« marché », définition dans le dictionnaire Littré

marché

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

marché [1]

(mar-ché) s. m.
  • 1Vente, achat de ce qui se débite dans un lieu déterminé. Le marché n'a rien valu aujourd'hui. Quand j'aurai l'honneur de vous faire parvenir mes rêveries, qui ne sont pas encore tout à fait prêtes, je ferai avec vous le marché des Espagnols avec les Indiens : ils donnaient de petits couteaux et des épingles pour de bon or, Voltaire, Lett. Goldoni, 10 mai 1763.

    Le cours du marché, le prix auquel une marchandise se vend sur le marché.

  • 2Réunion de ceux qui vendent et achètent ce qui se débite ainsi. Il y a marché dans cette ville deux fois par semaine. Ce concours et le lieu où il se fait se nomment marché, parce que les marchés s'y proposent et concluent, Condillac, Comm. gouv. I, 4.
  • 3Lieu public où l'on vend toutes sortes de denrées et d'objets. Et le financier se plaignait Que les soins de la Providence N'eussent pas au marché fait vendre le dormir, Comme le manger et le boire, La Fontaine, Fabl. VIII, 2. Les marchés et les foires ne se peuvent établir que par la permission du roi, Fevret, Traité de l'abus, I, 9, dans RICHELET. Notre auteur a mieux aimé se signaler par un air de liberté [à l'égard d'un concile], et il préfère à des termes plus respectueux la licence et le style du marché, Bossuet, Rem. hist. conc. II, 11. Nous rougissons avec raison de voir les marchés publics établis dans des rues étroites, étaler la malpropreté, répandre l'infection et causer des désordres continuels, Voltaire, Pol. et lég. Embell. de Paris. La douleur et le dépit du roi augmentèrent quand il apprit que Tolstoï, devenu l'ambassadeur du czar à la Porte, était publiquement servi par les Suédois faits esclaves à Pultava, et qu'on vendait tous les jours ces braves soldats dans le marché de Constantinople, Voltaire, Charles XII, 5. Les prix ne peuvent se régler que dans les marchés, parce que c'est là seulement que les citoyens rassemblés peuvent, en comparant l'intérêt qu'ils ont à faire des échanges, juger de la valeur des choses relatives à leurs besoins, Condillac, Comm. gouv. I, 4. S'il est un plaisir qu'il n'ait pas, C'est qu'au marché ce plaisir manque, Béranger, Bonheur.

    Marché franc, marché où l'on ne paye pas de droit pour vendre.

    Fig. Je lui vendrai cela plus cher qu'au marché, se dit, par menace, de quelqu'un sur qui on compte se venger de quelque chose.

    On dit dans le même sens : Il le payera plus cher qu'au marché. Mais un jour peut venir, ou je veux qu'on me pende, Si plus cher qu'au marché vous n'en payez l'amende, Th. Corneille, Geôlier de soi-même, II, 5.

  • 4 Par extension, il se dit d'une ville et même d'un pays où se font des transactions commerciales avec les nations étrangères. Surate ou Surat, au fond du golfe de Cambaye, était, depuis Tamerlan, le grand marché de l'Inde, de la Perse et de la Tartarie, Voltaire, Pol. et lég. Fragm. hist. sur l'Inde, XVI.
  • 5Ce qu'on achète au marché, ce qu'on rapporte du marché. Montrez-moi votre marché.

    Faire son marché, acheter ce dont on a besoin. Faire son marché signifie aussi aller soi-même au marché, au lieu d'y envoyer la domestique.

    Fig. Il est force gens comme lui, Qui prétendent n'agir que pour leur propre compte, Et qui font le marché d'autrui, La Fontaine, Fabl. VIII, 13.

    Fig. Il a bientôt fait son marché, se dit de quelqu'un qui a bientôt pris sa résolution.

  • 6 Terme d'économie politique. L'état de l'offre et de la demande, dans un lieu donné, ou, en général, dans tous les lieux que fréquente le commerce. Les besoins du marché.
  • 7Convention verbale ou écrite renfermant les conditions d'une vente. J'en ai fait marché par écrit. Rompre un marché. Je voudrais que vous eussiez déjà conclu le marché de votre terre, Sévigné, 266. C'est donner que de faire un marché de cette sorte, Sévigné, 187. À propos de vendre, je n'ai nul dessein de vendre Bourbilly, par une petite raison : c'est que c'est à ma fille après ma mort ; elle en fera le marché en ce temps-là, Sévigné, 21 déc. 1692. J'aurais sur le marché fort bien fourni la paille, Racine, Plaid. I, 1. Les Épidamniens élurent un magistrat pour faire tous les marchés au nom de la cité, Montesquieu, Esp. IV, 6.

