« marcher », définition dans le dictionnaire Littré

marcher

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

marcher [1]

(mar-ché)

Résumé

  • 1° V. a. Fouler, pétrir avec les pieds.
  • 2° V. n. Mettre le pied sur.
  • 3° Se mouvoir à l'aide des pieds ou des pattes.
  • 4° Marcher, en termes de danse et d'escrime.
  • 5° Marcher, en termes de manége.
  • 6° Marcher, en termes de vénerie.
  • 7° Marcher, en termes de marine.
  • 8° Marcher devant, précéder.
  • 9° S'avancer de quelque manière que ce soit, à pied, à cheval, en voiture.
  • 10° Marcher à, s'avancer vers.
  • 11° Se mouvoir, en parlant des troupes.
  • 12° Il se dit de la manœuvre que fait un corps de troupes, un général.
  • 13° Marcher sous, obéir à un chef.
  • 14° Tenir un certain rang dans les cérémonies.
  • 15° Employé emphatiquement pour le verbe être.
  • 16° Faire un service, en parlant de voiture, de chemin de fer.
  • 17° Il se dit des choses qui se meuvent.
  • 18° Fonctionner, en parlant d'un mécanisme.
  • 19° Passer, en parlant du temps.
  • 20° Aller selon un certain progrès en bien ou en mal, en parlant des personnes.
  • 21° Agir.
  • 22° Avoir un certain progrès en parlant des choses.
  • 23° Il se dit des choses auxquelles on prête un mouvement comme si elles étaient animées.
  • 24° Il se dit du progrès dans le développement d'une pièce de théâtre, d'un roman.
  • 25° En musique, il se dit de la succession des tons et des accords.
  • 26° Y marcher, être employé, en parlant des choses.
  • 1 V. a. Pétrir avec les pieds l'argile qu'on a humectée (le sens le plus ancien du verbe marcher est presser du pied ; il n'est resté que dans le langage de certains métiers).

    Donner une égale épaisseur à une feuille d'ouate, en passant dessus une espèce de coussin.

    Terme de chapelier. Marcher l'étoffe d'un chapeau, la fouler avec les mains, la comprimer soit à froid, soit à chaud.

  • 2 V. n. Mettre le pied sur. Marcher sur le pavé, sur l'herbe. Il lui marche sur le pied. Prenez garde où vous marchez. C'est sur mon corps sanglant qu'il lui faudra marcher, Voltaire, Olymp. II, 5.

    Fig. Il a marché sur quelque mauvaise herbe. Sur quelle herbe a-t-il marché ? voy. HERBE, n° 1.

    Marcher sur les pas, sur les traces de quelqu'un, le suivre de très près. Allons, seigneur, marchons sur les pas d'Hermione, Racine, Andr. III, 6. Que faites-vous, madame, et d'où vient que ces lieux N'offrent point avec vous votre fille à mes yeux ?… Ne peut-elle à l'autel marcher que sur vos pas ? Racine, Iph. IV, 3.

    Fig. Ainsi, de toutes parts, les plaisirs et la joie M'abandonnent, Zaïre, et marchent sur leurs pas [de Bajazet et de Roxane], Racine, Baj. III, 1.

    Fig. Marcher sur les pas, sur les traces de quelqu'un, l'imiter, suivre ses exemples. Marchez donc sur ses pas [de Malherbe], aimez sa pureté, Boileau, Art p. I. Apprend-il à marcher sur les pas de son père ? Delille, Énéide, III.

    Marcher sur les talons de quelqu'un, le suivre de trop près.

    Familièrement. Il marche, il est toujours sur mes talons, il m'importune en ne me quittant pas, Dict. de l'Acad.

    Fig. et familièrement. Marcher sur les talons de quelqu'un, suivre quelqu'un de près pour l'âge, pour la fortune, pour les succès.

    Fig. Marcher sur des épines, être dans une conjoncture difficile.

    Fig. Marcher sur des charbons ardents, passer vite sur un sujet délicat et dangereux. C'était marcher sur des charbons ardents, sur des rasoirs, que de traiter cette matière si adroitement et avec tant d'esprit, Sévigné, 5 mars 1683.

