« pays », définition dans le dictionnaire Littré

pays

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

pays

(pè-yî ; l's se lie : un pè-yî-z abondant ; au XVIe siècle, Palsgrave, p. 13, dit qu'on prononce pa-i) s. m.
  • 1Région, contrée. Des pays sont tous de maçons, d'autres tous de soldats, Pascal, Pens. III, 4. Leurs années [des hommes] se poussent comme des flots ; ils ne cessent de s'écouler, tant qu'enfin après avoir fait un peu plus de bruit et traversé un peu plus de pays les uns que les autres…, Bossuet, Duch. d'Orl. Quel pays reculé le cache à mes bienfaits ? Racine, Esth. II, 3. Ce célèbre Huniade montra que, s'il avait été mieux secouru, les chrétiens n'auraient pas perdu tous les pays que les mahométans possèdent en Europe, Voltaire, Mœurs, 92.

    Pays plat, pays de plaine, par opposition à pays montueux.

    Plat pays, la campagne par opposition aux lieux fortifiés. Les combats précédents vous ont rendu maître du plat pays, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. I, p. 434, dans POUGENS.

    Le haut pays, la partie montagneuse d'une contrée. Il partit d'Antioche, capitale de son royaume, en la cent-quarante-septième année, passa l'Euphrate et traversa le haut pays, Sacy, Bible, Machab. I, III, 37.

    Terme de chasse. Grand pays, grand bois, grande étendue de terrain dans laquelle on chasse.

    Pays de chicane, nom que les militaires donnent à des terrains entrecoupés, accidentés, propres à une guerre d'embuscades.

    Courir le pays, aller çà et là dans un pays. Eh ! mon enfant, me dit-elle, d'un ton qui me fit tressaillir, vous voilà courant le pays bien jeune, Rousseau, Confes. II.

    Fig. Courir le pays, être l'objet du bruit public. Il enferme sa femme en une tour carrée, Lui va soir et matin reprocher son forfait ; Cette honte qu'aurait le silence enterrée, Court le pays et vit du vacarme qu'il fait, La Fontaine, Coupe.

    Passer pays, traverser un canton. Ce qui me fâche, c'est de ne recevoir de vos lettres qu'à Nantes ; je ne les hasarderai point en passant pays, Sévigné, 3 mai 1680. Henri IV passait pays à cheval avec une très petite suite, Saint-Simon, 9, 106.

    Gagner pays, du pays, voy. GAGNER, n° 14.

    Tirer pays, s'en aller, s'enfuir, voy. TIRER.

    Battre du pays, parcourir beaucoup de lieux différents.

    Fig. Battre du pays, traiter beaucoup de sujets différents. Nous causons fort agréablement, le maître du logis et moi ; je ne sais quel pays nous ne battons point, Sévigné, 25 août 1677.

    Terme de guerre. Battre le pays, l'explorer.

    Voir le pays, parcourir un pays pour l'examiner. Elle a voulu voir le pays ; c'est une petite satisfaction qu'on ne doit pas refuser à une personne de son âge, Voltaire, Jenni, 7.

    Voir du pays, voyager. Ce mois-ci ne m'a pas paru si immense que l'autre, c'est que je n'ai pas vu tant de pays, Sévigné, 437. Astolfe, qui ne demandait qu'à voir du pays, ne se fait point prier, Fontenelle, les Mondes, 2e soir. Voir du pays est un appât auquel un Génevois ne résiste guère, Rousseau, Confes. II.

    Fig. Faire voir du pays à un homme, lui donner de l'exercice, de la peine, lui susciter beaucoup d'affaires. Si vous prenez le chemin de dire : qu'est-ce que cent écus plus ou moins ? ce style fait bien voir du pays, Sévigné, 12 févr. 1672. Perpenna le traître me fit mourir ; sans lui j'aurais fait voir bien du pays à mes ennemis, Fénelon, Dial. des morts anc. 44 (Sertorius, Mercure). Par ma foi, monsieur Turcaret, je vous ferai bien voir du pays, sur ma parole, Lesage, Turcaret, I, 10.

    À vue de pays, voy. VUE.

    Fig. Savoir la carte du pays, connaître les gens avec qui l'on a à faire.

