« traîner », définition dans le dictionnaire Littré

traîner

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traîner

(trê-né) v. a.

Résumé

  • 1° Tirer après soi.
  • 2° Traîner la jambe, traîner les pieds.
  • 3° Rouler avec soi, en parlant d'une rivière, d'un serpent.
  • 4° Forcer d'aller.
  • 5° Amener avec soi soit des personnes, soit des choses.
  • 6° Faire aller, avec un nom de chose pour sujet.
  • 7° Fig. Être accompagné de.
  • 8° Fig. Porter sans honneur.
  • 9° Fig. Avoir pour conséquence, avec un nom de chose pour sujet.
  • 10° Il se dit du temps, de la vie que l'on passe péniblement.
  • 11° Il se dit des paroles, du ton où il y a de la lenteur, de la voix qui s'allonge.
  • 12° En termes de construction, exécuter les corniches de plâtre.
  • 13° Traîner quelqu'un, différer à terminer l'affaire qu'on a avec lui
  • 14° V. n. Aller en traînant.
  • 15° Pendre jusqu'à terre.
  • 16° Il se dit des choses non rangées qui ne sont pas à la place où elles devraient être.
  • 17° Languir sans pouvoir se rétablir.
  • 18° Être l'objet de lenteurs, en parlant d'une chose.
  • 19° Être froid, languissant, en parlant d'une œuvre littéraire.
  • 20° Rester en arrière.
  • 21° Au billard, conduire quelque temps la bille.
  • 22° V. réfl. Se traîner, se glisser en rampant.
  • 23° Se mouvoir à genoux, prosterné.
  • 24° Se rouler.
  • 25° Marcher avec peine.
  • 26° S'avancer péniblement par un mouvement métaphorique comparé à un mouvement réel.
  • 27° S'étendre à grand' peine.
  • 28° Être froid, languissant, en parlant de compositions littéraires.
  • 1Tirer après soi. Ose-t-elle traîner Théodore à la mort ? Corneille, Théod. v, 7. Car comment sauver l'œuf ? le bien empaqueter ; Puis des pieds de devant ensemble le porter, Ou le rouler, ou le traîner, C'était chose impossible, La Fontaine, Fabl. x, 1. L'un [rat] se mit sur le dos, prit l'œuf entre ses bras… L'autre le traîna par la queue, La Fontaine, ib. x, 1. Il me semble que j'ai été traînée, malgré moi, à ce point fatal où il faut souffrir la vieillesse, Sévigné, 30 nov. 1689. Il [Sésostris] régna trente-trois ans, et jouit longtemps de ses triomphes, beaucoup plus digne de gloire, si la vanité ne lui eût pas fait traîner son char par les rois vaincus, Bossuet, Hist. III, 3. Tu te trompes, Philémon, si, avec ce carrosse brillant, ce grand nombre de coquins qui te suivent, et ces six bêtes qui te traînent, tu penses que l'on t'en estime davantage, La Bruyère, II. Ils [ceux qui se tuent] sont traînés indignement par les rues ; on les note d'infamie ; on confisque leurs biens, Montesquieu, Lett. pers. 76. Brunehaut, d'arienne devenue catholique, est accusée de mille meurtres ; et un Clotaire II, non moins barbare qu'elle, la fait traîner, dit-on, à la queue d'un cheval dans son camp, et la fait mourir par ce nouveau genre de supplice, en 616, Voltaire, Mœurs, 17. Ils [les lamantins] accompagnent ceux qui sont morts, et que les pêcheurs traînent au bord de la mer, Buffon, Quadrup. t. XI, p. 262. Sur-le-champ on traîne le malheureux au supplice, Diderot, Claude et Nér. I, 20.

    Traîner quelqu'un dans la boue, le jeter dans la boue et le traîner.

    Fig. Traîner dans la boue, attaquer gravement la réputation de quelqu'un par des paroles ou par des écrits. Nos Parisiens ont aujourd'hui la tête tournée du roi de Prusse ; il y a cinq mois qu'ils le traînaient dans la boue ; et voilà les gens dont on ambitionne le suffrage, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 11 janv. 1758.

  • 2Traîner la jambe, marcher en tirant une des jambes après l'autre, parce que cette jambe est faible ou blessée.

    On dit dans le même sens : Ce cheval traîne la jambe.

    Traîner les hanches, se dit du cheval dont l'allure est mal assurée, ou qui galope faux et se désunit.

