« courir », définition dans le dictionnaire Littré

courir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

courir

(kou-rir), je cours, tu cours, il court, nous courons, vous courez, ils courent ; je courais ; je courus, nous courûmes ; je courrai ; je courrais ; cours, courez, courons ; que je coure, que tu coures, qu'il coure, que nous courions ; que je courusse ; courant ; couru, courue v. n.
  • 1Aller avec une grande vitesse. Où courez-vous ainsi ? Calypso, plus furieuse qu'une lionne à qui on a enlevé ses petits, courait au travers de la forêt, sans suivre aucun chemin, Fénelon, Tél. VII. Les femmes ne sont pas faites pour courir ; quand elles fuient, c'est pour être atteintes, Rousseau, Ém. V. Elle eût, des jeunes blés rasant les verts tapis, Sans plier leur sommet, couru sur les épis, Delille, Énéide, VII.

    Terme de marine. Faire route. Courir au nord, au sud.

    Courir signifie quelquefois s'échapper à la hâte. … Serviteur au portier, Dit-il, et de courir, La Fontaine, Fabl. IX, 10.

    Je cours encore, locution familière, qui s'emploie pour dire : je m'en allai en hâte, on ne m'y rattrapera plus. Cela dit, maître loup s'enfuit et court encor, La Fontaine, Fabl. I, 5. Les dames dirent qu'il ne fallait pas m'importuner ni faire des façons avec moi, et je cours encore, Saint-Simon, 404, 34.

    Courir, pris substantivement. Nier, croire et douter sont à l'homme ce que le courir est au cheval, Pascal, Rel. 8.

    Courir sus à quelqu'un, en termes d'ordonnances, de déclarations, se jeter sur lui pour l'arrêter, pour le tuer. On ordonna de lui courir sus. Et fig. poursuivre, persécuter.

    On dit dans le même sens courir sur. Nous promettons pour cette grâce De sauter pour les gens en place, De courir sur les malheureux, Béranger, Requête.

    Courir sur, faire la course comme corsaire. En leur obtenant du Portugal des commissions pour courir sur les Espagnols, même après qu'ils eurent fait la paix avec la France, Raynal, Hist. phil. XIII, 35.

    On dit dans le même sens courir à. Peuple, vengez mon père et courez à ce traître, Voltaire, Fanat. V, 4.

    Courir s'emploie en une espèce de passif impersonnel, avec le pronom ce. On pourra dire à des enfants qui courent : c'est assez couru, c'est-à-dire ne courez plus.

    Fig. C'est assez couru dans les voies de l'iniquité, Fléchier, Sermons, II, 237.

    Ce n'est pas tout que de courir, il faut partir de bonne heure, c'est-à-dire il ne suffit pas de se hâter, il faut encore se mettre à l'œuvre à temps. Rien ne sert de courir, il faut partir à point ; Le lièvre et la tortue en sont un témoignage, La Fontaine, Fabl. VI, 10.

  • 2Jouter à la course. Ceux qui devaient courir n'attendaient que le signal pour s'élancer dans la carrière. Alexandre ne voulut pas courir dans les jeux olympiques, à moins que des rois n'y courussent.

    Courir se dit aussi des chevaux qui disputent le prix de la course. Faire courir, envoyer des chevaux sur le turf pour y courir.

