« porte », définition dans le dictionnaire Littré

porte

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

porte [1]

(por-t') s. f.
  • 1Ouverture pratiquée dans les murs d'une ville, pour y entrer et en sortir (ce qui est le sens propre du latin porta). Thèbes le pouvait disputer aux plus belles villes de l'univers ; ses cent portes chantées par Homère sont connues de tout le monde, Bossuet, Hist. III, 3. Il ne faut qu'ouvrir l'Écriture, pour trouver partout que la puissance publique paraissait aux portes des villes, où se tenaient les conseils et se prononçaient les jugements, Bossuet, 2e instr. sur les prom. de l'Église, 40. Dès que Darius se vit en possession de Babylone, il fit enlever les cent portes et abattre les murailles de cette superbe ville, pour la mettre hors d'état de se révolter dans la suite, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. III, p. 73, dans POUGENS. Un étranger né à Mynde voulut savoir comment il [Diogène] avait trouvé cette ville : j'ai conseillé aux habitants, répondit-il, d'en fermer les portes, de peur qu'elle ne s'enfuie. C'est qu'en effet cette ville, qui est très petite, a de très grandes portes, Barthélemy, Anach. ch. 28.

    Ouvrir ses portes, capituler. Alexandrie lui ouvre ses portes, Bossuet, Hist. I, 9.

    Dans le sens contraire. Fermer ses portes, se décider à soutenir une attaque, un siége.

    Fermer les portes d'une ville, empêcher d'y entrer. Déclarons-nous, madame, et rompons le silence ; Fermons-lui dès de jour les portes de Byzance, Racine, Baj. I, 2.

    L'ennemi est aux portes, l'ennemi est tout près de la ville. On s'occupait toujours de controverse, et les Turcs étaient aux portes, Voltaire, Mœurs, 91.

    Fig. Tes plus grands ennemis, Rome, sont à tes portes, Racine, Mithrid. III, 1.

    Porte de secours, porte d'une citadelle donnant sur la campagne et par laquelle on peut introduire du secours.

  • 2Ouverture faite pour entrer dans un lieu fermé et pour en sortir. La baie, le seuil d'une porte. Percer une porte dans un mur. Entrez dans cette porte et laissez-vous conduire, Molière, École des femmes, v, 3. L'un est un bon marchand à grand'porte cochère, Où l'étoffe par aune est d'un écu plus chère, Boursault, Mots à la mode, sc. 4. Qui pourrait le croire ? les architectes ont été souvent obligés de hausser, de baisser et d'élargir leurs portes, selon que les parures des femmes exigeaient d'eux ce changement, Montesquieu, Lett. pers. 99.

    Mettre quelqu'un à la porte, le chasser de chez soi. On me mit à la porte avec un peu plus de vingt francs en petite monnaie qu'avait produits ma quête, Rousseau, Confess. II.

    Mettre un domestique à la porte, le congédier avec mécontentement.

    Familièrement. Prendre, gagner la porte, se retirer, s'échapper. J'ai gagné doucement la porte sans rien dire, Boileau, Sat. III.

    Prenez-moi la porte, et bien vite, sortez d'ici au plus tôt.

    On dit dans le même sens : passez la porte, passez-moi la porte, enfilez-moi la porte bien vite.

    Être à la porte, être mis dehors. Si j'épouse une fois monsieur, me voilà forte ; Une heure après l'hymen, ils sont tous à la porte, Collin D'Harleville, Vieux célib. III, 10.

    À la porte, en entrant. Pourquoi veux-tu, cruel, agir d'une autre sorte ? Laisse, en entrant ici, tes lauriers à la porte, Corneille, Hor. IV, 7. Il avait accoutumé de dire qu'un novice, entrant dans le monastère, devait laisser son corps à la porte, Bossuet, Panég. St Bernard, 1. Chacun peut le traiter [un auteur dramatique] de fat et d'ignorant, C'est un droit qu'à la porte on achète en entrant, Boileau, Art p. ch. III. Il [Corneille] laissait, pour me servir de ses propres termes, ses lauriers à la porte de l'Académie, Racine, Rép. au disc. de Th. Corneille.

