« peu », définition dans le dictionnaire Littré

peu

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

peu

(peu) s. m.
  • 1Une petite quantité.

    Peu construit avec l'article défini, ou avec l'adjectif possessif, ou un pronom démonstratif. Si je t'abandonnais à ton peu de mérite, Corneille, Cinna, v, 1. Quand je dis point, je veux dire très peu ; Encor ce peu lui donnait de la peine, La Fontaine, Calendr. Vous le voyez ; sans moi vous y seriez encore ; Et vous aviez besoin de mon peu d'ellébore, Molière, Sgan. 22. Le peu de sûreté que j'ai vu pour ma vie à retourner à Naples, Molière, Avare, v, 5. Le peu du juste vaut mieux que l'abondance du pécheur, Fléchier, Serm. I, 213. Je ne croyais pas que j'eusse besoin de cet exemple pour justifier le peu de liberté que j'ai prise, Racine, Andr. Préf. Le peu qu'il avait appris d'histoire naturelle, de chimie et d'anatomie au collége de Beauvais, Mairan, Éloge de Petit.

    Excusez du peu, se dit ironiquement à celui qui se plaint qu'on ne lui donne pas assez, bien qu'on lui donne beaucoup ; il se dit aussi quelquefois pat celui même qui trouve qu'on lui donne trop.

    Excusez du peu, se dit encore quand on énonce un gros chiffre. Elle a un million de dot ! excusez du peu.

    Le peu, le petit nombre. Le peu qu'il en restait, n'osant quitter son trou, Ne trouvait à manger que le quart de son soûl, La Fontaine, Fabl. II, 2.

    Le peu, le peu de temps. Le peu que nous avons à les posséder [les choses de ce monde], Massillon, Carême, Emploi du temps.

    Le peu que je suis, le peu qu'il est, c'est-à-dire mon peu, son peu de rang, de mérite. S'il faut percer le flanc d'un prince magnanime, Qui du peu que je suis fait une telle estime…, Corneille, Cinna, III, 3. Et malgré tout le peu que le ciel m'a fait naître…, Corneille, Sertor. II, 2.

  • 2Peu, avec l'article un, une petite quantité, construit avec un substantif. Je vous recommande, ma chère enfant, un peu de repos, un peu de tranquillité, un peu de résignation aux ordres de la Providence, un peu de philosophie, Sévigné, 26 nov. 1688. Après avoir fait un peu plus de bruit les uns que les autres, Bossuet, Duch, d'Orl. Ô mort, éloigne-toi de notre pensée, et laisse-nous tromper pour un peu de temps la violence de notre douleur, Bossuet, ib. Je vois ce qui se fait, j'entends ce qui se dit ; On devine le reste avec un peu d'esprit, Picard, Entrée dans le monde, I, 7.

    Construit avec un verbe ou un autre mot. Comme j'aime beaucoup, j'espère encore un peu, Corneille, Rodog. III, 5. Je crois que j'arriverai à Grignan un peu après vous, Sévigné, 134. Mandez-moi quand vous aurez cette lettre ; elle est un peu comme celles de Cicéron, Sévigné, 418. Il m'accoste, me salue, me demande si je sais la musique ; je réponds un peu, pour faire entendre beaucoup, Rousseau, Confess. IV.

    Explétivement. Donnez-moi un peu le pot de chambre, dit la Rancune, Scarron, Rom. com. I, 6. Dites-moi un peu, messieurs, de quel côté de la forêt est le rendez-vous de la chasse, Collé, Part. de chasse de Henri IV, I, 2.

    Populairement. Un petit peu, très peu.

    Ironiquement. Un peu, se dit pour beaucoup. Vous pourriez un peu loin pousser ma patience, Seigneur…, Corneille, Pulch. I, 1. Je crains que le pendard, dans ses vœux téméraires, Un peu plus fort que jeu n'ait poussé les affaires, Molière, Éc. des f. II, 6.

