« faute », définition dans le dictionnaire Littré

faute

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

faute

(fô-t') s. f.
  • 1Action de faillir, manquement contre. Ainsi l'homme qui porte une âme belle et haute, Quand seul en une part il a fait une faute…, Malherbe, I, 4. Pour autoriser les grandes fautes, ils ne manquent pas de grands exemples, Guez de Balzac, De la cour, 7e disc. Envers nos citoyens je sais quelle est ma faute, Corneille, Cinna, III, 2. Cela fit faire une plaisante faute à cet ami…, La Fontaine, Berc. Gens trop heureux font toujours quelque faute, La Fontaine, ib. Que nous nous pardonnons aisément nos fautes quand la fortune nous les pardonne ! Bossuet, Reine d'Anglet. Les plus expérimentés dans les affaires font des fautes capitales, Bossuet, ib. À ces mots, mais trop tard, reconnaissant ma faute, Je le suis en tremblant dans une chambre haute, Boileau, Sat. III. Vous qui [au confessionnal] semblez, en retenant une partie de vos fautes, ne dire l'autre que pour apaiser les remords de votre conscience, Fléchier, Dauphine. Il est pénible à un homme fier de pardonner à celui qui le surprend en faute et qui se plaint de lui avec raison, La Bruyère, IV. On a fait de lourdes fautes ; je sais bien ce que je dis, je suis du métier, j'ai vu la guerre, et l'histoire m'en a beaucoup appris, La Bruyère, X. Les fautes des sots sont quelquefois si lourdes et si difficiles à prévoir, qu'elles mettent les sages en défaut et ne sont utiles qu'à ceux qui les font, La Bruyère, XI. On ne vit point assez pour profiter de ses fautes, La Bruyère, ib. Quelque délicat qu'on soit en amour, on pardonne plus de fautes que dans l'amitié, La Bruyère, IV. Il n'a point de honte de vouloir réparer ses fautes, Fénelon, Tél. X. Et c'est la seule faute où tomba ce grand homme, Voltaire, Mort de Cés. II, 4. Une faute que fit le prince Eugène délivra le roi et la France de tant d'inquiétudes ; on prétend que ses lignes étaient trop étendues, Voltaire, Louis XIV, 23. Il me questionnait de l'air d'un homme sûr de me prendre en faute, et puis souriait malignement, Rousseau, Conf. X. Ma faute maintenant se découvre à mes yeux, Ducis, Othello, II, 1.

    Ce n'est pas ma faute, c'est-à-dire je n'ai pu y mettre obstacle, prévenir la chose, elle ne m'est pas imputable. Nous n'avons rien conclu, mais ce n'est pas ma faute, Corneille, Sertor. IV, 3. Cela [la mort du malade] arrive quelquefois, mais ce n'est pas la faute de la médecine. - Il faut donc que ce soit la faute des médecins, puisque ce n'est pas celle de la médecine, Hauteroche, Crisp. méd. Il, 1.

  • 2 Terme de jurisprudence. Négligence ou incurie sans intention de nuire.
  • 3Il se dit au jeu de paume, quand celui qui sert ne touche pas le premier toit. Deux fautes valent quinze.

    Fig. Marquez quinze, c'est une faute, se dit pour faire apercevoir qu'on a commis quelque faute.

  • 4Manquement contre un principe, une règle. Faute d'orthographe. Faute de style. Faute d'impression. Faute d'accord. Il n'y a pas une seule faute de langage dans la grande scène de Cinna et d'Émilie, où Cinna rend compte de son entrevue avec les conjurés ; et à peine en trouve-t-on une ou deux dans cette autre scène immortelle où Auguste délibère s'il se démettra de l'empire, Voltaire, Dict. phil. Langues. On peut être un très bon auteur avec quelques fautes, mais non avec beaucoup de fautes, Voltaire, Dict. phil. Société roy. de Londres. On voit mieux ses fautes quand elles sont imprimées, Voltaire, Lett. Lacombe, 7 août 1767. Ce ne sont pas les grandes fautes des Boyer, des Danchet, des Pellegrin, ces fautes ignorées qu'il faut relever, mais les petites fautes des grands écrivains ; car ils sont nos modèles, et il faut craindre de ne leur ressembler que par leurs mauvais côtés, Voltaire, Lett. d'Argens, 21 juin 1739.

