« pendre », définition dans le dictionnaire Littré

pendre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

pendre

(pan-dr'), je pends, tu pends, il pend, nous pendons, vous pendez, ils pendent ; je pendais ; je pendis ; je pendrai ; je pendrais ; pends, pendons ; que je pende, que nous pendions ; que je pendisse ; pendant, pendu v. a.
  • 1Attacher un objet en haut, de manière qu'il ne touche point à la terre. Pendre un lièvre par les pattes. Écoutez-moi, mes frères, pendez cette tête [d'Holopherne] en haut de nos murailles, Sacy, Bible, Judith, XIV, 1. Absalon fut pendu par les cheveux et percé de trois dards, Voltaire, Candide, 30. La tour hospitalière Où je pendrai mon nid, Hugo, Odes, V, 25.

    Fig. Pendre au croc, voy. CROC 2.

  • 2Attacher quelqu'un à la potence ou à tout autre endroit, pour l'étrangler. Prenez tous les princes du peuple et pendez-les en plein jour, afin que ma fureur ne tombe point sur Israël, Sacy, Bible, Nomb. XXV, 4. Ils [les Germains] pendaient les traîtres et noyaient les poltrons : c'étaient, chez eux, les seuls crimes qui fussent publics, Montesquieu, Espr. XXX, 19. Les juges du comté de Valois firent le procès à un taureau qui avait tué un homme d'un coup de corne, et le condamnèrent à être pendu ; la sentence fut confirmée par arrêt du parlement le 7 février 1314, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuv. t. V, p. 399, dans POUGENS. Un des Omer disait qu'il ne mourrait pas content qu'il n'ait vu pendre un philosophe ; je peux l'assurer que ce ne sera pas moi qui lui donnerai ce plaisir, Voltaire, Lett. Mme d'Argental, novembre 1764. On a vu pendre dans une ville très riche une fille de dix-huit ans d'une rare beauté ; quel était son crime ? elle avait pris dix-huit serviettes à une cabaretière, qui ne lui payait pas ses gages, Voltaire, Pol. et lég. Prix de la just. et de l'hum. 2. On avait toujours soin de les pendre [les Juifs] entre deux chiens, lorsqu'ils étaient condamnés, Voltaire, Mœurs, 103. On ne pouvait pas avoir été plus mal pendu que je ne l'avais été : l'exécuteur des hautes œuvres de la sainte inquisition brûlait à la vérité les gens à merveille, mais il n'était pas accoutumé à pendre, Voltaire, Cand. 28. Le comte : Sa probité ? - Figaro : Tout juste autant qu'il en faut pour n'être point pendu, Beaumarchais, Barb. de Sév. I, 4.

    Pendre haut et court, pendre à quelque chose d'élevé et avec une corde courte. C'est qu'on pende aux créneaux haut et court le corsaire, La Fontaine, Fianc.

    Absolument. Les rigueurs s'adoucissent ; à force d'avoir pendu, on ne pendra plus, Sévigné, 3 nov. 1675.

    Chez les anciens, pendre à la croix, attacher à la croix, crucifier. Le Fils de Dieu a été pendu à la croix, Bossuet, Serm. Exalt. de la croix, préamb.

    Dire pis que pendre de quelqu'un, en dire outrageusement du mal (locution dont on rend compte en rétablissant ainsi les ellipses : dire d'un homme plus de mal qu'il n'en faudrait pour le faire pendre). À qui en avez-vous, ma bonne, de dire pis que pendre à votre esprit, si beau et si bon ? Sévigné, 5 juin 1680. Pour écrire pis que pendre à madame sa cousine, Hamilton, Gramm. 8.

    Cet homme ne vaut pas le pendre, ne vaut pas la corde pour le pendre, c'est un misérable.

    Je veux être pendu si…, locution familière qui s'emploie pour affirmer d'une manière péremptoire. Je veux être pendu si je vous aime, Molière, F. sav. I, 4.

    Dans le même sens. On me pendrait plutôt, Je suis trop partisan de la douce paresse, Boissy, Sage étourdi, III, 3.

    Autant vaudrait être pendu que d'avoir fait cela, se dit en parlant d'une action blâmable ou d'un ouvrage mal fait.