    Il ne faut pas lui marcher sur le pied, se dit d'un homme susceptible qu'il est dangereux de choquer. Quand j'étais jeune, il ne fallait pas me marcher sur le pied, non plus qu'à présent, Dancourt, Vert galant, sc. 3.

    Fig. et familièrement. Marcher sur, rencontrer à chaque pas. On marche sur les mauvais plaisants, et il pleut par tout pays de cette sorte d'insectes, La Bruyère, V. On ne marchait dans mon jeune temps que sur des métamorphoses, Voltaire, Taureau blanc, 4.

    Fig. Marcher sur quelque chose, suivre une certaine indication. Tous vos amis avaient la complaisance de me dire que j'avais raison de vous souhaiter avec ardeur : voilà sur quoi je marchais, Sévigné, 28 déc. 1673.

    Fig. Marcher sur quelque chose, en parler, s'en occuper. Mon Dieu ! madame, marchons là-dessus, s'il vous plaît, avec beaucoup de retenue, Molière, Comtesse, 1.

    Fig. et familièrement. Marcher sur les gens, n'en tenir aucun compte par fierté ou par dureté.

  • 3Se mouvoir à l'aide des pieds ou des pattes. Marcher à grands pas, à petits pas. Cet homme marche bien. Tous deux près de Galba marchaient d'un pas égal, Corneille, Othon, V, 8. Il [un mulet] marchait d'un pas relevé, Et faisait sonner sa sonnette, La Fontaine, Fabl. I, 4. L'archer Voit le long d'un sillon une perdrix marcher, La Fontaine, ib. VIII, 27. Vous marchez d'un tel pas qu'on a peine à vous suivre, Molière, Tart. I, 1. J'ai vu les filles de Sion la tête levée, marchant d'un pas affecté, avec des contenances étudiées, Bossuet, la Vallière. Illustre porte-croix, par qui notre bannière N'a jamais, en marchant, fait un pas en arrière, Boileau, Lutr. V. L'estropié marcha, l'aveugle ouvrit les yeux, Boileau, Sat. XI. De tous les animaux qui s'élèvent dans l'air, Qui marchent sur la terre, ou nagent dans la mer, Boileau, ib. VIII. Levez la tête ; encor ; soyez droite ; approchez ; Faut-il tendre toujours le dos quand vous marchez ? Regnard, le Distr. I, 4. Tel était vraisemblablement le sort d'un enfant d'environ dix ans, qui vivait parmi les ours, et qu'on trouva en 1694, dans les forêts qui confinent la Lithuanie et la Russie ; il ne donnait aucune marque de raison, marchait sur ses pieds et sur ses mains, n'avait aucun langage et formait des sons qui ne ressemblaient en rien à ceux d'un homme, Condillac, Traité sens, IV, 7.

    Marcher tout seul, se dit d'un enfant qui commence à faire des pas sans aucune aide ou appui.

    Fig. Marcher tout seul, n'avoir pas besoin d'aide. Je ne trouve pas bon que vous me remerciiez de l'amitié que j'ai pour lui [mon médecin] ; il marche tout seul, et n'a nul besoin de votre assistance, Sévigné, 364.

    Familièrement. Marcher comme un Basque, comme un chat maigre, marcher fort vite.

    Marcher à quatre pattes, marcher sur les mains et sur les pieds, à la manière des quadrupèdes. On n'a jamais employé tant d'esprit à vouloir nous rendre bêtes ; il prend envie de marcher à quatre pattes, quand on lit votre ouvrage [le Discours sur l'inégalité des conditions], Voltaire, Lett. J. J. Rousseau, 30 août 1755.

    Marcher à pas de loup, s'avancer avec précaution et sans faire de bruit.

    Marcher à pas de tortue, marcher avec une excessive lenteur.

    Marcher à pas de géant, marcher en faisant de grandes enjambées ; et fig. faire des progrès rapides.

    Fig. et dans un sens très populaire. Faire marcher, mystifier (le sens intermédiaire est : faire faire une course inutile).

    Fig. Marcher entre des précipices, rencontrer de tous côtés des dangers.

    On dit de même : marcher entre des écueils. L'intérêt et l'injustice, toujours mêlés trop avant dans les grandes affaires du monde, font qu'on marche parmi des écueils, Bossuet, Bourgoing.

