« maître », définition dans le dictionnaire Littré

maître

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

maître

(mê-tr') s. m.

Résumé

  • 1° Celui qui commande soit de droit soit de fait.
  • 2° Celui qui possède des esclaves.
  • 3° Roi, empereur, prince souverain.
  • 4° Celui qui par la force entre en possession, en domination.
  • 5° Il se dit des choses abstraites dont on dispose comme un maître fait de ce qu'il possède.
  • 6° Propriétaire.
  • 7° Celui qui enseigne quelque art ou quelque science.
  • 8° Fig. Celui qui enseigne, instruit, sans être un maître d'enseignement.
  • 9° Celui qui est savant, expert, éminent en quelque art ou science.
  • 10° Celui qui, après avoir été apprenti, était reçu avec les formes régulières dans quelque corps de métier.
  • 11° Qualification donnée à des artisans qui emploient ou dirigent plusieurs ouvriers, qui ont des ateliers, qui font des entreprises, etc.
  • 12° Maître clerc ; maître garçon ; maître valet, etc.
  • 13° Dans la marine, diverses significations du mot maître.
  • 14° Maître des hautes œuvres, des basses œuvres.
  • 15° Titre qu'on donne aux avocats, aux avoués et aux notaires.
  • 16° Il se dit familièrement en parlant à des gens de condition peu relevée et en parlant d'eux.
  • 17° Titre des personnes revêtues de certaines charges.
  • 18° Maître de chapelle.
  • 19° Maître d'hôtel.
  • 20° Anciennement, soldat cavalier.
  • 21° Il se joint à certains termes d'injure pour les renforcer, et aussi comme éloge à certaines qualifications.
  • 22° En termes de chasse, nom de certaines cordes.
  • 23° Petits-maîtres.
  • 1Celui qui commande soit de droit soit de fait. Le maître de la maison. Un maître de maison. Bon maître. Mauvais maître. C'est le Dieu des chrétiens, c'est le maître des rois, Corneille, Théod. III, 3. Flatter ceux du logis, à son maître complaire, La Fontaine, Fabl. I, 5. Jean Lapin allégua la coutume et l'usage : Ce sont, dit-il, leurs lois qui m'ont de ce logis Rendu maître et seigneur, La Fontaine, ib. VII, 16. J'ignore ce qu'au fond le serviteur peut être ; Mais pour homme de bien je garantis le maître, Molière, Tart. I, 1. Je n'aurais pas l'esprit d'être maître chez moi ? Molière, F. sav. V, 2. Servez donc ce roi immortel et si plein de miséricorde [Dieu]… et commencez à compter le temps de vos utiles services du jour que vous vous serez donnés à un maître si bienfaisant, Bossuet, Louis de Bourbon. Laborieux valet du plus commode maître Qui, pour te rendre heureux, ici-bas pouvait naître, Boileau, Ép. X. Andromaque, sans vous, N'aurait jamais d'un maître embrassé les genoux, Racine, Andr. III, 6. Comment un homme a-t-il pu devenir le maître d'un autre homme, et par quelle espèce de magie incompréhensible a-t-il pu devenir le maître de plusieurs autres hommes ? Voltaire, Dict. phil. Maître. Le sang de Jupiter aurait ici des maîtres ! Voltaire, Mérope, I, 2. Ce qu'il faut fuir n'est pas la campagne, mais la maison des grands et des princes, qui ne sont point les maîtres chez eux, et ne savent rien de ce qui s'y fait, Rousseau, Lett. à Mirab. Corr. t. VII, p. 16, dans POUGENS.

    Fig. J'aime fort la liberté et le libertinage de votre vie et de vos repas, et qu'un coup de marteau ne soit pas votre maître, Sévigné, 25 juill. 1689.

    Seigneur et maître, sorte de pléonasme dont on se sert quelquefois dans le langage familier. Il est ici seigneur et maître.

    Une femme dit quelquefois, par plaisanterie, en parlant de son mari : mon seigneur et maître.

    Il a bon maître, c'est-à-dire il est au service ou dans la dépendance d'un homme puissant qui saura le protéger.

    Un air de maître, ton, manières de commandement, de supériorité. Ce qui est rare, c'est l'air de maître avec lequel ce monsieur [un annotateur du Siècle de Louis XIV] ose dire…, Voltaire, Mél. hist. Suppl. au siècle de Louis XIV, I.

    Heurter, frapper en maître, frapper à la porte d'une maison plusieurs coups de suite, ou seulement un coup très fort. Cependant, sans délai, messieurs frappent en maître, Régnier, Sat. X. On frappe à l'huis ; le logis aux verrous Était fermé ; la femme à la fenêtre Court en disant : celui-là frappe en maître : Serait-ce point par malheur mon époux ? La Fontaine, Rémois. Quel bruit à descendre m'oblige, Et qui frappe en maître où je suis ? Molière, Amph. III, 5.

    On dit de même : sonner en maître.

    Parler en maître, avoir le ton du commandement. C'est a vous de sortir, vous qui parlez en maître, Molière, Tart. IV, 7. Pharnace croit peut-être Commander dans Nymphée et me parler en maître, Racine, Mithr. I, 1. Et [ces lieux] ne s'attendaient pas, lorsqu'ils nous virent naître, Qu'un jour Domitius me dût parler en maître, Racine, Brit. III, 8.

    Fig. Chercher maître, ne pas savoir encore de quel parti on se rangera, quelle opinion on adoptera soit en politique, soit en religion, etc.

    Être son maître, ne dépendre de personne. Ce jeune homme est devenu trop tôt son maître. Il a vingt-huit ans, il est son maître, il vous aime avec passion ; qui peut l'empêcher de vous épouser ? Genlis, Théât. d'éduc. I, 7.