    Traîner les pieds, marcher de manière que les pieds ne quittent pas le sol, ce qui est un signe de grande faiblesse, et se voit chez quelques vieillards.

    Cet oiseau traîne l'aile, il a les ailes pendantes, ce qui marque qu'il est blessé ou malade.

  • 3Rouler avec soi, en parlant d'une rivière, d'un serpent. La rivière traîne bien des immondices, bien du sable. Comme un torrent fougueux qui, du haut des montagnes Précipitant ses eaux, traîne dans les campagnes Arbres, rochers, troupeaux par son cours emportés, Rousseau J.-B. Odes, III, 5. Ni les vastes serpents ne traînent sur tes plantes En longs cercles hideux leurs écailles sonnantes, Chénier, Hymne à la France.
  • 4Forcer d'aller. Il [Vitikind] trouve, dans Brême, capitale du pays qui porte ce nom, un évêque, une église et ses Saxons désespérés, qu'on traîne à des autels nouveaux, Voltaire, Mœurs, 15.
  • 5Amener avec soi soit des personnes, soit des choses. Mlle Gaudri vient de me dire que le czar traîne avec lui une fille, au grand scandale de Versailles, de Trianon et de Marly, Maintenon, Lett. à Mme de Caylus, 11 juin 1717. Elle a pour premier point… Exigé qu'un époux ne la contraigne point à traîner après elle un pompeux équipage, Boileau, Sat. x. Cotin à ses sermons traînant toute la terre, Boileau, ib. IX. Quels démons, quels serpents traîne-t-elle après soi ? Racine, Andr. v, 5. N'était-ce pas assez qu'un vainqueur odieux De l'auguste Sion eût détruit tous les charmes, Et traîné ses enfants captifs en mille lieux ? Racine, Esth. I, 5. Vous voyez cet Assur, dont la grandeur hautaine Traîne ici sur ses pas un peuple de flatteurs, Voltaire, Sémiram. I, 3. Lothaire, d'autant plus coupable qu'il était associé à l'empire, traîne son père [Louis le Débonnaire] prisonnier à Compiègne, Voltaire, Mœurs, 23. C'est ainsi [comme Lacombe, directeur de Mme Guyon] qu'en ont usé presque tous ceux qui ont voulu établir une secte : ils traînent presque toujours des femmes avec eux, Voltaire, Louis XIV, 38.

    Fig. Hâtons-nous ; le temps fuit et nous traîne avec soi, Boileau, Ép. III.

    Traîner quelqu'un partout, le mener partout où l'on va.

    Il traîne sa partie dans tous les tribunaux, se dit d'un plaideur qui traduit sa partie adverse de tribunal en tribunal.

    Fig. Traîner les cœurs après soi, gagner l'affection, l'admiration générale. Charmant, jeune, traînant tous les cœurs après soi, Racine, Phèdre, II, 5.

  • 6Faire aller, avec un nom de chose pour sujet. Que feriez-vous, hélas ! si quelque exploit nouveau Chaque jour, comme moi, vous traînait au barreau ? Boileau, Lutr. III. Daigne, ô divin Sauveur, que notre voix implore, Prendre pitié des fragiles mortels, Et vois comme du lit, sans attendre l'aurore, Le repentir nous traîne à tes autels, Racine, Hymne, le mercredi à matines.
  • 7 Fig. Être accompagné de. Le prince Antiochus, devenu nouveau roi, Sembla de tous côtés traîner l'heur avec soi, Corneille, Rod. I, 1. Et traînant avec soi les horreurs de la guerre, Boileau, Sat. VIII. Ce cœur… Traîne partout l'amour qui l'attache à Monime, Racine, Mithr. II, 3. Vous traînez partout la même indolence et la même langueur, Massillon, Carême, Tiéd. 1. Dans quelque lieu que je vive et que je meure ; en quelque asile obscur que je traîne ma honte et mon désespoir, Claire, souviens-toi de ton amie, Rousseau, Hél. I, 28. L'Anglais, le Hollandais, le Français perdent de leurs préjugés nationaux en voyageant ; l'Espagnol traîne avec lui les siens dans tout l'univers, Raynal, Hist. phil. VII, 31.
  • 8 Fig. Porter sans honneur. Il serait désagréable de les voir traîner leur nom, et prendre des partis peu convenables à leur naissance, Massillon, Carême, vocation.
  • 9Fig Avoir pour conséquence, avec un nom de chose pour sujet. Don Juan, l'endurcissement au péché traîne une mort funeste, Molière, D. Juan, v, 6. Tous les maux que la licence ne manque pas de traîner après soi, Bourdaloue, 8° dim. après la Pentecôte, Dominic. t. III, p. 102. Les déterminations où le respect et la crainte de ceux de qui nous dépendons, ont plus de part que nos propres penchants, traînent toujours après elles le repentir et l'amertume, Massillon, Carême, Vocation. Mais qu'est aux yeux de la foi le bonheur humain ? que dure-t-il ? et, dans sa courte durée, combien traîne-t-il avec lui de fiel et d'amertume ? Massillon, Or. fun. Dauphin.