    Fig. La vue des pertes de l'ennemi ne consolait pas ; elle n'était pas double de la nôtre ; on se rappelait d'ailleurs que, dans une pareille position, Pierre 1er, en sacrifiant dix Russes contre un Suédois, avait cru, non-seulement ne faire qu'une perte égale, mais même gagner à ce terrible marché, Ségur, Hist. de Nap. IX, 2.

    Faire un bon marché, conclure un marché avantageux ; faire un mauvais marché, conclure un marché désavantageux.

    Cela se dit, par extension, de toute autre affaire de la vie. M. de Villette fait un très bon marché en épousant une fille qui a autant de bon sens que d'innocence, qui est née vertueuse et prudente comme elle est née belle, Voltaire, Lett. Delisle de Sales, 2 nov. 1777.

    Un sot marché, un marché où l'on joue un rôle de dupe. Il voit bien qu'il ne faut pas faire un sot marché, Sévigné, 419.

    Familièrement. Un marché d'or, marché dans lequel on fait un achat très avantageux.

    Fig. Un marché d'or, toute espèce de bonne affaire. Le marché paraît d'or pour lui, car nous donnons et il reçoit, Courier, Chambord.

    Il n'y a au marché que ce qu'on y met, se dit quand on se plaint de quelque clause onéreuse.

    Boire le vin du marché, boire ensemble, après la conclusion d'un marché, en signe de ratification.

    Aller, courir sur le marché d'un autre, enchérir sur les offres d'un acheteur.

    Fig. Faire des démarches pour obtenir une place, un avantage qu'un autre sollicite ; s'ingérer de faire ce qu'un autre fait. On m'a conté d'elle [une dame] deux histoires un peu épouvantables ; je les supprime pour l'amour de Dieu, et puis ce serait courir sur le marché d'Adhémar, Sévigné, 22 avr. 1671. La Chesterfield fut tentée par son mauvais destin de lui ôter [à la Denham] son amant …mais la Denham, piquée de ce qu'on avait couru sur son marché…, Hamilton, Gramm. 8. Les filles d'honneur de la reine couraient sur le marché des aventurières de la ville, Hamilton, ib. 10. Vous savez probablement que le roi de Prusse a été sur notre marché, et qu'il fait venir dix-huit familles d'horlogers de Genève, Voltaire, Lett. duc de Choiseul, 7 sept. 1770.

    Fig. Il n'amende pas son marché, se dit d'un homme qui aggrave sa position. Ce meurtre [du coq] n'amenda nullement leur marché [des servantes] ; Notre couple au contraire, à peine était couché Que la vieille craignant de laisser passer l'heure…, La Fontaine, Fabl. V, 6.

    Mettre à quelqu'un le marché à la main (voy. MAIN, n° 8), lui donner le choix de conclure ou de rompre le marché ; et fig. ne pas le ménager, l'obliger à se décider pour ceci ou pour cela. Louis de Bade avait mis à l'empereur le marché à la main sur sa charge de feld-maréchal-général, Saint-Simon, 84, 94. Voyant qu'il me mettait ainsi le marché à la main, vous connaissez la vivacité biscayenne, je lui répondis fièrement, Lesage, Bachel. de Salam. ch. 32.

    Par-dessus un marché au delà de ce qui avait été convenu. Ce mot sur la semaine [ce mot que je vous écris dans la semaine] est par-dessus le marché de vous écrire seulement tous les quinze jours, Sévigné, à Bussy, 22 juill. 1671. Si vous voulez venir dîner chez moi, nous jouerons ; car la reine veut nous donner de quoi, et cela par-dessus le premier marché [promesse d'embrasser Grammont s'il revenait avec la nouvelle que les lignes d'Arras avaient été forcées], Hamilton, Gramm. 5.

    Fig. Par-dessus le marché, en outre, de plus. Il avait débuté par lui offrir une bourse pleine d'or, et c'est la forme la plus dangereuse que puisse prendre le diable pour tenter une jeune fille un peu coquette, et, par-dessus le marché, intéressée, Marivaux, Pays. parv. 1re part.

