« étendre », définition dans le dictionnaire Littré

étendre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

étendre

(é-tan-dr') v. a.
  • 1Donner à une chose plus de surface. On étend l'or sous le marteau. Étendre du beurre sur du pain.

    Étendre des troupes, leur faire occuper plus de terrain, leur donner plus de front. Arbogaste étendit dans la plaine cette armée de barbares qu'il avait emmenés en Gaule, Fléchier, Théodose, IV, 48.

    Terme de trictrac. Étendre son jeu, distribuer les dames sur autant de flèches qu'il se peut afin de faire facilement des cases.

    Fig. et familièrement. Étendre le parchemin, faire de longues écritures dans une affaire, pour en tirer plus de profit, prolonger un procès par des chicanes ; ainsi dit parce qu'autrefois les écritures de justice se faisaient surtout sur parchemin.

    Étendre la courroie, étendre les profits ou les attributions d'un emploi, au delà de ce qui est permis. Sa place ne lui vaudrait pas tant, s'il n'étendait un peu la courroie.

    Terme de peinture. Grouper ensemble plusieurs parties qui reçoivent la lumière, et où les objets ne sont séparés que par des demi-teintes adoucies.

  • 2Déployer en long et en large. Étendre son manteau par terre pour se coucher.

    Étendre du linge, le placer sur des cordes pour qu'il y sèche. Les premiers objets qui se présentèrent furent Cunégonde et la vieille qui étendaient des serviettes sur des ficelles pour les faire sécher, Voltaire, Candide, 29.

    Étendre les bras, les jambes, les allonger. Le Seigneur a étendu sa main sur la mer, il a ébranlé les royaumes, Sacy, Bible, Isaïe, XXIII, 11. [La Mollesse] Soupire, étend les bras, ferme l'œil et s'endort, Boileau, Lutr. II.

    Terme de physiologie. Étendre la jambe sur la cuisse, l'avant-bras sur le bras, faire que la jambe et la cuisse, le bras et l'avant-bras soient en ligne droite.

    Étendre les ailes, se dit d'un oiseau qui les déploie pour s'envoler.

  • 3Coucher de son long. Étendre un blessé sur un lit. Télémaque fit laver la plaie sanglante de Pisistrate, il le fit étendre sur un lit de pourpre, Fénelon, Tél. XX.

    Il se dit aussi pour renverser à terre. Et si tu veux m'en croire, Tu l'étendras tout plat, La Fontaine, Fabl. VIII, 17. À peine fut-il étendu par terre que je lui tendis la main pour le relever, Fénelon, Tél. v.

    Étendre un homme sur le carreau, le tuer, le renverser mort par terre

  • 4Développer, amplifier. Étendre un sujet. Pour peu que j'eusse voulu étendre quelques-unes de mes lettres, elles se fussent appelées des livres, Guez de Balzac, liv. IV, lett. 4.

    Étendre la clause d'un contrat, les termes d'un arrêt, etc. porter le sens d'un contrat, d'un arrêt au delà de ce que les termes signifient précisément. En cela il a étendu sa commission et a fait plus qu'il ne devait faire, Guez de Balzac, liv. VI, lett. 3. Selon divers besoins il est une science D'étendre les liens de notre obéissance, Molière, Tart. IV, 5.

    Étendre le sens, la signification d'un mot, lui attribuer un sens plus ample qu'il n'avait.

    On dit de même étendre un mot. Ce mot ne désignait d'abord que telle chose, on l'a étendu depuis à telle autre.

  • 5Augmenter, agrandir. Étendre son empire. Étendre sa domination. La découverte de l'Amérique a beaucoup étendu le commerce européen. Plus on étend sa puissance, plus on est dévoré du désir de tout pouvoir, Rousseau, Lett. de la montagne, 9. Il n'est point d'État aussi heureusement situé que la Russie pour étendre son commerce, Raynal, Hist. phil. v, 21. La population étendit l'industrie, Raynal, ib. IV, 30.

    Par extension. J'ai trouvé l'art d'étendre ma vie sans la prolonger ; j'existe, j'aime, je suis aimée, je vis jusqu'à mon dernier soupir, Rousseau, Hél. VI, 11.

    Fig. On n'étend l'esprit qu'en abrégeant ses idées, Malebranche, Rech. VI, II, 1.