    Un peu bien ou un peu beaucoup, très , trop, beaucoup trop. Je tarde un peu beaucoup pour votre impatience, Corneille, l'Illus. I, 2. C'est en votre faveur être un peu bien crédule, Corneille, Œd. I, 3. L'une [femme] encor verte, et l'autre un peu bien mûre, La Fontaine, Fabl. I, 17. Je t'ai fait cette confidence avec franchise, et cela m'est sorti un peu bien vite de la bouche, Molière, Festin, I, 1. Mais, mon oncle, il me semble que vous vous jouez un peu beaucoup de mon père, Molière, Mal. imag. III, 23.

    Un peu bien du, suivi d'un substantif, beaucoup trop de. Vous montrez cependant un peu bien du mépris, Corneille, Pomp. II, 3. C'est pour un grand monarque un peu bien du scrupule, Corneille, Œd. I, 3.

    Un peu bien du… n'est pas français, dit Voltaire. Il faut dire simplement qu'il est archaïque et peu usité.

    Un peu, se dit, dans un langage très familier, comme une affirmation dédaigneuse. Vous vous mariez, ma sœur. - Un peu, mon frère, Dancourt, Prix de l'arquebuse, sc. 5.

    Populairement, on dit, pour la rime : un peu, mon neveu.

  • 3Peu sans article, peu de chose. Dans les choses de peu si tu ne te commandes, Dis, quand te pourras-tu surmonter dans les grandes ? Corneille, Imit. I, 11. Peu, avec la crainte de Dieu, vaut mieux que de grands trésors qui ne rassasient point, Sacy, Bible, Prov. de Salom. v, 16. Vivre de peu et presque de rien, Bossuet, Hist. II, 6. C'était bien fait assurément de compter pour beaucoup la communion des fidèles ; mais ce n'était pas bien fait de compter pour si peu leur sûreté, leur liberté, leur vie, Rousseau, Lett. de la Mont. V. Peu dit beaucoup à qui sait écouter, Delille, Convers. I. Son roi va le payer [Colomb] des maux qu'il a soufferts : Des trésors, des honneurs en échange d'un monde, Un trône, ah ! c'était pou ! que reçut-il ? des fers, Delavigne, Messéniennes.

    Dans cet emploi, peu se construit avec les verbes actifs, et il en est le régime. Il boit peu. Il a peu bu.

    Être peu, être de peu de valeur, en parlant des choses. Tout votre sang est peu pour un bonheur si doux ! Corneille, Poly. IV, 3. Comme si c'était peu que mes ressentiments, Molière, Psyché, IV, 5.

    Un homme de peu, un homme de basse condition. Une femme de peu se présente à ma vue, Mairet, Soliman, I, 1. …un personnage Lourd et de peu…, La Fontaine, Mandr. Saint-Laurent était un homme de peu, sous-introducteur des ambassadeurs chez Monsieur, Saint-Simon, 1, 41.

    Familièrement. Il n'y en a pas pour peu, il y en a beaucoup.

    Populairement. Peu ou prou, ni peu ni prou ; peu ou beaucoup, ni peu ni beaucoup. Je n'en ai ni peu ni prou.

    Peu ou point, presque point ; ni peu ni point, point du tout. Il a peu ou point de santé. Je n'en ai ni peu ni point.

    Mettre peu pour son compte, mettre peu dans le commerce de la vie, contribuer faiblement au bien-être commun, ou à la conversation, ou à l'amusement.

    C'est peu de, suivi d'un substantif, signifie que la chose dont il s'agit ne suffit pas, ou qu'on ne s'y arrête pas, qu'on ne s'y borne pas. C'est trop peu de Jason que ton œil me dérobe, C'est trop peu de mon lit ; tu veux encor ma robe, Rivale insatiable…, Corneille, Médée, IV, 1. Pour ébranler mon cœur Est-ce peu de Camille ? y joignez-vous ma sœur ? Corneille, Hor. II, 6. C'est peu de quatre jours pour un tel sacrifice, Corneille, Tite et Bérén. v, 2. C'était peu de nos maux ; nous y joignons nos vices, Collin D'Harleville, Optimiste, III, 9. Encore est-ce peu du talent, ce don précieux de la nature, si le travail ne le développe…, Marmontel, Œuv. t. IX, p. 448.