  • 8Marché se dit aussi des conventions qui se font pour prendre un fermier, un domestique, pour louer une voiture, une place dans un navire, etc. Dans cette incertitude, louerai-je votre appartement ? on est tous les jours sur le point d'en conclure le marché, Sévigné, 18 févr. 1671. Elle arrive à Rouen, elle fait son marché de s'embarquer dans un vaisseau qui va aux Indes, Sévigné, 5 août 1684. Je consens de tout mon cœur que vous fassiez faire les réparations nécessaires des moulins, des métairies, des douves, des prés… c'est mon intérêt ; faites donc toutes ces choses, et en faites les marchés en homme de bien et en bon père de famille, Sévigné, 23 avril 1687.

    Marché d'ouvrages, convention entre un ouvrier ou un entrepreneur, d'une part, et celui qui commande un ouvrage quelconque, un bâtiment par exemple, d'autre part. Passer un marché d'ouvrages.

    Marché clef à la main ou clefs en main, marché par lequel un entrepreneur s'oblige envers un propriétaire à faire et à terminer un bâtiment pour un temps spécifié.

    Marché au mètre, marché qui se fait pour un prix convenu par chaque mètre d'ouvrage.

  • 9Prix. Il faudra que vous voyiez aussi ce que nous devons à Angebaut, et tirer le meilleur marché que vous pourrez de ce procès-verbal, Sévigné, 23 avr. 1687.
  • 10 Terme de bourse. Marché au comptant, marché au taux du moment présent ; ce marché ne peut être aléatoire et ne contient aucune chance courue, puisque le prix en est fixé en même temps que la convention est conclue.

    Par opposition, marché à terme, marché dans lequel l'exécution aura lieu plus tard, au jour de la liquidation. Maintenant le marché à terme peut être ferme ou fictif : il est ferme s'il entraîne nécessairement conclusion réelle, livraison de la chose vendue contre espèces ; il est fictif s'il se résout ce jour-là en abandon de la prime, comme dans le marché libre ou à prime.

    Marchés fermes, achat ou vente d'une valeur dont la livraison contre espèces doit avoir lieu réellement et sans feinte à une époque déterminée que l'on désigne sous le nom de liquidation.

    Marché libre ou à prime, opération dans laquelle l'acheteur ou le vendeur se réserve le droit d'annuler son marché à une époque fixée d'avance moyennant l'abandon, au profit de l'autre partie, d'une indemnité appelée prime et convenue d'avance. À Paris l'acheteur a seul ce droit quand il s'agit de rentes ou de titres. L'acheteur et le vendeur l'ont tous les deux quand il s'agit de marchandises.

    Marchés à terme, nom générique des opérations ferme et à prime.

  • 11Bon marché, grand marché, prix peu élevé ; meilleur marché, prix inférieur à un autre. Voyez, je vous ferai meilleur marché qu'un autre, Corneille, Gal. du Palais, I, 7. Pour les revendre à bon marché, Pascal, Prov. VIII. Mon oncle d'une seule parole l'a eu à une pistole meilleur marché que moi, Sévigné, 424. Je vous en ferai avoir bon marché, Lesage, Turcaret, IV, 12.

    C'est marché comme de raves, comme de paille, c'est très bon marché, très peu cher, comme les raves et la paille.

    Vivre à bon marché, vivre sans qu'il en coûte beaucoup d'argent. On vit à bon marché dans cette ville.

    C'est marché donné, c'est un marché donné, se dit de quelque chose qu'on a eu à très bas prix. Là-dessus je vous la laisse à tant, c'est marché donné, Marivaux, Pays. parv. 3e part. J'ai quatre volumes sous presse… ils coûteront trois livres le tome ; c'est marché donné, Voltaire, Mél. lett. Lett. de M. Formey.

    Fig. et en un autre sens, marché donné, avantage inespéré. Elle [la duchesse de Berry] ne faisait guère de repas libre, et ils étaient fréquents, sans qu'elle ne s'enivrât à perdre connaissance ; et si, rarement, elle demeurait en pointe, c'était marché donné, Saint-Simon, 391, 42.

    On n'a jamais bon marché d'une mauvaise marchandise, c'est-à-dire la mauvaise marchandise coûte toujours trop cher relativement à ce qu'elle vaut.

    Se ruiner en bons marchés, acheter trop de choses par la seule raison qu'on les trouve à bon marché. J'ai connu une dame qui s'est ruinée à acheter tout ce qu'elle trouvait à bon marché, Maintenon, Lett. à Mme de Fontaines, 1695.

    On dit dans le même sens : Les bons marchés ruinent.

    Bon marché vide le panier, mais il n'emplit pas la bourse, c'est-à-dire un marchand qui vend à trop bon marché, débite bientôt sa marchandise, mais il se ruine.

