« mort.3 », définition dans le dictionnaire Littré

mort

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

mort [3]

(mor ; le t ne se prononce pas et ne se lie pas : la mor a des rigueurs ; excepté dans les locutions : la mor-t aux rats, et il a souffert mor-t et passion ; au pluriel. l's ne se lie pas : des mor affreuses ; cependant plusieurs la lient : des mor-z affreuses) s. f.
  • 1Fin de la vie. On distingue la mort naturelle et la mort accidentelle. Le peuple offre le sceptre [à qui délivrerait Thèbes du Sphinx]… De cent cruelles morts cette offre est tôt suivie, Corneille, Œd. I, 4. Faites du bien à votre ami avant la mort, et donnez l'aumône au pauvre selon que vous pouvez, Sacy, Bible, Ecclésiastiq. XIV, 13. Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, se sont avisés, pour se rendre heureux, de n'y point penser, Pascal, Pens. IV, 5, éd. HAVET. La mort est plus aisée à supporter sans y penser, que la pensée de la mort sans péril, Pascal, ib. VI, 58. Le présent ne nous satisfaisant jamais, l'espérance nous pipe, et, de malheur en malheur, nous mène jusqu'à la mort qui en est un comble éternel, Pascal, ib. VIII, 2. Mort soudaine seule à craindre, et c'est pourquoi les confesseurs demeurent chez les grands, Pascal, ib. XXV, 59. Nous savons que la vie, et la vie des chrétiens, est un sacrifice continuel qui ne peut être achevé que par la mort, Pascal, Lett. sur la mort de son père. De sorte que la mort est le couronnement de la béatitude de l'âme et le commencement de la béatitude du corps, Pascal, ib. Je suis toujours surprise de la mort des jeunes personnes, Sévigné, 399. La mort est affreuse quand on est dénué de tout ce qui peut nous consoler en cet état, Sévigné, 27 déc. 1684. La mort, qui est la plus importante action de notre vie, a été aussi le plus bel endroit de la sienne, Sévigné, 5 janv. 1687. [La reine d'Espagne, fille de Madame, et mourant très rapidement] mandant au roi qu'elle n'a point de regret à la vie, et qu'elle meurt de sa mort naturelle, quoique d'abord elle eût dit comme feu Madame, et se repentant, comme elle, de l'avoir dit, Sévigné, 23 févr. 1689. Quel est notre aveuglement, si, toujours avançant vers notre fin, et plutôt mourants que vivants, nous attendons les derniers soupirs, pour prendre des sentiments que la seule pensée de la mort devrait nous inspirer à tous les moments de la vie ! Bossuet, Duch. d'Orl. Au lieu de déplorer la mort des autres, grand prince, dorénavant je veux apprendre de vous à rendre la mienne sainte, Bossuet, Louis de Bourbon. Il doit mourir de mort violente, Bossuet, Hist. II, 4. La mort se déclare ; on ne tente plus de remèdes contre ses funestes attaques, Bossuet, le Tellier. Au lieu de l'histoire d'une belle vie, nous sommes réduits à faire l'histoire d'une admirable mais triste mort, Bossuet, Duch. d'Orl. Et dans les tourments inouïs de sa dernière maladie… elle n'a eu à se repentir que d'avoir une seule fois souhaité une mort plus douce, Bossuet, Anne de Gonz. Qu'il [l'homme] se multiplie tant qu'il lui plaira, il ne faut toujours pour l'abattre qu'une seule mort, Bossuet, Sermon sur l'honneur, 1. Alors donc [après la résurrection] l'homme sera rétabli dans son premier état, la mort mourra, Bossuet, Méd. sur l'Év. Dern. sem. du Sauv. 41e jour. Si j'allais (ah ! plutôt la mort), si j'allais vous enseigner quelque erreur, je verrais tout mon auditoire se révolter contre moi, Bossuet, la Vallière. Ces langueurs, ces abattements, ces diminutions, que Tertullien appelle des portions de la mort, ne la lui faisaient-ils pas éprouver par avance ? Fléchier, Mme de Mont. La mort de madame la Dauphine est une de ces morts précieuses qui couronnent une belle vie, Fléchier, Dauphine. Je ne suis point fort triste, nous n'en avons point de nouveaux sujets ; mais la mort est préférable à la vie, Maintenon, Lett. au duc de Noailles, t. V, p. 92, dans POUGENS. Ces histoires de morts lamentables, tragiques, Boileau, Sat. X. Les haines sont si longues et si opiniâtres que le plus grand signe de mort dans un homme malade, c'est la réconciliation, La Bruyère, XI. Qui ne craint point la mort est sûr de la donner, Voltaire, Oreste, III, 8. Je crois, toutes réflexions faites, qu'il ne faut jamais penser à la mort ; cette pensée n'est bonne qu'à empoisonner la vie ; la grande affaire est de ne point souffrir, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 18 nov. 1761. Le corps meurt peu à peu et par parties ; son mouvement diminue par degrés, la vie s'éteint par nuances successives, et la mort n'est que le dernier terme de cette suite de degrés, la dernière nuance de la vie, Buffon, Hist. nat. hom. Œuv. t. IV, p. 351. La mort, ce changement d'état si marqué, si redouté, n'est dans la nature que la dernière nuance d'un état précédent, Buffon, ib. p. 367. La mort n'est pas une chose aussi terrible que nous nous l'imaginons, nous la jugeons mal de loin, c'est un spectre qui nous épouvante à une certaine distance, et qui disparaît lorsqu'on vient à en approcher de près, Buffon, ib. p. 371. Enfin la joie bête et ridicule de tous les fanatiques au sujet de cette mort [de Voltaire], D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 29 juin 1778. La mort, mon fils, est un bien pour tous les hommes, elle est la nuit de ce jour inquiet qu'on appelle la vie, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virg.