  • 3 Fig. Et dans cette entreprise il a bien su courir à la nécessité qu'il voyait de mourir, Corneille, Héracl. III, 3. Au tombeau comme au trône on me verra courir, Corneille, ib. IV, 1. Ces prisonniers même avec lui conjurés Sous cette illusion couraient à leur vengeance, Corneille, ib. V, 7. Celle qui vous pressait de courir au baptême, Corneille, Poly. I, 1. Qu'avec plaisir, Philippe, on court à le venger [un ennemi], Lorsqu'on s'y voit forcé par son propre danger, Corneille, Pomp. V, 1. De peur que l'ignorant [sa mort], ce peuple ne se flatte, N'attende encor ce prince et n'ait quelque raison De courir en aveugle à qui prendra son nom, Corneille, Héracl. III, 4. Et je suis en suspens, si, pour me l'acquérir, Aux extrêmes moyens je ne dois point courir, Molière, l'Étour. III, 2. Les esprits courent à vous aimer, Sévigné, 451. Cette mer où tu cours est célèbre en naufrages, Boileau, Ép. I. Ce péril extrême où, pour me secourir, Je vois votre grand cœur aveuglément courir, Corneille, Héracl. I, 4. Qui se venge à demi court lui-même à sa peine, Corneille, Rodog. V, 1. Mais il court à sa perte et vous traîne avec lui, Corneille, Nicom. III, 1. [Il] Tâche à rompre le cours des maux où vous courez, Corneille, Nicom. III, 2. Je veux bien vous guérir D'une erreur dangereuse où vous semblez courir, Corneille, ib. IV, 5. Ma fille qui s'approche et court à son trépas, Racine, Iphig. I, 1. Misérable, tu cours à ta perte infaillible, Racine, Phèd. IV, 3. Jeune peuple, courez à ce maître adorable, Racine, Esth. III, 9. Roxane est offensée et court à la vengeance, Racine, Baj. II, 3. Il vous faudra, seigneur, courir de crime en crime, Racine, Brit. IV, 3. Mais parmi ces périls où je cours pour vous plaire, Racine, Andr. I, 4. Tu murmures, vieillard ! vois ces jeunes mourir, Vois-les marcher, vois-les courir à des morts, il est vrai, glorieuses et belles, Mais sûres cependant et quelquefois cruelles, La Fontaine, Fabl. VIII, 1. On vit alors les courtisans courir au-devant de la réforme, proscrire le luxe de leurs tables, étudier avec empressement les figures de géométrie, Barthélemy, Anach. 33.

    Courir au plus pressé, faire d'abord ce qui est le plus urgent. Ils ont couru au plus sûr, et ont compris que ce serait une folie de vouloir se sauver comme les autres se damnent, Massillon, Car. Salut.

    Courir sur les brisées de quelqu'un, se mettre en rivalité avec lui.

    Courir sur le marché de quelqu'un, enchérir sur lui, tâcher d'obtenir ce qu'un autre a demandé le premier.

    Courir à l'hôpital, se ruiner rapidement par des dépenses excessives.

    Courir à l'évêché, au bâton de maréchal, être en passe d'y parvenir.

  • 4Marcher vite sans précisément courir, aller en hâte, se dépêcher, s'empresser. Vous ne marchez pas, vous courez. Courir aux armes. Tout le pays se souleva et courut aux armes. Mais, quelques jours après, le dieu l'attrapa bien, Envoyant un songe lui dire Qu'un tel trésor était en tel lieu ; l'homme au vœu Courut au trésor comme au feu, La Fontaine, Fabl. IX, 13. [Ils] courent parmi la ville Émouvoir les soldats et le peuple imbécile, Corneille, Sertor. V, 3. Que dit-il quand il voit, avec la mort en trousse, Courir chez un malade un assassin en housse ? Boileau, Sat. VIII. Quand pour le recevoir chacun court sur la rive, Racine, Mithr. II, 1. Pharnace entrait à peine Qu'il courut de ses feux entretenir la reine, Racine, ib. II, 2. Bajazet vit encor ; vizir, courez à lui, Racine, Baj. V, 10. Chère Antigone, allez, courez à ce barbare, Racine, Théb. II, 4. Ma fille dans Argos courait pleurer sa honte, Racine, Iphig. III, 1. Et que m'a fait à moi cette Troie où je cours ? Racine, ib. IV, 6. De l'Inde à l'Hellespont ses esclaves coururent, Racine, Esth. I, 1. Achille va combattre et triomphe en courant, Racine, Iphig. I, 1.

    Fig. Eh bien ! ce stratagème ? - Ah ! comme vous courez ! Ma cervelle toujours marche à pas mesurés, Molière, l'Étour. I, 2. Ah ! de peur de tomber ne courons pas si fort, Molière, ib. IV, 1.

    Il n'y va pas, il y court comme à la noce, il y va avec ardeur, avec joie.

    En termes d'escrime, courir, marcher très rapidement sur son adversaire.

    En courant, à la hâte, d'une manière superficielle, fugitive. Certaines choses que j'avais lues en courant, Sévigné, 613. Il ne les lit pas, ou il ne les lit qu'en courant, Bossuet, Avert. 1.

  • 5Courir après quelqu'un ou quelque chose, aller à sa recherche. Phraate fit courir après Démétrius, Bossuet, Hist. I, 9. Il faut courir, Olympe, après ces inhumains, Racine, Théb. I, 1. Non, il ne courra plus après l'ombre du frère, S'il voit monter la sœur sur le trône du père, Corneille, Héracl. I, 1.