    Familièrement. Être logé à la porte de quelqu'un, avoir une habitation voisine de la sienne.

    Fig. Cette mort qui est peut-être à la porte, Massillon, Carême, Mort. Serez-vous toujours, Seigneur, à la porte de mon cœur pour en solliciter l'entrée ? Massillon, Myst. Visit.

    On dit dans un sens analogue : il a une maison à la porte, aux portes de la ville, il a une maison qui est fort près de la ville.

    Être à la porte, attendre la sortie de quelqu'un. Les chiens à qui son bras a livré Jézabel, Attendant que sur toi sa fureur se déploie, Déjà sont à ta porte, et demandent leur proie, Racine, Athal. III, 5.

    Être porte à porte, se dit de personnes qui logent dans des maisons contiguës.

    Dans le langage familier, être porte à porte de quelqu'un. La maréchale de Villars, qui logeait porte à porte de nous, entre chez Mme de Saint-Simon, Saint-Simon, 235, 130. Heureusement la servante d'un vieux bon homme qui logeait au-dessous de moi se leva au bruit, courut appeler M. le châtelain, dont nous étions porte à porte, Rousseau, Conf. XI.

    Dans les couvents, faire la porte, remplir les fonctions de portier.

    Donner la porte à quelqu'un, le faire passer devant soi par honneur. Ils passent devant les uns dans leur propre maison, ils chicanent avec les autres pour éviter de leur offrir la porte, Caillières, Mots à la mode, II.

    Fig. Rentrer par une autre porte, avoir recours à un autre moyen. Varangeville rentra par une autre porte et dit à Monsieur…, Sévigné, 28 août 1675.

    Fig. Par la porte et par les fenêtres, de toutes parts. La fortune entre dans cette maison de Fouquet par la porte et les fenêtres, Patin, Lettr. t. II, p. 428.

    Fig. Si on le chasse par la porte, il rentre par la fenêtre, se dit d'un importun dont on ne peut se défaire.

  • 3Il se dit, par extension, des endroits de Paris où étaient anciennement les portes de l'enceinte. Du faubourg Saint-Jacques à la porte de Richelieu, de la porte de Richelieu ici, d'où je dois aller encore à la Place-Royale, Molière, l'Amour méd. II, 3.

    Porte se dit, à Paris, de quelques monuments en forme d'arcs de triomphe. La porte Saint-Martin. Là est le dessin de la porte Saint-Denis, dont la plupart des Parisiens ne connaissent pas plus les beautés, que le nom de François Blondel, qui acheva ce monument, Voltaire, Temple du Goût.

  • 4Assemblage de bois et quelquefois de métal qui sert à fermer l'entrée d'une maison, d'une ville, d'une chambre, etc. Les vantaux, les battants d'une porte. T'attendre aux yeux d'autrui, quand tu dors, c'est erreur : Couche-toi le dernier, et vois fermer ta porte, La Fontaine, Fabl. XI, 3. Songez-vous que je tiens les portes du palais ; Que je puis vous l'ouvrir ou fermer pour jamais ? Racine, Bajaz. II, 1. Vous savez… Que ces portes, seigneur, n'obéissent qu'à moi, Racine, Esth. II, 1. On accourut, on enfonça la porte, Fénelon, Tél. XII.

    Frapper à la porte, y donner des coups avec le marteau pour se la faire ouvrir. Déjà, plein du beau feu qui pour vous [mes vers] le transporte, Barbin [un libraire] impatient chez moi frappe à la porte, Boileau, Épître X.

    Fig. Quand ce divin Esprit frappe à la porte du cœur, pour s'y faire entendre en qualité de docteur et de maître, Bossuet, Sermons, 2e exhort. pour une visite.