    Fig. Ne sont-ce pas des morts, et des morts effroyables, Que tant de changements d'êtres si variables, Qui se disent toujours fatigués d'espérer ? Musset, Poésies nouv. Lett. à Lamartine.

    Belle mort, mort glorieuse. Mourir pour son pays est un si digne sort, Qu'on briguerait en foule une si belle mort, Corneille, Hor. II, 3.

    Une bonne mort, une mort au milieu des sentiments religieux et en s'acquittant de tous les devoirs de la religion. Nous espérons obtenir par elle [la Vierge] une bonne mort après une vie toute mondaine, Bourdaloue, Assompt. de la Vierge, Myst. t. II, p. 342.

    Mort subite, mort qui survient instantanément. Les morts subites sont causées d'ordinaire par des ruptures du cœur ou des gros vaisseaux. Il disait que, loin de craindre une mort subite, c'était celle qu'il choisirait, Duclos, Œuvr. t. VI, p. 178.

    Donner la mort, voy. DONNER, n° 6.

    Mettre à mort, voy. METTRE.

    Dans le langage élevé et poétique, porter la mort, voy. PORTER.

    Familièrement. Souffrir mort et passion, voy. PASSION.

    Familièrement. Mourir de sa belle mort, mourir de mort naturelle. Il serait plus honnête de me laisser mourir de ma belle mort, Voltaire, Lett. d'Argental, 30 janv. 1778.

    Fig. Tu dis qu'il faut brûler mon livre ; Les tiens auront un meilleur sort, Ils mourront de leur belle mort, Rousseau J.-B. Ép. III, 16.

    Être à l'article de la mort, être à l'agonie.

    Être malade à la mort, être fort malade, être près de mourir. Gens du monde, vous ne pensez pas à ces horribles profanations [de la messe] ; à la mort, vous y penserez avec confusion et saisissement, Bossuet, Louis de Bourbon. Il est plaisant que je sois si politique, en étant continuellement à la mort, Voltaire, Lett. d'Argental, 6 déc. 1777. Au milieu de ce premier triomphe, le roi tomba malade à Calais ; il fut plusieurs jours à la mort, Voltaire, Louis XIV, 6. Dès qu'on a le genre nerveux véritablement attaqué, on est porté à se croire continuellement à la mort, Genlis, Maison rust. t. II, p. 261, dans POUGENS.

