« sonner », définition dans le dictionnaire Littré

sonner

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

sonner

(so-né) v. n.
  • 1Rendre un son. Les cloches sonnent. Ce tonneau sonne creux. Il marchait d'un pas relevé, Et faisait sonner sa sonnette, La Fontaine, Fabl. I, 4. Chères sœurs, n'entendez-vous pas Des cruels Tyriens la trompette qui sonne ? Racine, Athal. IV, 6. Partout en même temps la trompette a sonné, Racine, ib. V, 6. Le son de sa voix était net, plein, bien timbré ; une voix de basse étoffée et mordante, qui remplissait l'oreille et sonnait au cœur, Rousseau, dans LAVEAUX.

    Faire sonner une montre, se dit d'une montre à répétition dont on pousse le ressort et qui marque les heures par les sons. Alors Sainville, pour toute réponse, tira sa montre et la fit sonner, Genlis, Vœux témér. t. III, p. 53, dans POUGENS.

    Sonner le fêlé, se dit d'un vase que l'on frappe et dont le son indique une fêlure.

    Faire sonner une pièce de monnaie pour juger si elle est bonne.

  • 2Sonner du cor, de la trompette, de la trompe, faire rendre des sons à ces instruments. Alors les sept anges qui avaient les sept trompettes se préparèrent à en sonner, Sacy, Bibl. St Jean, Apocal. VIII, 6.

    Absolument. Ces piqueurs sonnent bien, sonnent mal.

  • 3Il se dit du son que produisent les lettres, les mots, etc. L'r sonne dans mer. Je n'entends qu'erre partout, en supposant qu'on ne fera pas mal à propos et contre l'usage sonner les s d'airs et de mers, où elles ne sont que signes de pluriel, D'Olivet, Prosod. franç. II, 2.

    Faire sonner une lettre, la faire entendre avec tout le son qui lui appartient.

    Ne pas faire sonner une lettre, ne pas la faire entendre, ou ne la faire entendre que faiblement.

    Ce mot sonne bien à l'oreille, le son en est agréable. Olympie sonne mieux à l'oreille que la ville de Reheboth, Voltaire, Mœurs, Déluge.

    Ce vers, cette stance, cette période sonne bien, sonne mal à l'oreille, l'arrangement des paroles y est harmonieux, n'y est pas harmonieux.

    Fig. Cette action sonne bien, ne sonne pas bien, sonne mal dans le monde, elle est bien, mal reçue du public.

    Fig. Cela sonne mal, se dit d'un acte qui n'a pas bonne apparence. Une jeunesse comme vous, vendre comme ça toutes ses nippes et en cachette, ça sonne mal, Genlis, Théât d'éduc. la Lingère, I, 2.

    Faire sonner un mot, le prononcer avec emphase. Étaler force mots qu'elles n'entendent pas ; Faire sonner Lamboy, Jean de Vert et Galas, Corneille, Ment. I, 6.

    Faire sonner signifie aussi appuyer sur, parler de. Est-ce un sujet pourquoi Vous fassiez sonner vos mérites ? La Fontaine, Fabl. IV, 3. Il a bien fallu faire sonner le nom de miracle, Bossuet, Var. 9. Ce diable de marquis qui s'en va, d'importance, Faire sonner partout son manque de finance, Th. Corneille, Comtesse d'Orgueil, I, 1. Mme la duchesse fit bien sonner la pauvreté de ses filles, Saint-Simon, 262, 7.

    Faire sonner signifie enfin répéter à haute voix. Chimène : De qui peux-tu savoir ces nouvelles étranges ? - Elvire : Du peuple qui partout fait sonner ses louanges, Le nomme de sa joie et l'objet et l'auteur, Son ange tutélaire et son libérateur, Corneille, Cid, IV, 1.

    Faire bien sonner, faire sonner haut, bien haut, vanter à l'excès, faire beaucoup valoir. Elle fait bien sonner ce grand amour de mère, Corneille, Rodog. II, 4. Certes, vous vous targuez d'un bien faible avantage, Et vous faites sonner terriblement votre âge, Molière, Mis. III, 5. Je sais qu'on fait sonner très haut deux grands avantages en faveur de l'éducation des colléges, la société et l'émulation, D'Alembert, Œuv. t. III, p. 171.

