« saison », définition dans le dictionnaire Littré

saison

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

saison

(sè-zon) s. f.
  • 1Nom des quatre grandes divisions de l'année, comprenant chacune trois mois environ, et, astronomiquement, le temps employé par le soleil pour passer d'un solstice à un équinoxe ou d'un équinoxe à un solstice. Les quatre saisons de l'année sont : le printemps, l'été, l'automne et l'hiver, le printemps et l'automne commençant aux équinoxes, l'été et l'hiver commençant aux solstices. Le langage ordinaire entend plus souvent les saisons dans leur sens météorologique que dans le sens astronomique ; ces saisons-là commencent un mois ou six semaines avant les équinoxes ou les solstices ; ainsi on dit qu'on est en hiver vers le 15 novembre, quoique l'hiver astronomique ne commence qu'au 20 ou 21 décembre ; on est de même en été vers le 15 mai au lieu du 21 juin, etc. Par là [la disposition de l'année, selon l'Église] toutes les saisons sont fructueuses pour les chrétiens ; tout y est plein de Jésus-Christ, Bossuet, Mar.-Thér. Un philosophe vous dira en vain que vous devez être rassasiés d'années et de jours, et que vous avez assez vu les saisons se renouveler, Bossuet, le Tellier. On ne laisse pas de lui préférer [à un beau jour d'hiver] la constante sérénité d'une saison plus bénigne, Bossuet, Mar.-Thér. Les saisons ressemblent aux âges : Dans leurs rapports mystérieux La main invisible des dieux Cache des conseils pour les sages, Bernis, Quatre sais. Print. Ce sont l'inclinaison de la terre au plan de l'écliptique et son parallélisme constant qui occasionnent les changements des saisons, Brisson, Traité de phys. t. III, p. 137.

    Robe de demi-saison, robe qui tient le milieu entre une robe d'été et une robe d'hiver.

    La saison nouvelle, le printemps.

    La belle saison, la partie de l'année où le temps est beau. Trois mois et demi constituent à peu près toute la belle saison de ces cimes [Pyrénées], Ramond, Instit. Mém. scienc. 1823, t. VI, p. 92.

    L'arrière-saison, l'automne, le commencement de l'hiver.

    La mauvaise saison, la fin de l'automne, l'hiver.

    La saison chaude, la saison froide, se dit des deux moitiés de l'année.

    Marchande des quatre saisons, se dit, à Paris, de marchandes ambulantes, qui, dans chaque saison, vendent les fruits ou les objets de consommation que cette saison produit ou dont elle fait naître le besoin.

  • 2Chez les Grecs, les trois Saisons (d'après une ancienne division de l'année), déesses qui présidaient à l'année. Au-dessus de la tête de Jupiter, dans la partie supérieure du trône, on voit d'un côté les trois Grâces qu'il eut d'Eurynome, et les trois Saisons qu'il eut de Thémis, Barthélemy, Anach. ch. 38.
  • 3Temps où dominent certains états de l'atmosphère. La saison des pluies, des frimas. La lune, à qui on attribue le changement des saisons, le progrès des maladies, Pascal, Pens. VII, 17, éd. HAVET. S'il [le roi] marchait au milieu des hivers, l'oraison de cette princesse pénétrait les nues pour lui préparer les saisons, Fléchier, Mar.-Thér. Quoique l'homme civilisé ait l'industrie de s'entourer de la saison qu'il veut, la saison de la nature est toujours la plus puissante, Bailly, Atlantide, p. 252.

    La morte saison, la saison où la terre ne produit rien. L'inclinaison de l'axe de la terre produisant dans son mouvement annuel autour du soleil des alternatives durables de chaleur et de froid, que nous avons appelées des saisons, tous les êtres végétaux ont aussi, en tout ou en partie, leur saison de vie et leur saison de mort, Buffon, Quadrup. t. IV, p. XXVIII. Pour les mortes saisons nous mettons en réserve Ceux [les fruits] que le soleil sèche et que le temps conserve, Lamartine, Joc. III, 107.

    Fig. Saison morte, morte saison, temps de l'année où une industrie chôme.

  • 4Époque de l'année où se fait une culture, où la terre donne telle ou telle production. La saison des fleurs, des semailles, des foins, des vendanges. Des légumes de la saison.

    La saison est avancée, les fruits de la saison sont plus avancés dans la maturité qu'ils ne le sont d'ordinaire à pareille époque.

    La saison des perdreaux, des cailles, des bécasses, etc. le moment de l'année où ces oiseaux abondent le plus, sont les meilleurs à manger.