    Entre la vie et la mort, dans un fort grand péril par maladie ou par accident. Alors qu'entre la vie et la mort incertaine, Comme un fruit par son poids détaché du rameau, Notre âme est suspendue et tremble à chaque haleine…, Lamartine, Méd. II, 22.

    Être au lit de la mort, au lit de mort, être à l'extrémité. Un pécheur qui, étendu dans le lit de la mort, commence à ne plus compter sur sa vie, Massillon, Avent, Mort du pécheur.

    À son lit de mort, avant de mourir, en mourant.

    Fig. Avoir la mort entre les dents, être fort vieux ou fort malade. Je vois tout l'excès du ridicule où je me jette à mon âge [en faisant une tragédie à 84 ans], la syndérèse dans le cœur, et la mort entre les dents, ou du moins entre les gencives, car de dents je n'en ai plus, Voltaire, Lett. d'Argental, 30 janv. 1778.

    Avoir la mort sur les lèvres, être près de mourir, avoir la figure d'un mourant.

    Mille morts, se dit, par exagération, pour les plus grands supplices ou les plus grandes douleurs, ou les plus grands périls. La goutte lui a fait souffrir mille morts. Xipharès… à travers mille morts, ardent, victorieux, S'était fait vers son père un chemin glorieux, Racine, Mithr. V, 4. Plutôt de mille morts dussiez-vous me punir…, Racine, ib. III, 5.

    Vouloir mal de mort, vouloir beaucoup de mal à quelqu'un. Je me veux mal de mort d'être de votre race, Molière, Femmes sav. II, 7.

    La mort exécute le vif, les héritiers du créancier mort peuvent faire exécuter l'obligé qui vit.

    Pères de la Mort, s'est dit d'hommes religieux ou de moines qui se vouaient à l'assistance des moribonds. À Paris, on appelait particulièrement ainsi les augustins déchaussés ou Petits pères.

    Hussards de la mort, nom donné à certains régiments de hussards qui portaient pour insignes une tête et des os de mort, et qui, disait-on, ne faisaient aucun quartier à l'ennemi.

  • 2Dans le style soutenu, la mort est souvent personnifiée. La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ; On a beau la prier, La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles, Et nous laisse crier, Malherbe, VI, 18. La mort ne surprend point le sage, Il est toujours prêt à partir, La Fontaine, Fabl. VIII, 1. Défendez-vous par la grandeur ; Alléguez la beauté, la vertu, la jeunesse ; La mort ravit tout sans pudeur, La Fontaine, ib. Ce que vous dites sur la liberté que prend la mort d'interrompre la fortune est incomparable, Sévigné, 8 juin 1676. Un tel homme voyant approcher la mort… lui montre lui-même l'endroit où elle doit frapper : Ô mort, lui dit-il d'un visage ferme, tu ne me feras aucun mal… achève donc, Ô mort favorable, et rends-moi bientôt à mon maître, Bossuet, le Tellier. Sans menacer, sans avertir, la mort se fait sentir tout entière dès le premier coup, Bossuet, Duch. d'Orl. Laissons donc au sage mépriser tous les états de cette vie, puisqu'enfin, de quelque côté qu'on s'y tourne, on voit toujours la mort en face qui couvre de ténèbres nos plus beaux jours, Bossuet, ib. Il s'affaiblissait, ce grand prince, mais la mort cachait ses approches, Bossuet, Louis de Bourbon. La grandeur et la gloire ! pourrons-nous encore entendre ces noms dans ce triomphe de la mort ? Bossuet, Duch. d'Orl. Madame fut douce envers la mort, comme elle l'était envers tout le monde, Bossuet, ib. [Les princes] dégradés à jamais par les mains de la mort, Bossuet, ib. Elle se trouve toute vive et tout entière entre les bras de la mort, sans l'avoir presque envisagée, Bossuet, Mar.-Thér. La voilà, malgré ce grand cœur, cette princesse si admirée et si chérie ! la voilà telle que la mort nous l'a faite ! Bossuet, Duch. d'Orl. La mort a rejoint ce qu'elle avait séparé, Fléchier, Duc de Mont. Ô mort, cruelle mort, que ne lui laissais-tu plus longtemps le plaisir de voir le fruit de ses travaux ? Fléchier, Mme de Mont. Il serait bon à aller quérir, à aller chercher la mort, se dit d'un homme lent en tout ce qu'il fait.
  • 3La Mort, personnification de la mort, personnage mythologique que l'on représente le plus souvent sous la forme d'un squelette armé d'une faux (on met une majuscule). Un malheureux appelait tous les jours La Mort à son secours : Ô Mort, lui disait-il, que tu me sembles belle ! Viens vite, viens finir ma fortune cruelle. La Mort crut, en venant, l'obliger en effet, La Fontaine, Fabl. I, 15. Un mourant qui comptait plus de cent ans de vie, Se plaignait à la Mort que précipitamment Elle le contraignait de partir tout à l'heure, La Fontaine, ib. VIII, 1. Un fantôme s'élance sur le seuil des portes inexorables, c'est la Mort ; elle se montre comme une tache obscure sur les cachots qui brûlent derrière elle ; son squelette laisse passer des rayons livides de la lumière infernale, Chateaubriand, Mart. VIII.
  • 4Dans le langage de l'Écriture, les ombres de la mort, la mort (voy. OMBRE).
  • 5Mort d'homme, se dit des accidents, des rixes où quelqu'un est tué. En ces occasions l'on frappe, l'on assomme, Et pour moins, bien souvent, il arrive mort d'homme, Hauteroche, le Soup. mal apprêté, sc. 6. Il y a ici mort d'homme et supposition, Dancourt, Mari retrouvé, sc. 22. Et si je n'avais pas apaisé la querelle, Il serait arrivé mort d'homme ou de femelle, Regnard, Ménechm. III, 1.