    On dit quelquefois : c'est peu… que de… Pour en venir à bout, c'est trop peu que de vous, Corneille, Cid, V, 1.

    C'est peu de… avec un verbe à l'infinitif. Pauline : C'est peu de me quitter, tu veux donc me séduire ? - Polyeucte : C'est peu d'aller au ciel, je vous y veux conduire, Corneille, Poly. IV, 3. C'est peu d'être philosophe, il faut être chrétien, Maintenon, Lett. à M. d'Aubigné, 11 juill. 1684.

    C'est peu que… avec le verbe au subjonctif. C'est peu que, le front ceint d'une mitre étrangère, Ce lévite à Baal prête son ministère, Racine, Athal. I, 1.

    C'est peu fait à vous de…, c'est-à-dire vous aurez fait peu quand vous aurez… Apprenez de mon prince, ô monarques vainqueurs, Que c'est peu fait à vous de reprendre une place, Si vous ne trouvez l'art de regagner les cœurs, Corneille, Inscript. mises sous des estampes, XIV, la paix d'Alet.

  • 4Peu, peu de gens, avec le verbe au pluriel. Beaucoup par un long âge ont appris comme vous, Que le malheur succède au bonheur le plus doux ; Peu savent comme vous s'appliquer ce remède, Corneille, Hor. V, 2. J'ai permis à fort peu de lui rendre visite, Corneille, Perthar. IV, 3. Il régna dès l'enfance et régna sans jaloux, Estimé d'assez peu, mais obéi de tous, Corneille, Pulch. IV, 2. Assez de gens méprisent le bien, mais peu savent le donner, La Rochefoucauld, Maximes, 308. Mais, dit Machiavel, peu sont corrompus par peu, Montesquieu, Espr. VI, 5. Combien peu ont assez de vie pour voir toute leur gloire et toute leur influence ! La Harpe, Éloge de Voltaire.
  • 5Peu, sans article et construit avec un substantif, en petite quantité. Trop peu d'honneur pour moi suivrait cette victoire, Corneille, le Cid, II, 2. Si vous avez beaucoup de bien, donnez beaucoup ; si vous en avez peu, ayez soin de donner de ce peu, même de bon cœur, Sacy, Bible, Tobie, IV, 9. Il y a peu de familles dans le monde qui ne touchent aux plus grands princes par une extrémité et, par l'autre, au simple peuple, La Bruyère, XIV. Le tribunat sagement tempéré est le plus ferme appui d'une bonne constitution ; mais, pour peu de force qu'il ait de trop, il renverse tout, Rousseau, Contrat, IV, 5. Tout ce qui doit finir est de peu de durée, P. Lebrun, Poésies, t. I, p. 28.

    Un homme comme il y en a peu, un homme rare en son espèce. Les auteurs d'entre les modernes… un médecin comme il y en a peu, Diderot, Lett. s. la chirurgie.

    Peu de chose, une chose petite. Pour mériter ce sort, je suis trop peu de chose, Molière, Mélic. I, 5. Peu de chose nous console, parce que peu de chose nous afflige, Pascal, Pens. VI, 22 bis, éd. HAVET.

    C'est peu de chose se dit d'une personne, d'une chose dont on ne fait point de cas. Quand on l'ignore [qu'une femme est infidèle], ce n'est rien ; Quand on le sait, c'est peu de chose, La Fontaine, Coupe enchant. Je vous exhorte à jouir, autant que vous pourrez, de la vie qui est peu de chose, sans craindre la mort qui n'est rien, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 13 oct. 1759.