    Fig. Heurter, frapper à toutes les portes, s'adresser à toutes sortes de personnes, chercher toutes sortes de moyens pour réussir. Fénelon avait frappé longtemps à toutes les portes sans se les pouvoir faire ouvrir, Saint-Simon, 31, 105.

    Dans un sens analogue : il a heurté à la bonne porte, il s'est adressé à qui il fallait.

    Fig. Heurter à la porte, faire quelque demande. Vous me faites rire, quand vous dites que vous n'avez plus d'esprit ; mais, si vous heurtiez tant soit peu à cette porte, vous trouveriez bientôt qui vous répondrait, Sévigné, 2 mars 1689. Quoi ! une inconnue nommée la raison, soutenue de la vérité, heurtera à la porte, et elle en sera chassée… et on ne voudra pas seulement l'entendre, Sévigné, 25 sept. 1689.

    Fig. Mettre la clef sous la porte, quitter furtivement sa maison.

    Fermer à quelqu'un la porte au nez, sur le nez, fermer une porte avec vivacité pour empêcher quelqu'un d'entrer. Qu'on lui [au naturel] ferme la porte au nez, Il reviendra par la fenêtre, La Fontaine, Fabl. III, 18. Et que, si, aujourd'hui pour demain, je vous avais tout donné, vous me feriez fermer votre porte au nez, Lesage, Turcaret, II, 3.

    Pousser la porte au nez de quelqu'un, même sens.

    On dit dans le même sens : faire de la porte un masque sur le nez. …Si jamais chez nous vous revenez, Je vous fais de la porte un masque sur le nez, Regnard, Ménechmes, II, 5.

    Écouter aux portes, être aux aguets pour surprendre les secrets de quelqu'un.

    On dit de même : c'est un écouteur aux portes.

    Cela vous apprendra à écouter aux portes, se dit à quelqu'un dont l'indiscrète curiosité a été punie.

    Il a écouté aux portes, se dit de quelqu'un qui paraît avoir deviné un secret ; ou, dans un sens ironique, de celui qui répète mal quelque chose entendu ou compris à moitié.

    Fig. Enfoncer une porte ouverte, faire un effort pour surmonter un obstacle qui n'existe pas.

    On dit de même : c'est un enfonceur de portes ouvertes.

    Il est entré, il est sorti par la belle porte, par une bonne porte, par une mauvaise porte, il a obtenu, il a quitté son emploi honorablement ou d'une manière peu honorable. Dites-leur, reprit-il, que, si jamais j'entre à l'Académie, ce sera par la belle porte, Marmontel, Mém. VII.

    Fig. et en un sens analogue, porte se dit des différentes issues, des différents partis que l'on prend. C'est la vraie porte pour en sortir honnêtement, Sévigné, 125. Il [Brancas] est à l'armée, volontaire, désespéré de mille choses, qui n'évitera pas trop de rêver ou de s'endormir vis-à-vis d'un canon ; il ne voit guère d'autre porte pour sortir de tous ses embarras, Sévigné, 2 juin 1672. Vous voyez un jeune homme tout frais sorti de l'académie, qui cherche à entrer dans le monde, mais qui aimerait mieux n'y mettre jamais le pied, que de n'y pas entrer par une belle porte, Dancourt, la Femme d'intr. II, 6. Il vaut mieux, puisque je veux sortir par là (et c'est la bonne porte), leur dire ce qu'ils veulent, Mirabeau, Lett. origin. t. III, p. 272.

    Porte vitrée, porte partagée par des croisillons de petit bois, dont les vides sont remplis par des carreaux de verre. Porte de glace, porte vitrée avec des morceaux à glace étamée, au lieu de verre transparent.

    Porte coupée, porte à deux ou à quatre vantaux coupés à hauteur d'appui.

    Porte brisée, porte dont une moitié se brise et se replie sur l'autre, dans le sens de la hauteur.

    Porte-croisée, fenêtre sans appui qui ouvre sur un balcon, sur une terrasse.

    Porte battante, châssis ordinairement couvert d'étoffe, qu'on met devant les portes des chambres, et qui retombe et se ferme de lui-même.

