« vide », définition dans le dictionnaire Littré

vide

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vide

(vi-d') adj.
  • 1Qui ne contient rien, ou qui n'est rempli que d'air. Sa bourse est vide. Il a l'estomac vide. La cruche au large ventre est vide en un instant, Boileau, Lutr. I. Bradley a découvert que la lumière qui vient de Sirius à nous n'est pas plus retardée dans son cours que celle du soleil ; si cela ne prouve pas un espace vide, je ne sais ce qui le prouvera, Voltaire, Lett. au roi de Pr. 15 avr. 1739. On peut démontrer que le volume de la substance même la plus dense contient encore beaucoup plus d'espace vide que de matière pleine, Buffon, Hist. min. Introd. Œuv. t. VI, p. 409. Galilée observa les effets des pompes aspirantes, et, s'étant assuré que l'eau n'y monte qu'à trente-deux pieds, et qu'au delà le tuyau demeure vide, il conclut qu'on n'avait point connu la vraie cause de ce phénomène, Condillac, Traité des syst. ch. 16.

    Avoir le cerveau vide, se dit de la faiblesse de tête qu'on éprouve par le défaut de nourriture.

    Jument vide, jument qui ne porte pas, qui n'est pas pleine.

    Un habit brodé tant plein que vide, un habit où les parties brodées occupent autant d'espace que les parties vides de broderie.

    En architecture, tant plein que vide, voy. PLEIN 1, n° 16.

    Vide se dit en parlant des massifs de maçonnerie dans lesquels on a pratiqué des cavités ou des chambrettes.

  • 2 Par extension, qui n'est pas occupé. Théâtre vide. Place vide. On nous place près de la porte sur un banc qui se trouva vide, Genlis, Ad. et Th. t. II, p. 61, dans POUGENS.

    Fig. Laisser la place vide à, laisser liberté de. Heureux père et mari, ma fuite et leur tombeau Laissent la place vide à ton hymen nouveau, Corneille, Méd. v, 7.

    En parlant des pièces dramatiques, le théâtre, la scène est vide, reste vide, se dit quand les acteurs d'une scène sortent, avant qu'aucun de ceux de la scène suivante soit entré.

    Terme de jeux. Faire vide, se dit quand un joueur blouse toutes les billes qui sont sur le tapis, ou les fait sauter hors du billard.

    Les mains vides, les mains dégarnies, ne portant rien. Tout le monde sait sa réponse à ceux qui lui reprochaient [à Bias] de sortir les mains vides de sa ville abandonnée au pillage des ennemis : J'emporte tout avec moi, Diderot, Opin. des anc. phil. (Grecs).

    Mains vides, mains dégarnies d'argent, en parlant de celui qu'on laisse aller sans lui rien donner. Vous ne laisserez pas aller les mains vides celui à qui vous donnerez la liberté, Sacy, Bible, Deutéron. XV, 13.

    Mains vides, mains dégarnies d'argent à donner, de présent à faire, quand il s'agit de solliciter ou d'obtenir quelque chose. Il ne vient jamais les mains vides. On ne paraît pointaux Indes les mains vides devant les personnes constituées en dignité, Bernardin de Saint-Pierre, Chaum. indienne.

    Fig. Allons à Dieu et n'y allons pas les mains vides, Bourdaloue, Myst. Épiphan. t. I, p. 121.

    Fig. Les mains vides signifie aussi sans faire de profits illicites ou non. C'est un honnête homme, il est sorti de hautes fonctions les mains vides.

  • 3Dépourvu de. Un autel vide d'offrandes. L'un meurt vide de sang, l'autre plein de séné, Boileau, Art p. IV. Que dis-je ? en quel état croyez-vous la surprendre [Rome] ? Vide de légions qui la puissent défendre, Racine, Mithr. III, 1. Allez ; et dans ses murs [de Troie], vides de citoyens, Faites pleurer ma mort aux veuves des Troyens, Racine, Iphig. v, 2.
  • 4 Fig. Où il n'y a point d'occupation, d'affaires, d'événements. Tout ce qui est vide dans les temps de faction et d'intrigue, passe pour mystérieux à tous ceux qui ne sont pas accoutumés aux grandes affaires, Retz, Mém. t. II, liv. III, p. 482, dans POUGENS. Qu'importe à l'histoire de diminuer ou de multiplier des siècles vides, où aussi bien l'on n'a rien à raconter ? Bossuet, Hist. I, 12.