  • 4Être indiqué, annoncé par quelque son. Les vêpres sonnent à la paroisse. Adieu, ma chère enfant, voilà complies qui sonnent, Sévigné, 209. Dès que midi était sonné, Sévigné, 577. Si l'heure eût sonné tandis qu'il lisait sa phrase, il eût fermé le livre sans achever, Rousseau, Conf. VII. Sa mort sonne ; une… deux… c'est l'instant de frapper, Ducis, Macbeth, V, 7.
  • 5 Terme de musique. Sonner sur la basse, se dit d'une note qui entre dans l'accord et fait partie de l'harmonie, à la différence des notes de passage.
  • 6 V. a. Tirer du son d'une cloche, d'une sonnette, etc. Sonner les cloches, le tocsin, etc. On ne marchande pas un couvercle de marmite, sans l'avoir sonné pour connaître si le métal est bon, Fénelon, Diog.

    Sonner la cloche, c'est faire que le battant frappe des deux côtés (comparez COPTER).

  • 7Annoncer quelque office de l'église par le son des cloches. Sonner la messe, les vêpres, le sermon. Sonner un baptême. Sonner le premier coup, le dernier coup de matines, ou, simplement, sonner le premier, sonner le dernier.

    Absolument. Sonner pour les morts.

    Par extension. Le signal ? - Un tocsin sonnant la mort des traîtres, Chénier M. J. Charles IX, II, 4. Aux accents de l'airain sonnant les homicides, Chénier M. J. ib. V, 2.

  • 8Dans les omnibus, sonner un voyageur, indiquer sur le cadran, en le faisant sonner, qu'un voyageur a monté.
  • 9 Terme de musique. Sonner un ton, un accord, le faire entendre.

    Sonner s'est dit des airs de danse que l'on joue. Cela eût duré trop longtemps, si les violons n'eussent vitement sonné une sarabande si gaie, que tout le monde se leva aussi joyeux que si de rien n'eût été, Voiture, Lett. 10.

  • 10 Terme de chasse. Il se dit des différentes manières de sonner du cor, de la trompe. Sonner le laisser-courre. Sonner du gros ton, sonner du grêle. En chasse ! le maître en personne Sonne, Hugo, Ball. 11.

    Sonner un ou deux mots, donner un ou deux tons prolongés avec le cor.

    Absolument. Faire retirer les chiens.

  • 11 Terme de guerre. Donner avec la trompette différents signaux. Sonner le boute-selle. Sonner la retraite. Comme il sonna la charge, il sonne la victoire, La Fontaine, Fabl. II, 9.

    Sonner à cheval, sonner pour faire monter à cheval la cavalerie.

    Fig. Il est temps de sonner la retraite, il est temps de se retirer des affaires, du monde.

  • 12 Terme de marine. Sonner le quart, avertir de venir faire le quart.
  • 13Sonner ses gens, agiter une sonnette pour les faire venir. Sonner la femme de chambre.

    Absolument. Agiter une sonnette pour appeler, pour se faire ouvrir une porte. J'entends sonner. On sonne à votre porte. Vite, madame a sonné. Drelin, drelin, drelin ! tout comme si je ne sonnais point ; chienne ! coquine ! Molière, Mal. imag. I, 1.

  • 14 Fig. et familièrement. Ne sonner mot, ne dire mot, ne prononcer aucune parole. Vous avez raison, je ne sonnerai mot, Dancourt, les Trois cousins, I, 7.

    Ne pas sonner mot d'une chose, n'en pas parler. Il [Baronius] a eu tort de dire que les hérétiques en furent si accablés [d'un livre sur la prétendue papesse Jeanne], qu'ils eurent honte d'avoir parlé de cette fable, et qu'ils n'osent plus en sonner mot, Anal. de Bayle, t. II, p. 319. Ce billet… Paraît être daté de deux mois ; et mon maître Pendant tout ce temps-là ne m'en a sonné mot, Rousseau J.-B. Flatt. V, 3.

  • 15 Fig. Signifier, en parlant de mots, de paroles. Ainsi on sera toujours en garde contre les expressions de l'Évangile, de peur qu'un chicaneur ne nous vienne dire que vous êtes janséniste, en les prenant avec les saints selon ce qu'elles sonnent ! Bossuet, Avert. sur le livre des Réflex. mor. V.

    PROVERBE

    On ne peut sonner les cloches et aller à la procession, ou sonner les cloches et dire la messe, on ne peut faire à la fois deux choses pour lesquelles il faut être en des lieux différents.
    Je ne suis pas comme Michel Morin, qui sonne les cloches et qui va à la procession, Carmontelle, Prov. les Voisins, sc. 7.

