« pourvoir », définition dans le dictionnaire Littré

pourvoir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

pourvoir

(pour-voir), je pourvois, nous pourvoyons ; je pourvoyais, nous pourvoyions, vous pourvoyiez ; je pourvus, nous pourvûmes, vous pourvûtes, ils pourvurent ; je pourvoirai ; je pourvoirais ; pourvois, qu'il pourvoie, pourvoyons, qu'ils pourvoient ; que je pourvoie, que nous pourvoyions, que vous pourvoyiez ; que je pourvusse, qu'il pourvût ; pourvoyant ; pourvu v. n.
  • 1Donner ordre à, avoir soin de, fournir ce qui est nécessaire, suppléer à ce qui manque. Je n'ai garde de trouver rien à redire à votre prudence, puisqu'elle est jointe avec tant de bonté, et qu'elle ne s'emploie pas moins à pourvoir aux biens des autres qu'aux vôtres mêmes, Voiture, Lett. 22. Qui pourvoira de nous au dîner de demain ? La Fontaine, Fabl. x, 16. Est-ce là tout, me dit-il ? vous m'avez fait peur ; croyez-vous qu'une chose si visible n'ait pas été prévue, et que nous n'y ayons pas pourvu ? Pascal, Prov. V. Il [Valentinien] voulut pourvoir à son salut en se faisant baptiser, et à son repos en disgraciant Arbogaste, Fléchier, Hist. de Théodose, IV, 30. Je découvre sur la terre un homme avide, insatiable, inexorable, qui veut, aux dépens de tout ce qui se trouvera sur son chemin et à sa rencontre, et quoi qu'il en puisse coûter aux autres, pourvoir à lui seul, grossir sa fortune et regorger de biens, La Bruyère, VI. Les femmes ne sont jamais embarrassées d'elles ; Dieu y pourvoit, Voltaire, Candide, 14. Le général de l'armée française avait pourvu à la victoire et à la défaite, Voltaire, Louis XV, 15. Il pourvoit au présent en ce qui dépend de lui, et laisse le soin de l'avenir à la Providence, Rousseau, 2e dial.

    Pourvoir à sa conscience, se dit d'un homme prêt à mourir qui demande et reçoit les derniers sacrements. De sorte qu'on ne les envoie à la mort [les criminels] qu'après leur avoir donné moyen de pourvoir à leur conscience, Pascal, Prov. XI.

    Pourvoir à un bénéfice, à un office, à un emploi, le conférer, y nommer. Le malheureux Honorius mourut sans enfants, et sans pourvoir à l'empire, Bossuet, Hist. I, 11.

  • 2 V. a. Nommer quelqu'un à un emploi, à un office, à un bénéfice. Pourvoir quelqu'un d'une charge. Le sort pourvoit Narsès de ce grade éminent, Rotrou, Bélis. II, 10. Le pape est obligé de pourvoir celui que le roi lui nomme pour un bénéfice, Massac, Droit ecclésiastique, chap. 4, dans RICHELET.
  • 3Établir par un mariage, par un emploi, par une charge. Il me reste à pourvoir un arrière-neveu, La Fontaine, Fabl. VIII, 1. Et je crois qu'il est bon de pourvoir Henriette, Molière, Femm. sav. II, 8. Ce n'est point assez de les nourrir [les enfants], il faut les pourvoir ; ce n'est point assez de les pourvoir, il faut les instruire et les élever selon le christianisme, Bourdaloue, 2e dim. après l'Épiph. Dominic. t. I, p. 75. Il me paraît si raisonnable de la pourvoir, que je la choisis pour moi-même, Lamotte, Calendr. des vieill. sc. 2. Des dettes à payer, et ma sœur à pourvoir, Picard, Amis de coll. I, 8.
  • 4Munir, garnir. Pourvoir une armée, une place, de munitions. Brontin… sort… chargé d'une triple bouteille D'un vin dont Gilotin, qui savait tout prévoir, Au sortir du conseil eut soin de le pourvoir, Boileau, Lutr. II. Moi qu'une humeur trop libre, un esprit peu soumis, De bonne heure a pourvu d'utiles ennemis, Boileau, Ép. VII.
  • 5Orner, douer. La nature l'a pourvue de toutes les grâces.
  • 6Se pourvoir, v. réfl. Se garnir de, se munir de. Pourvoyez-vous de quelque autre compère, La Fontaine, Mandr. Je songe à me pourvoir d'esquif et d'avirons, à régler mes désirs, à prévenir l'orage, Et sauver, s'il se peut, ma raison du naufrage, Boileau, Épître v. Sa princesse n'a pas sitôt su qu'il était captif en Barbarie, qu'elle s'est pourvue d'un autre amant, Lesage, Diable boit. ch. 19. Les étrangers qui venaient dans cette contrée [Venise], commençaient par acheter un visage, comme on se pourvoit ailleurs de bonnets et de souliers, Voltaire, Princ. de Babyl. 9.