    Fig. Mon cœur court après elle, Racine, Andr. II, 5. En effet il courait après le mensonge, mais il était attiré par quelque lueur de vérité, Fléchier, I, p. 277. Qui ne court après la fortune ? La Fontaine, Fabl. VII, 12. Mon esprit ne court pas après si peu de chose, Molière, l'Étour. III, 3. Le mérite a pour moi des charmes si puissants, que je cours partout après lui, Molière, Préc. 10. Cet air de parure après lequel on court et qu'on n'attrape guère, Hamilton, Gramm. 6.

    Courir après l'esprit, affecter d'en montrer sans trop y réussir.

    Courir après son argent, continuer à jouer pour tâcher de regagner ce qu'on a perdu, et aussi aller relancer ses débiteurs. Il a mieux aimé diminuer son fonds que d'avoir toujours à courir après ses rentes, Rousseau, Hél. VI, 52.

    En un autre sens, courir après l'argent, chercher toutes les occasions d'en gagner.

  • 6Aller et venir çà et là. Il est toujours à courir. L'enragé qu'il était… s'en alla follement… Courir comme un bandit qui n'a ni feu ni lieu, Boileau, Sat. VIII.
  • 7Faire des courses, des démarches. Il a couru toute la journée pour ses affaires. Quand on est candidat, on court plus qu'on ne pense, Delavigne, Éc. des vieillards, I, 5.

    Faire courir quelqu'un, lui faire perdre son temps en courses. L'attention qu'on a de ne pas faire courir les ouvriers, Rousseau, Hél. IV, 10.

  • 8 Terme de commerce. Courir franc, ne rien payer pour salaire d'une négociation.
  • 9Abonder, en parlant de vermine et de petits animaux nuisibles. Les souris courent dans cette maison. Les poux courent sur cette chemise.
  • 10Avoir un mouvement de progression, en parlant des choses. Sa plume courait sur le papier.

    Laisser courir sa plume, se livrer en écrivant au cours de ses idées. Vous avez laissé courir votre plume et donné un essor à votre imagination, Vauvenargues, Dial. Pasc. et Fén.

    Terme de marine. Faire courir une manœuvre dans ses poulies, faciliter le jeu des cordages. On dit que les amarres courent quand elles glissent.

  • 11Couler. Le sang court dans les veines. Cette affreuse sueur qui court sur son visage, Corneille, Rod. V, 4. Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang, Corneille, Cid, IV, 3.
  • 12Être répandu, passer de main en main. Il court parmi le monde un livre abominable, Molière, Mis. V, 1. Outre les copies qui couraient parmi le peuple, Bossuet, Hist. II, 3. J'ai longtemps hésité si je donnerais au public ces panégyriques, et je ne m'y suis enfin déterminé qu'après en avoir vu courir quelques éditions sous mon nom, où je n'avais nulle part, Fléchier, Préf. 53. Vous verrez courir de ma façon dans les belles ruelles deux cents chansons, Molière, Préc. 10. Il y avait d'autres écrits de Picolomini qui couraient dans le monde, Voltaire, Mœurs, 96. Lorsque la comédie du Glorieux fut donnée au théâtre, il courut, contre cette pièce et contre l'auteur, des couplets qui eurent alors toute la vogue passagère assurée aux satires, D'Alembert, Éloges, Destouches. Les billets de ce négociant courent sur la place, on cherche à s'en défaire.

    Faire courir un papier, une brochure, un livre, le remettre à quelqu'un en lui recommandant de le remettre à d'autres et ainsi de suite. Ils firent courir une lettre contre lui, Pascal, Prov. 15. Vient-il de la province une satire fade, Pour la faire courir on dit qu'elle est de moi, Boileau, Épît. VI.

    Faire courir une santé, la faire porter successivement par tous les convives.

    On dit de même : Dans cette réunion, à ce repas, les propos joyeux, les chansons couraient à la ronde. Là courent à la ronde et les propos joyeux Et la vieille romance et les aimables jeux, Delille, Trois règnes, I.

    Faire courir la voix, demander les avis dans une assemblée délibérante. Locution vieillie.

    L'avis qui court, l'avis qui a le plus de voix dans une délibération qui n'est pas encore finie. Locution vieillie.