REMARQUE

1. Sonner, v. n. se conjugue avec l'auxiliaire avoir, quand on veut marquer l'acte : l'heure a sonné tout à l'heure ; avec l'auxiliaire être, quand on veut marquer l'état : l'heure est sonnée depuis longtemps.

2. On ne dit pas sonner la trompette ; il faut : de la trompette.

HISTORIQUE

XIe s. N'i ad celoi qui mot sunt ne mot tint, Ch. de Rol. XX. Parmi cel ost [ils] funt mil grailles suner, ib. LIII. [Du bruit] Sunent li mont et respundent li val, ib. CLIV.

XIIe s. Quant jel rovai [je le demandai]… se li cors fust sonez, Roncisv. p. 82. À sun pere n'en sunad mot, Rois, p. 45. Ce qu'à saint iglise unt si ancesur duné, En parmenable almosne li unt tut graanté ; Ainkes de barunie ni out un mot suné, Th. le mart. 45.

XIIIe s. Les cloches de la ville sonnerent hautement, Berte, IX. Il n'a [n'y a] cloche en la vile que l'on n'i ait sonnée, ib. CXXVI. Quant li empereres vit que par assaut ne porroit le castiel avoir, si fist sonner le retrait, H. de Valenciennes, XXXV. Li talemeliers [boulangers] puent cuire les lundis ains jour, si tost comme matines de Nostre-Dame sonent, se aucunes des festes desus dites n'i escheent, Liv. des mét. 11.

XIVe s. Si come une fois advint du jugleur de la harpe auquel un autre promist que tant miex joueroit ou sonneroit, tant plus de bien ly feroit, Oresme, Éth. 258. L'endemain, au matin, aprez prime sonnée, Fu dedens Terascon ceste gent aprestée, Pour ceste ville rendre qui bien estoit fermée, Guesclin. 13993. Et a ordené le roi Charles V premier à Paris les cloches qui à chascune heure sonent par points, à maniere d'horloge, Hist. litt. de la Fr. t. XXIV, p. 656.

XVe s. Lors sonnerent les Anglois leurs trompettes, Froissart, I, I, 195. Ensi ala [la métamorphose de Danaé en laurier], com je vous sonne, Si com Ovides l'araisonne En ses escris, Froissart, Poés. mss. p. 110, dans LACURNE. Je suis filz d'une gentille dame reyne, et fils de son mary, qui fait moult à recommander ; et moult le recommandasse, si bien sonnast en ma bouche, Perceforest, t. IV, f° 116.

XVIe s. Il envoya sonner le tabourin à l'entour de la ville, Rabelais, Garg. I, 26. Une messe bien sonnée est à demy dicte, Rabelais, ib. I, 40. Entrez dedans la navire, et, quand je vous sonneray, tournez le tour sur le tillac diligentement, Rabelais, Pant. II, 25. Ainsy edifia Amphion, sonnant de sa lyre, la grande cité de Thebes, Rabelais, ib. III, Prol. Mynuict est pieça sonné, Saint-Gelais, 227. Homere premier sonna Et les rats et les grenouilles, Du Bellay, J. II, 37, verso. Au demourant, cette response ne sonne [signifie] non plus que feroit la mienne à qui s'enquerroit…, Montaigne, I, 214. Ce mot [bibat] sonne plus sortablement en la langue d'un gascon, qui change volontiers en v le b, Montaigne, II, 221. Il commanda aux trompettes qu'ilz sonnassent le son de la bataille, Amyot, Sylla, 62. Le flatteur ayant accoustumé de tousjours sonner une seule note, qui est de complaire, Amyot, Com. disc. le flatt. 21. Je fy sonner pour chiens : la trompe les assemble, Ronsard, 670. Quant aucun acquiert aucun heritage ou droit censé et reputé pour heritage, par contract de vente ou sonnant ou equipollant à vente…, Coust. gén. t. II, p. 640. J'ay veu un bon organiste, lequel, estant reprins des chanoines pour ne sonner rien qui vaille, disoit que le souffleur qu'on luy avoit baillé en estoit cause, Bouchet, Serées, III, p. 255, dans LACURNE. Pour pauvre personne guere on ne sonne, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 54.

ÉTYMOLOGIE

Berry, sonner ; saintong. souner ; bourguig. senai ; prov. et esp. sonar ; port. soar ; ital. sonare ; du lat. sonare, qui vient de sonus, son 3.