« sujet », définition dans le dictionnaire Littré

sujet

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

sujet, ette [1]

(su-jè, jè-t') adj.
  • 1Qui est dans la dépendance, qui est obligé d'obéir. Nous sommes tous sujets aux lois et aux coutumes du pays où nous vivons. Volontés sujettes, Corneille, Mél. II, 8. …que le pape est maître de l'un et de l'autre glaive, tant spirituel que temporel, et que toute humaine créature lui est sujette, Pascal, Prov. XIX. Celui-ci nomma pour général de son armée Cyrus, fils de Mandane sa sœur, et de Cambyse roi de Perse, sujet à l'empire des Mèdes, Bossuet, Hist. I, 7. Il n'y a point de religion qui ne reconnaisse que l'homme est pécheur, et qu'il est sujet à la colère du ciel, Fléchier, Serm. 1er dim. de l'Avent. Vous êtes, comme nous, Sujette à ce pouvoir qu'il [Néron] a reçu de vous, Racine, Brit. IV, 1. C'est une fille simple à mes désirs sujette, Regnard, Distr. I, 1.

    Être sujet à l'heure, au coup de marteau, au coup de cloche, au coup de sonnette, se dit des gens qui sont obligés d'être quelque part à heure fixe, ou de faire quelque chose à une heure précise, d'ouvrir leur porte et de laisser entrer quand on frappe, de se rendre où la cloche les appelle, de venir au bruit de la sonnette.

    Terme de féodalité. Pays sujet, fief dépendant d'un état souverain.

  • 2Soumis par conquête. Rome est sujette d'Albe, et vos fils sont défaits, Corneille, Hor. III, 6. N'eût-il que d'un moment reculé sa défaite, Rome eût été du moins un peu plus tard sujette, Corneille, ib. III, 6. L'Égypte, toute superbe qu'elle était, et de son antiquité, et de ses sages institutions, et des conquêtes de son Sésostris, devint sujette des Perses, Bossuet, Hist. III, 5.
  • 3 Absolument. Qui est tenu à un service fort assidu. Ce maître tient ses domestiques fort sujets. Les grands du monde tiennent leurs enfants sujets, parce qu'ils font consister leur gloire à les perfectionner selon le monde, Bourdaloue, Dominic. I, Oisiveté, 279.

    Qui ne peut s'éloigner, s'écarter. Cette femme est fort sujette auprès de son mari.

    Il se dit d'un emploi, d'un métier qui exige une grande assiduité. On est fort sujet dans cet emploi.

    Terme de manége. Tenir un cheval sujet, le soutenir quand il se traverse.

  • 4Assujetti à supporter quelque charge, à payer certains droits. Tout propriétaire est sujet à l'impôt foncier. Il est sujet à telle redevance, à telle servitude. Ils [les Athéniens] créèrent des gouverneurs ou présidents perpétuels, mais sujets à rendre compte de leur administration, Bossuet, Hist. I, 5.
  • 5Astreint à quelque nécessité inévitable. Dieu, en punition, le rendit [l'homme] sujet à la mort, Pascal, Prov. X.
  • 6En péril de. La vertu n'était pas sujette à l'ostracisme, Boileau, Sat. X.
  • 7Porté à… par inclination ou par habitude. Il est sujet à s'enivrer. L'ouvrier sujet au vice ne deviendra jamais riche, Sacy, Bible, Ecclésiastiq. XIX, 1. Certains poëtes sont sujets, dans le dramatique, à de longues suites de vers pompeux, La Bruyère, I. Et ce roi [Henri III], trop souvent sujet au repentir, Regrettait le héros qu'il avait fait partir, Voltaire, Henr. IV.

    On dit de même : sujet au vin ; sujet aux femmes ; sujet à ses goûts ; sujet à ses plaisirs, etc.

  • 8Qui est exposé à éprouver fréquemment certains accidents, en parlant des personnes. J'ai toujours été sujette à suer, Sévigné, 575. Je vous plains d'être sujette à des humeurs noires qui vous font assurément beaucoup de mal, Sévigné, 4 mai 1672. Vous me contez trop plaisamment votre malhonnête sermon… vous êtes sujets en Provence à d'étranges prédicateurs, Sévigné, 9 février 1689. Le pauvre homme me fait grand'pitié ; c'est un mal bien dangereux que celui d'être sujet à se marier, j'aimerais mieux boire, Sévigné, 18 déc. 1689. êtes-vous sujet à cette cruelle maladie ? lui dit-elle avec compassion, Voltaire, Zadig, 2. Quoiqu'il fût sujet à des emportements très féroces, je ne lui en vis jamais un pareil, Rousseau, Confess. VII.

    Il est sujet à caution, se dit d'un homme à qui il ne faut pas trop se fier.

    Cela est sujet à caution, cela est exposé à ne pas durer. Nous avons vu des fils de marchands et des fils de commis, qui avaient un peu d'argent et qui n'étaient pas mal faits, avoir entrée dans une des éclatantes cours de l'Europe… il est vrai que cela est sujet à caution, et qu'aussitôt que vous êtes découvert, vous passez d'une extrémité à l'autre, Lesage, Guzm. d'Alf. I, 3.

    Il se dit, en un sens analogue, des choses. Nous allons voguer sur la belle Loire ; elle est un peu sujette à se déborder…, Sévigné, 11 sept. 1675. La gloire d'un refus sujet au repentir, Racine, Brit. II, 3. Combien nos jugements sur les apparences sont sujets à l'illusion ; ne fût-ce que dans la perspective ! Rousseau, Ém. III. Peut-être tu sauras, par l'exemple d'un père, Que parfois aux héros la feinte est nécessaire ; Qu'elle est vertu souvent, et qu'avec le danger La forme du courage est sujette à changer, P. Lebrun, Ulysse, III, 2.

