elle ait touché à terre.

    Cet homme a la volée bonne, la volée sûre, il est adroit à prendre la balle de volée et à la placer.

    Au jeu de paume seulement, donner de volée dans la grille, dans l'ais, donner dans la grille, dans l'ais, sans que la balle touche ni à terre ni au tambour.

    Prendre une balle, prendre un coup entre bond et volée, prendre la balle dans le moment qu'elle est près de s'élever après avoir touché à terre.

    Fig. et familièrement. Obtenir une grâce, une faveur tant de bond que de volée, l'attraper entre bond et volée, l'obtenir en saisissant une conjoncture heureuse.

    Fig. Tant de bond que de volée, d'une façon quelconque, comme on peut. Soit de bond ou de volée, que nous en chaut-il, pourvu que nous prenions la ville de gloire [le paradis], comme dit ce père au même lieu ? Pascal, Prov. IX.

  • 9Mouvement des ailes du moulin à vent.
  • 10Dans le battage d'une pièce, série de coups de mouton se succédant à de courts intervalles, et suivie d'un temps de repos.

    Action de plusieurs hommes rangés de front qui battent un terrain pour l'unir.

    Fig. et familièrement. Une volée de coups de bâton, ou, simplement, une volée, un grand nombre de coups de bâton donnés de suite. On lui a donné une volée. Maillard reçut plusieurs volées de coups de bâton, Retz, III, 332.

  • 11Pièce transversale d'une voiture, à laquelle sont fixés les traits des chevaux. Volée de derrière, celle qui est fixée au devant de la voiture ; volée de devant, celle qui est au bout du timon. Un cheval de volée.

    Dans une diligence, chevaux de volée, ceux qui sont en avant.

  • 12 Terme de métallurgie. Volée d'un marteau, la distance qui se trouve entre son point le plus élevé et l'enclume. Une pièce de fer qui avait reçu quatre volées de coups de marteau et par conséquent toutes les chaudes nécessaires pour être entièrement et parfaitement forgée, Buffon, Hist. min. Introd. t. VIII, p. 18.
  • 13 Terme de construction. Volée d'un escalier, la portion comprise entre deux paliers successifs.
  • 14Dans une carrière, bancs de volée, ceux qui se détachent d'eux-mêmes ou à l'aide de coins, lorsqu'on a sapé le lit inférieur.
  • 15À la volée, loc. adv. En l'air, au passage. Je lui jetai ma bourse, il la saisit à la volée.

    Très promptement, en profitant du moment favorable. Je vous écris dans les moments de repos qu'il faut prendre à la volée, Maintenon, Lett. au duc de Noail. 7 janv. 1701. Autant que j'ai pu juger par quelques mots lâchés à la volée, Rousseau, Conf. II. C'était à qui saisirait le plus vite, et comme à la volée, le moment de placer son mot, son conte, son anecdote, Marmontel, Mém. IV.

    Inconsidérément, à la légère. Monsieur, dans ces matières-là, il faut procéder avecque circonspection, et ne rien faire, comme on dit, à la volée ; d'autant que les fautes qu'on y peut faire sont, selon notre maître Hippocrate, d'une dangereuse conséquence, Molière, Am. méd. II, 5. Quand la volonté, à la volée et sans discussion, se porte à vouloir…, Pascal, Prov. IV.

  • 16 Terme d'agriculture. Semer à la volée, semer en jetant les graines par poignées.
  • 17Trempe à la volée, trempe d'une pièce d'acier, par opposition à trempe en paquet.
  • 18À volée de bonnet, se disait quand une affaire se jugeait tout d'une voix et sans délibérer, les juges ne faisant qu'opiner du bonnet. Cinquante ou soixante voix le désavouèrent d'une volée ; et je crois qu'elles eussent été suivies de beaucoup d'autres, Retz, Mém. t. III, liv. IV, p. 209, dans POUGENS.