    Être en pays de connaissance, se trouver parmi les gens de sa connaissance, et aussi connaître ce dont il s'agit. Cette société plaît fort au marquis… il est en pays de connaissance, Sévigné, 10 janv. 1689.

    Familièrement et fig. De quel pays venez-vous ? se dit à celui qui ignore une nouvelle, une chose connue de tout le monde. De l'amour nous fâcher ! de quel pays venez-vous donc ? Marivaux, Serm. indiscr. III, 7.

  • 2Pays considéré par rapport à certaines conditions politiques ou administratives. Pays d'états, provinces de France où la noblesse, le clergé et la bourgeoisie nommaient des états provinciaux qui accordaient et asseyaient les impôts.

    Pays d'élection, provinces où les impositions étaient assises par les élus et autres officiers créés à cet effet.

    Pays d'obédience, provinces où le pape nommait à certains bénéfices.

    Pays de concordat, se disait des provinces où les matières bénéficiales devaient être réglées selon le concordat fait entre François Ier et Léon X.

    Pays de franc-salé, provinces qui étaient exemptes de la gabelle.

    Pays conquis, les conquêtes faites par la France depuis Louis XIII.

    Pays coutumier, provinces où l'on suivait une coutume locale. Pays de droit écrit, provinces où l'on décidait les affaires par l'autorité du droit romain.

    Pays de sapience, nom donné à la Normandie, parce que la coutume des Normands était une des plus sages de France.

    Pays rouges, pays où existaient les cours vehmiques.

  • 3 Particulièrement. Région, contrée, ville où l'on est né, patrie. Avant que d'être à vous, je suis à mon pays, Corneille, Hor. II, 5. Préparez-vous à voir vos pays désolés, Corneille, Nicom. III, 1. Mon pays, mes enfants, pour vous j'ai tout quitté, Corneille, Phèdre, I, 3. Du doux pays de nos aïeux Serons-nous toujours exilées ? Corneille, Esth. I, 2. Ce temple est mon pays, je n'en connais point d'autre, Corneille, Ath. II, 7. La prévention du pays, jointe à l'orgueil de la nation, nous fait oublier que la raison est de tous les climats, et que l'on pense juste partout où il y a des hommes, La Bruyère, XII. Le mérite de M. Guglielmini fut reconnu jusque dans son pays, Fontenelle, Guglielmini. Vous que j'appris à pleurer sur la France, Dites surtout aux fils des nouveaux preux Que j'ai chanté la gloire et l'espérance Pour consoler mon pays malheureux, Béranger, Bonne vieille.

    Absolument. Le pays, la patrie. Mourir pour le pays n'est pas un triste sort ; C'est s'immortaliser par une belle mort, Corneille, Cid, IV, 5. L'intérêt du pays n'est point ce qui l'engage, Corneille, Cinna, III, 1. De l'amour du pays noblement transporté, Racine, Théb. III, 4.

    On a accusé de néologisme pays pour patrie : C'est comme la patrie, vieux mot assez usé ; on dit le pays ; voyez nos orateurs, ils n'y manqueraient pas pour dix écus, Musset, Lettres de Dupuis et Cotonet, 1836. Les exemples ci-dessus montrent que l'accusation est mal fondée.

    Fig. et familièrement. Il est bien de son pays, il est bien simple, bien malavisé (locution provenant de ce qu'il n'y a rien qui forme tant les hommes que les voyages). Va, déloyal, va-t'en, je te le dis : Je suis bien sotte et bien de mon pays De te garder la foi de mariage, La Fontaine, Richard.

  • 4Plus particulièrement encore. Le canton, la localité où l'on est né (sens le plus voisin de la signification étymologique) ; en cet emploi, il se dit d'ordinaire sans adjectif possessif. Il est certain que, si elle n'avait pas été mangée, elle serait revenue au pays, Voltaire, Ingénu, 1. Tant qu'au pays le cousin restera, Picard, Maison en loterie, SC. 10. Dis au général d'Anthouard que, si je ne vais au pays, je suis ruiné sans ressource, Courier, Lett. I, 236. Dès lors on me conseilla de quitter le pays : va-t'en, Blondeau, va-t'en, me dit un de nos voisins ; que veux-tu faire ici, ayant fâché le maire ? Courier, Pierre Clavier dit Blondeau.