    Un temps vide, un temps libre d'occupations. Pour remplir des moments que la variété des plaisirs laisse encore vides, Massillon, Carême, Prière, 2.

  • 5 Fig. Qui manque de, au moral, en parlant des personnes. Je ne pense qu'à vous ; si par un miracle… vous étiez hors de ma pensée, il me semble que je serais vide de tout, Sévigné, 8 avr. 1671. Jusque-là mon cœur, plein de vains désirs et vide de biens solides, sera toujours dans l'agitation et dans le trouble, Bourdaloue, Sur la récompense des saints, 1er avent, p. 26. Vide de vous et rempli de lui-même, Son amour-propre extrême, Au plus touchant récit, au trait le plus brillant, à l'éloquence la plus vive Refuse de prêter une oreille attentive, Delille, Convers. II.

    Vide de soi-même, exempt d'amour-propre. Plus nous sommes vides de nous-mêmes, plus nous avons de disposition à être remplis de Dieu, Guez de Balzac, Socr. chrét. 6. Toujours vide de lui-même et plein des autres, son amour-propre [de Corbinelli] est l'intime ami de leur orgueil, car il ne les offense point, Sévigné, 11 sept. 1689.

    Absolument. Qui manque des vrais biens. Si la reine avait été plus fortunée, son histoire serait plus pompeuse ; mais ses œuvres seraient moins pleines, et avec des titres superbes elle aurait peut-être paru vide devant Dieu, Bossuet, Reine d'Angl. C'est elle [l'avarice] qui, trouvant l'âme pauvre et vide au dedans, la pousse au dehors, Bossuet, la Vallière.

    Avoir la tête vide, avoir peu d'idées. Ma tête est vide comme une lanterne, Mlle de L'Espinasse, Lett. t. I, p. 216, dans POUGENS.

    Avoir le cœur vide, manquer d'affections et de sentiments.

  • 6 Fig. Qui manque de certaines conditions intellectuelles ou morales, en parlant des choses. Quand je vous ai dit que la grandeur et la gloire n'étaient parmi nous que des noms pompeux, vides de sens et de choses, Bossuet, Duch. d'Orl. Que pouvons-nous entendre par ces mots : voir tout en Dieu ? ou ce sont des paroles vides de sens, ou elles signifient que Dieu nous donne toutes nos idées, Voltaire, Philos. Comm. sur Malebranche.

    Scène vide, acte vide, scène, acte sans événement, sans action, sans incident. Que l'action, marchant où la raison la guide, Ne se perde jamais dans une scène vide, Boileau, Art p. III.

  • 7 Fig. Qui offre des lacunes. Rien n'est vide, tout se touche, tout se tient dans la nature ; il n'y a que nos méthodes et nos systèmes qui soient incohérents, Buffon, Ois. t. XIV, p. 27.
  • 8 Fig. Sans vertu, sans efficacité. Ce ne sont plus ici des temples vides, semblables à celui de Jérusalem, où tout se passait en ombre et en figure, Massillon, Carême, Temples. Il [Dieu] ouvrira vos cœurs à nos instructions, et sa parole ne retournera pas à lui vide, Massillon, ib.
  • 9 S. m. Espace vide. Il est défendu de laisser du vide dans la minute d'un acte. Le vent a abattu des arbres et fait des vides dans vos allées. Il [un homme riche devenu gêné] emprunte de tous côtés pour se cacher à lui-même sa misère, il remplit par ce moyen en quelque façon le vide de sa maison, Bossuet, la Vallière. Comme vous n'avez pas tous les jours des livres nouveaux qui méritent votre examen, ces petits morceaux de littérature rempliront très bien les vides de votre journal, Voltaire, Mél. litt. Cons. à un journ. Pièc. de poés. L'on peut démontrer que l'or, qui est la matière la plus dense, contient beaucoup plus de vide que de plein, Buffon, Quadr. t. IV, p. XLII. Les vides et les cavernes n'ont pu se former que dans la croûte extérieure, [de la terre], Buffon, Not. just. Ép. nat. t. XIII, p. 249.
  • 10En architecture, toute ouverture ou baie dans un mur, tout espace entre les poteaux d'une cloison ou les solives d'un plancher.

