« cause », définition dans le dictionnaire Littré

cause

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

cause

(kô-z') s. f.
  • 1Ce qui fait qu'une chose est ou s'opère. Cause instrumentale, matérielle, formelle, efficiente, physique, morale, occasionnelle, prédisposante, occulte. Causes éloignées, prochaines. Point d'effet sans cause. Le ciel règle souvent les effets sur les causes, Corneille, M. de Pomp. V, 2. Nos sens, étant eux-mêmes les effets de causes que nous ne connaissons point, ne peuvent nous donner des idées que des effets, et jamais des causes ; il faudra donc nous réduire à appeler cause un effet général, et renoncer à savoir au delà, Buffon, Théor. de la terre, 1er disc. L'homme aujourd'hui sème la cause, Demain Dieu fait mûrir l'effet, Hugo, Crép. 5. Oh ! que ne puis-je, instruit des principes des choses, Connaître les effets, approfondir les causes, Delille, Géorg. II.

    Cause première, cause des causes, Dieu.

    Causes secondes, celles qui sont dérivées de la cause première, les créatures.

    Causes finales, les causes pour lesquelles on suppose que chaque chose dans l'univers a été faite La doctrine des causes finales.

    Dans le langage général, cause finale, le but qu'on se propose, la fin en vue de laquelle on agit. Voilà quelle doit être la cause finale de nos actions.

  • 2Ce qui produit ou occasionne, en parlant des personnes ou des choses. Cet événement fut cause ou la cause de son bonheur. Mes affaires sont cause que je ne puis sortir. Être cause, ou la cause involontaire, innocente d'un malheur. Il fut cause de la perte de tous les siens, Bossuet, Hist. III, 5. Elle en mourra, Phénix, et j'en serai la cause, Racine, Andr. II, 5. La cause de nos maux doit-elle être impunie ? Corneille, Nicom. V, 7.
  • 3Raison, sujet, motif. Vous connaissez la cause qui m'a fait agir. Je désire savoir pour quelle cause… Quelle était la cause de leur voyage ? Pour une cause légère. Sans cause. Non sans cause. Assurez-vous sur lui qu'il en a juste cause, Corneille, Poly. I, 3. Quand le malheur ne serait bon Qu'à mettre un sot à la raison, Toujours serait-ce à juste cause Qu'on le dit bon [le malheur] à quelque chose, La Fontaine, Fabl. VI, 7. Mon malheur est parti d'une si belle cause ? Racine, Mithr. IV, 2. De sa mort en ces lieux la nouvelle semée Ne vous a pas vous seule et sans cause alarmée, Racine, ib. V, 4.
  • 4 En termes de jurisprudence, cause d'une obligation, avantage moral ou matériel que se propose le contractant : dans le contrat à titre onéreux, l'équivalent de l'obligation de l'autre partie ; dans le contrat à titre gratuit, la bienfaisance.

    Cause d'un billet, d'un effet de commerce, équivalent exprimé de l'engagement souscrit dans le billet. Pas d'obligation valable sans cause. Cause fausse, illicite. L'obligation dont la cause est contraire aux bonnes mœurs est nulle.

    Parler avec connaissance de cause, agir en connaissance de cause, parler, agir avec pleine connaissance des faits.

    En style de chancellerie. À ces causes, nous avons déclaré et déclarons… en considération de ce qui vient d'être exposé, nous avons déclaré…

    Familièrement et elliptiquement. Et pour cause, non sans motif, avec raison, se dit quand les motifs sont évidents ou qu'on veut les taire. Or, ai-je dit un jeune homme, et pour cause, Car…, La Fontaine, Mandr. Venez, singe ; parlez le premier, et pour cause, La Fontaine, Fabl. I, 7. Je laisse la distribution à votre discrétion et pour cause, Bossuet, Lett. abb. 46. La richesse que des frondeurs Dédaignent, et pour cause, Béranger, Él. de la rich. … Laissez-moi passer entre vous deux, pour cause ; Je serai mieux en main pour vous conter la chose, Molière, Prince d'Él. I, 2.

  • 5Procès qui se plaide. Se charger d'une cause. Plaider une cause. Plaider sa cause. Gagner sa cause. Perdre sa cause. Il était déjà mis en cause. Il faut remettre cette cause à un autre jour. Mettre quelqu'un hors de cause. Devant certaine guêpe on traduisit la cause… Depuis tantôt six mois que la cause est pendante, Nous voici comme aux premiers jours, La Fontaine, Fabl. I, 21. Devant elle [la justice] à grand bruit ils expliquent la chose ; Tous deux avec dépens veulent gagner leur cause, Boileau, Ép. II.