    Crime de mort, crime emportant la peine de mort ; coupable de mort, coupable méritant la mort (locutions qui ne se disent plus beaucoup). C'était un crime de mort de paraître en la présence du roi [sans être appelé], Racine L. Rem. Esth. I, 3. Quand Assuérus y était [dans la chambre du trône], quiconque y entrait sans être appelé était coupable de mort, Racine L. ib. II, 1.

  • 6La peine capitale. Il vota la mort. Abolir la peine de mort. Toutes les voix allaient à la mort, ont été à la mort.

    Cette affaire va à la mort, elle doit finir par un arrêt de mort.

    Sentence, arrêt de mort, condamnation qui porte la peine de mort.

    Testament de mort, déclaration que fait un condamné avant son supplice.

    Par extension. Testament de mort, écrit qui atteste les derniers sentiments d'une personne.

  • 7 Terme de droit. Mort civile, cessation de toute participation aux droits civils.
  • 8La mort éternelle, la mort de l'âme, la seconde mort, la condamnation des pécheurs aux peines de l'enfer. Quand il [le livre de l'Apocalypse] les condamne tous [les timides] à la seconde mort, à cette mort si terrible et si étrange, à ce lac ardent de feu et de soufre, Guez de Balzac, De la cour, 5e disc. Craignez les occasions prochaines ; car qui aime son péril, il aime sa mort, Bossuet, Sermons, Intégrité de la pénitence, 3. Des infidélités légères qui ne donnent pas la mort à l'âme, Massillon, Carême, Tiédeur, 1. Tous les péchés ne sont pas des péchés à la mort, Massillon, ib.

    Mort de l'âme, la perte de la grâce sanctifiante par le péché mortel.

    Mort morale, état de l'âme où tout sentiment moral est éteint. Pour garantir le jeune infortuné de cette mort morale dont il était si près, il commença par réveiller en lui l'amour-propre et l'estime de soi-même, Rousseau, Ém. IV.

  • 9La mort au monde, la retraite loin du monde, soit dans une maison religieuse, soit chez soi et dans la demeure privée. Faites bien comprendre à nos sœurs en quoi consiste la mort au monde, Maintenon, Lettre à Mme de Glapion, t. III, p. 194, dans POUGENS.