    Imperfection dans un ouvrage. Il y a bien des fautes dans cette toile, dans cette broderie.

  • 5État de ce qui a failli, privation, absence. Il y a faute de vivres. Ils n'ont pas faute de bon sens et d'expérience, Guez de Balzac, 5e Disc. sur la cour. Alexandre n'eut point faute de soldats, Vaugelas, Q. C. 167. Il n'y a point d'animal tant parfait et tant heureusement né qu'il puisse être, qui fasse le semblable [qui parle comme l'homme] ; ce qui n'arrive pas de ce qu'ils ont faute d'organe, Descartes, Méth. v, 9. Je n'ai ni faute d'yeux ni faute de courage, Corneille, Rodog. IV, 6. Or le laissons, il n'en viendra pas faute [l'on n'en aura pas besoin], La Fontaine, Papef. Cambyse s'en revint à Thèbes avec faute d'un grand nombre de ses gens, Courier, Trad. d'Hérod.

    S'il arrivait faute de lui, s'il venait faute de lui, s'il venait à mourir. S'il fût arrivé faute de ce prince, Perrot D'Ablancourt, Tacite, 167. S'il vient faute de vous, mon fils, je ne veux plus rester au monde, Molière, Mal. imag. I, 9. On a vu la passion du roi et de la reine d'Espagne de venir régner en France, s'il arrivait faute de roi, Saint-Simon, 480, 201.

    Faire faute, manquer, être en moins, faire défaut. Ses conseils nous font faute. Vous nous avez fait faute. …Air noble, mine haute, Et vive flamme dans les yeux, Passion ne lui faisait faute, Lamotte, Fabl. IV, 18.

    Faire faute à ou de… manquer à, ne pas faire. L'une de lui sourire au retour ne fit faute, La Fontaine, Remois. Les gens du pays des fables Donnent ordinairement Noms et titres agréables Assez libéralement… Horace n'y faisait faute, La Fontaine, Cas de consc.

    Si n'y faites faute, formule dont on se servait dans les lettres de cachet pour dire : n'y manquez pas, et où si signifie ainsi.

    Se faire faute de, s'abstenir de. Pourquoi se feraient-ils faute de pleurer ? Rousseau, Ém. I.

    Ne pas se faire faute de quelque chose, user de quelque chose sans ménagement, sans réserve, s'en procurer tant qu'on en veut. Ne vous faites pas faute de mes services. Enflammés d'un beau zèle, ils se sont cotisés et ont formé une somme de cinquante mille écus, qu'ils ont prié M. d'Erchigny d'accepter, en lui marquant qu'il ne s'en fît faute, Bachaumont, Mém. secrets, t. XXVII, p. 196. Quant aux signatures [à apposer à un procès-verbal mensonger], vous pensez bien qu'il ne s'en fera faute, Courier, Pierre Clavier à MM. les juges.

    D'après de Caillières, en 1690, ne pas se faire faute de… est bas et populaire. L'usage n'a pas ratifié cet arrêt des puristes ; et la locution est restée dans le bon usage.

  • 6Crevasse qui s'est faite dans un tuyau de conduite en plomb.
  • 7Faute de, loc. prép. Par manque. Et le combat cessa faute de combattants, Corneille, Cid, IV, 3. Faute de me connaître, il s'emporte, il s'égare, Corneille, Nicom. I, 3. Et faute de servir ce plat [chardons], Rarement un festin demeure, La Fontaine, Fabl. VIII, 17. Tout cela n'est venu que faute de savoir danser, Molière, le Bourg. I, 2. On ne dispute sur cette matière que faute de s'entendre, Sévigné, 436. Faute d'être assez appuyé de mes successeurs [ceux de Sixte-Quint], vous [Henri IV] avez été exposé à tant de conjurations qu'enfin on vous a fait périr, Fénelon, Dial. XVI, Morts mod. Faute de bas, passant le jour au lit, Sans couverture, ainsi que sans habit, Je fredonnais des vers sur la paresse, Voltaire, Pauv. diab. Puisses-tu, de toi-même éternelle victime, Entasser les honneurs sans combler cet abîme [la perte d'un fils], Et pauvre au sein des biens, faute d'un bien si doux…, Delavigne, Paria, V, 5.
  • 8À faute de, dans le cas où manquerait… si on ne pouvait pas… …Par indigestions empirer le mauvais teint que vous avez à faute de vous exercer, Malherbe, le Traité des bienf. de Sénèque, IV, 13. J'exige de vous, madame, que vous ne me direz pas un seul mot ni du mérite de mon travail, ni, à faute de mérite, de la façon avec laquelle je vous en parle, Guez de Balzac, liv. VII, lett. 11. À faute d'être aimée on peut se faire craindre, Corneille, Tois. d'or, III, 4. À faute de trouver les lieux propres, Bossuet, Hist. III, 6.
  • 9Sans faute, loc. adv. Immanquablement. Une montagne en mal d'enfant Jetait une clameur si haute Que chacun au bruit accourant Crut qu'elle accoucherait sans faute D'une cité plus grosse que Paris, La Fontaine, Fabl. v, 10. Je serai sans faute à Paris mercredi, Bossuet, Lett. quiét. 458.