    Courir se dit aussi des bruits qui circulent, des paroles qui se répandent. Il court de lui un bon mot. Je sais que de ma mort il courut un faux bruit, Corneille, Perthar. IV, 5. Puisque déjà le bruit jusqu'à vous a couru, Corneille, Théod. IV, 5. Et l'on fera courir quelque mauvaise excuse, Dont la cour s'éblouisse et le peuple s'abuse, Corneille, Perthar. III, 2. Ils ont de rang en rang fait courir votre nom, Corneille, Othon, IV, 2. Ce malheureux proverbe qui court dans Paris, Pascal, Prov. 2. Nous fîmes quelques couplets de ces Léridas qui ont tant couru, Hamilton, Gramm. 8. Que dirait-on si le bruit en courait ? La Fontaine, Mandr. Mille bruits en courent à ma honte, Racine, Brit. IV, 2. Déjà jusques au camp le bruit en a couru, Racine, ib.

  • 13En parlant de maladies, sévir d'une façon épidémique. Les maladies qui courent. La scarlatine court dans ce canton, elle a enlevé beaucoup d'enfants. Il courait alors une fièvre dangereuse. Il a couru cette année des dyssenteries.
  • 14Être en voie de, être près d'arriver au terme. Ma provision de bois court à sa fin.
  • 15Se passer, en parlant du temps. L'année qui court. On lui a donné trois mois qui courent à partir de tel jour. Les six mois ne courent qu'à partir du jour de la sommation, Patru, Plaid. 5, dans RICHELET. Ils se repentiront de s'être fait la guerre, Mais avant cette paix il courra bien des mois, Maynard, Poésies, dans RICHELET. Pour moi je le [le temps] vois courir avec horreur et m'apporter en passant l'affreuse vieillesse, les incommodités et enfin la mort, Sévigné, 182. Malgré l'ennui et la fatigue les jours ne laissent pas de passer bien vite ; j'en ai passé de bien douloureux, sans compter les mauvaises nuits ; et cependant rien n'empêchait le temps de courir, Sévigné, 500. La Parque sur nos pas fait courir devant elle Midi, le soir, la nuit et la nuit éternelle, Et par grâce, à nos yeux qu'attend le long sommeil, Laisse voir au matin un regard du soleil, Chénier, Élég. 33. Quand chaque année on est sûr de la suivante, qui peut troubler la paix de celle qui court ? Rousseau, Hél. V, 2.

    Familièrement. Par le temps qui court, d'après ce qui se passe, dans les circonstances où nous sommes. Dans le temps qui court ce n'est pas un petit mérite, Sévigné, 402.

  • 16Être compté, en parlant des intérêts, loyers, appointements. Ses intérêts, ses gages courent depuis un an.
  • 17S'étendre, se prolonger. Le chemin court entre des vignes au bord du lac. Cette côte court est-ouest, c'est-à-dire va droit d'orient en occident. Ces rochers courent sud-ouest, environ trois lieues. L'Asie est soutenue, tant au nord qu'au midi, par deux grandes chaînes de montagnes qui courent presque depuis l'extrémité occidentale de l'Asie Mineure et des bords de la mer Noire, jusqu'à la mer qui baigne les côtes de la Chine et de la Tartarie à l'orient, Raynal, Hist. phil. I, 4.
  • 18 En termes de filature, on dit qu'un fil de laine, de soie, etc. court, quand il fournit beaucoup d'ouvrage.
  • 19 V. a. Poursuivre à la course. Ce n'est pas qu'on s'imagine que la vraie béatitude soit dans le lièvre qu'on court, Pascal, Div. 2. Monseigneur court le lièvre dans son parc, Hamilton, Gramm. 9. Le duc m'a voulu mener courir un cerf avec lui, Molière, les Préc. 12. Il courut un cerf au clair de la lune, Sévigné, 46. Mme la Dauphine se met à courir les bêtes, Sévigné, 437.

    Fig. Ils courent le même lièvre, c'est-à-dire ils prétendent à la même chose.

    Il ne faut pas courir deux lièvres à la fois, c'est-à-dire quand on recherche deux objets à la fois, on les manque l'un et l'autre, il ne faut s'occuper à la fois que d'une chose.

    En parlant des personnes qu'on poursuit. Courir quelqu'un l'épée à la main. Et les petits enfants, sitôt qu'on m'aperçoit, Me courent dans la rue…, Corneille, Suite du Ment. I, 3. L'un d'eux [des secrétaires de Vendôme] le courut [Alberoni] plus de mille pas à coups de bâton à la vue de toute l'armée, Saint-Simon, 156, 41. Mais d'aller attaquer de ces bêtes vilaines Qui n'ont aucun respect pour les faces humaines Et qui courent les gens qui les veulent courir, Molière, Prince d'Él. I, 2.