  • 2 Particulièrement. Celui qui possède des esclaves. L'esclave n'a qu'un maître : l'ambitieux en a autant qu'il y a de gens utiles à sa fortune, La Bruyère, VIII. La raison veut que le pouvoir du maître ne s'étende point au delà des choses qui sont de son service, Montesquieu, Esp. XV, 12. Il fallut des lois terribles pour établir la sûreté de ces maîtres cruels, qui vivaient au milieu de leurs esclaves comme au milieu de leurs ennemis, Montesquieu, ib. Si un maître avait été tué dans un voyage, on faisait mourir ceux qui étaient restés avec lui, et ceux qui s'étaient enfuis, Montesquieu, ib. 16.
  • 3Roi, empereur, prince souverain. Seigneur, il est bien dur de se voir sous un maître Dont on le fut toujours, et dont on devrait l'être, Corneille, Pulch. II, 2. Qu'il est peu de sujets fidèles à leurs maîtres ! Corneille, Nicom. V, 8. Il fut maître paisible de tout l'Orient, Bossuet, Hist. I, 7. Le tyran se rendit le maître, Bossuet, Hist. I, 10. Nous voyons mourir tous les jours nos inférieurs, nos égaux, nos maîtres, Fléchier, Dauphine. Aussitôt, rassemblant nos lévites, nos prêtres, Je leur déclarerai l'héritier de leurs maîtres, Racine, Athal. I, 2. …pour le choix d'un maître Athènes se partage, Racine, Phèdre, I, 4. Et moi qui sur le trône ai suivi mes ancêtres, Moi fille, femme, sœur et mère de vos maîtres…, Racine, Brit. I, 2. Je vais donner, seigneur, un maître à Babylone, Voltaire, Sémiram. II, 7. Égisthe, avec les siens, d'un pas précipité, Vole, croit le punir, arrive et voit son maître, Voltaire, Oreste, V, 7.

    Mon maître, le roi mon maître, l'empereur mon maître, etc. expressions qu'emploient ordinairement les ambassadeurs ou autres agents d'un souverain, en pays étranger, lorsqu'ils parlent de lui.

    Maître du monde, possesseur d'une grande partie de la terre que par exagération on nomme le monde. Ce qui a le plus contribué à rendre les Romains maîtres du monde, c'est qu'ayant combattu successivement contre tous les peuples, ils ont toujours renoncé à leurs usages, sitôt qu'ils en ont trouvé de meilleurs, Montesquieu, Rom. 1.

    Maître du monde, se dit aussi de la puissance divine. Mais quand nous serions rois, que donner à des dieux ? C'est le cœur qui fait tout : que la terre et que l'onde Apprêtent un repas pour les maîtres du monde, La Fontaine, Phil. et Bauc.

    Il se dit enfin des souverains. Avant qu'ils [les fils des rois] sachent qu'ils sont hommes et qu'ils sont pécheurs, on leur apprend qu'ils ont des sujets, et qu'ils sont les maîtres du monde, Fléchier, Duc de Mont. Parle : peut-on le voir sans penser, comme moi, Qu'en quelque obscurité que le sort l'eût fait naître, Le monde en le voyant eût reconnu son maître ? Racine, Bér. I, 5.

    Les maîtres de la terre, les rois, les princes. Là se perdent ces noms de maîtres de la terre, D'arbitres de la paix, de foudres de la guerre ; Comme ils n'ont plus de sceptre, ils n'ont plus de flatteurs, Malherbe, I, 3.

    Le grand maître, Dieu. Qu'il fallait porter ma reconnaissance plus loin, et appliquer toute l'ardeur du génie à quelque nouvel essai de ses forces qui n'eût point d'autre but que le service de ce grand maître et l'utilité du prochain, Corneille, Ép. au pape Alexandre VII.

    Le grand maître, se dit aussi d'un homme qui a toute autorité. Le grand maître a parlé ; voudrez-vous l'en dédire, Vous qu'on voit après lui le premier de l'empire ? Corneille, Othon, II, 3.

    Le maître des humains, Dieu. Malheureux ! vous quittez le maître des humains Pour adorer l'ouvrage de vos mains ! Racine, Esth. II, 9.

  • 4Celui qui, par la force, entre en possession, en domination. Ayant battu les ennemis, il fut le maître de la campagne. Il resta maître du champ de bataille. Se rendre maître d'une place, d'une province, d'un poste.

    Se rendre maître de, arrêter les progrès. On ne put se rendre maître de l'émeute. Le jour favorisa les efforts du duc de Trévise ; il se rendit maître du feu ; les incendiaires se tinrent cachés, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 6.

    On dit dans le même sens : être maître de. Les magistrats furent enfin maîtres de la sédition. Être maître du feu.

    Fig. Se rendre maître de, acquérir la disposition de, manier, tourner à son gré. Se rendre maître des esprits, des cœurs. On ne leur laisse [aux peuples] plus rien à ménager quand on leur permet de se rendre maîtres de leur religion, Bossuet, Reine d'Anglet.

    Se rendre maître de la conversation, la diriger sur le sujet que l'on veut.

    Fig. Il a trouvé son maître, il a trouvé quelqu'un plus fort, plus savant que lui. C'était un querelleur, mais il a trouvé son maître.

    On dit dans le même sens : voir son maître. Ma plume t'apprendra quel homme je puis être. - Et la mienne saura te faire voir ton maître, Molière, Femmes sav. III, 5. On disait : il [Napoléon de Sainte-Hélène] va paraître ; Par mer il est accouru, L'étranger va voir son maître, Béranger, les Souvenirs du peuple.

    Vous êtes mon maître, se dit à celui par qui on a été vaincu dans quelque exercice, à un Jeu.