    Porte perdue, porte à laquelle on a donné le même arasement et la même décoration qu'au lambris où elle est pratiquée.

    Porte feinte, imitation de porte qui sert à faire symétrie avec une ou plusieurs portes véritables.

    Fausse porte, synonyme de porte feinte.

    Fausse porte, se dit aussi d'une porte dissimulée par laquelle on peut se dérober. Rien ne tourne, et les ais sont joints de telle sorte Qu'on ne s'aperçoit point de cette fausse porte, Hauteroche, Esp. foll. II, 7. Le cardinal [de Richelieu] entra par une fausse porte dans la chambre où l'on concluait sa ruine ; le roi sort sans lui parler, Voltaire, Mœurs, 176.

    Fausse porte, se dit encore, dans une maison, d'une petite porte par laquelle on ne passe pas ordinairement.

    Fausse porte, dans une place de guerre, porte destinée pour faire des sorties, ou pour recevoir du secours en cas de siége.

    Porte flamande, porte composée de deux jambages avec un couronnement et une fermeture de grilles de fer.

    Porte de derrière, porte ouverte sur les derrières d'un bâtiment. Quand le roi [Jacques II] fut à Rochester, on le garda moins ; il y avait des portes de derrière à son palais ; un domestique qui était au roi lui fit trouver des chevaux, dont il se servit, La Fayette, Mém. cour de France, Œuvr. t. II, p. 402, dans POUGENS.

    Fig. Porte de derrière, faux-fuyant, défaite, échappatoire.

    Il a toujours quelque porte de derrière, se dit d'un homme peu loyal qui trouve moyen d'échapper à ses engagements, à ses promesses.

  • 5Dans l'ancienne cour, gardes de la porte, gardes qui veillaient dans l'intérieur du palais.

    Capitaine de la porte, capitaine de ces gardes. Les solitaires de Martaigne ne logèrent que le père de la Chaise, confesseur du roi, et son frère capitaine de la porte, Saint-Simon, I, 31.

  • 6 Fig. Il se prend au sens de demeure, logis. Jamais homme de sa profession [d'Ormesson, dans l'affaire Fouquet] n'a eu une plus belle occasion de se faire paraître, et ne s'en est mieux servi ; s'il avait voulu ouvrir sa porte aux louanges, sa maison n'aurait pas désempli, Sévigné, à Pompone, 17 déc. 1664. Veux-tu voir tous les grands à ta porte courir…, Boileau, Sat.

    Se présenter à la porte de quelqu'un, se présenter à sa demeure pour lui rendre visite.

    On dit de même : être à la porte de quelqu'un. Il était tous les jours à sa porte, Hamilton, Gramm. 4.

    Passer à la porte de quelqu'un, même sens. On ne m'a pas dit que M. l'archevêque de Sens soit venu à ma porte ; et je n'en ai point été surprise, parce qu'il m'a toujours paru que, par une discrétion bien rare dans un évêque, il ne me voulait voir que pour affaires, Maintenon, Lett. à Mme de Villette, 11 août 1708.

    Se faire écrire à la porte de quelqu'un, se faire écrire sur la liste du portier, afin que la personne qu'on va voir sache qu'on est venu.

    Trouver porte close, ne trouver personne, ou n'être pas reçu dans la maison où l'on va.

    La porte de cette maison est ouverte à tous les honnêtes gens, c'est-à-dire tous les honnêtes gens sont bien reçus dans cette maison.

    Refuser la porte à quelqu'un, ne pas le laisser entrer en quelque endroit.

    Faire refuser la porte à quelqu'un, ne pas vouloir recevoir sa visite. Faites-moi refuser votre porte, Rousseau, Hél. I, 1.

    Fermer sa porte à quelqu'un, ne plus le recevoir. Je ne puis vous souffrir vivre de cette sorte : Vous m'avez obligé de vous fermer ma porte, Regnard, le Joueur, I, 7.