  • 20 Fig. Rechercher avec empressement. Courir les honneurs. Cet ecclésiastique courait les bénéfices.

    Il se dit des personnes. On le court, on le choie. Ce prédicateur est très couru. Nous les verrions nous courir sans tous ces respects et ces soumissions où les hommes les acoquinent, Molière, la Princ. III, 2. C'est assez qu'elle vous ait vue pour me la faire courir, Sévigné, 111. Se serait-il engagé à Césonie qui l'a tant couru ? La Bruyère, III. Ceux qui courent le favori du prince, comme ses viles créatures, La Bruyère, X. L'on court les malheureux pour les envisager, La Bruyère, VIII. Ils courent partout celles [les femmes] dont ils espèrent se faire écouter, Fontenelle, Jugem. de Pluton. Nous courons quelquefois les hommes qui nous ont imposé par leurs dehors, Vauvenargues, Max. CCLVIII. C'est ce même chevalier que mademoiselle votre fille court aux Tuileries, Dancourt, Cheval. à la mode, V, 7.

  • 21S'exercer dans une lice à différents jeux d'adresse. Courir la bague, la tête, courir en essayant d'atteindre avec une lance une bague, une tête. En Espagne on court les taureaux. Il fallait courir quatre lances ; ceux qui seraient assez heureux pour vaincre quatre chevaliers…, Voltaire, Zadig, 19. [Il] court le faquin, la bague, escrime des fleurets, Régnier, Sat. V.

    Courir un prix, en parlant des courses de chevaux, faire courir un cheval pour avoir ce prix.

  • 22Courir le cachet, se dit d'un professeur qui donne des leçons en ville.
  • 23Parcourir. J'ai couru toute la ville sans le trouver. Je n'ai plus qu'à courir les côtes de l'Afrique, Corneille, Pomp. IV, 3. Tout cassé que je suis, je cours toute la ville, Corneille, Cid, III, 5. On court sans cesse les imprimeries, Pascal, Prov. 17. Hors vous et moi, monsieur, je ne crois pas que personne s'avise de courir maintenant les rues, Molière, Sic. 3. Pour moi, sur cette mer qu'ici-bas nous courons, Je cherche à me pourvoir d'esquifs et d'avirons, à régler mes désirs, à prévenir l'orage, Et sauver, s'il se peut, ma raison du naufrage, Boileau, Ép. V. Je cours tout le sérail, Racine, Baj. V, 9. J'ai couru les deux mers que sépare Corinthe, Racine, Phèd. I, 1. Cher compagnon, me veux-tu croire ? Courons ensemble le pays ; Tu sais médire, je sais boire : Nous ne manquerons point d'amis, La Fontaine, Daphné, III, 10. Il courut tous les environs de Montpellier à plus de dix lieues, et en rapporta des plantes inconnues aux gens même du pays, Fontenelle, Tournefort.

    Être fou à courir les rues, à courir les champs, être très fou.

    Courir le monde, voyager en divers pays. Les philosophes ne courent guère le monde, et ceux qui le courent ne sont ordinairement guère philosophes, et par là un voyage de philosophe est extrêmement précieux, Fontenelle, Tournefort.

    Fig. Mais un roi, vraiment roi, qui, sage en ses projets, Sache en un calme heureux maintenir ses sujets, Il faut pour le trouver courir toute l'histoire, Boileau, Ép. I.

  • 24Courir la poste, voyager en poste, aller fort vite ; et fig. se dépêcher outre mesure.

    On dit dans le même sens courir le grand galop. Il dit fort posément ce dont on n'a que faire, Et court le grand galop quand il est à son fait, Racine, Plaid. III, 3.

    Courir en guide, courir la poste à cheval, ayant devant soi un postillon monté sur un autre cheval.

    Anciennement, courir un bénéfice, envoyer un courrier à celui qui a la nomination d'un bénéfice devenu vacant, pour être le premier à le solliciter.

  • 25 Terme de guerre. Faire une incursion rapide. Courir le plat pays. Les ennemis laissèrent dans la place une garnison qui se mit à courir toute la contrée.
  • 26 Terme de marine. Courir des bordées, ou courir des bords, aller alternativement à droite et à gauche.

    Courir le bon bord, se dit des corsaires qui courent sur des bâtiments marchands ; et fig. et familièrement, fréquenter les mauvais lieux.

    Courir la mer, y faire la course comme corsaire ou pirate. Pour courir cette mer, il ne fallait que des radeaux, des galères et des rameurs, Raynal, Hist. phil. XIX, 5.