PROVERBES

Les fautes sont pour les joueurs, contre les joueurs, c'est-à-dire c'est aux joueurs à porter la peine des fautes qu'ils font dans le jeu.

Qui fait la faute la boit, celui qui a fait une faute en doit porter la peine.

On dit de même : Puisque la faute est faite, il faut la boire.

Les pêcheurs, les chasseurs et les preneurs de taupes feraient de beaux coups sans les fautes.

REMARQUE

Faute de signifie par manque de : C'est faute d'attention qu'il n'a pas relevé cette erreur Mais en parlant d'une erreur commise par quelqu'un, on ne dira pas : C'est une faute d'attention ; il faudra dire : C'est une faute d'inattention ou plutôt c'est une faute commise par inattention.

HISTORIQUE

XIIIe s. Cist message [ces messagers] aus amirans d'Egypte prierent le roy que il leur donnast une journée, par quoy il peussent venir vers le roy, et il y envoieroient sans faute, Joinville, 269.

XVe s. …Trop mieux lui valoit mourir à honneur et attendre l'aventure que montrer faute de courage, Froissart, II, III, 78. Ilz avoient faulte [besoin] de ceulx qu'ilz avoient mesprisez, Commines, I, 12. Et les asseuroit bien le roy qu'il n'y auroit point de faulte qu'il ne baillast la possession dudit pays, Commines, II, 15. De ceulx-là eust il trouvé ung grand nombre qui pour la mort ne lui eussent faict faulte, Commines, VI, 7. Se il eut laissé… sans point de faulte il tinst aujourd'huy toute ceste seigneurie soubz son arbitrage, Commines, V, 14. Tel fait la faulte que ung autre boit, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 422.

XVIe s. Mais faulte de sçavoir Nous clost la bouche et tout bon concevoir, Marot, J. t. v, 208. À faulte de faire une chose, Montaigne, I, 19. Ils n'ont faulte d'aucune chose necessaire, Montaigne, I, 241. Tout cecy m'a fait, et me fait encores penser, que faute de s'entre-visiter quand les occasions le requierent, fait que nous devenons sauvages les uns aux autres, Lanoue, 60. Comme ceux qui ont pris un faux escu pour un bon, par faute de le peser et bien regarder, Lanoue, 61. Fautes [défauts] valent exploits, Loysel, 697. Il aima mieux pour son gendre un homme qui eust faulte de biens, que des biens qui eussent faulte d'homme, Amyot, Thémist. 36. La tuyle, tumbant au long de la teste à la faulte de l'armet, lui donna droit sur le chaignon du col, Amyot, Pyrrhus, 76. Cela, respondit-il, est-ce ma faulte ou la faulte d'elle ? Metrocles respondit : la faulte en est à elle, et l'infortune en est à toy, Amyot, De la tranq. d'âme, 10. C'est un tresor où je ne cherche jamais à faute [en vain], Villeroy, Mém. t. III, p. 46, dans LACURNE. De la faulte de prudence ils retombent en faulte de cueur, Charron, Sagsse, I, 1. Qui a faute d'heur, la vie lui surabonde, Leroux de Lincy, Prov t. II, p. 381.

ÉTYMOLOGIE

Espagn. portug. et ital. falta. C'est le nom verbal d'un verbe roman : espagn. faltar, ital. faltare, qui manque en français et qui est le fréquentatif du latin fallere (voy. FAILLIR et FALLOIR).