    Fig. Marcher sur le bord du précipice, être exposé aux tentations périlleuses, aux chutes, etc. Crois-tu que, toujours ferme au bord du précipice, Elle pourra marcher sans que le pied lui glisse ? Boileau, Sat. X.

    Activement, en style poétique, marcher des pas, faire des pas. Je foule autant de cœurs que je marche de pas, Rotrou, St Genest, II, 3. Oh ! qu'ils boivent dans cette goutte [d'eau] L'oubli des pas qu'il faut marcher ! Lamartine, Joc. IX, 293.

    On a dit, poétiquement aussi, marcher, en parlant des pas. Est-ce que vous pouvez, sans tristesse et sans plainte, Voir nos ombres flotter, où marchèrent nos pas ? Hugo, Rayons et ombres, XXXIV.

  • 4 Terme de danse. Marcher, faire, dans le cours d'une danse, quelques pas qui ne sont que des pas de marche.

    Terme d'escrime. Porter en avant le pied droit, puis le pied gauche, en gardant entre deux la même distance.

    Marcher à grands pas, laisser un espace de huit pouces environ entre les pieds.

    Trop marcher, approcher de trop près de son adversaire.

  • 5 Terme de manége. Marcher en avant se dit de l'action du cavalier pour déterminer un cheval à continuer sa même allure, quand il paraît vouloir la ralentir.

    Marcher large, faire suivre le mur du manége au cheval.

    Marcher de côté, se dit du cheval qui fuit le talon ou les jambes.

    Marcher l'amble, prendre l'allure ainsi nommée. Plus… mieux le cheval marche l'amble, Buffon, Cheval.

  • 6 Terme de vénerie. On dit qu'un cerf marche bien quand le pied de derrière est bien placé sur le talon du pied de devant et que les allures sont bien croisées.
  • 7 Terme de marine. Faire du chemin. Ce vaisseau marche bien, marche mal.

    Marcher dans les eaux d'un autre vaisseau, faire même route que lui, passer incontinent après lui là où il a passé.

    Fig. Marcher dans les eaux de quelqu'un, l'appuyer, le seconder.

    Marche avec ! commandement pour que les marins saisissent un cordage et produisent leur effort en marchant ensemble au pas.

  • 8Marcher devant, précéder. Il marchait devant, les autres suivaient.

    Il se dit aussi de choses qui vont devant. Ce n'est pas sans raison que je fais marcher ces vers à la tête de l'Œdipe, puisqu'ils sont cause que je vous donne l'Œdipe, Corneille, Œdipe, au lecteur. Dieu fait marcher l'épouvante devant eux, Bossuet, Hist. III, 7. Nos plus riches trésors marcheront devant nous [dans notre fuite vers un asile], Racine, Esth. III, 1. Quel est ce glaive enfin qui marche devant eux [Éliacin et un autre] ? Racine, Athal. IV, 1.

    Dans le langage biblique, il se dit de Dieu, à qui l'on prête des mouvements humains. Je marcherai devant toi dans les combats ; à ton approche je mettrai les rois en fuite, Bossuet, Louis de Bourbon. C'est lui [Dieu] qui, m'excitant à vous oser chercher, Devant moi, chère Esther, a bien voulu marcher, Racine, Esth. I, 3. 'avancer de quelque manière que ce soit, à pied, à cheval, en voiture ou autrement. Cet homme marche toujours bien accompagné. Nous avons marché à la fraîcheur pour ne pas fatiguer nos chevaux. Marchez, courez, volez où l'honneur vous appelle, Boileau, Lutr. III. Debout, dit l'avarice, il est temps de marcher, Boileau, Sat. VIII. Voilà nos alliés, marchons de ce côté, Racine, Mithr. I, 3. Quand on dit que Vénus, la déesse de la beauté, ne doit point marcher sans les Grâces, on dit une vérité charmante, Voltaire, Dict. phil. Figure. Mme des Ursins avait marché toute la nuit ; un profond silence régnait dans le carrosse ; elle ne pouvait se persuader ce qui lui arrivait, Duclos, Louis XIV, Œuvres, t. V, p. 87.