  • 6Porter jusqu'à, faire aller jusqu'à. Que servirait à Louis d'avoir étendu sa gloire partout où s'étend le genre humain ? Bossuet, Mar. Thér. Toutes les espèces sur lesquelles il put étendre ses expériences, Fontenelle, Hartsoeker. Tel était le génie de Carthage : toujours sévère et excessive dans ses punitions, elle les portait aux dernières rigueurs et les étendait jusque sur les innocents, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. 1, p. 281, dans POUGENS. Étends la loi de la nécessité aux choses morales, apprends à perdre ce qui peut t'être enlevé, Rousseau, Ém. V. Antipater est, après Philippe, le plus habile politique de la Grèce ; actif, infatigable, il étend ses soins sur presque toutes les parties de l'administration, Barthélemy, Anach. 61. Quand la mort sur le trône étend ses rudes coups, Voltaire, Henr. VI. Je vais, sur les vaincus étendant mes secours, Consoler leur misère et veiller sur leurs jours, Voltaire, Alz. IV, 1. Que si cette inscription est de quelque nation ancienne qui ne subsiste plus, elle étend notre âme dans les champs de l'infini, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virg.

    Étendre la vue, la porter sur un point éloigné. C'est un plaisir d'étendre la vue sur cette belle campagne, Dict. de l'Acad.

  • 7 Terme de chimie. Étendre un acide, de l'alcool, y ajouter de l'eau et l'affaiblir de la sorte.

    On dit de même étendre du vin avec de l'eau.

  • 8S'étendre, v. réfl. Prendre plus de surface. L'or s'étend sous le marteau.

    Se déployer. L'armée s'étend dans la plaine. L'ombre de cet arbre s'étend sur nos têtes. Sur la face des eaux s'étend la nuit profonde, Delille, Énéide, I. …En vain sous de beaux cieux S'étendaient à tes pieds des champs délicieux, Delille, Trois règnes, III.

    Fig. Un silence pieux s'étend sur la nature [pendant la nuit], Lamartine, Harm. II, 4.

  • 9Se coucher tout de son long. Ils se sont étendus sur le gazon. Étendez-vous là seulement ; il y aura plaisir à confondre votre frère ; voici madame ; tenez-vous bien, Molière, Mal. im. III, 17.
  • 10Être allongé. Ses jambes s'étendaient sous la table. Et vers l'amant qu'elle adore, Ses bras s'étendent encore En se changeant en rameaux, Marmontel, Daphné. Le liquide azur Du fleuve qui s'étend comme lui [le ciel] calme et pur, Chénier, Élég. XIV.
  • 11Aller jusqu'à. Et sa bonté [de Dieu] s'étend sur toute la nature, Racine, Athal. II, 7. L'horreur de mon destin s'étendrait jusqu'à vous, Voltaire, Œdipe, IV, 3. La flamme dont brûla Sion désespérée S'étendit en fureur aux murs de Césarée, Voltaire, Zaïre, II, 1. Je suis l'ami et le disciple de Socrate ; et je crains bien que la haine qu'on a pour lui ne s'étende jusqu'à moi, Marmontel, Cont. moraux, Alcibiade.
  • 12Occuper une certaine étendue. L'État dont mon cœur est content Sur quelques bords du Nil à grand'peine s'étend, Corneille, Pomp. II, 3. Cette histoire s'étend depuis l'an du monde 3483 jusqu'à l'an 3600, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. III, p. 21, dans POUGENS. La plaine Qui s'étend de Pisaure aux remparts de Césène, Voltaire, Triumv. III, 5. L'empire des Perses s'étendait jusqu'à l'Indus, Montesquieu, Esp. XXI, 8.

    Par extension. Sa réputation s'étend par toute l'Europe. Son culte [de Diane], connu depuis longtemps dans quelques pays éloignés, s'étendit dans l'Asie Mineure, dans la Syrie et dans la Grèce proprement dite ; il était dans le plus grand éclat sous les premiers empereurs romains, Barthélemy, Anach. ch. 72, note 8.