  • 3 V. n. Être suspendu. On voyait tout ensemble les fleurs du printemps qui naissaient sous les pas, avec les plus riches fruits de l'automne qui pendaient des arbres, Fénelon, Tél. XIX. Son bras droit pend bien et bien négligemment, Diderot, Salon de 1765, Œuvr. t. XIII, p. 339. Quelques ossements ou de petits ouvrages d'or, selon les rangs, pendaient à leur nez et à leurs oreilles [des Mexicains], Raynal, Hist. phil. VI, 12. Il [le Seigneur] sait pourquoi flottent les mondes ; Il sait pourquoi coulent les ondes, Pourquoi les cieux pendent sur nous, Lamartine, Méd. II, 4.

    Fig. Être toujours pendu aux côtés ou à la ceinture de quelqu'un, le suivre partout.

    Cet enfant est toujours pendu au cou de sa mère, il l'embrasse sans cesse.

    Être pendu aux oreilles de quelqu'un, lui parler sans cesse de quelque chose. Mme de Montrevel est enragée : après avoir été pendue un mois aux oreilles du roi et de Quanto [Mme de Montespan]…, Sévigné, 4 sept. 1675.

  • 4 Fig. Être menaçant. Un pressentiment et une espèce de prédiction du malheur qui pendait sur sa tête, Rollin, Traité des Ét. III, 1.

    Fig. et familièrement. Autant lui en pend à l'oreille, au nez, à l'œil, c'est-à-dire il pourra lui en arriver autant. Que notre ami Noailles prenne garde à lui ; on dit qu'il lui en pend autant à l'œil, Sévigné, 9 mars 1672.

    On a dit aussi : pendre devant les yeux. Ne vous en moquez pas, monseigneur ; autant vous en pend devant les yeux, Voiture, Lett. 186.

  • 5 Fig. Être en jugement. Le procès pend et pendra de la sorte Encor longtemps, comme l'on peut juger, La Fontaine, Gageure. C'était au Châtelet que pendait cette affaire, Boursault, Merc. gal. V, 7. Nous eûmes peine à entendre un arrêt si injuste, et qui statuait sur ce qui ne pendait point en question, Saint-Simon, 36, 162.
  • 6Descendre trop bas, tomber trop bas. Votre robe pend d'un côté.

    Les joues lui pendent, ses joues sont flasques.

  • 7Se pendre, v. réfl. Se suspendre à quelque chose. Le galant fait le mort, et du haut d'un plancher Se pend la tête en bas, La Fontaine, Fabl. III, 18.

    Se pendre à la sonnette, sonner avec beaucoup de force et de continuité. La maréchale se pendit aux sonnettes, pour demander à grands cris de l'eau de fleur d'orange, Genlis, Mères riv. t. I, p. 50, dans POUGENS.

    Fig. Se pendre à l'oreille de quelqu'un, lui parler constamment dans l'oreille. M. de Rohan, qui la trouve belle [Mlle de Lannion] dès l'année passée, s'est pendu à son oreille d'une si étrange façon…, Sévigné, 26 août 1671.

  • 8Se donner la mort en se suspendant par le cou pour s'étrangler. Monime, détachant le diadème d'autour de sa tête, l'attacha à son cou et s'y pendit, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. X, p. 100, dans POUGENS.

    Par exagération. Il y a de quoi se pendre, se dit en parlant d'un événement qui accable. Et si, par un malheur, j'en avais fait autant, Je m'irais, de regret, pendre tout à l'instant, Molière, Mis. I, 1. Et si je n'avais M. de la Rochefoucauld et M. d'Hacqueville pour me consoler, je me pendrais de trouver encore en moi cette faiblesse [le goût des romans], Sévigné, 67.

    Après cela il faut se pendre, se dit quand on a manqué une belle occasion.

    Je ne m'en pendrai pas, se dit en parlant d'un mécompte auquel on attache peu d'importance. Tout est manqué ; je ne m'en pendrai pas, Picard, Deux Philibert, III, 1.

PROVERBES

Par compagnie on se fait pendre, voy. COMPAGNIE.

Les grands voleurs pendent les petits.

REMARQUE

Pendre, v. n. se conjugue avec l'auxiliaire avoir : Ce linge a longtemps pendu à la fenêtre. Quand il se construit avec l'auxiliaire être, il se confond avec le passif de pendre, verbe actif : Le linge est depuis longtemps pendu à la fenêtre.

HISTORIQUE

XIe s. Cil gonfanon sur les helmes lur pendent, Ch. de Rol. CCXIV. Assez est dreiz que Guenes seit pendut, ib. CCLXXXVIII. Va, les pend touz à l'arbre de mal fust, ib. CCXC.