    Absolument. Fermer sa porte, ne plus recevoir de visites. À dix heures elle s'habilla, fit fermer sa porte, et ne vit que le roi, avec qui elle passa tout le reste de la matinée, Genlis, Mme de Maintenon, t. I, p. 235, dans POUGENS.

    Ouvrir, rouvrir sa porte, commencer, recommencer à recevoir.

    Faire défendre sa porte, défendre de laisser entrer personne chez soi.

    On dit dans le même sens : sa porte était défendue. Que, de ce jour, pour lui ma porte est défendue, Desmahis, l'Impatient, sc. 18.

    Forcer la porte de quelqu'un, entrer chez lui bien que sa porte soit défendue.

    Toutes les portes lui sont ouvertes, toutes les portes tombent devant lui, se dit d'un homme à qui ses places, son crédit, sa considération rendent toutes les entrées faciles. Le roi fit fort bien à M. de Pompone, et lui parla comme à l'ordinaire ; mais d'être dans la foule, après avoir vu tomber les portes devant lui, c'est une chose qui le pénètre toujours, Sévigné, 28 févr. 1680.

    Se morfondre la porte de quelqu'un, essayer de pénétrer chez lui sans pouvoir y réussir. [Il] Laissa le créancier se morfondre à sa porte, Boileau, Sat. v.

  • 7Les portes du temple de Janus, à Rome, que l'on ouvrait quand on déclarait la guerre, et qu'on fermait quand on faisait la paix. Deux portes qu'on nomma les portes de la guerre, Se rouvrant, se fermant, font le sort de la terre ; Janus en est le garde, et Mars le souverain, Delille, Én. VII.

    Poétiquement. Fermer les portes du temple de Janus, fermer les portes de la guerre, faire la paix. Les portes de Janus par vos mains sont fermées, Corneille, Cinna, II, 1.

  • 8Chez les anciens monarques de l'Asie, la porte du roi, le palais du roi. Les jeunes seigneurs [chez les anciens Perses] étaient élevés à la porte du roi, avec ses enfants, Bossuet, Hist. III, 5. Une légère attention de la part d'une femme qui envoyait des pelisses et quelques bagues, comme il est d'usage dans toutes les cours ou plutôt dans toutes les portes orientales, Voltaire, Russie, II, 1.

    Aujourd'hui, la Porte, la Porte ottomane, la Sublime Porte (avec une majuscule), la cour de l'empereur des Turcs. Partis de la vie pastorale, les Turcs ont fait de la tente immobilisée le symbole de l'empire ; cette tente… a deux portes : la porte du gouvernement et la porte de la béatitude (le harem), Michelet, Orig. du droit franç. Introd. XXXVIII.

  • 9 Fig. Les portes de la mort, état où la vie est près d'abandonner un homme. Et pour le rappeler des portes du trépas, Corneille, Gal. du Pal. III, 5. Ma sœur avait touché aux portes de la mort, Chateaubriand, René.

    Être aux portes de la mort, être à l'extrémité. Il [Télémaque] périssait, tel qu'une fleur qui… ainsi le fils d'Ulysse était aux portes de la mort, Fénelon, Tél, VII. Vous avez été jusqu'aux portes de la mort, Massillon, Carême, Impénit.

    On dit de même : les portes du tombeau. Borgia ne pouvait pas prévoir que lui-même serait aux portes du tombeau, Voltaire, Mœurs, 111.

    Les portes de l'éternité, la mort. Dès que la mort se fait voir de près, que les portes de l'éternité s'ouvrent à lui, Massillon, Avent, Mort du péch. Recevez mes tendres et derniers adieux ; les portes de l'éternité s'ouvrent pour moi, Voltaire, Socrate, III, 10.

    Malherbe a dit aux portes de la peur, comme on dit aux portes de la mort, c'est-à-dire à l'approche d'une grande peur. [Pierre] De vaillant fait couard, de fidèle fait traître, Aux portes de la peur abandonne son maître, Et jure impudemment qu'il ne le connaît pas, Malherbe, I, 4.