    On dit dans un sens analogue : Les Italiens sont nos maîtres en musique. g. Maître se dit de toutes les choses abstraites, intellectuelles, morales dont on dispose comme un maître fait de ce qu'il possède. Être maître de ses passions. On en voit qui ne sont pas toujours maîtres de leur peur, La Rochefoucauld, Max. 215. …à l'orgueil de ce traître, De mes ressentiments je n'ai pas été maître, Molière, Tart. V, 3. Ô ciel ! de mes transports puis-je être ici le maître ? Molière, Mis. IV, 3. Si j'étais maître de vos disputes, je vous interdirais le mot de Jansénius de part et d'autre, Pascal, Prov. 18. Il ne fut pas le maître de son émotion, Sévigné, 403. Dans le temps que nous voulons la députation pour mon fils, dont apparemment M. de Chaulnes sera le maître cette année, Sévigné, 25 juill. 1689. De quels yeux le regardions-nous [Louis XIV], lorsqu'aux dépens d'une santé si chère… et que, maître de sa douleur comme de tout le reste des choses, nous le voyions tous les jours… ? Bossuet, Louis de Bourbon. De quelle importance, de quel éclat, de quelle réputation au dedans et au dehors d'être le maître du sort du prince de Condé ! Bossuet, le Tellier. Il n'était point à Sparte entre tous ces amants Dont le père d'Hélène a reçu les serments ; Lui seul de tous les Grecs, maître de sa parole, S'il part contre Ilion, c'est pour moi qu'il y vole, Racine, Iph. II, 3. On est maître de la vie des autres quand on ne compte pour rien la sienne, Fénelon, Tél. XX.

    Être maître de soi, avoir de l'empire sur soi-même. Je suis maître de moi comme de l'univers, Corneille, Cinna, V, 3. Il ne disait, maître de lui-même, que ce qu'il voulait, Bossuet, le Tellier. Pygmalion paraît maître de tous les autres hommes, mais il n'est pas maître de lui-même, car il a autant de maîtres et de bourreaux qu'il a de désirs violents, Fénelon, Tél. III. J'admire et ne plains point un cœur maître de soi, Qui, tenant ses désirs enchaînés sous sa loi, S'arrache au genre humain pour Dieu qui le fit naître, Voltaire, 5e discours.

    Cet écrivain, cet orateur, ce poëte est maître de son sujet, de sa matière, il possède bien son sujet, sa matière, et est capable de les bien traiter.

    Ce chanteur est maître de sa voix, il la dirige avec facilité.

    Être le maître, être maître de faire quelque chose, avoir la liberté, le pouvoir de faire quelque chose. Achevez votre hymen, j'y consens ; mais du moins Ne forcez pas mes yeux d'en être les témoins… Différez-le d'un jour, demain vous serez maître, Racine, Andr. IV, 5. L'on me dit à l'oreille : il a cinquante mille livres de rente… si je commence à le regarder avec d'autres yeux, et si je ne suis pas maître de faire autrement, quelle sottise ! La Bruyère, VI. Maître de se venger, on pardonne aisément, Saurin, Spartac. V, 5.

    Absolument. Être le maître ou maître, dominer sans contestation.

    Fig. Hé bien, Phénix, l'amour est-il le maître ? Racine, Andr. II, 5.

    Vous êtes bien le maître, vous pouvez faire ce que vous voudrez. Çà, de quoi s'agit-il ? parlez, vous voilà maître ; Mais surtout soyez bref, Regnard, Fol. am. II, 5.

    Par civilité. Nous irons où il vous plaira, où vous voudrez, vous êtes le maître.

  • 6Propriétaire. Il est maître de cette terre, de ce château. Du palais d'un jeune lapin, Dame belette, un beau matin, S'empara : c'est une rusée ; Le maître étant absent, ce lui fut chose aisée, La Fontaine, Fabl. VII, 16. Dites moi, s'il vous plaît, monsieur, à qui peut être Le château que voilà. - Mais… il est à son maître, Regnard, Fol. am. I, 5.

    L'œil du maître, la surveillance, la sollicitude du propriétaire. Il n'est, pour voir, que l'œil du maître, La Fontaine, Fabl. IV, 21.

    Il trouvera maître, se dit d'un objet de quelque prix, égaré, et signifie : il y aura quelqu'un qui le réclamera ou qui se l'appropriera.

  • 7Celui qui enseigne quelque art ou quelque science. L'école normale est destinée à former des maîtres. Maître de langue. Maître de langue allemande. Maître de français. Il a pris aujourd'hui, pour renfort de potage, un maître de philosophie, Molière, Bourg. gent. III, 3. Son latin et son bon sens le rendent un bon écolier, et ma routine et les bons maîtres que j'ai eus me rendent une bonne maîtresse, Sévigné, 60. Nous attendons encore un maître italien, Regnard, le Distr. I, 4. Combien d'hommes illustres en tous genres n'ont eu d'autre maître qu'eux-mêmes, et n'en ont été que plus grands ! D'Alembert, Éloge de Perrault.

    Maître ès arts, celui qui avait reçu, dans une université, les degrés qui donnaient pouvoir d'enseigner les humanités et la philosophie. Le lion, pour bien gouverner, Voulant apprendre la morale, Se fit un beau jour amener Le singe, maître ès arts chez la gent animale, La Fontaine, Fabl. XI, 5.

    Maître des sentences, surnom de Pierre Lombard, au XIIe siècle, auteur d'un livre qui portait ce titre.

    Dans les communautés religieuses. Père maître, celui qui dirige les novices.

    Maître de pension, celui qui prend des enfants en pension pour les instruire

    Maître d'école, celui qui enseigne aux enfants dans une école publique les connaissances les plus élémentaires. Par cet endroit passe un maître d'école, La Fontaine, Fabl. I, 19. J'étais roi à Syracuse, je suis maître d'école à Corinthe, Barthélemy, Anach. ch. 63.

    Maître d'étude, celui qui, dans un lycée, collége ou pensionnat, surveille les élèves pendant les heures d'étude et de récréation.