    Par extension. Je ne connais personne qui ait autant de besoin que vous, monseigneur, d'une mort continuelle à tout intérêt et à toute passion, Maintenon, Lett. au cardinal de Noailles, 30 avril 1697.

    Mort mystique de l'âme, détachement général du péché.

  • 10 Fig. Extinction, destruction, ruine. Le monopole est la mort de l'industrie. Je veux, dans un seul malheur, déplorer toutes les calamités du genre humain, et, dans une seule mort, faire voir la mort et le néant de toutes les grandeurs humaines, Bossuet, Duch. d'Orl. …Ce marquis… qui sans cesse au jeu… Voit la vie ou la mort sortir de son cornet, Boileau, Sat. IV. On a ri à la mort du jansénisme et du molinisme, Voltaire, Mél. litt. Avert. d'une éd. des pensées de Pascal. Les moralités sont la mort de toute bonne éducation, Rousseau, Ém. V. Les jeunes gens quelquefois se passionnent pour l'étude : c'est la mort à tout avancement, Courier, Lett. à l'Acad. des inscr.

    Familièrement. La mort au beurre, se dit de mets dont la préparation demande beaucoup de beurre. Les épinards sont la mort au beurre.

  • 11 Fig. Un grand chagrin. Ce fils dénaturé lui donne la mort. Et le coup qui surprend un espoir légitime, Porte plus d'une mort au cœur de la victime, Corneille, Androm. II, 4.

    Avoir la mort dans l'âme, dans le cœur, être très affligé. Mme de Chaulnes m'a fort conté les affaires des états… elle me paraît la mort au cœur de toutes les troupes [envoyées en Bretagne], Sévigné, 22 déc. 1675. Vous voyez devant vous une reine éperdue Qui, la mort dans le sein, vous demande deux mots, Racine, Bérén. III, 3. Elle a… la fièvre, la migraine, Tout ce qu'on peut avoir… la mort au fond du cœur, Lanoue, Coquette corr. V, 1.

    Familièrement. C'est une mort que d'avoir affaire à un pareil homme, que de poursuivre une telle affaire, c'est-à-dire c'est une grande peine, c'est une grande misère que de… C'est une mort que d'attendre si longtemps.

    C'est une mort, signifie aussi : il y a de quoi rendre malade, de quoi tuer. Vous savez ce que c'est pour moi que la santé de votre chère femme ; mais vous l'avez laissée trop écrire ; c'est une mort que cet excès [Mme de Grignan venait d'accoucher], Sévigné, 23 févr. 1676.

    C'est ma mort, c'est la chose la plus désagréable pour moi.

  • 12 En termes de jeu, jouer à la mort de telle somme, jouer jusqu'à ce que telle somme soit perdue.
  • 13Mort aux rats, drogue dont on se sert pour faire mourir les rats ; c'est d'ordinaire une substance arsenicale. Le sulfate de baryte est employé en Angleterre comme mort aux rats, Thenard, Traité de chimie, t. II, p. 425, dans POUGENS.

    Mort aux mouches, cobalt ou arsenic délayé dans l'eau.

    Mort aux chiens, colchique d'automne.

    Mort de safran, petite truffe parasite, rhizoctonia crocorum. DC.

    Mort au chanvre, orobanche rameuse.

    Mort aux poules, jusquiame noire.

    Mort aux vaches, renoncule scélérate.

    Mort aux poux, staphysaigre.

  • 14 Populairement. La petite mort, le frisson. J'ai la petite mort dans le dos.
  • 15Mort noire ou peste noire, nom donné à la grande peste qui dévasta le monde au milieu du XIVe siècle.
  • 16À mort, loc. adv. De manière qu'on en meure. Il fut blessé à mort.

    Fig être frappé à mort, être attaqué d'une maladie dont les symptômes annoncent une mort certaine.

    Condamner, juger à mort, condamner quelqu'un à la peine de mort.

    Combat à mort, combat qui ne doit se terminer que par la mort d'un des combattants. C'est un duel ? - à mort : ou ma vie, ou la vôtre ! Delavigne, Marino Faliero, II, 13.