    Cette action a traîné après elle une longue suite de malheurs, elle a été suivie de beaucoup de malheurs dont elle a été l'origine.

  • 10 Fig. Il se dit du temps, de la vie que l'on passe péniblement. Adieu, je vais traîner une mourante vie, Corneille, Cid, III, 4. Moi me taire ? moi malheureuse ! Ah ! j'ai perdu mon fils ! il me faudra traîner Une vieillesse douloureuse, La Fontaine, Fabl. x, 13. Ses médecins [de Mme de la Fayette] disent… que, si elle allait plus loin dans ce chemin, elle pourrait être du nombre de ceux qui traînent leur misérable vie jusqu'à la dernière goutte d'huile, Sévigné, 9 juillet 1677. On n'a plus guère de santé à l'âge de M. de Dangeau ; et l'on traîne un reste de vie bien triste, Maintenon, Lett. à Mme de Caylus, 5 avril 1717. L'imbécile Ibrahim, sans craindre sa naissance, Traîne, exempt de péril, une éternelle enfance, Racine, Bajaz. I, 1. Ennuyé d'un monde où vous ne traînez plus que le poids de vos dégoûts et de vos crimes, Massillon, Carême, Enf. prod. Impatients et bientôt las, Nous traînons nos jours inutiles ; Nous rêvons, nous ne vivons pas, Bernis, Quat. sais. hiv. Charles II, roi d'Angleterre, fugitif en France avec sa mère et son frère, y traînait ses malheurs et ses espérances, Voltaire, Louis XIV, 6. La plupart de ceux qui résistent à la maladie, traînent une convalescence lente et difficile, Raynal, Hist. phil. XI, 32.

    Absolument. Supportez la vie ; car, lorsqu'on a passé le temps des illusions, on ne jouit plus de cette vie, on la traîne ; traînons donc, Voltaire, Lett. Mme de Lutzelbourg, 14 oct. 1754.

  • 11Il se dit des paroles, du ton, où il y a lenteur, de la voix qui s'allonge. Traîner ses paroles. En vain pour gagner temps, dans ses transes affreuses, [un orateur] Traîne d'un dernier mot les syllabes honteuses, Boileau, Lutr. VI. Tantôt l'affreux hibou, seul au sommet des toits, Traîne en accents plaintifs son effrayante voix, Delille, Én. IV.

    Par extension et poétiquement. Toutes [les Néréides], frappant leur sein et traînant un long deuil, Répétèrent, hélas ! autour de son cercueil, Chénier, La jeune Tarentine.

  • 12 Terme de construction. Traîner se dit particulièrement d'un moyen qu'on emploie pour exécuter, dans les bâtiments, les corniches de plâtre, en promenant le calibre ou profil sur le plâtre encore mou. Traîner une corniche, une moulure.

    On dit aussi pousser.

  • 13Traîner quelqu'un, différer à terminer l'affaire qu'on a avec lui. Il y a six mois que ce rapporteur me traîne pour le jugement de mon procès.

    Traîner quelque chose, en différer la conclusion. Je ne sais demain si on jugera, ou si l'on traînera l'affaire toute la semaine, Sévigné, Lett. à Pompone, 17 déc. 1664.

    On dit dans le même sens : traîner en longueur. Un tribun, corrompu à force de présents, traîna l'assemblée en longueur, et enfin la dissipa, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. I, p. 589, dans POUGENS. Scipion, qui les commandait, ne voulut jamais suivre l'avis de Caton, de traîner la guerre en longueur, Montesquieu, Rom. 11.