    Maître de danse ou maître à danser, celui qui enseigne la danse. Mon petit maître à danser, je vous ferais danser comme il faut, Molière, Bourg. gent. II, 3. Si j'étais maître à danser, je ne ferais pas les singeries de Marcel, Rousseau, Ém. II.

    Maître de musique, maître de piano, etc. celui qui enseigne la musique, le piano, etc.

    Maître de chant ou maître à chanter, celui qui enseigne la musique vocale.

    Terme de manége. Avoir les pieds en maître à danser, avoir les pointes des pieds trop en dehors.

    Maître à danser, compas à l'usage des horlogers, dont les branches croisées ressemblent par le bas à deux jambes portant leurs pieds en dehors.

    Maître de ballet, celui qui dirige l'exécution des ballets.

    Maître de musique, nom donné au chef de la musique d'un régiment ; il a le grade de sergent-major.

    Maître de musique, musicien gagé pour composer de la musique ou la faire exécuter.

    Maître en fait d'armes ou maître d'armes, celui qui enseigne l'escrime. Monsieur, voilà votre maître d'armes qui est là, Molière, Bourg. gent. II, 2.

    Maître d'académie, écuyer qui tient un manége.

  • 8 Fig. Celui qui enseigne, instruit, sans être un maître d'enseignement. Il doit savoir qu'un jour il me fera raison D'avoir réduit mon maître [Annibal] au secours du poison, Corneille, Nicom. II, 3. Le maître qui prit soin d'instruire ma jeunesse Ne m'a jamais appris à faire une bassesse, Corneille, ib. Jamais un si digne maître n'avait expliqué par de si doctes leçons les commentaires de César, Bossuet, Louis de Bourbon. Mais Calchas est ici… Le ciel souvent lui parle ; instruit par un tel maître, Il sait tout ce qui fut et tout ce qui doit être, Racine, Iph. II, 1. Ses voisins firent à Rome une résistance inconcevable et furent ses maîtres en fait d'opiniâtreté, Montesquieu, Rom. 1.

    Jurer sur la parole du maître, suivre en tout et aveuglément les opinions d'un philosophe, d'un savant, d'un chef d'école.

    Dans un sens très analogue. Le maître l'a dit, c'est-à-dire il n'y a point d'objection à soulever, celui qui a toute autorité sur notre raison a prononcé (c'est une locution qui provient de l'école de Pythagore).

    Ce qui enseigne, instruit. Le temps est un grand maître, il règle bien des choses, Corneille, Sertor. II, 4. Il le faut avouer, l'amour est un grand maître, Molière, Éc. des f. III, 4. Les mauvais succès sont les seuls maîtres qui peuvent nous reprendre utilement, et nous arracher cet aven d'avoir failli qui coûte tant à notre orgueil, Bossuet, Reine d'Anglet. Instruit par le malheur, ce grand maître de l'homme, Voltaire, Brutus, I, 2. Ah ! celui qui a dit que le malheur était le grand maître de l'homme, a dit bien plus vrai qu'il n'a cru : il n'a vu dans le malheur qu'un maître de sagesse et de conduite ; il n'y a pas vu tout ce qu'il est, un plus grand maître de réflexions et de pensées, D'Alembert, Tomb. l'Espinasse. Le plaisir et la douleur, voilà donc nos premiers maîtres ; ils nous éclairent parce qu'ils nous avertissent si nous jugeons bien ou si nous jugeons mal, Condillac, Log. I, 1.

  • 9Celui qui est savant, expert, éminent en quelque art ou science. Il est maître en éloquence, en poésie. L'autre [Condé], comme un homme inspiré, dès la première bataille s'égale aux maîtres les plus consommés, Bossuet, Louis de Bourbon. Ce grand maître de la perfection chrétienne, et qui avait été instruit par Jésus-Christ même, Bourdaloue, 10e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. III, p. 263. Principe universellement reconnu parmi les pères et les maîtres de la vie spirituelle, Bourdaloue, Exhort. sur l'obéiss. relig. t. I, p. 277. Quant à la morale, celui qui a fourni à l'admirable Pope tous les principes de son Essai sur l'homme, est sans doute le plus grand maître de sagesse et de mœurs qui ait jamais été, Voltaire, Philos. Déf. de mil. Bolingbr. préf.

    Coup de maître, voy. COUP, n° 12.

    Main de maître, voy. MAIN.

    Les maîtres de la lyre, voy. LYRE.

    Il se dit particulièrement des grands peintres. Les maîtres de l'école française.

    Les petits maîtres, certain nombre de graveurs qui sont ainsi désignés dans les catalogues d'estampes.

    Fig. Celui qui excelle à. Vous seriez un grand maître à faire des romans, Corneille, Ment. I, 6. En matière de fourbe il est maître, il y pipe, Corneille, ib. III, 3. Mais il faut réserver à d'autres cet emploi [de vous louer, Mme de Montespan] ; Et d'un plus grand maître [Louis XIV] que moi Votre louange est le partage, La Fontaine, Fabl. VII, à Mme de Montespan.

    En maître, à la façon de celui qui excelle. Il écrit en maître. Que vous avez l'air tendre, Et qu'en maître déjà vous savez vous y prendre ! Molière, Mélic. II, 4. Celui qui, après avoir été apprenti, était reçu avec les formes régulières dans quelque corps de métier ; ce que l'on appelait passer maître. Il est passé maître. Quand on est fils de maître, on est bientôt savant, Boursault, Fables d'Ésope, III, 5. Qu'il fasse toujours son chef-d'œuvre, et que jamais il ne passe maître, Rousseau, Ém. III.