  • 10Les portes de la Jérusalem céleste, les portes éternelles, la porte de la maison du Seigneur, l'entrée du paradis. Il [le Seigneur] vient enfin de vous ouvrir la voie des saints et les portes éternelles, Massillon, Avent, Mort du péch. C'est un droit qui nous ouvre la porte de la maison du Seigneur, Massillon, Carême, Vocal.

    La porte des cieux, même sens. Aveugles pour la terre, ils aspirent aux cieux, Et croyant que la mort leur en ouvre la porte…, Corneille, Poly. III, 9.

    Par opposition. Les portes de l'enfer, les puissances de l'enfer. Les portes d'enfer signifient naturellement toute la puissance des démons, Bossuet, 2e instr. sur les prom. de l'Église, 40. Tandis que l'Église de Jésus-Christ subsistera (or elle subsistera toujours, puisque les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre elle), Bourdaloue, Sur la récomp. des saints, 1er avent, p. 38.

  • 11 Terme de mythologie. Porte de corne, celle par laquelle sortaient les songes véridiques. Porte d'ivoire, celle par laquelle passaient les songes menteurs.
  • 12Une ouverture quelconque. Et [dans un coucher de soleil] vers l'occident seul, une porte éclatante Laissait voir la lumière à flots d'or ondoyer, Lamartine, Harm. II, 2.
  • 13Ce qui permet d'entrer dans un pays. Cette place est la porte de tel pays.

    Fermer la porte, les portes d'un pays à une nation, ne pas lui permettre d'y entrer. Les Japonais avaient fermé la porte de leur pays à tous les Européens, sauf les Hollandais.

  • 14 Fig. Ce qui sert de passage aux impressions intellectuelles ou morales. Que pour sortir d'un cœur elles [les vérités] trouvent de portes ! Corneille, Nicom. III, 8. Je ne parle que des vérités de notre portée ; et c'est d'elles que je dis que l'esprit et le cœur sont comme les portes par où elles sont reçues dans l'âme, Pascal, Géométr. II. Hélas ! vous sentez qu'à ces derniers moments… toutes les portes de mon entendement sont fermées, mes idées s'enfuient, ma pensée s'éteint, Voltaire, Polit. et lég. Diat. entre un mourant et un homme qui se porte bien. Tout entre dans l'esprit par la porte des sens, Delille, Imaginat. I.
  • 15Entrée, introduction. La géométrie est la porte des sciences mathématiques.

    Accès, moyen d'arriver. La porte des honneurs, des grandeurs, des emplois. Placide : De mon rang [de gouverneur] en tous lieux je soutiendrai l'honneur. - Marcelle : Considérez donc mieux quelle main vous y porte ; L'hymen seul de Flavie en est pour vous la porte, Corneille, Théod. I, 2. Maître de lui ouvrir ou fermer à son gré la porte des grandes magistratures, Rousseau, Lett. à d'lvernois, Corresp. t. VII, p. 41.

    Les portes secrètes, les moyens cachés de réussir. Vous me dites une grande parole, que les portes secrètes s'ouvriront ou se fermeront, selon ce qui plaira à M. d'Argenson, Maintenon, Lett. à Mme de Caylus, 16 févr. 1718.

    Ouvrir la porte, donner accès. Le soin de la chair… Aux fragiles pensers ayant ouvert la porte, Malherbe, I, 4. Il n'est ni train pompeux, ni superbes palais Qui n'ouvrent quelque porte à des maux incurables, Molière, Psyché, IV, 1. Il est nécessaire qu'il y ait de l'inégalité parmi les hommes, cela est vrai ; mais, cela étant accordé, voilà la porte ouverte non seulement à la plus haute domination, mais à la plus haute tyrannie, Pascal, Pens. VI, 1 bis, éd. HAVET. C'était ouvrir une porte bien large à la calomnie, Montesquieu, Esp. XII, 16. Mon premier vol ouvrit la porte à d'autres, Rousseau, Confess. I.