  • 10Marcher à, s'avancer vers. Il marcha à la mort avec un grand courage. Et qu'élevé si haut, mais sur un précipice, S'il ne montait au trône, il [le duc de Guise] marchait au supplice, Voltaire, Henr. III. Je refuserais pour mon gendre le plus riche parti de France, qui ne pourrait pas prouver que ses ancêtres ont marché aux premières croisades, Destouches, Fausse Agn. I, 1.
  • 11Se mouvoir, en parlant des troupes. L'armée marchait en ordre de bataille. Pour assembler et faire marcher ces nobles régiments, Sévigné, 558. Vitellius, quand il passa dans cette province [la Judée] pour porter la guerre en Arabie, fit marcher ses troupes sans enseignes, Bossuet, Hist. II, 9. Intrépides soldats, Marchons en invoquant l'arbitre des combats, Racine, Athal. IV, 3. L'empereur lui-même, avant que le jour du 19 octobre l'éclaire, sort de Moscou, il s'écrie : marchons sur Kalougha, et malheur à ceux qui se trouveront sur mon passage ! Ségur, Hist. de Nap. VIII, 11.

    En avant, marche, commandement à une troupe de se mettre en mouvement.

    Marcher au pas, marcher en suivant la cadence du pas militaire. Conscrits, au pas, Marchez au pas, Béranger, Vieux cap.

    Ce régiment, ce corps marche, il fait la campagne.

    Faire marcher, signifie quelquefois imposer un service militaire. On fit marcher la garde nationale. Ce n'est que dans les besoins pressants qu'on fait marcher les esclaves, les étrangers établis dans l'Attique, et les citoyens les plus pauvres, Barthélemy, Anach. ch. 10.

  • 12Il se dit de la manœuvre que fait un corps de troupes, un général. M. de Turenne nous écrit qu'il est sur le point de se déclarer pour le parti ; qu'il n'y a plus que deux colonels dans son armée qui lui fassent peine ; qu'il s'en assurera d'une manière ou d'autre avant qu'il soit huit jours, et qu'à l'instant il marchera à nous, Retz, Mém. t. I, livre II, p. 367, dans POUGENS. Elle marche comme un général à la tête d'une armée royale, Bossuet, Reine d'Anglet. Marchons, et dans son sein renvoyons cette guerre Que sa fureur [de Rome] envoie aux deux bouts de la terre, Racine, Mithr. III, 1. Babylone, seigneur, à son prince fidèle, Voyait, sans s'étonner, notre armée autour d'elle ; Les Persans rassemblés marchaient à son secours, Racine, Baj. I, 1. Il prit la résolution de marcher aux ennemis, Hamilton, Gramm. 5. Solamir veut tenter le destin des batailles ; Nous marcherons à lui, Voltaire, Tancr. III, 5. Le général Fairfax ne voulut point marcher contre l'Écosse, Voltaire, Mœurs, 181.
  • 13Marcher sous, se dit d'une troupe qui obéit à un chef. Sous ce chef redouté Marche des cuirassiers l'escadron indompté, Boileau, Ép. IV. Ses soldats a battus, Ne marchant plus sous lui, semblaient déjà vaincus, Voltaire, Henr. IX.

    Marcher sous les lois de, être soumis à. Sous les lois du plus jeune on vit marcher l'aîné, Corneille, Nicom. II, 3. Dans un camp où tout vous est soumis… Où je vois sous vos lois marcher la Grèce entière, Racine, Iph. III, 1. Quoiqu'à regret, seigneur, ils [les janissaires] marchent sous ses lois [d'Amurat], Racine, Baj. I, 1.

  • 14Tenir un certain rang dans les cérémonies. Les ducs et pairs marchaient anciennement dans l'ordre de leur réception. Il dira toujours qu'il marche après la maison régnante et, à force de le dire, il sera cru, La Bruyère, VIII.
  • 15Dans le style élevé ou poétique, il n'est quelquefois qu'une forme emphatique du verbe être. Mais en vain pour un temps une taxe l'exile [un partisan] ; On le verra bientôt, pompeux, en cette ville, Marcher encor chargé des dépouilles d'autrui, Boileau, Sat. I. Déserteur de leur loi [des Hébreux], j'approuvai l'entreprise, Et par là de Baal méritai la prêtrise ; Par là je me rendis terrible à mon rival, Je ceignis la tiare et marchai son égal, Racine, Ath. III, 4.
  • 16Faire un service, en parlant de voiture, de chemin de fer. Cette voiture publique marche deux fois la semaine, La neige qui est tombée empêche le chemin de fer de marcher.
  • 17Il se dit des choses qui se meuvent. Saturne est une des planètes qui marchent le plus lentement. Tel qu'à vagues épandues Marche un fleuve impérieux, De qui les neiges fondues Rendent le cours furieux, Malherbe, II, 2. Les rivières sont des chemins qui marchent, et qui portent où l'on veut aller, Pascal, Pens. VII, 37, éd. HAVET.
  • 18Marcher, se dit d'un mécanisme qui fonctionne. Le moulin ne marche pas. Une montre qui marche. Avec mon pistolet le cordon s'embarrasse, Fait marcher le déclin : le feu prend, le coup part, Corneille, Ment. II, 5.