    Fig. et familièrement. Il est passé maître en…, c'est un homme habile en… soit qu'il s'agisse ou non d'une chose louable. Bien que maîtres passés en l'art de bien parler, Régnier, Sat. I. Celui-ci ne voyait pas plus loin que son nez ; L'autre était passé maître en fait de tromperie, La Fontaine, Fabl. III, 5. Que l'on m'amène un âne, un âne renforcé, Je le rendrai maître passé, La Fontaine, ib. VI, 19. Ô toi qui peins d'une façon galante, Maître passé dans Cythère et Paphos, La Fontaine, Imit.

    Par plaisanterie. Passer quelqu'un maître, ne pas l'attendre pour dîner.

    Maître juré, voy. JURÉ 2, n° 2.

    Terme de franc-maçonnerie. Celui qui a été reçu dans la chambre du milieu, qui dirige les apprentis et les compagnons.

  • 11Aujourd'hui, qualification donnée à des artisans qui emploient ou dirigent plusieurs ouvriers, qui ont des ateliers, qui font des entreprises, etc.

    Maître d'œuvre, l'ouvrier qui commande aux autres dans un atelier. Le vieux [castor] y fait marcher le jeune sans relâche ; Maint maître d'œuvre y court, et tient haut le bâton, La Fontaine, Fabl. X, 1.

    Maître de pelle, garçon boulanger chargé d'enfourner.

    Terme de pêche. Maître de grave, celui qui, après la pêche de la morue, est chargé de faire sécher sur la grève les poissons dont on veut faire du stockfisch.

    Ancien terme d'eaux et forêts. Maîtres des œuvres, se disait autrefois de ceux qui étaient chargés des constructions civiles et navales.

  • 12Maître clerc, celui qui, dans une étude de notaire ou d'avoué, est le premier des clercs.

    Maître garçon, celui qui est le premier entre ses compagnons dans une maison, dans une boutique, etc. Je suis, dit-il au sergent, le maître garçon de ce cabaret, Lesage, Diable boît. ch. 7, dans POUGENS.

    Maître valet, celui qui, dans une ferme, est à la tête des domestiques, et dirige l'exploitation sous le propriétaire ou fermier.

    Maître compagnon, celui qui conduit l'atelier pour le maître maçon et qui le remplace.

    Tambour maître ou maître tambour, celui qui dans un régiment apprend aux autres tambours à battre la caisse. Il ne faut pas confondre le tambour maître avec le tambour major, qui n'est que pour la parade.

  • 13 Terme de marine. Maître d'équipage, sous-officier qui a autorité sur tout l'équipage.

    Maître calfat, le chef des calfats.

    Maître canonnier, sous-officier qui commande aux canonniers et a le détail de tout ce qui touche à l'artillerie.

    Maître chargé, titre donné à un maître qui a la responsabilité d'un détail à bord ou dans un port.

    Maître haleur, titre donné dans quelques ports à un homme qui préside au halage des navires que le vent et la marée ne favorisent point assez pour pouvoir entrer dans le port, ou pour en sortir.

    Anciennement, patron de navire marchand, de navire de transport. Sa Majesté ayant été informée que quelques-uns des officiers subalternes se sont donné la liberté, pendant les campagnes qu'ils ont faites sur les vaisseaux, de frapper et maltraiter les maîtres desdits vaisseaux pour des causes légères ou par pur emportement, et voulant prévenir la suite d'un désordre aussi préjudiciable à son service…, Colbert à Vauvré, 1681, dans JAL.

    Maître valet, ancien nom du commis aux vivres ou cambusier.

  • 14Maître des hautes œuvres, le bourreau.

    Maître des basses œuvres, celui qui cure les puits, qui vide les fosses d'aisance.

  • 15 Terme de palais et de pratique. Titre qu'on donne aux avocats, aux avoués et aux notaires. Par-devant maître un tel notaire à Paris. J'ai vu dans le palais une robe mal mise Gagner gros ; les gens l'avaient prise Pour maître tel, qui traînait après soi Force écoutants, La Fontaine, Fabl. VII, 15.

    Titre qui était porté par tous les membres du parlement français.

    Maître ès lois, jurisconsulte.

    Compter de clerc à maître, voy. CLERC, n° 3.

  • 16Maître se dit familièrement en parlant à des gens de condition peu relevée et en parlant d'eux. Maître un tel, j'ai un mot à vous dire. Que veut dire ceci ? notre maître Simon [un usurier] qui parle à votre père ! Molière, Avare, II, 2.

    C'est dans ce sens que la Fontaine a donné à quelques animaux la qualification de maître. Maître corbeau, sur un arbre perché, Tenait en son bec un fromage, Fabl. I, 2.

    Maître gonin, voy. GONIN.

    Maître aliboron, voy. ALIBORON.

    Maître Jacques, voy. JACQUES.

  • 17Titre des personnes revêtues de certaines charges. Maître des requêtes. Maître des comptes. Maître des cérémonies. Maître de la garde-robe. Cinquante maîtres des requêtes déclarèrent d'une voix unanime toute la famille Calas innocente, et la recommandèrent à l'équité bienfaisante du roi, Voltaire, Comment. œuv. aut. Hen.

    On dit aussi grand maître des cérémonies, grand maître de la garde-robe, etc. Calingford était grand maître de sa maison [à M. de Lorraine] et à la tête de son conseil, Saint-Simon, 104, 113. C'est toujours au premier gentilhomme de la chambre, au grand maître des jeux et des plaisirs que j'ai l'honneur de m'adresser, Voltaire, Lett. Richelieu, 5 mai 1773.

    Grand maître de l'université de France, titre donné au chef de l'université sous le premier empire lors de la fondation de l'université impériale. C'est un des titres que prend le ministre de l'instruction publique.

    Maître du sacré palais, titre d'un religieux dominicain, qui demeure dans le palais du pape, et qui a la principale autorité pour examiner les livres, et pour donner la permission d'imprimer.

    Grand maître, titre donné aux chefs des ordres militaires, des ordres de chevalerie. Le grand maître de l'ordre de Malte. Le grand maître des Templiers

  • 18Maître de chapelle, celui qui est chargé de diriger le chant dans une église, et de former les enfants de chœur.