    Cause grasse, cause plaisante et sur un fait inventé, que les clercs de la basoche plaidaient autrefois pour se divertir le jour de mardi gras, et aussi quelque cause plaisante qui se plaide au palais.

    En tout état de cause, quel que soit l'état du procès. Dans le langage général, en tout état de cause, quoi qu'il en soit.

    Fig. Cela est hors de cause, il n'en est pas question, on ne le révoque pas en doute. En cette affaire, sa probité est hors de cause.

    Fig. Avoir, donner gain de cause, ou cause gagnée, obtenir, accorder l'avantage dans une discussion.

    Plaider la cause de quelqu'un, le défendre, le soutenir.

    Familièrement. Cet avocat sans cause [sans clientèle], nommé Duménil, Voltaire, Lett. à Cath. 143.

  • 6En droit canon, cause bénéficiale, cause dans laquelle il s'agit de bénéfices ecclésiastiques. Causes majeures, les grandes affaires de l'Église.
  • 7Parti, intérêt. La bonne cause. La fortune se déclara pour la bonne cause. Soutenir la cause du mensonge. Prendre en main la cause du peuple. Embrasser vivement la cause de la justice. Faire cause commune avec quelqu'un. Séparer sa cause de quelqu'un. Attirer à sa cause. Laisse-les espérer, laisse-les entreprendre ; Il suffit que ta cause est la cause de Dieu, Et qu'avecque ton bras elle a pour la défendre Les soins de Richelieu, Malherbe, II, 12. Sous la cause publique il vous cachait sa flamme, Corneille, Cinna, III, 1. Son trop d'amour pour la cause publique, Corneille, Hor. V, 2. Sa cause à tous les rois n'est-elle pas commune ? Racine, Ath. III, 6. Grand Dieu, juge ta cause et déploie aujourd'hui Ce bras, ce même bras qui combattait pour lui, Racine, Prol. d'Esth. Il entend plaider devant lui la cause des médecins, Sévigné, 412. Vous aviez soutenu une mauvaise cause, Sévigné, 110. Télémaque et moi nous combattrons pour la bonne cause, Fénelon, Tél. X. Je ne peux vous aimer, je ne peux à ce prix, Accepter un combat pour ma cause entrepris, Voltaire, Tanc. II, 6. S. Justin plaida la cause des chrétiens après Quadrat et Aristide, Chateaubriand, Gén. I, I, 1.

    Prendre fait et cause pour quelqu'un, le soutenir, prendre son parti. Vous faites trop d'honneur à Marie de Rabutin-Chantal de prendre son fait et cause, Sévigné, dans le Dict. de DOCHEZ.

    Dans le même sens, prendre en main la cause. Des auteurs décriés il prend en main la cause, Boileau, Ép. IX.

  • 8À cause de, locut. prép. Pour l'amour de, en considération de. À cause de lui. À cause de cela.
  • 9À cause que, locut. conj. Parce que. D'où vient qu'un boiteux ne nous irrite point et qu'un esprit boiteux nous irrite ? C'est à cause qu'un boiteux reconnaît que nous allons droit, et qu'un esprit boiteux dit que c'est nous qui boitons, sans cela nous en aurions plus de pitié que de colère, Pascal, Pens. I, 8. Il est rare que les géomètres soient fins et que les esprits fins soient géomètres, à cause que les géomètres veulent traiter géométriquement les choses fines, Pascal, ib. I, 10. Je parle ainsi à cause que je pensais que vous ne voulussiez plus que je fusse heureux, Guez de Balzac, I, 228. Vous ne lui voulez mal, et ne le rebutez Qu'à cause qu'il vous dit à tous vos vérités, Molière, Tart. I, 1. A cause qu'elle manque à parler Vaugelas, Molière, Femm savantes, II, 7. Ils ne découvrent pas la lumière à cause qu'ils détournent les yeux, Bossuet, Serm. Quinq. 1. Ceux qu'on nomme chercheurs à cause que, dix-sept cents ans après Jésus-Christ, ils cherchent encore la religion, Bossuet, Reine d'Anglet. Une justice qui fait semblant d'être vigoureuse à cause qu'elle résiste aux tentations médiocres, Bossuet, le Tellier. Ce que le prince fit mérite d'être raconté à toute la terre non à cause qu'il est remarquable, mais à cause pour ainsi dire qu'il ne l'est pas, Bossuet, Louis de Bourbon. Les images de Philippique, son successeur, ne furent pas reçues dans Rome, à cause qu'il favorisait les monothélites, et se déclarait ennemi du concile sixième, Bossuet, Hist. I, 11. Une fille sera heureuse d'ignorer les fables païennes toute sa vie, à cause qu'elles sont impures et pleines d'absurdités impies, Fénelon, XVII, 41. On n'est pas entendu à cause que l'on s'entend soi-même, La Bruyère, I. Il lui cède même, à cause qu'il est plus âgé, l'honneur de faire porter devant lui les faisceaux des verges, Vertot, Rév. rom. I, 62. J'avais deux coupes de bois à vendre, à cause que je n'avais point coupé l'année précédente, Courier, I, 233.