  • 27Suivre une profession où l'on a des émules. Courir la carrière littéraire. Une fille guerrière De son guerrier chéri court la noble carrière, Voltaire, Scythes, II, 2.
  • 28Être en train d'accomplir une certaine année de son âge. J'ai l'honneur de courir ma 50e année, Voltaire, Lett. en vers et en prose, 80. Je cours actuellement ma soixante et dix-huitième année, Voltaire, Lett. Richelieu, 18 fév. 1771.
  • 29Courir les aventures, se disait des chevaliers qui allaient à la recherche des exploits guerriers. Son frère, ayant couru mainte haute aventure, Mis maint cerf aux abois, maint sanglier abattu, Fut le premier César que la gent chienne ait eu, La Fontaine, Fabl. VIII, 24.

    Dans un sens général, avoir des aventures, quelles qu'elles soient. Notre héroïne se mit à rêver à ses aventures, particulièrement à celles de cette nuit ; ce n'étaient pas véritablement les plus étranges qu'elle eût courues, La Fontaine, Psyché, I, p. 39. Par extension, être exposé à. Il a couru le risque de périr. Vous courez risque de vous ruiner. Quand je songe aux dangers que je lui fais courir, Corneille, Cinna, I, 2. Il vous a préservé, sur le point de périr, Du danger le plus grand que vous puissiez courir, Corneille, Rodog. V, 5. Et d'ailleurs quels périls peut vous faire courir Une femme mourante et qui cherche à mourir ? Racine, Phèd. I, 1. C'est là tout le danger que vous pouvez courir, Racine, Iphig. II, 1.

    Courir fortune, hasard, s'exposer à certaines éventualités. Il a couru hasard de se tuer. Ils sont trop habiles pour vouloir courir la fortune, Sévigné, 44.

    Courir même fortune, être exposé aux mêmes risques et périls. L. Junius eût couru la même fortune si, pour échapper à la cruauté du tyran, il n'eût feint d'être hébété, et d'avoir perdu l'esprit, Vertot, Révol. rom. I, p. 55. D'où vient qu'ayant voulu courir notre fortune, Il ne partage point l'allégresse commune ? Voltaire, Tancr. V, 1.

    Courir une belle fortune, être en passe d'arriver à quelque chose de grand.

  • 30Hanter, fréquenter. Courir les bals, les maisons de jeu, les théâtres, les salons. À courir les fillettes… Il s'est couvert de dettes, Béranger, Pet. h. gris.

    Courir les ruelles, aller de visite en visite chez les dames.

    Courir le bal, aller au bal. De l'habit dont jadis elle courait le bal, Elle s'est mise en homme en cet accès fatal, Regnard, Fol. amour. III, 9.

    Familièrement. Courir la pretantaine, aller et venir sans objet bien déterminé. Cette femme court la pretantaine, c'est-à-dire ses allées et venues ne sont pas convenables, excitent les soupçons sur sa conduite.

    Populairement. Courir le guilledou, fréquenter, principalement durant la nuit, des lieux suspects.

  • 31Être répandu, propagé. Cette aventure court les salons.

    Courir les rues, être su de tout le monde, être commun, vulgaire. Cette nouvelle court les rues. L'esprit court les rues, il est très commun, tout le monde en a. Honnête homme ! et qui ne l'est pas ? C'est un mérite qui court les rues, Marmontel, Contes mor. Bon mari. Vous trouvez que toute leur capacité et leur étude sur la religion se réduit à certains discours de libertinage qui courent les rues, s'il est permis de parler ainsi, Massillon, Car. Doutes sur la Religion.

  • 32 Terme de marine. Courir les coutures, presser les étoupes qui en ont besoin.

REMARQUE

1. S'en courir a été usité dans le XVIIe siècle. Il s'en court en disant : à Dieu me recommande, Régnier, Sat. X. Mon esprit agité Douteux s'en court de l'une à l'autre extrémité, Régnier, Élég. 2. À la fin le pauvre homme S'en courut chez celui qu'il ne réveillait plus, La Fontaine, Fabl. VIII, 2. L'associé des frais et du plaisir S'en court en haut, La Fontaine, Quiproquo. Ce discours fut à peine proféré Que l'écoutant s'en court…, La Fontaine, aveux. Des grammairiens ont condamné cette locution comme fautive c'est à tort ; elle est aussi correcte que s'en aller ou s'enfuir. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'elle est archaïque et tombée en désuétude.