    Les pleins et les vides, voy. PLEIN 1, n° 16.

    Ce mur pousse au vide, il perd son aplomb.

  • 11 Terme de métallurgie. Vide d'un fourneau, la cuve.
  • 12L'espace vide qui est entre les corps célestes. Comment percer des airs la campagne profonde ? Percer Mars, le soleil et des vides sans fin ? La Fontaine, Fabl. VIII, 16. La constance du mouvement des astres, qui subsiste depuis des millions d'années sans altération, a persuadé à Newton que ces grands corps nagent dans le vide, Bailly, Hist. astr. mod. t. II, p. 609. Qui dirige la course éternelle et rapide Des mondes emportés dans les plaines du vide ? Saint-Lambert, Sais. I.
  • 13 Terme de physique. Espace qui ne contient point d'air. Sur le sujet du vide, ils [les anciens] avaient droit de dire que la nature n'en souffrait point, parce que toutes leurs expériences leur avaient toujours fait remarquer qu'elle l'abhorrait et ne le pouvait souffrir ; mais, si les nouvelles expériences leur avaient été connues, peut-être auraient-ils trouvé sujet d'affirmer ce qu'ils ont eu sujet de nier par là que le vide n'avait point encore paru, Pascal, Frag. d'un traité du vide. Qu'y a-t-il de plus absurde que de dire… que des corps inanimés ont des passions, des craintes, des horreurs ?… de plus, que l'objet de cette horreur fût le vide ? qu'y a-t-il dans le vide qui puisse leur faire peur ? Pascal, Pens. XXV, 207, édit. HAVET. Torricelli, son disciple et son successeur [de Galilée], imagina la fameuse expérience du vide, qui a donné naissance à une infinité de phénomènes tout nouveaux, Fontenelle, Préf. Acad. des sciences. Ce n'est que depuis l'invention de la machine du vide et les expériences des pendules, qu'on est assuré que la matière est toute également pesante ; on a vu, et peut-être l'a-t-on vu avec surprise, les corps les plus légers tomber aussi vite que les plus pesants dans le vide, Buffon, Ess. arithm. mor. t. x, p. 209. Les animaux qui n'ont qu'un ventricule au cœur, comme les reptiles et les poissons, soutiennent sans péril un vide de plusieurs heures, Brisson, Traité de phys. t. II, p. 123.

    Vide pneumatique, ou vide de Boyle, celui qui est produit au moyen de la machine pneumatique.

    Vide de Torricelli, ou vide barométrique, l'espace compris entre le sommet de la colonne mercurielle et l'extrémité close du tube. Vide absolu, ou, simplement, vide, espace supposé vide de toute matière. Je m'accommode assez, pour moi, des petits corps ; Mais le vide à souffrir me semble difficile, Molière, Fem. sav. III, 2. Parce, dit-on, que vous avez cru dès l'enfance qu'un coffre était vide, lorsque vous n'y voyiez rien, vous avez cru le vide possible, Pascal, Pens. III, 3. L'attraction et le vide, bannis de la physique par Descartes et bannis pour jamais selon les apparences, y reviennent ramenés par M. Newton, armés d'une force toute nouvelle dont on ne les croyait pas capables, et seulement peut-être un peu déguisés, Fontenelle, Newton. Zénon d'Élée voulut qu'il n'existât pas de vide dans la nature, Lévesque, Instit. Mém. sc. mor et pol. t. I, p. 263. Leucippe admettait le vide ; il imagina des atomes, principes constituants de tout ce qui existe, ID. ib. p. 265.