    On l'a dit, par extension, du mouvement du pouls. Le feu sort de vos yeux pétillants et troublés, Votre pouls inégal marche à pas redoublés, Boileau, Ép. III.

    Fig. Il faut prêter la main à un système, avant qu'il soit en état de marcher de lui-même, Lett. sur le nouv. syst. de finances, dans DESFONTAINES.

  • 19Il se dit du temps qui passe. Le temps, qui toujours marche, avait pendant deux nuits Échancré, selon l'ordinaire, De l'astre au front d'argent la face circulaire, La Fontaine, Fabl. XI, 6. Que le temps qui s'enfuit marche à pas lents pour nous ! Ducis, Macbeth, III, 2.
  • 20 Fig. Aller selon un certain progrès, en bien ou en mal, en parlant des personnes. Nous marchons tous à la mort. Marcher hardiment à son but. Il marche au sacrilége avec impunité, Voltaire, Sémir. V, 2. Richelieu, Mazarin, ministres immortels, …Marcheront à grands pas au pouvoir despotique, Voltaire, Henr. VII. En vérité, on marche de surprise en surprise, Picard, Capitaine Belronde, II, 11.

    S'avancer dans une certaine voie. Afin que nous marchions en assurance dans le chemin du salut, Bourdaloue, 7° dim. après la Pentec. Dominic. t. III, p. 52. La vieillesse chagrine incessamment amasse… Marche en tous ses desseins d'un pas lent et glacé, Boileau, Art p. III. Les peuples à l'envi marchent à ta lumière, Racine, Athal. III, 7.

  • 21Agir. D'abord marcher sourdement et ne point troubler leur sincérité, Diderot, Père de famille, IV, 13.

    Marcher droit, être irréprochable dans sa conduite, ne pas commettre de faute. Vous devez marcher droit pour n'être pas berné, Molière, Éc. des f. I, 1. Avecque don Bertrand il faut marcher bien droit, Th. Corneille, D. Bertr. de Cigarral, I, 2. Marchez bien droit et bien sûrement, monseigneur, dans l'affaire de Mme de Mondouville, Maintenon, Lett. au card. de Noailles, 11 janv. 1706.

    Je le ferai marcher droit, je l'empêcherai de s'écarter de son devoir.

    Marcher d'un même pas dans une affaire, agir de concert.

    Marcher à tâtons, marcher en aveugle dans une affaire, agir sans avoir les lumières nécessaires pour s'y bien conduire. C'est ainsi que nous vivons et que nous marchons en aveugles, ne sachant où nous allons, prenant pour mauvais ce qui est bon, prenant pour bon ce qui est mauvais, et toujours dans une entière ignorance, Sévigné, à Bussy, 15 déc. 1683.

    Dans le langage biblique et élevé, marcher dans, suivre pour guide. Ils n'ont point gardé l'alliance faite avec Dieu, et n'ont point voulu marcher dans sa loi, Sacy, Bible, Psaume CLXXVII, 10. Je ne marche point dans de vastes pensées, Bossuet, Mar.-Thér. Il [Dieu] fait un nouveau pacte avec David, et s'oblige de le protéger lui et les rois ses descendants, s'ils marchent dans les préceptes qu'il leur a donnés par Moïse, Bossuet, Hist. II, 4. Les fidèles alors y jouissaient de la paix, marchant dans la crainte du Seigneur et s'édifiant mutuellement, Condillac, Hist. anc. XV, 5. Mais moi, fils du désert… Sans crainte, sans remords, avec simplicité Je marche dans ma force et dans ma liberté, Ducis, Othello, II, 17.