    Fig. et familièrement. À bon marché, à peu de frais, sans beaucoup de dommage ou de peine. Vous auriez pu à bon marché, c'est-à-dire avec trente larmes, vous faire passer auprès de moi pour l'homme du monde le plus passionné, Sévigné, à Ménage, 1650 (lett. 18, éd. RÉGNIER). Non, à si bon marché l'on ne bat pas les gens, Racine, Plaid. II, 4.

    A bon marché, pour peu de chose. Il y a beaucoup d'affectation dans ces larmes que les filles versent à si bon marché, Fénelon, t. XVII, p. 78. Vous dites qu'on les canonise à bon marché, Massillon, Carême, Culte. Sur quoi pouvez-vous donc croire que vous serez quittes devant Dieu de vos crimes, à meilleur marché, si je l'ose dire, que ces premiers fidèles ? Massillon, Mystères, Ferv. des pr. chrét.

    En être quitte, en sortir à bon marché, sortir d'un danger, d'un embarras avec moins de dommage qu'on n'en avait à craindre. Ce n'est pas assez que le feu expie en public mon offense [que je sois brûlé] ; j'en serais quitte à trop bon marché… il [un curé, dans un libelle] veut absolument que je sois damné, Molière, Tart. 1er placet. Soyez parfaitement aise qu'il [le jeune de Grignan] ait eu une légère contusion à la cuisse, après laquelle il m'a écrit la lettre que voilà ; vous y verrez qu'il est fort heureux d'en être quitte à si bon marché, Sévigné, 481. Si vous saviez combien on est malheureuse quand on a le cœur fait comme je l'ai, je suis assurée que vous auriez pitié de moi ; mais je pense que vous n'en êtes pas quitte à meilleur marché, de la manière dont je vous connais, Sévigné, à M. de Pompone, 27 nov. 1664.

    Fig. et familièrement. Faire bon marché d'une chose, la donner pour peu de chose, en tenir peu de compte. Si jamais cette part tombait dans le commerce, Et qu'il vous vînt marchand pour ce trésor caché, Je vous conseillerais d'en faire bon marché, Corneille, le Ment. III, 6. Je crois qu'en ce moment, rêveur et bien fâché, De son gouvernement il ferait bon marché, Dancourt, Sancho Pança, V, 1.

    Faire bon marché d'une chose, la prodiguer, ne pas l'épargner. Il fait bon marché de la vie.

    On dit dans le même sens : mettre à bon marché. En vérité, il est abominable de mettre à si bon marché la vie des hommes, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 16 juill. 1766.

    Fig. et familièrement. Avoir bon marché de quelqu'un, avoir facilement sur lui l'avantage. Qu'on eût eu bon marché de nous, Et qu'il y faisait bon pour vous ! Scarron, Virg. II. Je vous avoue, ma fille, que mon cœur me fait bien souffrir ; j'ai bien meilleur marché de mon esprit et de mon humeur, Sévigné, 84. Orbassan, voyant le bouclier de Tancrède sans armoiries et sa cotte d'armes sans faveur des belles, croit avoir bon marché de son adversaire, Voltaire, Lett. à Mlle Clairon, 16 oct. 1760. On en a bon marché [le soldat français] quand il est commandé par des courtisans qu'il méprise, Rousseau, Hél. V, 4.

    Fig. À grand marché, facilement, à peu de frais. Ses louanges poussées à l'excès, sans contradiction aucune, en faisaient un héros à grand marché, Saint-Simon, 133, 225.

    À grand marché faire, à mettre les choses au plus bas.

  • 12 Fig. Toute espèce de convention. …Le maître et la servante ayant fait leur marché, La Fontaine, Gag. Agnès me regardait sans me parler, c'était notre marché, Sévigné, 6 fév. 1671.

REMARQUE

1. Il faut dire : il y a marché ce jour-là, sans article ; et il y a ce jour là un marché qui dure de midi à six heures, avec l'article.

2. On dit souvent dans le parler vulgaire : j'ai acheté ce livre bon marché ; sans la préposition à. Cette suppression n'est pas autorisée ; il faut dire à bon marché, comme on dit à bon compte, à vil prix, etc.

HISTORIQUE

XIe s. E il ait testimoines que il l'achatad al marchied le roi, Lois de Guill. 25. Li reis Marsile a fait de nous marchet, Chr. de Rol. LXXXVIII.