    Populairement. À mort, excessivement. Boire à mort.

    À mort ! exclamation pour menacer de mort. À mort les traîtres !

    On dit dans le même sens et dans le même emploi exclamatif : mort à ! Mort aux traîtres !

  • 17À la mort, loc. adv. Extrêmement, excessivement, en parlant de la haine, de l'ennui et d'autres sentiments analogues. Je suis ennuyée à la mort d'en entendre parler, Sévigné, 36. Elle soutint que c'était obstination pure, que je m'ennuyais à la mort dans ma retraite, Rousseau, Conf. X. Brutal, avare, amoureux et jaloux à l'excès de sa pupille, qui le hait à la mort, Beaumarchais, Barb. de Sév. I, 4. Je hais la toilette à la mort, Genlis, Théât. d'éduc. l'Enfant gâté, I, 3.
  • 18À la vie et à la mort, loc. adv. Pour toujours. Je suis votre ami à la vie et à la mort.

    Entre nous, c'est à la vie et à la mort, notre amitié durera toujours.

    Il ne me pardonnera ni à la vie ni à la mort, il ne me pardonnera jamais. Vous voyez bien ces vingt sols-là, Marianne, je ne vous les pardonnerai jamais, ni à la vie, ni à la mort, Marivaux, Marianne, part. 2.

    Terme de vénerie. À la mort, chiens ! cri que les chasseurs emploient pour appeler les chiens quand le cerf est pris.

  • 19Par la mort ! sorte de serment et de menace. Par la mort ! par la tête ! si je le trouve, je le veux échiner, Molière, Scapin, II, 9. Quiconque remuera, par la mort, je l'assomme ! Molière, Éc. des f. II, 2.

    Mort de ma vie, autre serment qui sert à affirmer avec une sorte d'impatience. Et mort de ma vie, la grâce saura bien vous préparer les chemins ! Sévigné, 440. Mort de ma vie, que les gens sont sots quand ils sont amoureux ! Brueys, Grondeur, III, 5.

PROVERBES

De tant de douleur on ne saurait faire qu'une mort.

Dieu ne veut pas la mort du pécheur, c'est-à-dire il faut être indulgent pour la faiblesse humaine.

Après la mort le médecin, voy. MÉDECIN.

Il y a remède à tout, hors à la mort.

HISTORIQUE

XIe s. Si me gardez et de mort et de honte, Ch. de Rol. II. Ne lui chaut, sire, de quel mort nous mourions, ib. X. Si chalengez [défendez] et vos morz et vos vies, ib. CXLI. Oliviers sent que à mort est ferut, ib. CXLIV.

XIIe s. De mort à vie suscitas Lazaron, Ronc. 48. Jà de plus aspre mort nel pouvez justicier, ib. 200. E tu, bels sires, en cel lieu ù tu seras, u à mort u à vie, jo i serai, Rois, p. 175. En vostre amor, qui donra [donnera] mort ou vie, Couci, XX.

XIIIe s. Sa fille [elle] i a trouvée, que la male mort fiere [puisse frapper], Berte, XI. Se je n'ai d'une cose [chose] que je desire à mort, Chron. de Rains, 108. Li uns des sers sunt si soujet à lor seigneurs, que lor sires pot penre quanqu'il ont, à mort et à vie, et lor cor tenir en prison toutes les fois qu'il lor plest, soit à tort, soit à droit, qu'il n'en est tenus à respondre fors à Dieu, Beaumanoir, XLV, 31. S'il i a mort d'homme, tout cil qui sont au fet quieent [tombent] en la merci du comte, de cors et d'avoir, Beaumanoir, LX, 10.

XIVe s. Et ainsi celui est principalement dit fort qui se met en perilz de bonne mort, Oresme, Eth. 79. Qui plus despend qu'à lui n'afiert, Sans coup ferir, à mort se fiert [blesse], J. de Vignay, Esches moralisés, f. 74. Il me fera morir, bien sai, sans nul detri [retard] ; Car il me het à mort, et aussi foi-je lui, Guesclin. V. 16416. Mais mettez tout à mort, celle soudoierie ! Avant à ces ribaus ! lor puissance est faillie, ib. V. 17456. Mieux vaut prison que mort ; car adès en yst-on [sort-on] ; Mais li homs qui est mors, jamais ne revoist-on, ib. V. 12260.