REMARQUE

Des grammairiens ont voulu bannir la locution conjonctive à cause que ; elle doit être conservée, étant appuyée par de bons auteurs, et, dans certains cas, d'un emploi préférable à parce que.

HISTORIQUE

XIIIe s. Car ceus qui me contralioient Et sans caze mal me faisoient, Psaumes en vers, dans Liber psalm. p. 264. Se priere ou mandemens est fes [fait] à aucun, et cil qui le [la] priere ou le mandement fist, muert en tant comme le [la] coze est encore entiere, li mandemens li est falis…, Beaumanoir, XXIX, 10. Car on doit croire qu'il li ensegnast l'ostel Guillaume parce qu'il le creoit à bon et por cause de bone foi, Beaumanoir, XXXVI, 6. Se les quases des barres [oppositions] sont especiaument devisées [exposées], Liv. de just. 94.

XIVe s. Felicité est de Dieu principalement causée qui est generalement cause de toutes choses, Oresme, Eth. 21. Et semblablement de ce que aucuns sont injustes ou incontinens, ils en sont en cause, Oresme, ib. 33. Car trois manieres de causes sont : c'est assavoir nature, necessité, fortune, entendement et tout ce qui est cause de ce qui est fait par homme, comme est volenté et les sens naturels, Oresme, ib. 66. Un homme est cause de ses enfans en voye de nature, et est cause de ses operacions en voye de meurs, Oresme, ib. 72.

XVe s. Et la cause pourquoi [ils] s'entreheoient, je le vous dirai, Froissart, II, II, 52. Quand Girauldon se vit ainsi attrapé, si fut tout esbahi et à bonne cause, Froissart, II, II, 214. Et l'eust volontiers sauvé s'il l'eust pu, pour cause de pitié, Froissart, I, I, 134. Car il se doubtoit, et non sans cause, Juvénal Des Ursins, Ch. VI, 1392. Son maistre l'avoit batu, pour cause que un enfant s'estoit plaint, Boucic. I, 3. … dont il estoit prochain parent à cause de sa mere, Commines, III, 4. Pour lesquelles causes le roy soy trouvant chargé…, Commines, I, 1. Tant de maulx venir par luy et par sa cause, Commines, I, 15. Le pauvre desolé, voyant sa bonne femme trop plus qu'il ne voulsist troublée, helas ! et à sa cause [par sa faute], ne savoit que dire, Louis XI, Nouv. I. Nul ne doit estre tesmoing en sa cause, Leroux de Lincy, Proverbes, t. II, p. 357. Tel a bonne cause qui est condamné, Leroux de Lincy, ib. p. 419.

XVIe s. La cause efficiente de nostre salut est la misericorde de notre Pere… la cause materielle est Christ avec son obeissance… de la cause qu'on appelle instrumentale, quelle dirons-nous qu'elle est, sinon la foy ?… quant à la cause finale, l'apostre dit que ç'a esté pour demonstrer la justice de Dieu et glorifier sa bonté, Calvin, Instit. 616. Ces nobles langues coustent beaucoup de temps et de peine à apprendre, à cause qu'elles sont mortes, Amyot, Épit. Nous reputons les dieux pour estre autheurs de tous biens, et cause de nulz maulx, Amyot, Péric. 74. A ceste cause ils vouloient…, Amyot, Fabius, 8. Ceste vie dissolue fut cause de luy augmenter sa maladie, Amyot, Sylla, 73. La cognoissance des causes appartient seulement à celuy qui a la conduite des choses, non à nous qui n'en avons que la souffrance [la tolérance, l'usage], Montaigne, IV, 178. Pour cette cause [motif]…, Montaigne, I, 25. A cette cause [parce que]…, Montaigne, I, 30. Tuer un homme sans connaissance de cause, Montaigne, III, 195.

ÉTYMOLOGIE

Picard keuse ; provenç. espagn. et ital. causa ; du latin causa. Voy. CHOSE.