    Cette démarche est sujette à bien des inconvénients, cette entreprise est sujette à bien des difficultés, il y a des inconvénients à faire cette démarche, des difficultés à exécuter cette entreprise.

    Ce passage est sujet à plusieurs interprétations différentes, on peut l'interpréter de plusieurs manières différentes.

  • 9 S. m. et f. Celui, celle qui est soumis à une autorité souveraine, soit qu'il s'agisse d'un roi, d'une république ou de tout autre souverain. Aussitôt qu'un sujet s'est rendu trop puissant, Encor qu'il soit sans crime, il n'est pas innocent, Corneille, Nicom. II, 1. Le monarque prudent et sage De ses moindres sujets sait tirer quelque usage, La Fontaine, Fabl. v, 19. Louis a brisé les fers dont tu [Alger] accablais ses sujets, qui sont nés pour être libres sous son glorieux empire, Bossuet, Mar.-Thér. Dans le dessein de Dieu les princes sont bien plus aux sujets, que les sujets ne sont aux princes, Bourdaloue, 2e dim. après Pâques, Dominic. t. II, p. 10. Elle [Mme de Montausier] s'acquittait en même temps de tous les devoirs d'une fidèle épouse et d'une fidèle sujette, Fléchier, Mme de Mont. Cyrus avait raison de dire qu'il ne reconnaissait pour bons serviteurs et fidèles sujets que ceux qui avaient de la religion, et qui respectaient la divinité, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. II, p. 476. Il faut [dans un état despotique] commencer par faire un mauvais sujet pour faire un bon esclave, Montesquieu, Esp. IV, 3. Padoue, autrefois la souveraine de Venise, mais qui alors était sa sujette, ainsi que Vicence et Vérone, Voltaire, Mœurs, 70. Les Flamands sont naturellement de bons sujets et de mauvais esclaves ; la seule crainte de l'inquisition fit plus de protestants que tous les livres de Calvin, Voltaire, Mœurs, 164. À l'égard du malheureux Patkul [ambassadeur mis à mort par Charles XII], il n'y eut pas une puissance qui interposât ses bons offices en sa faveur, et qui ne fît voir combien peu un sujet doit compter sur des rois, Voltaire, Charles XII, 3. Ce n'est que dans des temps de barbarie qu'on voit des sorciers, des possédés, des rois excommuniés, des sujets déliés de leur serment de fidélité par des docteurs, Voltaire, Pol. et lég. Voix du sage. Un évêque de Worcester a depuis peu prêché à Londres l'inoculation ; il a démontré en citoyen combien cette pratique avait conservé de sujets à l'État, Voltaire, Dict. phil. Inoculation. Il [Hobbes] fut honnête homme, sujet attaché à son roi, citoyen zélé, homme simple, droit, ouvert et bienfaisant, Diderot, Opin. des anc. phil. (hobbisme).

    Corneille l'a dit d'une ville. Corinthe est bon sujet ; mais il veut voir son roi, Et d'un prince éloigné rejetterait la loi, Corneille, Méd. II, 6.

    Fig. et familièrement. Il est bon prince, il ne foule pas ses sujets (voy. FOULER, n° 5).

HISTORIQUE

XIIe s. E tute Ydumée lui fud subjecte e rendid chevage et treüd, Rois, p. 148.

XIIIe s. À cui doi ge estre souzgiez se à Dieu non ? Psautier, f° 72. Li sires et si subjit ont relation ensemble aussi comme uns artiens à son instrument, Latini, Trésor, p. 314. Bestes i ot de grant maniere, Foibles et fors, granz et petites, Qui totes sont au roi sougites, Ren. 8262. Avez-vous guerre à lui emprise, Por ce que il vous aime et prise, Et que il est vostre subgiez ? la Rose, 3287. Ce fu l'omme du monde [St Louis] qui plus se traveilla de paiz entre ses sousgiz, Joinville, 292.

XVe s. Nous sommes subgietz à la couronne de France, Froissart, II, II, 170. Princes qui ont peuples à gouverner [St Louis] Ne se doivent pas trop humbles monstrer à leurs subgiez, Deschamps, Comm. les roys et les princes. Pour rien ne voudriez deshonorer une simple sujette comme je suis, Louis XI, Nouv. XXIV.

XVIe s. Ils prononcent qu'ils ont la puissance de commander, et que tous sont sujets à leur obeir, Calvin, Instit. 910. Ce jeune prince estoit fort sujet à son plaisir, Marguerite de Navarre, Nouv. IV. …Et n'entends pas que, pour un mot, soyons sujets [forcés] de vous croire, Marguerite de Navarre, ib. LVII. Merveilleusement subject à la goutte, Montaigne, I, 20. Aucuns escrivent qu'il estoit grand mesnager et fort subject à son profit, Amyot, Thém. 8. Homme eloquent, mais lasche de cueur et subject à l'argent, Amyot, ib. 11. La ville de Potidée pour lors subjette aux Atheniens se rebella, Amyot, Péric. 57. Le vray cuir est dit derma, pource qu'il se peut separer des autres parties sujettes, Paré, I, 3. Qui de ses subjects est haï n'est pas seigneur de son païs, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. seujai ; provenç. subjet, suget, sosget ; catal. subjecte ; espagn. sugeto ; portug. sujeito ; ital. soggetto ; du lat. subjectus, de sub, sous, et jacere, jeter.