  • 14 V. n. Aller en traînant. Elle [la perdrix] fait la blessée, et va traînant de l'aile, La Fontaine, Fabl. X, 1.
  • 15Pendre jusqu'à terre. Thamar était vêtue d'une robe qui traînait en bas, les filles des rois qui étaient encore vierges ayant accoutumé de s'habiller de la sorte, Sacy, Bible, Rois. II, 13, 18. On voit à l'horizon sa lueur [du crépuscule] incertaine, Comme les bords flottants d'une robe qui traîne…, Lamartine, Méd. II, 8.

    Pendre en désordre. Ces cheveux en désordre et traînant sur les épaules, Genlis, Ad. et Th. t. II, p. 167, dans POUGENS.

    Fig. Cependant que le tien [nom] traînera dans l'oubli, S'il ne tombe assez bas pour traîner dans la fange, Corneille, Imit. III, 49.

  • 16Il se dit des choses non rangées qui ne sont pas à la place où elles devraient être. Chez lui tout est en désordre, tout traîne. Il faut que la première [lettre] du 27 février ait traîné dans quelque bureau, ce qui arrive quelquefois, Voltaire, Lett. d'Argental, 18 mars 1770. On m'a mandé que la détestable copie sur laquelle le détestable Valade avait fait sa détestable édition [des Lois de Minos], venait d'une autre copie qui avait traîné dans l'antichambre de Mme du Barri, Voltaire, ib. 19 avr. 1773.

    Laisser traîner, ne pas prendre soin, ne pas ranger. S'il ne me trompe point, il se pourrait faire que votre secrétaire en eût laissé traîner une [copie de la Lettre à Horace] ; cependant, vous autres messieurs les ministres, vous avez des secrétaires fidèles et attentifs, qui ne laissent rien traîner, Voltaire, Lett. d'Argental, 11 nov. 1772.

    Fig. Cela traîne dans tous les livres, traîne partout, se dit, par mépris, d'une pensée commune, vulgaire, etc. Fi donc, monsieur, ce sont des serments usés qui traînent partout, Boissy, Français à Lond. sc. 15.

    On dit dans le même sens : traîner les rues (c'est-à-dire traîner par les rues). Des lieux communs qui traînent les rues, Voltaire, Lett. Thibouville, 8 févr. 1773.

  • 17Languir sans pouvoir se rétablir. Je me sens pesant et lourd, j'ai une fainéantise dans les membres, je bâille sans sujet… tout me déplaît : je ne vis pas, je traîne, Marivaux, Surpr. de l'amour, I, 2. Votre tante, ajouta-t-il en s'en allant, ne peut pas traîner plus de deux ans, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie.
  • 18Être l'objet de lenteurs, en parlant d'une chose. Cette affaire traîne.

    On dit dans le même sens : traîner en longueur. L'affaire traîna en longueur et en aigreur, comme toutes les affaires de parti, Voltaire, Jenni, IV.

    Mettre du retard, en parlant d'une personne. J'attends mon fils, il s'en va à l'armée, il n'était pas possible qu'il fît autrement ; je voudrais même qu'il ne traînât point, et qu'il eût tout le mérite d'une si honnête résolution, Sévigné, 343.

  • 19Être froid, languissant, en parlant d'une œuvre littéraire. Ce discours, cet acte traîne.
  • 20Rester en arrière. Les blessés traînent loin du corps de l'armée.

    Impersonnellement. Sébastiani insista comme les autres sur l'état de l'armée : Il est affreux, repartit l'empereur, je le sais ; dès Vilna, il en traînait la moitié, aujourd'hui ce sont les deux tiers…, Ségur, Hist. de Nap. VI, 6.

    Il se dit aussi des bâtiments d'une flotte, d'un convoi qui, marchant mal ou manoeuvrant mal, restent en arrière.

    Se dit également des chiens de meute qui ne suivent pas le gros de la meute.

  • 21 Terme du jeu de billard. Conduire quelque temps sa bille, sans que le bout de la queue la quitte.
  • 22Se traîner, v. réfl. Se glisser en rampant. Ce chasseur se traîna pour approcher du gibier.
  • 23Se mouvoir à genoux, prosterné. On entendit ses cris de fureur [de Napoléon] contre l'un des hommes chargés de cet approvisionnement [de Smolensk] ; le munitionnaire n'obtint la vie qu'en se traînant longtemps sur ses genoux aux pieds de Napoléon, Ségur, Hist. de Nap. IX, 14.

    Fig. Cet établissement est fort joli : elle [Mme de Fiennes] y règne trois ou quatre mois, et puis se va traîner aux pieds de toutes les grandeurs, comme vous savez, Sévigné, 290.