HISTORIQUE

XIIIe s. Tantost le faucon deslaça, Les gex lascha sanz demorée, Et il se mist à la volée, Ren. 25932. En tant com il se dementoit, Lieve sa teste et venir voit Une cornaille à la volée, ib. 22841. Sire, dist Buiemons, c'est parole gastée ; Par foi, n'i monteroie pour la tour d'or comblée ; Car jà me reveriés jus cheïr à volée, Ch. d'Ant. VI, 571. Ces huit sarrazins traioient à la volée parmi nostre ost, et blecerent plusieurs de nos gens et de nos chevaus, Joinville, 231. Ne drois ne raisons ne comande C'on doinst le sien si à volée, Baudouin de Condé, t. I, p. 21.

XIVe s. Et mainte trompe y ot à celui jour sonnée, Et maint haut instrument sonné à la volée, Guesclin. 21507. Une grant volée de pertrix, Modus, f° CXXIX. Avoir enquis aux compaignons du païs où sont les volées de perdris, Ménagier, III, 2. Et n'aura [la balance] de volée du fort au feble [denier] que deux grains, Du Cange, volatus.

XVe s. Bruit de ville et renommée qui dit tout à la volée, soit vray ou soit faulx, Gerson, Harengue au roi Charles VI, p. 19. Il n'attendit nullui, ainçois s'en vint au marché de Valenciennes, et fit sonner les cloches du beffroy à volée, Froissart, I, I, 100. Et je respons à la volée : Dame, dame, trop afolée Est ma science en plusieurs lieus, Froissart, Buiss. de Jonece. Ni de saillir à la volée Es rues pour ouir le bruit, Deschamps, Miroir de mariage, p. 10. Ce jour revint le prevost, c'est assavoir le Borgne de la Heuse, et fut remis en sa prevosté, et l'autre deposé ; et aussi ouvroit fortune à la vollée en ce royaume, qu'il n'y avoit ne gentil ne autre qui sceut quel estat estoit le meilleur, Journ. de Paris sous Charles VI et VII, p. 18. Et de ceste volée furent deffaitz [cassés] le seneschal d'Agenetz, qui avoit cent lances et la compagnie de Robinet du Quesnoy…, Bibl. des ch. 4e série, t. II, p. 569. Gentil chevalier, estendez amont le bras, d'autant que le coup viendra de haut, et tant sera il plus puissant ; levez vous sur vos estriers pour avoir plus grant vollée, Perceforest, t. IV, f° 137. Le suppliant se appuya contre la volée du windas estant sur le rivage d'icelluy kay, Du Cange, volatus. B. S'il vient hasart en ung banquet. - M. Le prendre entre bont et volée, Villon, Baillev. et Malepaie.

XVIe s. Inconsiderément et à la volée, Calvin, Inst. 777. Il inventa engeins à tirer gros traits d'une longue volée et impetuosité, Montaigne, I, 364. Tirer trois ou quatre volées d'artillerie, Lanoue, 570. Ils [les Spartiates] s'accoustumoient à ne dire jamais parole à la volée et en vain, soubs laquelle il n'y eust toujours quelque intelligence secrette, Amyot, Lyc. 43. Ilz conseillerent à Pompeius de tourner arriere et s'eslargir en haulte mer, pendant qu'ilz estoient encore hors la volée du traict, Amyot, Pomp. 109. Il disoit encore qu'il les dissiperoit et escarteroit comme une volée de petits oyseaux, Amyot, Démétr. 26. L'ame prenant hors du corps sa volée, En souspirant aux enfers est allée, Amyot, Comm. lire les poët. 7. De ceste vollée [en passant, de ce temps] se presente l'accident d'Orleans, D'Aubigné, Hist. I, 293. Jantian, Hervet et autres docteurs de ceste vollée, D'Aubigné, ib. I, 65. Perdre la volée pour le bond, Cotgrave Meschante parole jectée va partout à la volée, Cotgrave Les deux Saint André… et d'autres jeunes seigneurs ses compagnons [de Vieilleville], tous d'une volée et courants une mesme fortune, Carloix, I, 19.

ÉTYMOLOGIE

Voler 1 ; wallon, volaie ; provenç. volada ; ital. volata.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

VOLÉE.
3Ajoutez :

Être le premier de sa volée, être au premier rang parmi les gens de même âge, de même condition. Il [Prévost-Paradol] en vint sans trop d'effort, au bout d'un an, à être le premier de sa volée, comme on disait autrefois, Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. I (M. Prévost-Paradol)