    Fermer la porte à, exclure, refuser, couper court à. Il faut fermer la porte à leurs prétentions, Corneille, D. Sanche, I, 2. De l'humeur que je sais la chère Marinette, L'hymen ne ferme pas la porte à la fleurette, Molière, le Dép. v, 9. De borner nos talents à des futilités, Et nous fermer la porte aux sublimes clartés, Molière, Femmes sav. III, 2. Peut-on, avec un si bon esprit, fermer les yeux et la porte à cette pauvre vérité ? Sévigné, 584. Mme la Dauphine lui dit [à Mme de la Ferté] avec un air sérieux : Madame, je ne suis pas curieuse, et ferme ainsi la porte, c'est-à-dire la bouche aux médisances et aux railleries, Sévigné, 29 mars 1680.

    Fig. Une porte fermée, une incapacité à comprendre, à sentir. On ne fait point entrer certains esprits durs et farouches dans le charme et dans la facilité des ballets de Benserade et des fables de la Fontaine ; cette porte leur est fermée, Sévigné, à Bussy, 14 mai 1686.

    Laisser une porte, ne pas empêcher complétement. Le moyen d'apaiser le mal était de laisser une porte au repentir, et non de jeter les hommes dans le désespoir par un refus absolu et irrévocable de pardon, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. III, p. 543, dans POUGENS.

  • 16Ce qui ferme certains meubles, certaines constructions. Les portes d'une armoire. La porte d'un four.

    Porte d'écluse, grande clôture de bois qui arrête l'eau dans les écluses.

    Bateau-porte, bateau que l'on coule à fond à la porte d'un bassin pour le fermer.

    Porte marinière, synonyme de passelis. Les portes marinières [sur la Sarthe], ménagées dans les massifs des barrages, n'offrent que 4m, 30 à 5m, 20 de passage, comme celles de la Mayenne, et, comme ces dernières, elles sont fermées au moyen d'aiguilles et de petites vannes ou appareils super posés, E. Grangez, Voies navig. de France, p. 598. Ces portes, réservées dans les barrages, pour la descente ou la remonte des bateaux, se composaient, comme on le voit encore sur plusieurs points, et même, au rapport des voyageurs, sur les canaux de la Chine, d'une voie de 6 à 7 mètres de largeur, fermée par plusieurs poutrelles mobiles placées les unes au-dessus des autres, et suivie d'un plan plus ou moins incliné, bordé latéralement par des estacades en charpente, et servant à racheter la différence de niveau des deux biefs contigus, Dutens, Hist. de la navig. intér. de la France, I, 80.

  • 17Porte d'agrafe, petit fil de cuivre étamé, plié en forme de cercle d'un côté, les deux bouts formant deux petits cercles serrés l'un à côté de l'autre ; le bout arrondi sert à retenir l'agrafe, et les deux petits cercles à fixer la porte sur l'étoffe.
  • 18 Au plur. Pas, gorge, défilé. Plusieurs de ces gorges [du Caucase], les seules sans doute qui fussent praticables, étaient fermées par des portes connues sous le nom de portes Caspiennes, de portes d'Albanie, et, en général, de portes du Caucase, Bailly, Atlantide, p. 140.
  • 19 Terme d'anatomie. Portes du lait, nom donné aux ouvertures par lesquelles, chez la vache, les veines mammaires, s'étendant de la partie antérieure des mamelles jusqu'à la région antérieure et latérale du ventre, pénètrent dans les parois profondes et inférieures de la poitrine ; elles sont faciles à explorer.
  • 20Les portes du Sadder, les chapitres de ce livre. Le Sadder est divisé en cent articles, que les Orientaux appelaient portes ou puissances, Voltaire, Mœurs, 5.
  • 21De porte en porte, loc. adv. De maison en maison. J'aimerais mieux chercher mon pain de porte en porte, Que servir plus longtemps un maître de la sorte, Regnard, Fol. amour, I, 1. Adieu le Marais, l'île Saint-Louis, maisons où l'on va de porte en porte s'ennuyer, ou faire un quadrille, D'Alainval, École des bourgeois, II, 9. Vous ignorez peut-être qu'un polisson, nommé Clément, va de porte en porte, lisant une mauvaise satire contre vous, D'Alembert, Lett. à Volt. 6 mars 1772.