  • 24 Familièrement. Se rouler. Cet enfant se traîne par terre.
  • 25Marcher avec peine. L'Albain, percé de coups, ne se traînait qu'à peine, Et, comme une victime aux marches de l'autel, Il semblait présenter sa gorge au coup mortel, Corneille, Hor. IV, 2. Il se traîna hier chez M. de Paris, Sévigné, 195. Les malades et les blessés, manquant de force pour se traîner hors des tentes, n'avaient pu se garantir du feu ; ils paraissaient à demi brûlés, Fénelon, Tél. XVII. Leur canot se fracassa contre les écueils ; il fallut se traîner de rocher en rocher pendant une lieue entière, Voltaire, Candide, 17. Dès cette première journée [après la sortie de Moscou], il [l'empereur] put remarquer que sa cavalerie et son artillerie se traînaient plutôt qu'elles ne marchaient, Ségur, Hist. de Nap. IX, 1.
  • 26 Fig. S'avancer péniblement par un mouvement métaphorique comparé à un mouvement réel. Parmi tant de vierges fidèles et ferventes, il est difficile qu'il ne s'en trouve encore quelqu'une qui se traîne dans la voie de Dieu, Massillon, Profess. relig. 2. Je me traîne à la tombe où je ne puis descendre, Voltaire, Sémiram. I, 5. Nous nous traînons seulement de soupçons en soupçons, de vraisemblances en probabilités, Voltaire, Dict. phil. Dieu. Il faut, pour me faire entendre, que je me traîne de proposition en proposition, Condillac, Comm. gouv. I, 22, note 1. Les paroles se traînent après les impressions primitives, comme les traducteurs en prose sur les pas des poëtes, Staël, Corinne, IX, 2. Ta vie et tes pensées Autour d'un souvenir, chaste et dernier trésor, Se traînent dispersées, Hugo, Orient. Les tronçons du serpent.
  • 27S'étendre à grand'peine. Votre chronologie se traîne avec peine à cinq ou six siècles au delà de la guerre de Troie, Barthélemy, Anach. ch. 65.
  • 28Être froid, languissant, en parlant de compositions littéraires. Ce discours est sans mouvement, il se traîne. Dans le premier acte l'action ne fait que se traîner.

    PROVERBE

    N'est pas sauvé qui traîne son lien, se dit d'un homme qui n'est pas tout à fait sauvé d'un péril, délivré d'une mauvaise affaire.

    On dit dans le même sens, et plus brièvement : Cet homme traîne son lien.

HISTORIQUE

XIIe s. Tant destrier vont lor resne traïnée, Ronc. p. 68. De ci à un haut tertre l'en ont fait trahiner, ib. p. 197.

XIIIe s. Tout parmi la grant rue [ils] le firent traïner, Berte, XCVII.

XIVe s. Et d'un autre aussi que son fils trahinet, le pere li dist, quant il fu tiahiné ou trait si que à l'uis : lesse, dit-il, seuffre toi, car si ques ici [jusqu'ici] trahiné ge mon pere, Oresme, Éth. 206. Celui qui trahine son vestement, pource que il ne ait labeur et peine ou tristece à le sourlever, Oresme, ib. 210.

XVIe s. Et si d'un pas difficile Hors du triste domicile Je me trayne par les champs, Du Bellay, J. III, 79, verso. L'ame ne faict que traisner et languir, Montaigne, I, 42. Il les traisnera, si elles ne veulent suyvre, Montaigne, I, 187. C'est une hardiesse dangereuse, oultre l'absurde temerité qu'elle traisne quand et soy, Montaigne, I, 204. La curiosité, la subtilité… traisnent la malice à leu suytte, Montaigne, II, 223. Quelque chappelle de cinq sols, ou une vicairie qui vaut autant trainée que portée, Calvin, Instit. 872. Par les chemins, en venant à Pons, la lassitude le faisoit traisner la nuict de feu en feu, D'Aubigné, Mém. p. 16. Une longue cueue de delices et voluptez parthienes qu'il trainoitaprès soy en si grand nombre de chariots, Amyot, Crass. 71. Les Atheniens envoyerent Nicias à la guerre malgré luy ; mais Crassus y trainna les Romains malgré eulx, Amyot, Crass. et Nicias, 6. Ils feirent tant qu'ilz le trainnerent en prison, Amyot, Agis et Cléom. 20.

ÉTYMOLOGIE

Train ; provenç. trainar ; espagn. traginar ; ital. trainare.