2. On trouve dans quelques auteurs courir v. n. conjugué avec l'auxiliaire être. Je suis courue ici, Sévigné, 489. J'y suis courue en vain, ç'en était déjà fait, Racine, Théb. V, 2. J'y suis couru, Racine, Bérén. II, 1. Les grammairiens condamnent cet emploi, disant que courir exprimant une action ne peut recevoir l'auxiliaire être. Mais venir exprime aussi une action et ne s'en conjugue pas moins avec l'auxiliaire être. Ici encore l'usage est pour l'auxiliaire avoir ; l'auxiliaire être est très peu usité, mais est également correct ; dans l'ancienne langue il était de plein usage.

3. L'usage trouve cours-je ? trop dur, ou du moins (car courge a le même son et n'est pas rejeté) nous ne sommes pas habitués à renverser ainsi les verbes monosyllabiques ; on tourne la phrase en : est-ce que je cours ?

HISTORIQUE

XIe s. Si s'en commourent tote la gent de Rome ; Plus tost i vint ki plus tost i peut curre, St-Alexis, CIII. [Il] Plus curt à pied que ne fait un cheval, Ch. de Rol. LXIX. Puis sont montez sur leur curanz destriers, ib. LXXXVIII. Son cheval [il] broche, laisse curre à esforz, ib. XCI. Rolant [il] regarde, puis si lui est curut, ib. CLIII.

XIIe s. Li destrier [il] broche, il cort par tel randon…, Ronc. p. 52. Puis [il] laisse corre tout une randonnée, ib. Rolant le vit, sel [si le] corut à aider, ib. p. 96. Par toute Espaigne là où corent mes lois, ib. p. 122. Tres qu'es chevols lui est li brans [l'épée] coru, ib. p. 145. Saisne lui corrent sus par vertu et par ire, Sax. X. L'aigue lui cort du cuer parmi les oilz à rais, ib. X. Jo n'ai pas trait m'espée, ne jo ne li cur sure, Th. le mart. 36. Quant l'arcevesque veit que tuit li curent sure, ib. 107.

XIIIe s. Les larmes de son cuer corrent de tel ravine, Que ses mantaus en mouille et ses bliaus d'ermine, Audefroi le Bastard, Romancero, p. 24. Einsi coururent par mer tant qu'ils vindrent à Cademalée, en un tres pas [cap] qui sied seur mer, Villehardouin, LX. Chascuns i est couru la merveille esgarder, Berte, III. [Une ourse] Qui vers lui s'en venoit courant gueule baée, ib. XLVI. Courant [elle] vint à sa mere, n'i fit pas long delai, ib. LVII. Sachiez, ce jour [il] i ot maint grant destrier couru, ib. CXXXVII. Bruiant et Bernart et Beaucent As armes corent maintenant, Ren. 26940. Que trop par est ma pance plaine ; Au core [à courir] me faudroit [manquerait] l'alaine, ib. 20668. Ausinc cuer qui d'amer ne cesse, Ne queurt pas tous jors d'une lesse, la Rose, 7594. Qui cercheroit jusqu'en Cartage, Et d'Orient en Occident… Et corust tous jors sans paresce, Tant cum porroit, grant aleüre, ib. 5399. Lor nature est que doivent corre Por la gent aidier et secorre, ib. 5201. Ne jà n'aura [le marchand] assés acquis, Se crient [s'il craint] perdre l'avoir acquis, Et queurt après le remanant Dont jà ne se verra tenant, ib. 5093. Onques mès n'avoie veüe Cele iave [eau] qui si bien coroit, ib. 115. Encor apartient au baillif que char soit vendue à droit pris, et les autres viandes, et que droites mesures corgent, Liv. de just. 70. Toutes crient ensemble : Ce soit à Dieu plaisir ! Aus osteus sont corutes por les bordons saisir, Ch. d'Ant. VIII, 471. Et s'el lait l'an et le jor passer, toz li tans sera courus contre li, Beaumanoir, LXV, 17. Autre matiere noz quort sus, si noz soufrerons à tant [nous arrêterons ici], Beaumanoir, XLVI, 12. Il sanlleroit qu'il peust plus laissier du quint de son heritage, se li torfès et les detes ne sont si grant que tout y quore [y passe, y soit employé], Beaumanoir, XII, 6. Une coustume quort entre les procureurs en la cort de crestienté, laquele ne quort pas en cort laie, Beaumanoir, LXV, 83. Quant ce fu fait, il le mistrent en la fosse avec son seigneur et avec le cheval tout vif, et puis lancerent sus la fosse planches bien chevillées, et tout l'ost courut a pierres et à terre, Joinville, 266. Et pour ce la renommée couru en estranges terres, dont maint marcheant lessierent à venir en l'ost [renoncèrent à venir], Joinville, 217. Mort, vielz et jeunes, nous queurt seure ; Mort nous prent, nous ne gardons l'eure, J. de Meung, Tr. 1345.