    Il va de porte en porte comme le pourceau de saint Antoine.

  • 22De porte à porte, sans intermédiaire, en face. Jusque-là je suis assez glorieux pour vous dire de porte à porte que je ne vous crains ni ne vous aime, Corneille, Lett. apolog.
  • 23À porte close, loc. adv. En secret.

    On dit dans le même sens : à porte fermée. J'aurais donné tout au monde pour le voir représenter [le Devin de village] à ma fantaisie, à portes fermées, comme on dit que Lulli fit une fois jouer Armide pour lui seul, Rousseau, Confess. VIII.

    Par opposition. à portes ouvertes, publiquement. Apollon à portes ouvertes Laisse indifféremment cueillir Les belles feuilles toujours vertes Qui gardent les noms de vieillir, Malherbe, III, 2. Heureusement en Angleterre aucun procès n'est secret… tous les interrogatoires se font à portes ouvertes, Voltaire, Polit. et lég. Hist. d'Élis. Canning.

  • 24À porte ouvrante, à portes ouvrantes, à porte fermante, à portes fermantes, à l'heure où, dans une place de guerre, les portes s'ouvrent ou se ferment.

    PROVERBE

    Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée, il faut se décider d'une manière ou d'une autre.

HISTORIQUE

XIe s. De pareïs [paradis] li seit la porte uverte, Ch. de Rol. CLXIV.

XIIIe s. Li empereres Marchufle… vint à une porte que on apele porte oirée [dorée], Villehardouin, CVI. Et il les assistrent [assiégèrent] à mout poi de gent devant deus portes, Villehardouin, CXLI. À celle journée que nous entrames en nos nez [navires], fist l'en [on] ouvrir la porte de la nef, Joinville, 210. Aumona au lit de la mort messires Gaucher li Granz dix livres chascun an à la porte [lieu dans les couvents où l'on faisait l'aumône] d'Igni, por doner cotes as mesiax [lépreux] de la terre, Du Cange, porta.

XIVe s. Comme Guillaume de Breul, advocat en notre dit parlement, lequel est prisonnier à Paris dedens les portes [libre dans Paris, à la condition de n'en pas sortir], Bibl. des chartes, 5e série, t. IV, p. 136. Et quant je voy que pas n'en rient [les maris], Mais dient que, leurs femmes mortes, Ne passeront jamais telz portes [ne se remarieront pas], Deschamps, Miroir de mariage, p. 13. Nous perdismes Julien Bourgneuf le capitaine de la porte du roy, Commines, VIII, 6.

XVIe s. À porte ouvrant, D'Aubigné, Hist. II, 341. Deux chiaoux qui estoient venus de la porte du sultan, D'Aubigné, ib. III, 419. Il a tellement esté pipé, qu'il a veu, devant que mourir, ses enfans aux portes [mendier], sa femme au bordel, et sa personne à l'hospital, D'Aubigné, Conf. I, 10. Tous ces desguisements sont vaines mascarades Qui aux portes d'enfer presentent leurs aubades, D'Aubigné, Tragiques, Princes. Tout cela est frapper à la porte d'un trespassé, Cotgrave Les derniers venus ferment les portes, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. pote ; provenç. et ital. porta, espagn. puerta ; du lat. porta, que les Latins, Tite Live entre autres, tirent de portare, parce que, en traçant l'enceinte des villes avec une charrue, on soulevait, portait la charrue à l'endroit où l'on voulait ménager des portes ; mais portare eût donné portata, et non porta. Porta est bien un participe passif d'un verbe simple perdu, poro, pero, traverser (grec, πόρος, περάω ; sanscrit, par, traverser).