XIIe s. Vous porterez ma chartre où li seax [sceau] d'or pant, Sax. XX. E les enfanchunetz pendre as meres as piz [aux seins], Th. le mart. 65. Achitofel vint à sa cited e a sa maisun, e ordenad ses choses, si se pendid, Rois, p. 184.

XIIIe s. Autretel vous est pendans Devant les ex ; ja, se vous m'en creiés, En tel peril vo vie ne metriés, Bibl. des ch. 4e série, t. V, p. 350. À l'essart [champ défriché] vint plus que le pas, Mès il ne set qu'à l'oil li pent, Ren. 16078. Autel [autant] lor pent devant le nés, Baudouin de Condé, t. I, p. 251. Il tenoit très bien justice, ne ne pendoit pas les maufaiteurs à son braoel [ceinturon il ne faisait pas sa societé des malfaiteurs], si comme font orendroit [présentement] li mauvais prince, Chron. de Rains, p. 2. D'un maillet qui là pent, [elle] a sus l'huis assené, Berte, XLV. Neis [même] au larron que l'en veut pendre Fait-ele [l'espérance] adès merci atendre, la Rose, 26. 47. Adonc li mescheans li conte Son grant damage et sa grant honte, Et par sa parole se pent [porte sa condamnation], ib. 16745. Et tex manieres de sergans [serviteurs] doivent estre plus haut pendu qu'autre larron, Beaumanoir, XXXI, 9.

XIVe s. Car à ce fait ici doivent prince et baron Avoir certain conseil et bonne avision : Car autant lor en pent au nez ou au menton Guesclin. 10565. Que savez-vous que il vous pent, Bielle dame, devant vos ieuls [il s'agit du haut de chausse que l'abbesse avait mis par mégarde sur sa tête en place de couvre-chef] ? Jean de Condé, p. 174.

XVIe s. Aux saules verts nos harpes nous pend smes, Marot, IV, 334. Certes mon cas pendoit [tenait] à peu de chose, Marot, V, 4. Autant m'en pendoit à l'aureille, Montaigne, I, 77. Seneque a les opinions saines, et pend du bon party aux affaires romaines, Montaigne, IV, 62. Et quand le fait est grief, la confiscation d'une partie des biens ou la mort y pendent, Lanoue, 256. Faictes sçavoir à madame toutes nouvelles de son fils, en la delivrance et santé duquel pend sa vie et consolacion, Marguerite de Navarre, Lett. 25. Et plusieurs autres qui ne vallent pas le pendre, ny les nommer, Particularités concern. l'assass. du duc de Guyse, Chalons 1589, p. 39. Il redoutoit le danger qui pendoit de leur temerité, se doubtant bien que…, Amyot, Cicéron, 23. Qui a à pendre n'a pas à noyer, Pasquier, Recherches, VIII, p. 714, dans LACURNE. Ou rendre, ou pendre, ou mort d'enfer attendre, Cotgrave Qui plus qu'il n'a vaillant despent, il fait la corde à quoy se pend, Cotgrave Auroient besoin d'avoir ordinairement tels officiers pendus à leur queue, s'il est licite d'user icy de cette façon commune de parler, H. Estienne, Apol. d'Hérod. p. 231, dans LACURNE. J'en prins quinze ou seize, lesquels je fis tous pendre, sans despendre papier ny encre, Montluc, liv. V. Harambure, pendez-vous de ne vous estre trouvé près de moi en un combat que nous avons eu contre les ennemis, où nous avons fait rage, Henri IV, Lett. du 13 juin 1595.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, peind ; prov. pendre ; cat. pendrer ; esp. pender ; ital. pendere ; du lat. Pendēre ou pendere, qui se rapportent l'un à l'autre comme jacĕre et jacēre. Les langues romanes ont toutes pris pendĕre, et délaissé pendēre. Quant à la locution pendre à l'œil, Génin émit la conjecture qu'elle provenait du conte où l'abbesse arrive avec un vêtement masculin sur la tête ; sur quoi on lui demande ce qui lui pend là devant les yeux. Son argumentation péchait, en ce qu'il croyait la locution du XVIe siècle, tandis qu'elle est bien plus ancienne comme on peut voir par l'historique. Toutefois il est probable qu'ayant tort dans la forme, il a raison dans le fond. En effet la locution est aussi bien pendre devant les yeux que pendre à l'œil ; ce qui va bien avec le conte ; puis ce conte lui-même, avec la locution, est cité par un auteur du commencement du XIVe siècle : dès lors rien n'empêche de penser que le conte remonte plus baut, et que c'est de là en définitive que la locution provient.