  • 14Action d'écarter les personnes. Cet homme est méprisé, on fait le vide autour de lui.

    Faire le vide dans une contrée, en emmener les habitants, les bestiaux, les provisions. En 1812, l'armée russe fit le vide devant les Français.

  • 15 Fig. Absence, interruption dans ce qui occupe ou charme. Ces quinze livres quatre sous ne le mèneront pas fort loin, à moins que son industrie ou quelque commerce particulier ne remplisse les vides du temps qu'il ne travaillera pas, Vauban, Dîme, p. 99. Pour ne laisser aucun vide dans les plaisirs, Hamilton, Gram. 10. Le métier de la guerre a des vides fréquents et quelquefois considérables, abandonnés ou à une oisiveté entière ou à des plaisirs qu'on se rend témoignage d'avoir bien mérités, Fontenelle, Marsigli. Elle [l'étude] remplit utilement les vides de la journée qui pèsent si fort à tant de personnes, Rollin, Traité des Ét. t. I, Disc. prélim. Mettre à profit les vides que laissent les affaires, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. I, p. 566, dans POUGENS. Ma détestable santé me met quelquefois dans l'impuissance de penser et d'écrire ; cela met dans ma vie des vides effroyables, Voltaire, Lett. en vers et en prose, 32. Il avait beaucoup plus à remplir le vide de son temps que celui de son âme, Condorcet, Maurepas. Plus les plaisirs ont été vifs [dans la jeunesse], plus le vide qu'ils laissent, lorsque l'habitude en a flétri les premiers charmes et dissipé les illusions, devient difficile à remplir, Condorcet, Courtanvaux. Ce vide qu'éprouvent les ministres déplacés, lorsqu'ils n'ont rien à substituer ni aux grands objets qui les ont occupés, ni à ces agitations qui fatiguent et qu'on préfère à l'ennui, Condorcet, Maurepas.
  • 16 Fig. Lacune. Il n'y a point de vide qu'on ne doive regretter dans une vie dont les moindres particularités ont eu quelque chose de divertissant, Hamilton, Gram. 5. N'y a-t-il pas visiblement un vide entre le singe et l'homme ? Voltaire, Dict. phil. Chaîne des êtres. Ce vide que nous remarquons entre le végétal et le minéral, se remplira apparemment quelque jour ; il y avait un semblable vide entre l'animal et le végétal, Bonnet, Contempl. nat. Œuv. t. VIII, p. 197, dans POUGENS. Les découvertes brillantes laissent presque toujours entre elles et les vérités qui les ont précédées, un vide qu'il faut remplir, Condorcet, d'Arci.
  • 17 Fig. Il se dit par rapport aux choses ou aux personnes dont on vient d'être privé. La pauvre Mme de la Fayette ne sait plus que faire d'elle-même ; la perte de M. de Larochefoucauld fait un si terrible vide dans sa vie, qu'elle en comprend mieux le prix d'un si agréable commerce, Sévigné, 416. Vous trouverez un grand vide dans la maison, Bossuet, Lett. quiét. 473. La perte qu'elle [Mme des Ursins] fit du cardinal de la Trémoille ne laissa pas de lui faire un vide, Saint-Simon, 389, 258. À peine eus-je perdu mon mari que tu remplis le vide qu'il avait laissé dans mon cœur ; de son vivant, il en partageait avec toi les affections, Rousseau, Hél. IV, 2. Vous n'avez que trop raison, sire, sur la décadence où tout est tombé, et sur le grand vide que laisse la mort de Voltaire, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 19 sept. 1779.
  • 18 Fig. État d'une âme sans attache. Le secret d'entretenir toujours une passion, c'est de ne pas laisser naître aucun vide dans l'esprit en l'obligeant de s'appliquer sans cesse à ce qui le touche si agréablement, Pascal, Pass. de l'amour. Rien n'est si insupportable à l'homme que d'être dans un plein repos… il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide, Pascal, Pens. XXV, 26. Elle [l'âme] trouve en soi-même un vide infini que Dieu seul pouvait remplir, Bossuet, la Vallière. En chassant Dieu de notre cœur, qui le remplissait tout entier, le péché y a laissé un vide affreux et une indigence extrême, Massillon, Profess. relig. Serm. 3. Quelle proportion ont-ils pu concevoir entre le vide supposé de notre cœur et un objet infini ? Boullainvilliers, Réfut. de Spinosa, p. 192.
  • 19 Fig. Vide de, manque de. Ne doit-il pas [le mauvais prêtre] en chercher la cause [du peu de succès de son ministère] plus dans sa tiédeur, dans le relâchement de sa piété, dans le vide de l'esprit de Dieu, qu'il a laissé éteindre en lui… que dans l'endurcissement de son peuple ? Massillon, Conf. Retr. pour des curés. Ce vide d'idées et ce vain bruit de paroles, si ordinaire dans les ouvrages de cette espèce, D'Alembert, Éloges, Mongin.
  • 20Vanité, nullité, néant. Moins vous êtes heureux dans votre élévation, plus vous devez sentir le vide de tout ce qui fait l'agitation et l'empressement des autres hommes, Massillon, Carême, Prosp. temp. Elle [l'âme] voit ce qu'elle n'avait jamais vu, ses devoirs, ses espérances… le vide de toutes les créatures, l'abus de tous les plaisirs, Massillon, Carême, Inconstance. Sentant ce vide affreux de ma grandeur suprême, Voltaire, Sémiram. III, 1.