    Il se dit quelquefois pour maître de musique, mais seulement en parlant des orchestres d'Italie.

  • 19Maître d'hôtel, homme chargé de diriger tout ce qui concerne la table dans une grande maison. Vatel, le grand Vatel, maître d'hôtel de M. Fouquet, qui l'était présentement de M. le Prince, cet homme d'une capacité distinguée de toutes les autres, dont la bonne tête était capable de contenir tout le soin d'un État… s'est poignardé, Sévigné, 46. Pour la première fois je vis avec beaucoup d'étonnement le maître d'hôtel servir l'épée au côté et le chapeau sur la tête, Rousseau, Confess. III.

    Terme de cuisine. Sauce à la maître d'hôtel, sauce composée principalement de beurre frais, sel, poivre, filet de vinaigre et fines herbes hachées.

    Anciennement. Maître queux, le chef des cuisiniers dans une grande maison. Nous ferons ce soir une chère Chère ; Vous n'y recevrez, maître queux, Qu'eux [les archers], Hugo, Ball. 11.

  • 20Anciennement, soldat cavalier. M. de Saint-Thou, allant reconnaître un mouvement des ennemis, avec trente maîtres, en rencontra deux cents, Sévigné, 214. Il avait pris huit ou dix maîtres commandés par un officier de sa connaissance, Hamilton, Gramm. 5. Les maîtres [dans les gendarmes et les mousquetaires] ne sont point officiers, et ne veulent point passer pour cavaliers, Saint-Simon, 471, 234. Le maréchal de Villars, en 1707, envoya cinquante maîtres, pour la détruire [une prétendue colonne érigée par l'empereur en souvenir de la victoire de Blenheim] ; on ne trouva rien, Voltaire, Louis XIV, 19, note g. L'empereur rassembla autour de lui tous les officiers de cavalerie encore montés ; il appela cette troupe d'environ cinq cents maîtres, son escadron sacré, Ségur, Hist. de Nap. XI, 3.
  • 21Dans le langage familier, maître se joint quelquefois à certains termes d'injure, dont il augmente l'énergie. Taisez-vous, maître sot ; cette rue où nous sommes est celle que je cherche, Scarron, Jodelet ou le maître val. I, 1. Un jour, au coin du feu, nos deux maîtres fripons Regardaient rôtir des marrons, La Fontaine, Fabl. IX, 17. Holà ! maître sot ; vous savez que je vous ai dit que je n'aime pas les faiseurs de remontrances, Molière, D. Juan, I, 2. Voilà un maître fou ; je me flatte que personne n'a pu adopter une idée aussi extravagante, Voltaire, l'Homme aux 40 écus, Mariage. Vous n'exaltez, maîtres gloutons, Que la gloire des marmitons, Béranger, Gourmand.

    Il se joint aussi comme éloge à des qualifications d'ailleurs indifférentes ou honorables. Dans toute sa personne il a je ne sais quoi Qui d'abord fait juger que c'est un maître roi, Molière, Mélic. I, 3.

    Un maître homme, un maître sire, un homme entendu, habile, qui sait se faire obéir, se faire servir. Champagne : C'était donc un maître homme. - Dubois : Il ne dormait jamais, Campistron, Jaloux désabusé, I, 5.

    Dans un sens analogue, il se dit des choses inanimées, et signifie alors premier ou principal. Le maître chevron. J'ai bravé sur leur maître autel Ces dieux qu'adore l'avarice, Voltaire, Lett. en vers et en prose, 22.

    Terme de marine. Maître bau, la poutre du pont placée dans la partie la plus large. Maître couple, le couple de membrure le plus ouvert. Maître gabarit, la partie la plus large du bâtiment.

  • 22 Terme de chasse. Nom donné aux cordes qui, bordant le haut et le bas des pièces de toile et des panneaux, servent à les tendre.
  • 23Petits-maîtres, nom qui fut donné, durant la Fronde, aux membres d'un parti à la tête duquel se placèrent Condé, le prince de Conti et le duc de Longueville. On avait appelé la cabale du duc de Beaufort, au commencement, celle des importants ; on appelait celle de Condé le parti des petits-maîtres, parce qu'ils voulaient être les maîtres de l'État ; il n'est resté de tous ces troubles d'autres traces que ce nom de petits-maîtres, qu'on applique aujourd'hui à la jeunesse avantageuse et mal élevée, Voltaire, Louis XIV, 4.

    Fig. et familièrement. Petit-maître, jeune homme qui a de la recherche dans sa parure, et un ton avantageux avec les femmes. Mais ce siècle peu raffiné N'avait pas encor vu paraître Un être insolent et borné Que l'on appelle petit-maître ; Le premier fat de l'univers Fut le fils du roi de Pergame, Bernis, Épît. 8. Je n'avais vu que des acteurs récitant des vers à d'autres acteurs, dans un petit cercle entouré de petits-maîtres, Voltaire, Lett. Villette, 1er sept. 1765.

    Fig. On tourne tout en ridicule, tout le monde est petit-maître aujourd'hui, et c'est le bon air de mépriser les bonnes choses à mesure qu'elles sont meilleures, D'Argenson, Mém. t. I, p. 101.

PROVERBES

Il n'y a si petit métier qui ne nourrisse son maître.

Qui a compagnon a maître, c'est-à-dire, dans une société on ne saurait, de son chef, disposer de rien.

L'argent n'a point de maître, rien ne fait connaître à qui appartient une pièce de monnaie perdue.

Pain coupé n'a point de maître, on peut toujours prendre un morceau de pain qui est tout coupé.

Les bons maîtres font les bons valets.

Nul ne peut servir deux maîtres, c'est-à-dire il est difficile de vaquer à deux emplois à la fois, de mener de front deux affaires, etc. ; proverbe emprunté à l'Évangile.