    Poissons de saison, ceux qui ne paraissent sur les côtes que dans certaines saisons, ou dont la chair est meilleure en certaines saisons.

  • 5La saison des amours, le temps où les oiseaux entrent en amour. Dans cette espèce [les perdrix rouges], qui est très lascive, les mâles se battent entre eux avec acharnement dans la saison de l'amour, Buffon, Ois. t. IV, p. 200.
  • 6La durée variable pendant laquelle il convient de prendre certaines eaux thermales. Une saison de Vichy. Le temps de l'usage du remède s'appelle une saison ; la durée d'une saison est de vingt-sept jours, Diderot, Mém. Voy. Bourbonne.
  • 7Temps favorable pour faire quelque chose. Faire ses provisions dans la saison. En temps et saison. Les productions de la nature… leur sont presque toujours présentées défigurées ou à contre saison, Bernardin de Saint-Pierre, Études, IV. La saison favorable pour voyager dans l'intérieur de l'Afrique est depuis février jusqu'en septembre, Raynal, Hist. phil. XI, 17.

    Fig. Jeanne, tandis que tu fus belle, Tu le fus sans comparaison ; Anne, à cette heure, est de saison, Et ne voit rien de beau comme elle, Malherbe, IV, 16.

  • 8En général, moment, circonstance. Elles en avaient remis l'exécution au retour de Mme la princesse ; mais elles s'avisèrent depuis de ne pas différer plus longtemps, et qu'il ne fallait pas remettre des supplices à une saison qui devait être toute destinée à la joie, Voiture, Lett. 9. Ne t'épouvante point, tout vient en sa saison, Corneille, le Ment. III, 5. Le mérite des hommes a sa saison aussi bien que les fruits, La Rochefoucauld, Max. 291. Un homme de moyen âge, Et tirant sur le grison, Jugea qu'il était saison De songer au mariage, La Fontaine, Fabl. I, 17. Ce n'est pas la saison De m'expliquer, vous dis-je, Molière, le Dép. II, 2. Remettons ce discours pour une autre saison ; Monsieur n'y trouverait ni rime ni raison, Molière, F. sav. IV, 3. Une vaine folie enivrant la raison, L'honneur triste et honteux ne fut plus de saison, Boileau, Sat. V. La jeunesse à l'amour est livrée, Et l'âge mûr au soin d'établir sa maison ; Croyez-moi, le bonheur est de toute saison, Collin D'Harleville, Optimiste, III, 9.

    De saison, en opportunité, convenable. Je ne pense pas qu'on puisse blâmer avec justice la dissimulation du comte, parce que, dans les affaires où il s'agit de notre vie et de l'intérêt général de l'État, la franchise n'est pas une vertu de saison, Retz, Conjur. Fiesque. C'est bien fait ; la prudence est toujours de saison, Molière, le Dép. V, 9. Je garde pour une autre fois mille bagatelles qui ne seraient pas de saison aujourd'hui, Sévigné, 10 févr. 1672. Quand on peut trouver qui nous aime, L'amour est toujours de saison, Desmahis, Poésies, p. 41, dans POUGENS.

    Il est saison de, il est temps de. Adieu, je prendrai soin demain de votre affaire ; Il est saison pour vous de voir votre lingère, Corneille, Suite du Ment. IV, 7.

    Il n'est pas saison, est-il saison de, il n'est pas temps de, est-il temps de. Carlos : Quittez ces contre-temps de froide raillerie. - D. Manrique : Il n'en est pas saison quand il faut qu'on vous prie, Corneille, D. Sanche, I, 4. Si vous m'aviez parlé comme vous me parlez, Vous auriez obtenu le bien que vous voulez ; Mais en est-il saison au jour d'une conquête… ? Corneille, Tois. d'or, III, 1.

    Il n'est saison que de, avec un infinitif, la saison ne permet que de. Seigneur, il n'est saison que de verser des larmes, Corneille, Œd. V, 10.

    Hors de saison, inopportun, qui ne convient pas. On doute pour quelle raison Les destins, si hors de saison, De ce monde l'ont appelée, Malherbe, VI, 14. Il fit cent efforts hors de saison, sans jamais vouloir parler, Scarron, Rom. com. I, 15. Cet homme se raillait assez hors de saison, La Fontaine, Fabl. III, 16.

  • 9âges de la vie. Vous entrez maintenant dans la belle saison de l'homme, Molière, l'Avare, II, 6. Homme, vante moins ta raison… Aussi faible que toi, dans ta jeune saison Elle est chancelante, imbécile, Deshoulières, Réfl. diverses, XII.