    Se dit avec le même sens en parlant de personnes. [Villeroy] nulle lecture, nulle instruction ; force vent et parfait vide, Saint-Simon, 392, 64.

  • 21À vide, loc. adv. Sans contenir rien, sans rien porter, sans rien recevoir. La voiture s'en va à vide. Jusqu'à ce qu'il finisse par tout jeter et retourne à vide, Rousseau, Ém. III. Aucun ne sortait de chez elle à vide, Rousseau, Confess. v.

    Fig. Quoi ! ce bienheureux logement, Dont je me montrai tant avide, Me fut donc promis vainement, Et j'ai fait malheureusement Tant de remerciements à vide ? Scarron, Œuv. t. VII, p. 259. Vous êtes plaisante avec vos remerciements… c'est être à vide de reconnaissances, comme vous l'étiez, il y a un an, de désespoirs, Sévigné, 6 mai 1671.

    Terme de musique. Corde à vide, celle qu'on fait résonner dans toute sa longueur. On dit de même : Jouer à vide. On peut donner à la première corde à vide le nom qu'on veut, Diderot, Musiq. des anc.

    Mâcher à vide, remuer les mâchoires sans rien avoir dans la bouche. [Il] alléguait Simonide, Qui dit, pour être sain, qu'il faut mâcher à vide, Régnier, Sat. x. Ne pouvant trouver des pensées nouvelles, ils [les auteurs des discours académiques] ont cherché des tours nouveaux, et ont parlé sans penser, comme des gens qui mâcheraient à vide, et feraient semblant de manger en périssant d'inanition, Voltaire, Lett. sur les Anglais, 24, sur les Académies.

    Par extension. Parlez haut, parlez haut, sans tant mâcher à vide, Scarron, D. Japhet d'Arm. III, 16.

    Fig. Mâcher à vide, se repaître de vagues espérances, et aussi n'avoir que des idées creuses et sans réalité. Écrire vaguement et sans avoir rien à dire, c'est mâcher à vide, c'est parler pour parler, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 4 juin 1764.

    Fermer une serrure à vide, tourner le pêne, mais sans le faire entrer dans la gâche. En passant contre la petite porte de communication, je m'aperçus qu'elle était entr'ouverte ; Brégi avait fermé à vide la serrure, Genlis, Mlle de la Fayette, p. 82, dans POUGENS.

    Terme de métallurgie. Frapper à vide, frapper sur l'enclume, non sur la pièce.