    Vin de pays, vin recueilli dans le canton, lorsque le canton n'a pas un cru renommé.

    Des grammairiens condamnent l'Académie et veulent qu'on dise vin du pays ; mais l'Académie n'a fait qu'enregistrer l'usage ; puis vin de pays et vin du pays ne sont pas synonymes : le vin du pays, c'est le vin du pays dans lequel je suis, un vin du voisinage ; vin de pays est un vin du voisinage, mais sans renommée.

    Cheval de pays, celui dont la race est originaire du pays.

    Mal du pays, désir violent et qui rend malade, de revoir le canton où l'on est né (voy. NOSTALGIE).

  • 5 Par catachrèse et populairement. Celui qui est du même pays, du même canton. Mon cher pays, secourez-moi, lui-dis-je, Voltaire, P. diable. C'est une bonne femme qui verra avec plaisir un pays de son fils et de son mari, Rousseau, Confess. VII.

    Au féminin, payse. Messieurs, dit-il, je vous la recommande, C'est ma payse, elle est jeune et friande, Marmontel, Poëme sur la musique, ch. V.

  • 6Les habitants mêmes du pays. Chaque pays a ses usages, ses mœurs.

    Pays légal, nom donné, dans le langage parlementaire, à l'ensemble des citoyens qui remplissent les conditions du cens électoral, par opposition à suffrage universel.

  • 7 Fig. Un pays perdu, une localité éloignée, un lieu où il y a peu de ressources, un quartier éloigné du centre des affaires ou de la société. Où la vas-tu chercher [la gloire] ? ce temple prétendu, Pour parler ton jargon, n'est qu'un pays perdu, Piron, Métrom. III, 9.
  • 8À Paris, le pays latin, le quartier où sont la plupart des colléges. Les rois du pays latin Ont pour sceptre une férule, Maynard, Poésies, dans LE ROUX, Dict. comique. Ce qui est mien, ce qui est sien, ce qui est vôtre sont des expressions venues du quartier de l'Université, qu'on appelle autrement le pays latin, Caillières, Bon et mauvais usage, convers. 2e.

    Pays de cocagne, lieu où l'on a tout à souhait (voy. COCAGNE).

  • 9 Fig. Il se dit de tout ce que l'on compare à un pays. Mais puisque nous voici dedans les Tuileries, Le pays du beau monde et des galanteries, Corneille, le Ment. I, 1. Quelque découverte que l'on ait faite dans le pays de l'amour-propre, il y reste encore bien des terres inconnues, La Rochefoucauld, Réflex. 3. Je définis la cour un pays où les gens, Tristes, gais, prêts à tout, à tout indifférents, Sont ce qu'il plaît au prince, ou, s'ils ne peuvent l'être, Tâchent au moins de le paraître, La Fontaine, Fables, VIII, 14. Il y a des cœurs délicats ; quand cela se trouve avec un esprit sec, cela fait des progrès merveilleux dans le pays de la jalousie, Sévigné, 6 août 1680. C'est un pays [la cour] qui n'est point pour moi, Sévigné, 12 avr. 1680. Nous dévidons beaucoup de chapitres, et de tous pays nous revenons à vous, Sévigné, 26 août 1677. C'est trop se moquer de ne les faire savants [Pétau et Huet] que par les fautes dont on les accuse, et de ne prouver leurs voyages dans les vastes pays de l'antiquité que parce qu'ils s'y sont souvent déroutés, Bossuet, 6e avert. 103. Le pays de l'érudition et des faits est inépuisable, D'Alembert, Disc. prélim. Encycl. Œuv. t. I, p. 251, dans POUGENS.

    Le pays d'où l'on ne revient pas, le tombeau, la mort. Lui ont donné trois fois le vin émétique, et l'ont envoyé au pays d'où personne ne revient, Patin, Lett. t. III, p. 2, dans POUGENS.

  • 10Familièrement et par plaisanterie. Une partie du corps. Le pays, les pays d'en bas, les parties inférieures du corps. Parlez-moi un peu de votre santé en détail ; car vous avez des pays, hélas ! où il s'est fait autrefois de grands ravages, Sévigné, 27 nov. 1689.
  • 11Les Pays-bas, la Belgique et la Hollande.