    La première saison de la vie, la jeunesse. Cette première saison de sa vie où il vivait encore dans l'innocence, Massillon, Carême, Enf. prod.

    La dernière saison de la vie, la vieillesse. Reine des longs procès… Si, dès mes premiers ans, heurtant tous les mortels, L'encre a toujours pour moi coulé sur tes autels, Daigne encor me connaître en ma saison dernière, Boileau, Lutr. V.

    On dit dans le même sens : la belle saison ; la saison des plaisirs, des amours ; l'arrière-saison.

    Vie. On la voit [une herbe] sèche et morte aussitôt qu'elle est née ; Et vivre une journée Est réputé pour elle une longue saison, Malherbe, I, 2. Pourquoi… Passez-vous en cette amertume Le meilleur de votre saison ? Malherbe, VI, 17.

    Époque. Comme les paladins de la saison antique, Régnier, Sat. VI. Ajoutez à votre louange que votre âme n'a jamais pu être vaincue par les présents, et que, dans une saison où l'avarice règne si souverainement, vous n'avez jamais porté la main sur le gain et sur le profit, Du Ryer, Trad. des quest. natur. de Sénèque, liv. IV, préface. La pleine découverte de ces vérités [la résurrection, la vie future] était d'une autre saison et d'un autre siècle, Bossuet, Hist. II, 6.

    PROVERBE

    Saison tardive n'est pas oisive, les printemps tardifs sont les meilleurs dans un climat où les retours du froid sont habituels et funestes.

HISTORIQUE

XIIe s. Quant li estez et la douce saisons Font foille et flour et les prés raverdir, Couci, XII. La folie [d'amour] Dont je m'iere [étais] gardez mainte saison, ID. XXIV. Et la guerre dura tante mainte saison, Sax. III.

XIIIe s. Li rois Richars… atourna son oirre [expédition] à grant esploit ; car il n'atendoit fors la saison dou nouviel tans, Chr. de Rains, p. 60.

XIVe s. En la morte saison, Guesclin. 9236. Dites vostre voloir, veschi vo campion ; Car je vous ai servi, il a longue saison, Beaud de Seb. II, 93.

XVe s. Il n'est saison qui ne paye, ne fortune qui ne tourne, ne cueur courroucé qui ne s'esjouisse, ne resjoui qui n'ait des courroux, Froissart, IV, p. 159, dans LACURNE. Plus n'est saison qu'à nul bien m'abandonne, Orléans, Ball. 100. Bien pert son temps, son parler, sa saison, Qui me blasme mon doulx loyal amy, Deschamps, Poésies mss. f° 187. On dit qu'elle a lin de saison Pour filler et chanvre moult fine, Deschamps, ib. f° 513. L'an precedent de la destruction dudit Dynant qui fut la saison que le conte de Charolois estoit venu de devant Paris…, Commines, II, 1. Il eust esté besoing qu'il les eust guydez pas à pas pour la premiere saison [campagne], Commines, IV, 2.

XVIe s. Un beau traict est toujours de saison, Montaigne, I, 189. En cette mesme saison de son aage, Montaigne, I, 221. Nous continuerons toujours en la mesme affection et bienveillance en vostre endroict que vous avez esprouvée et recogneue en nous en tant de diverses et perilleuses saisons, Lettres missives de Henri IV, t. III, p. 780. Depuis quatre ans entiers vous m'appastez ainsi ; Je vieillis cependant, vous vieillissez aussi, Et perdons de nos ans la saison mieux aimée, Desportes, Diane, II, 56. De saison tout est bon, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 130. À bonne et male saison doit se regler toute maison, Leroux de Lincy, ib.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, sauhon ; prov. sazo ; espagn. sazon ; port. sazão ; du latin sationem, action de semer, de serere, semer, sata, les fruits de la terre, satus, fils. La série des sens est action de semer, temps propice aux semailles, puis temps propre à n'importe quoi, puis enfin les époques diverses de l'année. L'italien dit stagione, et l'espagnol, outre sazon, dit estacion. Scheler part de là pour mettre en doute l'étymologie par sationem ; il remarque qu'il est bien difficile que les langues romanes aient eu pour saison deux dénominations aussi voisines que saison et stagione, et cependant radicalement différentes ; qu'il est impossible de passer de saison à stagione ; mais qu'il n'est pas impossible de passer de stagione à saison par l'adoucissement de st en s. Toutefois ces remarques n'ébranlent pas l'étymologie par sationem. Stagione et estacion représentent le latin stationem, et n'ont de commun avec saison qu'une ressemblance fortuite.