HISTORIQUE

XIe s. Que mort [il] l'abat en une voide place, Ch. de Rol. CXIII.

XIIe s. Fait Robert : la terre est voide del traïtur Qui voleit la corune tolir à sun seignur, Th. le mart. 155.

XIIIe s. Le chief ai vuit et estoné Du duel [deuil], et de l'ire et del pens Dont tot est devoiez mon sens, Ren. 15898. Et por ce est il bon à le [la] dame, se ele met les teres wides d'une part et les plaines d'autre, que ele face retenue que li oir ou li executeur prennent les terres plaines, Beaumanoir, XIII, 24. Ou li manniers [meunier] par malvese garde lait courre son molin à wit…, Beaumanoir, XXXVIII, 19. Mais s'il le sentent vuit de science et de mors [mœurs], J. de Meung, Test. 701. Cele foi est vuide qui est sans oevre, Latini, Trésor, p. 461. Cil qui ira à borse vuide Est bien fols, se trover i cuide Biau geu, biau ris ne bele chiere, Rutebeuf, II, 41.

XIVe s. Le vieu qui est es corps est cause de legiereté, Oresme, Thèse de MEUNIER.

XVe s. Le pays estoit tout vuide et despourvu de gens d'armes de la partie des Anglois, Froissart, II, II, 10. Quand ils ont tant mangé de chairs mal cuites que leur estomac leur semble estre vuit et affoibli, Froissart, I, I, 34. À vuide main fait on le sourt, Nulz n'a ce qu'il a demandé, Qu'on ne lui die : ostende, Deschamps, Poésies mss. f° 525. Ô homme vain et vuid de tout bien, de quoy te peuz-tu complaindre ? Intern. consol. II, 13.

XVIe s. Uses hardiment de l'adjectif substantivé, comme le liquide des eaux, le vuide de l'air, Du Bellay, J. I, 32, verso. Nos coffres sont quasi tousjours aussi vuides d'or, que la teste d'un amoureux passionné est vuide de raison, Lanoue, 164. Pour employer le temps qui me demeuroit vuide, je me suis mis à revoir ce que j'avois traduit, Amyot, Épît. Voyans qu'il falloit ainsi retourner les mains vuides en leurs maisons, Amyot, Cam. 19. Celles [fourmis] qui sont vuides font place à celles qui sont chargées, à fin qu'elles passent à leur aise, Paré, Animaux, 8. L'ambition n'a point de borne ; c'est un gouffre qui n'a ni fond ni rive ; c'est le vuide que les philosophes n'ont encores pu trouver en la nature, Charron, Sagesse, I, 21. De mains vuides prieres vaines, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Wallon, vûd ; bourguig. veude ; picard, uide ; génev. vuide ; provenç. voig, vuei, vuech, voh ; catal. vuyd ; du lat. viduus, qui veut dire veuf.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

VIDE. Ajoutez :
23 Terme de grammaire. Dans les langues isolantes, mot vide, mot qui, dans un composé, a perdu sa valeur propre et ne joue qu'un rôle de suffixe, par opposition à mot plein, mot qui, dans ce même composé, a gardé sa valeur.

ÉTYMOLOGIE

Ajoutez : La dérivation de vide par viduus a été attaquée par MM. Schuchardt et Thomsen (Romania, avril 1875, p. 256 et 257). Il est certain que viduus a donné régulièrement vedve dans le français ancien, veuf dans le français moderne, et qu'il est difficile d'en tirer vuide ou voide (angl. void), qui sont les anciennes formes. En conséquence MM. Schuchardt et Thomsen, indépendamment l'un de l'autre, ont eu recours à un mot du latin populaire vocitus, rendu vide. Du moins on sait qu'à côté de la forme classique vacare, être vide, vacant, il y a une forme populaire qui substitue l'o à l'a : vocare pour vacare, vocatio pour vacatio, vocivus pour vacivus. Vocitus rend compte de l'ancienne forme française voide ou vuide et de l'italien vuoto, voto. Il est probable que là est la vraie étymologie.