XVe s. Mort de moy ! vous y jouez vous Avec dame merencolie ? Mon cueur, vous faictes grant folye, C'est la nourrisse de courroux, Orléans, Rond. Rien n'est d'armes, quand la mort assaut, Leroux de Lincy, t. II, p. 413. Le marechal a le jour du vendredi en grande reverence ; il n'y mange chose qui prenne mort, ne vest couleur fors noire, Bouciq. IV, 3. Qui croit de leger les rapports De ses yeulx sans autre esperance, Pourroit mourir de mille morts Ainçois qu'ataindre à sa plaisance, Chartier, la Belle dame sans merci. Mourir de mort acquise [violente], Perceforest, t. IV, f° 85. Or entendez, chere cousine, qu'il est ici malade avecques un sien compaignon ; si vous prie pour Dieu, que je puisse parler à luy, car c'est ma mort et ma vie, ib. t. I, f° 43.

XVIe s. Elle en faisoit l'essai sur les criminels de mort qui estoient detenus es prisons, Amyot, Anton. 93. Le jeudi consequent, nonobstant grand tempeste, De canonner à mort l'Anglets sur nous tempeste, Morin, Siége de Boulogne, p. 34. Ceux qui voyent comment ce mal me met au bas, Comme il revient soudain, n'attendent qu'un trespas Qui ces petites morts d'heure à autre finisse, Desportes, Diane, II, 60. Beze est mort de mort civile, à sçavoir par bannissement, et de mort spirituelle, à sçavoir par l'excommunication, D'Aubigné, Conf. II, 6. Ils crioient, Nouvelles, nouvelles, comme on crie la mort aux rats et aux souris, Sat. Mén. p. 197. Syncope ou petite mort, Paré, VII, 14. J'apperceu une vigne plus chargée de fruits que toutes les autres, et m'enquerant de la raison, on me respondit qu'elle estoit chargée à la mort, Palissy, 30. Et ne voyant moyen de se desveloper, voulut vendre sa mort, Du Bellay, M. 6. Le semblable se fera pour toutes mises outre des plaintes, significations et recours à mort de la chandelle [extinction des feux], Nouv. coust. génér. t. II, p. 189. On dit en commun proverbe que telle vie, telle mort, Pasquier, Recherches, livre VI, p. 531, dans LACURNE. La mort n'a point d'ami, le malade n'en a qu'un demi, Cotgrave Bonne la mort qui nous donne la vie [qui ouvre le paradis], Cotgrave Contre la mort n'y a point d'appel, Cotgrave À longue corde tire qui la mort d'autrui desire, Cotgrave Haine de prince signifie mort d'homme, Cotgrave À toute heure la mort est preste, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 231. Le capitaine Bayard, se sentant blecé à mort d'une arquebusade dans le corps, Montaigne, I, 16. …ceux qui entreprennent, vivants et respirants, jouyr de l'ordre et honneur de leur sepulture, et qui se plaisent de veoir en marbre leur morte contenance ; heureux qui sachent resjouyr et gratifier leur sens par l'insensibilité, et vivre de leur mort, Montaigne, I, 18. Jamais homme ne se prepara à quitter le monde plus purement et pleinement, et ne s'en desprint plus universellement que je m'attends de faire ; les plus mortes morts sont les plus saines, Montaigne, I, 79. Moy qu'il [la Boétie] laissa d'une si amoureuse recommandation, la mort entre les dents, par son testament, heritier de sa bibliotheque et de ses papiers, Montaigne, I, 206.

ÉTYMOLOGIE

Pays messin, moûe ; prov. mort ; esp. muerte ; ital. morte ; du lat. mortem (voy. MOURIR).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

3. MORT. Ajoutez :
20Arbre de mort, le mancenillier, BAILLON, Dict. de botan. p. 257.