    Par plaisanterie. Les Pays-bas, les parties inférieures du corps. Par cas fortuit, l'enfant de chœur Lucas Avait usé l'étui des Pays-bas, Gresset, Lutrin vivant.

PROVERBES

Autant de pays, autant de guises, c'est-à-dire les peuples ont des mœurs différentes.

Il est sots de tous pays, dans les lieux les plus polis il se trouve des gens qui n'ont guère d'esprit.

Pays ruiné vaut mieux que pays perdu, se dit pour excuser le dégât qu'on fait en quelque province pour empêcher les ennemis d'y subsister et de s'en emparer.

Accommodez-vous, le pays est large, c'est-à-dire il y a lieu de s'accommoder sans incommoder un autre.

Bon pays, mauvais chemin, c'est-à-dire là où la terre est bonne les chemins sont fangeux et mauvais.

Nul n'est prophète en son pays, c'est-à-dire un homme de mérite est ordinairement moins considéré en son pays qu'ailleurs.

HISTORIQUE

XIe s. En cest païs nous est venuz confondre, Ch. de Rol. II.

XIIe s. Chascun plore sa terre et son païs, Quant il se part de ses coraus amis [amis de cœur], Couci, XXIV. Alemaigne [ils] ont destruite, le grant païs plenier, Sax. XVI.

XIIIe s. Mout a eü grant guerre au païs longuement, Berte, LXVII. Par estrange païs [je] quiers mon chevissement [ma subsistance], ib. XLVII. Tout li païs i ert [était] venus communement, ib. CXXXIII.

XVe s. Le pays d'Angleterre estoit en branle et en differend l'un contre l'autre, Froissart, II, II, 4. Alez vous en, prenez païs, Yver, vous ne demourrez plus, Orléans, Rond. Et ferma ledit conte un grand pays de son charroy et de son artillerie, et mist tout son ost dedans, Commines, I, 6.

XVIe s. Cette isle [l'Atlantide] tenoit plus de païs que l'Afrique et l'Asie ensemble, Montaigne, I, 231. Les seigneurs de Carthage, voyants que leur pays se depeuploit…, Montaigne, I, 233. Ils vivent en une contrée de pays très plaisante, Montaigne, I, 236. Le roy Emmanuel leur donna le temps de vuider ses pays, Montaigne, I, 298. Pour remettre son païs en liberté, Montaigne, II, 43. Ô mon pays doux ! Je meurs loin de vous, Voire et volontiers ! Th. de Bèze, cité par V. Chauffour, Réformateurs du XVIe siècle, t. I, p. 391. Qui a pays n'a que faire de patrie ; duquel nom pays tous les anciens poetes et orateurs françois en ceste signifiance l'ont usurpé, Fontaine, Quintil Horatian, p. 165.

ÉTYMOLOGIE

Bourg. poyi, paï ; provenç. pays, pais, paes, pahis ; espagn. pais ; portug. paiz ; ital. paese. Les formes en es, ese viennent du latin pagensis ; les formes en is viennent de pagesius, tous deux dérivés de pagus, canton : ager pagensis ou pagesius, territoire d'un canton, d'où, par extension, région, patrie.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PAYS. Ajoutez :
12Avancer pays, faire du chemin.

Fig. Avancer pays, avancer en âge. Je n'en ai pas une [incommodité], et n'ayant pas ouï dire qu'en avançant pays, on trouvât la parfaite santé…, Sévigné, à Mme de Grignan, 11 juin 1690, dans Lett. inéd. éd Capmas, t. II, p. 399.

13Pays s'est dit, sous l'ancienne monarchie, de l'assemblée des États généraux de la province, dans les pays d'États. Il y a lieu de craindre que nous ne puissions pas faire mettre Notre-Dame-de-la-Garde [le gouvernement de Scudéry] sur le pays [aux frais de la province], Mlle de Scudéry, p. 171, par Rathery et Boutron, Paris, 1873.
14 Pays, au sens de la population qui l'occupe On les bat trop ; les chanoines les accablent ; et vous verrez que tout ce pays-là, qui doit nourrir Versoy, s'en ira en Suisse, si vous ne le protégez, Voltaire, Lett. au duc de Choiseul, 7 sept. 1780.