    Familièrement. Il n'a qu'à se pourvoir ailleurs, se dit pour se débarrasser de quelqu'un qui ne paraît pas satisfait de ce qu'on lui offre. Si elle n'est pas de cette humeur, elle n'a qu'à se pourvoir ailleurs, Hamilton, Gramm. 4.

  • 7Se pourvoir, se marier en parlant d'une femme. Je ne serais pas trop fâchée de me pourvoir, aussi bien que ma maîtresse, Lamotte, Talisman. sc. 7.
  • 8 Terme de jurisprudence. Recourir au pourvoi. Se pourvoir en cassation, en grâce. Le délai pour se pourvoir au tribunal de cassation contre un jugement en dernier ressort, sera de trois mois à compter de la signification, Code Nap. art. 263.

    Absolument. Se pourvoir, recourir à la cour de cassation. Ce condamné a refusé de se pourvoir.

    En général, recourir à une autorité qui a droit de casser une décision. Une loi étrange au premier aspect mais admirable et tellement essentielle qu'on ne saurait la supprimer ou la négliger sans détruire la démocratie, c'est celle qui autorise le moindre des citoyens à se pourvoir contre un jugement de la nation entière, lorsqu'il est en état de montrer que ce décret est contraire aux lois déjà établies, Barthélemy, Anach. ch. 14.

    Se pourvoir en cour de Rome, demander au pape quelque grâce, quelque bénéfice, quelque dispense.

HISTORIQUE

XIIe s. David reis et prophetes purvit [aperçut] altrui muillier…, Th. le mart. 76.

XIIIe s. Bele Emmelos, fit-il, Diex vous porvoie ! Audefroi le Bastard, Romancero, p. 30. Du venin [poison] [je] serai tost porveüe et pourquise, Berte, LXXVI. Elle avoit porveü tout l'empoisonnement, ib. XCV. Or nous porveez bien, car nous remaindrons ci, ib. CXXVII. Et quand nous arons ce fait, dont porrons-nous aler devant la cité, et faire ce que Dieu nous a porveü [destiné], Villehardouin, LXII. Et se il estoit ainsint que le mestre à l'aprentis deffausist [vint à manquer] ainz [avant] son terme acompli, le prevost de Paris le pourvoiroit de mestre souffisant, Liv. des mét. 93. Enten que, se clerc empetre letres que l'en le porvoie comme povre clerc, et il ait soufizans benefices, les letres sont empetrées par fauseté, Liv. de just. 18. Aucun de mes chevaliers me manderent que, se je ne me pourveoie de deniers, que il me leroient [laisseraient], Joinville, 211. Et por ce se doit cascuns porveir comment il vient garnis de conseil à son plet, Beaumanoir, V, 20.

XIVe s. Le dictateur pourvoians [prévoyant] que il ne convenist pas aus Roumains avoir guerre…, Bercheure, f° 35, recto. Un home entendant, pourveu et discret, Oresme, Eth. 66. Ensement com li papes pourvoit une abaïe, Vous pourvoirai chascun d'aucune seignorie, Tous riches vous ferai ainçois ma departie, Guesclin. 14854.

XVe s. S'on n'y pourvoit, royaumes, tu te pers ; Un cuer vaillant puet [peut] ton fait redrecier, Deschamps, Conseils des François. Mais aujourd'hui vois maint homme encliné Pourvir aux gens et non pas à l'office, Deschamps, Poés. mss. f° 140. Le proverbe dit ainsy : homme pourveu n'est jamais deceu, Perceforest, t. IV, f° 77. À l'adventure que le bon homme n'a pas trop d'argent ; mais neantmoins il faut qu'il en pourvoye, Les 15 joies du mariage, p. 125, dans LACURNE.

XVIe s. Dieu y pourverra, Calvin, Inst. 136. Nous avons bonne fiance en Dieu qu'il prouvoirra en tout et par tout à nostre bien, Calvin, ib. 153. On confere les benefices, non pas pour prouvoir aux Eglises, mais aux hommes, Calvin, ib. 873. Tappecoue, ce non obstant, luy dist peremptoirement que ailleurs se pourveust, si bon luy sembloyt ; rien n'esperast de sa sacristie, Rabelais, Pant. IV, 13. Qu'il soit bien pourveu de choses, les paroles ne suyvront que trop, Montaigne, I, 187. Publicola se. proveut et prepara contre tous leurs aguets, Amyot, Publ. 39.

ÉTYMOLOGIE

Prov. provezir ; catal. provehir ; esp. proveer ; ital. provvidere ; du lat. providere, de pro, pour, et videre, voir.