  • 13 Fig. Prendre plus de portée, en parlant de l'esprit. Son esprit s'est étendu. Les idées se sont étendues, Genlis, Veillées du chât. t. III, p. 77, dans POUGENS.
  • 14Il se dit des personnes, en parlant de leurs propriétés. Ce propriétaire s'est fort étendu de ce côté. Pourquoi, dit un riche, ne me sera-t-il pas permis d'accroître mon fonds, et pourquoi, payant bien ce que j'acquiers, n'aurai-je pas droit de m'étendre ? Bourdaloue, Carême, II, Richesses, 14.
  • 15Il se dit de la vue, de la voix. La vue s'étend très loin de ce côté. Autant que la voix peut s'étendre. Autant que mes regards au loin peuvent s'étendre, Voltaire, Mérope, v, 5.

    Tant qu'elle peut s'étendre, se dit d'une somme d'argent, et signifie pas davantage, avec un sens d'ironie. Saint-Albin : J'ai quinze cents livres de rente ? - Le commandeur : Tant qu'elles peuvent s'étendre, Diderot, Père de famille, II, 8.

  • 16Embrasser, être applicable à. La règle que je vous ai donnée s'étend à toutes les autres, Bossuet, Lett. abb. 52. Cette maxime s'étend, quoique avec moins de sévérité, à tous les autres objets, Diderot, Lett. sur les sourds et muets.
  • 17S'étendre sur quelque sujet, le traiter avec développement. Le prince s'étendit sur le malheur des grands, La Fontaine, Fabl. x, 16. Il s'étendit fort au long sur les justifications qui étaient dans la lettre, Sévigné, 109. Je me suis un peu étendue sur cette mort, Sévigné, 345.
  • 18Il se dit aussi d'une armée qui pousse au loin ses corps, ses partis. Depuis deux mois les deux armées ne s'étaient fait qu'une guerre de partisans ; son but, pour les Français, était de s'étendre dans le pays, pour y chercher des vivres…, Ségur, Hist. de Napol. X, 1.
  • 19Durer. D'après David, la vie ordinaire ne s'étend pas au delà de soixante-dix ans.

    PROVERBE

    Le cuir sera à bon marché, les veaux s'étendent, se dit pour reprocher à quelqu'un de s'étendre d'une façon peu convenable.

HISTORIQUE

XIIe s. Tu estendras la tue ire [ta colère] de generaciun en generaciun, Liber psalm. p. 121. Merveilles fait de sei Gerin Od [avec] le suen cler brant acerin ; N'en ateint home qu'il ne fende, Que mort à terre ne l'estende, Benoit de Sainte-Maure, II, 529. Donc [il] laisse courre à plein frein estendu, Ronc. p. 60. Deus est chiés [chef] des prelaz : pur sa lei maintenir, Il devreient estendre les cols, prez de murir, Th. le mart. 70.

XIIIe s. Dame Diex qui en croi fu pour nous estendus, Berte, XXIV. Ne tapis estendus pour son cors aaisier, ib. XXXVIII. En sa chambre [elle] l'enmaine, delez le feu l'estent, ib. XLVII. Par trestout le royaume la nouvele s'estent, ib. CXXXIII. Cis grans empereres meïsmes, Qui fu de tout le monde sires, Tant s'estendoit loin ses empires, la Rose, 6450. Et s'il [les arbitres] s'estendent en plus, li arbitrages est de nule valeur, Beaumanoir, XLI, 2. Auquel il firent si grant honneur en Acre que il li estendoient les dras d'or et de soie par où il devoit aler, Joinville, 270.

XIVe s. Car qui se vouldroit estendre à ses parens et as proceins [prochains] et amis, et as amis de ses amis, ce seroit une chose sans fin, Oresme, Eth. VIII, 14.

XVe s. Si je me sentoye aorné de telle valeur, je oseroye hardiement et à chere estendue [à visage ouvert] tel honneur et plus grant recevoir, Perceforest, t. I, f° 92.

XVIe s. Platon s'estend à mille preceptes pour ses gymnazes, Montaigne, I, 184. Les fourmis estendent hors de l'aire leurs grains pour…, Montaigne, II, 186. La couardise ne va point jusques là, non plus que la vaillance ne s'estend pas qu'un seul eschelle une forteresse, La Boétie, 15. Ils ne voient autre moyen, pour asseurer la nouvelle tyrannie, que d'estendre fort la servitude, La Boétie, 31.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, siteind ; provenç. estendre, extendre ; espagn. extender ; portug. estender ; ital. stendere ; du latin extendere, de ex, et tendere, tendre.