XIVe s. En la maniere que aucuns servans vistes et hastis qui s'en cuerent executer avant que il aient oÿ tout le commandement, Oresme, Eth. 205. Si comme un cheval quant il queurt bien ou porte bien, il est bon, Oresme, ib. IX, 15.

XVe s. Le comte de Flandre dit : Je m'esmerveille de ces Anglois qui me queurent sus et prennent mon pays…, Froissart, II, II, 207. Et fut la cité de Vennes toute courue et robée [après la prise d'assaut], Froissart, I, I, 199. Si comme renommée keurt, Froissart, II, II, 53. Et passerent là une riviere qui y queurt, qui se fiert en l'Escaut, et vient d'amont devers Arleux…, Froissart, I, I, 79. En priant Dieu, digne pucelle, Qu'il vous doint longue et bonne vie, Qui vous ayme, ma damoiselle, Jà ne coure sur lui envie, Orléans, Bal. 102. C'est qu'entre tous court voix et renommée De pis avoir pour le pueple et l'eglise, Deschamps, Souffrances du peuple. Male bouche tient bien grand court ; Chascun à mesdire estudie ; Faulx amoureux au temps qui court Servent tous de goliardie, Chartier, La belle dame sans merci. Il envoya à Callais trois ou quatre cens hommes qui coururent tout le pays de Boullenoys, Commines, III, 6. Et la riviere couroit entre nous et eux, Commines, VIII, 7. Je vous enjoins que vous gardez de jamais courir votre cheval en la vallée, Louis XI, Nouv. LII.

XVIe s. Plustost le Rosne en contre-mont courra, Marot, I, 225. Lors que la peur aux talons met des ailes, L'homme ne sçait où s'enfuir, ne courre, Marot, III, 8. Ce livre court pieça ez mains des gents d'entendement, Montaigne, I, 206. Ils se coururent sus, l'espée au poing, Montaigne, I, 256. Tout ce qui est soubs le ciel court une loy et fortune pareille, Montaigne, II, 166. Ceulx qui ont abbregé leurs jours à courir toute la terre habitable, Amyot, Préf. VII, 33. Theseus, voulant courir la mesme fortune que feroient ses citoyens, s'offrit voluntairement à y estre envoyé, Amyot, Thesée, 19. Quand ilz furent depuis parvenus en aage d'hommes, ilz coururent sus à Tarchetius, et le desfeirent, Amyot, Rom. 3. Il trouva la riviere si enflée et courant si roide, qu'il ne s'oza approcher du fil de l'eau, Amyot, ib. 4. Aussi tost qu'ilz apperceurent le signe, ils s'en coururent çà et là enlever les filles des Sabins, Amyot, ib. 20. Hieron envoya à la feste des jeux olympiques, des chevaux pour courir, Amyot, Thém. 47. Ici fait son dernier sejour Euchidas qui d'icy courut jusqu'en Delphes, et racourut de là icy en un seul jour, Amyot, Arist. 50. Il soublagea un peu les debteurs, en retranchant partie des usures qui couroient sur eulx, Amyot, César, 48. Dès le printemps de l'année que nous courons, D'Aubigné, Hist. III, 268. Humer et souffler, courir et corner, n'est pas chose à tolerer, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 305.

ÉTYMOLOGIE

Bourg. cori ; Berry, courre ; picard, keurir ; provenç. et esp. correr ; ital. correre ; du latin currere. L'ancienne conjugaison est courre, corre, reproduisant l'accent latin cúrrere ; c'est de là que vient le futur, je courr-ai ; s'il venait de courir, il serait je courir-ai, les futurs venant de l'auxiliaire avoir combiné avec l'infinitif. Courir provient d'un changement de la conjugaison latine, currire pour cúrrere, changement qui n'est pas rare.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

COURIR. Ajoutez :
33Se courir, v. réfl. En termes de turf, se dit du prix disputé dans une course. Le prix du Jockey-club se court à Chantilly sur une piste de 2400 mètres.