XIIIe s. Par Dieu ! mere, trop dout [je crains] prendre seignor [mari] ; C'est uns marchiés dont se plaignent plusor, Romanc. p. 73. Prendre mari est chose à remenant ; N'est pas marchiés qu'on laist quant [on] se repent, Tenir l'esteut [il faut le tenir], soit lait ou avenant, ib. Si avint que uns escuiers le [du] seigneur de Cathenai le vit un jour de marciet à Cathenai, Chr. de Rains, 172. Que de leur faus marchié [mauvaise action] [ils] viennent à droite vente, Berte, LXXXIV. La vieille aura jà tost de son marchié la vente [sera traitée comme elle le mérite], ib. XCVI. Et s'il y a contens entr'iaus [dispute entre eux] dou marché, le coretier ou celui qui fist le marché entre eaus de la beste deit estre cru par son seirement, Ass. de Jérus. I, 213. Et fu dit au bourgois qu'il en avoit bon marcié, quant il en estoit quites por trente livres, Beaumanoir, XXX, 20. Et s'il ne font point de marcié à cix [ceux] por qui il pledent, il doivent estre paié par journées, Beaumanoir, V, 3. Se tix [telles] crois pooient garantir les malfeteurs, li murdrier et li robeor [voleurs] aroient trop grant marcié de lor meffès, Beaumanoir, XXV, 24. Cist siecles n'est mès que marchiez, Rutebeuf, 303. Mes pour riens hons ne me pleroit Qui de son cors marchié feroit, la Rose, 7672. Li uns a dit : quatre sols vaut. Li autre a dit : assez plus vaut, Ainz valt cinc sols à bon marchié, Ren. 809. Boens [bon] marciés trait [tire] de borce argent, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 492.

XIVe s. Car plaisance fait faire moult de kaitis [chétifs] marquiés, Baud. de Seb. XII, 876. Signours, dist Bauduins, soiés joiant et liet ; Car delivrés serez chertes à bon marquet, ib. IX, 644. Se de lui vous doubtez, si n'y mettez le pié ; Cilz qui n'a point d'argent n'a que faire au marchié, Guesclin. 4449.

XVe s. Et si les Anglois ardent nos maisons, que peut-il chaloir ? nous les aurons tantost refaites à bon marché, Froissart, II, II, 228. Ils auroient trop bon marché si ils estoient quittes, Froissart, II, III, 8. Il fist son marché avant œuvre, Froissart, I, I, 108. Luy estoit ordonné d'entrer en praticque du mariage à la seur du roy d'Angleterre, mais non pas de conclure le marché, Commines, I, 5. Les ennemis en eussent eu bon marché, s'ils l'eussent assailli, Commines, VIII, 5.

XVIe s. Il feit marché avec luy qu'il l'enleveroit une nuict avec son argent, Amyot, P. Aem. 42. Il disoit que l'on n'avoit jamais bon marché d'une chose dont on se pouvoit bien passer, Amyot, Cat. 10. Il me mect le marché au poing ; que si je ne luy accorde ce qu'il demande, il est tout prest de quitter mon service, Carloix, IX, 2. Pendant le marché [parlement] la ville se trouva saisie, Montaigne, I, 28. C'est bien empirer mon marché, Montaigne, I, 33. Tenir un marché, Montaigne, I, 129. Pour nous estre desfaicts de la court et du marché, nous ne nous sommes pas desfaicts des principaux torments de nostre vie, Montaigne, I, 294. Il n'aura jà bon marché qui ne le demande, Cotgrave À l'hostel priser, et au marché vendre, Cotgrave Les pardons y sont à trop bon marché, D'Aubigné, Confessions de Sancy, ch. IV. Aubigné lui ouvrit [proposa] un marché auquel il obligeoit un million d'or vaillant pour faire deux flottes, D'Aubigné, Mémoires, éd. LALANNE, p. 113.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. mercat ; espag. et portug. marcado ; ital. mercato ; du lat. mercatus, de merx, marchandise, par l'intermédiaire de mercari (voy. MARCHAND).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. MARCHÉ. Ajoutez :
13En Picardie, marché de terre, ou, simplement, marché, le lot de terres que chaque fermier tient d'un propriétaire.

Droit de marché, usage dans la Picardie en vertu duquel les fermiers détiennent à perpétuité et héréditairement les biens qu'ils ont pris à ferme. Le droit de marché, que les propriétaires ne reconnaissent pas, ne s'en maintient pas moins dans le Santerre [Somme], Journ. des Débats, 8 août 1876, 3e page, 6e col. Le droit de marché est un singulier usage, établi dans cette partie de la Picardie qu'on nomme le Santerre… en vertu de cet usage… les fermiers prétendent détenir à perpétuité et transmettre à leurs héritiers les biens qu'ils ont une fois reçus à loyer, Arth. Mangin, Journ. offic. 10 août 1876, p. 6152, 1er col.