  • 22Il se dit des choses qui font un certain progrès en bien ou en mal. Les choses marchent vers une solution. Cet État marche à sa ruine. Ces deux affaires marchent de front. À l'instant le parti est pris [dans une affaire militaire] : il commande et il agit tout ensemble, et tout marche en concours et en sûreté, Bossuet, Louis de Bourbon. La raison pour marcher n'a souvent qu'une voie, Boileau, Art p. I. Le monde avec lenteur marche vers la sagesse, Voltaire, Lois de Minos, III, 5. Les devoirs et les affaires sérieuses marchent avant tout, Voltaire, Lett. prince roy. de Prusse, 1er janv. 1739. Tel est l'arrêt du sort, tout marche à son déclin, Delille, Georg. I. Il paraît que l'affaire marche à merveille, Picard Et Mazères, Trois quartiers, I, 12.

    Cette affaire ne marche pas, elle ne fait aucun progrès vers une terminaison.

    Absolument. Être en progrès. La civilisation marche. Le monde marche.

  • 23 Fig. Il se dit des choses auxquelles on prête un mouvement comme si elles étaient animées. La gloire que V. A. s'est acquise en cette dernière campagne marchera au premier rang des événements les plus illustres de notre siècle, Arn. D'Andilly, Lett. CXXIV. Que la crainte et la terreur marchent avec vous, Montesquieu, Lett. pers. 148.

    Marcher ensemble, se dit de choses qui sont compatibles entre elles. Il est difficile d'être équitable et conquérant en même temps, et je vois bien que la vaillance et la justice sont deux vertus qui ne marchent guère ensemble, Voiture, Lett. 83.

    Ne pas marcher sans, en parlant des choses, être accompagné de. Les grands talents ne marchent point sans une forte inclination pour tout ce qui se rapporte à leur objet, Mairan, Éloges, card. de Polignac.

  • 24 Fig. Il se dit du progrès dans le développement d'une pièce de théâtre, d'un roman, d'un écrit. Ce discours, ce poëme marche bien. L'action de ce drame ne marche pas. Ainsi la tragédie agit, marche et s'explique, Boileau, Art p. III. Un poëme excellent où tout marche et se suit, Boileau, ib. Que l'action, marchant où la raison la guide, Ne se perde jamais dans une scène vide, Boileau, ib.

    Marcher, se dit du style dans un sens analogue. Vous écrivez comme un ange ; je lis vos lettres avec admiration ; cela marche, vous arrivez, Sévigné, 1er déc. 1675. Le style [des cantiques]… qui marche par de vives et impétueuses saillies, affranchi des liaisons ordinaires…, Bossuet, Hist. II, 3. Son style impétueux souvent marche au hasard, Boileau, Art p. III. Le vers, comme un torrent, en grondant doit marcher, Du Resnel, Harm. imitative.

    Ces vers marchent bien, le mouvement en est facile.

  • 25 Terme de musique. Se dit de la succession des sons et des accords qui se suivent dans un certain ordre. J'ai gardé toujours une affection tendre pour un certain air du Conditor alme siderum qui marche par ïambes, Rousseau, Confess. III.
  • 26 Fig. et familièrement. Y marcher, se dit de choses qu'on emploie. Nous avons beaucoup de monde à dîner, il faut que toute la vaisselle y marche, que tous les poulets de la basse-cour y marchent. Vous êtes toujours trop regrettée et tendrement souhaitée dans cette petite chambre ; le café y marche tous les matins, Sévigné, 11 oct. 1688.

    Quand l'argent marche, tout va bien. Quand on veut bien employer l'argent dans une affaire, elle réussit.

REMARQUE

Corneille a dit : Va marcher sur leurs pas où l'honneur te convie, Cinna, I, 3. Voltaire a relevé cette locution : " On ne dit pas plus allons marcher qu'allons aller " . Mais M. Gérusez objecte qu'on dit bien va courir, et que rien n'empêche de dire va marcher. Béranger n'a-t-il pas dit : Voir c'est avoir ; allons courir, Vie errante Est chose enivrante, Bohém.

HISTORIQUE

XIIe s. Que li chevax marcha le fust Qui tenoit la porte de fer, Chrestien de Troyes, Cheval. au lion, V. 949.