Tel maître, tel valet, c'est-à-dire les valets suivent l'exemple du maître, particulièrement en mal.

Qui sert bon maître, bon loyer en reçoit.

Il faut être compagnon de sa femme et maître de son cheval, c'est-à-dire il faut traiter doucement l'une et gourmander l'autre.

REMARQUE

L'Académie écrit maître autel sans trait d'union ; mais à autel, elle écrit maître-autel. On peut donc mettre ou omettre le trait d'union.

HISTORIQUE

XIe s. Tut le plus maistre, il apele Besgun (Besgun qui de tous est le chef), Ch. de Rol. CXXXV.

XIIe s. [Chevaliers] Qu'il ot fait adouber en son maistre donjon, Saxons, VIII. Qui estoit en la vile en sa maistre meson, ib. XXII. Le maistre cercle [du casque] [il] en a jus avalé, Ronc. 91. La cruiz arcevesqual fist porter à sa destre, Et la reisgne del frein tint en la main senestre : Fait out sun avocat de Jesu Crist sun mestre, Th. le mart. 38. Helyarep e Abia li fiz Sisa furent maistre escrivain de la curt Josaphat, Rois, p. 237.

XIIIe s. Se lor pese [s'ils sont fâchés] de ce que vous ai dit, Si s'en prennent à mon maistre d'Oisi, Qui m'a apris à chanter dès enfance, Quesnes, Romanc. p. 98. [Le lion] A son maistre estranglé, qui fut de Picardie, Berte, II. Qu'il soit de ceste chose et maistre et conseillere, ib. XI. Je sui maistre [grand sénéchal] le roy qui France a à garder, ib. CXII. De Symon fist li rois son mestre conseiller, ib. CXXIX. …mais que [si ce n'est que] de blanc un peu les diaspra Li maistres qui les fist [des armoiries], ib. CXXXI. La fille Alimodes le roi Vit son ami en tel effroi ; Bien sait qu'il a trouvé son maistre, Blancandin. De tel geu com l'en fait des mains Estoit-ele dame et il mestre, Lai de l'ombre. Il m'avoit pris à menacier, Et je le soi si enlacier De blanches paroles et pestre, Que j'en ai resté à bon maistre, Ren. 16282. Quant les chevaus furent ens, nostre mestre notonnier escria à ses notonniers qui estoient ou bec de la nef…, Joinville, 210. Et li fiex [fils] malles [mâle] de la tierce feme demanda l'uistieme de tout l'iretage, c'est à savoir les deux pars des fiés et le mestre manoir et l'ommage de le [la] tierce partie de ses sereurs, Beaumanoir, XVII, 6. Escier est une cité moult grant qui est vers maistre [septentrion], Marc Pol, p. 706. Lié [joyeux] sont de chou [ce] que il n'y a Peril et que bien garira ; Car li maistre [médecins] ainsi dit leur ont, Du Cange, magister.

XIVe s. L'office du maistre d'ostel est de pourveoir des salieres pour la grant table, hanaps, etc. Ménagier, II, 4. Et encor, dit Henris, je vouldrai qu'il m'ottrie [octroie] Daniot et Turquant, qui sont de sa maisnie, De son maistre conseil et là où plus se fie, Guesclin. 9318. Car chascun si faisoit le mestre, En Bretaigne duc vouloit estre, Livre du bon Jehan, V. 2448. En nostre ville d'Aucerre avoit quatre maistres appellez maistres du patron de la jauge, Du Cange, magister. Mestre Yves, mestre des paveillons, prendra une provende d'avoine, Du Cange, ib. À la relacion de deux des maistres de la loy [rabbins] des dis Juys [Juifs], Du Cange, ib. Le mestre des hereges [maître des hérétiques, inquisiteur], Du Cange, ib. De la partie de noz bien amez le maistre escole et docteurs regens en l'estude d'Angiers, nous a esté exposé que comme le dit maistre escole à cause de sa dignité de maistre escolerie soit chief et recteur du dit estude…, Du Cange, magiscola.

XVe s. Les aucuns [prisonniers] mis incontinent à finance, combien que messire Bertrand ne le fust pas si tost, d'autant que messire Jehan Chandos, qui estoit son maistre [qui l'avoit fait prisonnier], ne le vouloit point delivrer, Froissart, livre I, p. 329, dans LACURNE. Et fist en celle maniere plusieurs grans maistres [grands personnages de Gand] tuer, Froissart, ib. p. 38. Et tellement se maintint en cest estour [joute] que, ainçois qu'il trouvast son maistre il porta dix chevaliers par terre, Perceforest, t. V, f° 29. Mauvaisement peult l'homme estre maistre de son mestier, devant qu'il ayt la main mise à l'œuvre, Perceforest, t. IV, f° 114. Le coup descendit sur le col du cheval et luy trencha le maistre os, et le chevalier et le cheval cheurent tous en ung mont à terre, ib. t. I, f° 86. Maistre Michel de Cernay, aumosnier du roy l'an 1385 ; il avoit esté maistre d'escolé du dit roy, lors qu'il estoit dauphin l'an 1378, Godefroy, Annot. sur l'hist. de Charles VI, p. 783, dans LACURNE. Ne te pars plus de la maison, Si ce n'est pour ton grant honeur ; Quand ton maistre et ton droit seigneur Chevauchera, là yras-tu, Deschamps, Poésies mss. f° 520. Jean Taillecourt maistre joueur de l'espée à deux mains et du boucler, Du Cange, magister. Le principal se nommoit maistre Lievin Bouc, la quelle mai trise luy venoit pour ce qu'il avoit esté maistre des maçons de la dite ville de Gand, et non pas pour aucune science de quelque degré qu'il eut acquise, Mathieu de Coucy, Hist. de Charles VII, p. 622, dans LACURNE. Si dit qu'il sera d'or en avant maistre de soy, Bouciq. I, 6. Car se venir peux en la fin, Passé seras maistre ordinaire, Villon, Franches repues. Je congnois le maistre au valet, Villon, Ballade des menus propos. Et premierement que quiconque veult estre maistre et avoir la franchise d'icelluy mestier, il convient que icelluy maistre viengne par devers les jurez dudit mestier, en leur requerant qu'il leur plaise de le recevoir à estre passé maistre audit mestier… Item, il convient que celluy qui veult estre ainsy passé maistre fasse son experiment devant les maistres…, Ordonn. déc. 1485.