XIIIe s. Comme l'on plus marcoit la flor, Tant en issoit plus bone odor, Partonop. V. 10833. La pucele velz [tu veux] aler querre, Qui fut proiée en autre terre ; Ceste terre est molt convoitiée, Et sovent de gerre [guerre] marchiée, Flore et Blanchefl. p. 176, édit. DU MÉRIL. Par la cheveçaille l'a pris, Come cil qui est d'ire espris ; Contre terre l'a trebuchié, Sor le ventre li a marchié, Durement li fole la pance, Ren. 4692. Pour la maladie des vers garir (à vos iex [yeux] la veeiz, à vos piez la marchiez), la meilleur herbe qui soit elz quatre parties dou monde, ce est l'ermoize, Rutebeuf, I, 257.

XIVe s. Tantost que Jehan de Lorme oy la frainte et les marchies desdiz jeunes gens au dit jardin, Du Cange, marcheriae.

XVe s. Lieve toi, alons nous esbatre, Marcir la rousée et abatre, Dont l'oudour est trop plus propisce, Et mieuls vault que de mille espices, Froissart, Poésies mss. p. 353, dans LACURNE. Si allay tout seul et ainsi Que l'ay de coustume, et aussi Merchai l'herbe poignant menue, Chartier, le Livre des quatre dames, p. 594. L'un lui presente beaux moz plaisans et gracieux, l'autre lui marche dessus le pié ou lui estraint la main, Les 15 joies de mariage, p. 19.

XVIe s. Cinq ou six mil Suisses lors passerent Devant le roi, marchans fiers soubz la picque, Marot, J. V, 101. Voyre, et Dieu scet quant passoient par devant, S'ilz se marchoient fiers comme ung poursuyvant, Marot, J. V, 102. Lequel [Cupidon] pour son devis Au poing tenoit un arc riche tendu, Le pied marché et le bras estendu, Prest de lascher une fleche aiguisée, Marot, I, 170. Ilz marcherent incontinent en bataille le grand pas contre les barbares, Amyot, Arist. 33. Et quand et quand feit marcher le reste de ses gens le chemin de Platées, Amyot, ib. 39. La tigre à qui on a derobé les petits fants, ne la vipere estant marchée sur la queue, ne sont plus terribles qu'une femme offensée, Yver, 569. Il marcha son armée en Lombardie, où il fit de braves gestes, Carloix, I, 34. Depuis la feste Saint Martin jusques à la Notre Dame de mars [les pâturages] sont communs en la ditte chastellenie ; et peuvent marcher et pasturer l'un dans l'autre, Coust. génér. t. II, p. 474.

ÉTYMOLOGIE

Espagn. marchar ; ital. marciare ; allem. marschiren. Ces trois mots sont formés du français ; mais d'où vient le français lui-même ? Diez pense que marcher est proprement aller de marche en marche, et par conséquent il le fait venir de marche, frontière. D'autres l'ont tiré de mercari, commercer, à cause que le commerçant va de lieux en lieux ; d'autres enfin, de l'ancien allemand march, cheval. Toutes ces étymologies ont été mises à néant par Scheler, qui, à l'aide d'exemples du XIIe siècle et du XIIIe, a montré que le sens le plus ancien de marcher est presser avec le pied, mettre le pied sur. À ce sens on ne peut arriver ni de marche, frontière, ni de mercari, ni de march. À la vérité, on a dit marcher et marchir, comme le prouvent l'exemple du XIVe siècle [les marchies, les foulées, les pas], et celui de Froissart ; et marchir, venant de marche, frontière, a signifié être avoisinant ; mais ce n'est qu'une similitude fortuite. Allant plus loin, Scheler pense que marcher, presser du pied, et marc, résidu d'une chose pressée, ont le même radical, et que ce radical est dans le latin marc-us, marc-ulus, marc-ellus, marteau (voy. à MARC 2 une autre conjecture). L'hypothèse qui rattache marcher et marc est certainement ingénieuse, probable même ; mais ce sera toujours une hypothèse, tant qu'on ne trouvera pas soit dans marcher quelque sens positif qui se rapproche de marc, ou dans marc quelque sens qui se rapproche de marcher. En Normandie, on dit : marcher une terre, un bois, les parcourir en tous sens, afin d'en examiner l'état.