XVIe s. Laissant croistre amont le jetton du milieu, qui se trouvera le plus droit, pour servir de maistre-pied ou tige, De Serres, 638. Vous verrez que ces mestres de camp ont perdu leur maistrise, et ont leurs soldats pour ennemis depuis qu'ils se sont faits valets, D'Aubigné, Faen. III, 21. Le grand maistre de l'artillerie avoit ses lieutenans et 59 canonniers, D'Aubigné, Hist. III, 87. Le maistre des ceremonies planta sa banniere au premier ranc de la maistresse main, que l'on dict communement de l'evangile, Carloix, III, 2. Cela fait [le vif argent ainsi préparé], on peut dire estre un maistre Jehan, qui fait choses grandes et et quasi miraculeuses, pourveu qu'on le sçache bien manier à luy faire sauter le baston…, Paré, XXIII, 47. C'est [le jour de la mort] le maistre jour, c'est le jour juge de touts les aultres, Montaigne, I, 67. Se rendre maistre de sa cholere, Montaigne, II, 115. L'un des maistres-queux de la maison d'Antonius, Amyot, Anton. 33. Tant vault le petteler [l'action de fouler aux pieds, de marcher] du maistre du jardin comme vault le fumer d'aultruy, Génin, Récréat. t. II, p. 250. Quant au mot de maistre, si est-ce que nous rapportons aujourd'hui ceste qualité aux moindres, comme sont les escoliers et maistres es arts et maistres des mestiers, Pasquier, Recherch. livre VIII, p. 688, dans LACURNE. Dans les roolles [du parlement] sont les clercs qualifiez maistres, et les laiz [laïques] messires parce que c'estoient gens suivans les armes ; ny pour cette qualité de messire ou monsieur, ceux-cy n'estoient plus authorisez que les maistres, parce que, quand on parloit des seigneurs de parlement en leur general, on les appeloit ordinairement maistres du parlement, Pasquier, ib. liv. II, p. 46. Les procureurs et gens de langue, en fournissant quelque procès, seront tenus de fournir en mesme temps une procuration en forme de leurs maistres ou cliens, Nouv. coust. génér. t. I, p. 942. Je ne peux pas finir la presente sans vous faire part de l'avis qui nous a esté donné de la reprise de Javarin par les chrestiens, ainsi que vous verrez par la lettre d'Orlandin, maistre des couriers de Lyon, que je vous envoye, Mém. de Bellievre et de Sillery, p. 265, dans LACURNE. Un jour vint au roy Alexandre un maistre d'œuvres [architecte], nommé Dinocrates, adverti que le roy vouloit construire une ville magnifique de son nom, Machiavel, Disc. sur Tite Live, p. 21, dans LACURNE. Proverbe qui dit que de grand maistre hardy valet, H. Estienne, Apol. pour Hérod. p. 674, dans LACURNE. On dit qu'il n'est ouvrage que de maistre, Molinet, p. 142, dans LACURNE. À pere, à maistre et à Dieu tout puissant nul ne peut rendre l'equivalent, Cotgrave En pont, en planche et en riviere, valet devant, maistre derriere, Cotgrave Jamais ne gaigne qui precede à son maistre, Cotgrave Il est plus d'ouvriers que de maistres, Cotgrave Nouveau apprenti n'est pas maistre, Cotgrave À ton maistre ne te dois jouer, Ni à plus haut que toy frotter, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 87. Le tiltre ne fait pas le maistre, Leroux de Lincy, ib. p. 88.

ÉTYMOLOGIE

Picard, mète, moite, moète ; wallon, mais' ; bourguign. moitre ; provenç. majestre, maiestre, mayestre, maestre, mestre ; espagn. maestre ; portug. mestre ; ital. maestro ; du lat. magistrum, qui est de même radical que magis (voy. MAIS). D'après Corssen, magister et minister, qui sont symétriques, sont deux doubles comparatifs formés de is pour ios, ius (grec ιων, sanscr. īyans) et ter, grec τερος, sanscr. tara. Magister = may-ius-ter, le plus grand ; minister = min-ius-ter, le plus petit. Mahitre ou le Mahitre, nom propre qu'on rencontre, est peut-être une ancienne forme conservée (voy. maïstresse à l'historique de MAÎTRESSE).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

MAÎTRE. Ajoutez :

23Petits-maîtres.

Voici l'explication que Mme de Motteville donne de cette dénomination. Quand il [le prince de Condé] venait chez la reine, il remplissait sa chambre des personnes du royaume les plus qualifiées ; ses favoris, qui étaient la plupart des jeunes seigneurs qui l'avaient suivi dans l'armée, et participant à sa grandeur comme ils avaient eu part à la gloire qu'il y avait acquise, avaient été appelés les petits-maîtres parce qu'ils étaient à celui qui le paraissait être de tous les autres, Mém. p. 111.

24Maître, dans les îles Normandes, celui dont un autre est le mandataire, le représentant, l'avocat. Serment prêté par trois avocats reçus par la cour royale de Guernesey, le 13 avril 1874 :… Qu'en vos plaideries… vous ne proposerez, ne controuverez aucuns faits, que votre maître ou son attourné ne vous dit ou affirme être vrais…, Gaz. de Guernesey, 14 avril 1874.