    C'est peu de chose que de nous, se dit pour exprimer que la condition humaine est bien précaire. ris adverbialement et construit avec un verbe, ou un adjectif, ou un adverbe, en petite quantité, Fort peu. Bien peu. Dieu les épargne si peu [les grands], qu'il ne craint point de les sacrifier à l'instruction des hommes, Bossuet, Duch. d Orl. Aussi peu capable de commettre une injustice que de la souffrir, Fléchier, Duc de Mont. J'ai honte de me voir si peu digne de vous, Racine, Mithr. III, 1. Jeunes, pleins de la première ardeur de savoir, fort unis, et, ce que nous ne comptions peut-être pas alors pour un assez grand bien, peu connus, Fontenelle, Varignon. Il est vrai que je suis un peu sourd, un peu aveugle et un peu impotent, Voltaire, Lett. d'Argental, 20 juin 1774. Peu ou point détournés de leurs travaux, Rousseau, Gouvern. de Pologne, ch. 12. Cette lettre, qui est si peu celle d'un roi, et qui n'en est pour moi que plus précieuse et plus chère…, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 15 août 1776.

    Acheter peu, acheter à bon marché. De me nourrir de viandes saines, et de les acheter peu, La Bruyère, X.

    Peu souvent, assez rarement. Il arrive peu souvent que l'amitié qui est entre les hommes soit de longue durée.

    Le peu souvent que.., le peu de fois que… …Le peu souvent que ce bonheur arrive, Piquant notre appétit, rend sa pointe plus vive, Corneille, Veuve, I, 1, 1re édit.

    Peu… que, c'est-à-dire peu… si ce n'est. La nation moscovite peu connue que de ses plus proches voisins, Fontenelle, Czar Pierre.

  • 6Peu à peu, loc. adv. Lentement, insensiblement. Si on pouvait observer une langue dans ses progrès successifs, on verrait les règles s'établir peu à peu, Condillac, Gramm. I, 8.

    Peu à peu se dit en vers sans hiatus. Son regard peu a peu ralentit sa fierte, Desmarets, dans MALH. édit. de MÉNAGE, p. 274.

  • 7Dans peu, sous peu, loc. adv. Dans peu de temps. Il arrivera sous peu. Je reviendrai dans peu conter de point en point Mes aventures à mon frère, La Fontaine, Fabl. IX, 2. Dans peu tu te maries, Boileau, Sat. x.

    Substantivement. Mais dans peu… Ce dans peu pour eux n'est qu'une fable, Hauteroche, le Soup. mal apprêté, sc. 1.

    Il y a peu, depuis peu de temps. Il y a trop peu que je suis dans un pays où…, Sévigné, 24 juill. 1689. Il y a si peu que la Pentecôte est passée, Sévigné, 22 juin 1689. Il y avait fort peu que mon père avait fait une retraite à Saint-Lazare, Saint-Simon, 6, 78.

    Depuis peu, depuis peu de temps. Votre frère son fils, depuis peu de retour…, Corneille, Nicom. I, 1.

    Peu après, peu de temps après.

  • 8Quelque peu, un peu. Un païen qui sentait quelque peu le fagot, La Fontaine, Fabl. IV, 19. Est-il juste qu'on meure Au pied levé ? dit-il [le centenaire] : attendez quelque peu, La Fontaine, ib. VIII, 1. J'en avais fait à sa mère quelque peu d'ouverture, Molière, l'Avare, IV, 3. À vous le dé ; vous méritez la place Quelque peu mieux que messieurs tels et tels, Millevoye, Épigr. Le fauteuil académique.
  • 9Tant soit peu, très peu. Et si j'ai sur ce point Acquis tant soit peu d'habitude, La Fontaine, Fabl. XI, 4. Ne croyez pas que ces excessives et insupportables douleurs aient tant soit peu troublé sa grande âme, Bossuet, Duch. d'Orl.

    Substantivement. Un tant soit peu, très peu. Ne m'en donnez qu'un tant soit peu. Douce monnaie, un tant soit peu légère, Marquée au coin des volages amours, Millevoye, la Femme.

  • 10À peu près, à peu de chose près, presque, environ. Depuis la guerre de Troie, la Grèce fut barbare, ou à peu près, jusqu'à Solon, Condillac, Hist. anc. III, 12.

    Substantivement. Cet à peu près est admirable ! Bossuet, Variat. XII, 24. Nous ne sommes guère faits pour avoir une notion exacte des choses : l'à peu près est notre guide, Voltaire, Ess. mœurs, Rem. XIX. Vous me demandez si je suis à peu près heureux ? il n'y a en effet en ce genre que des à peu près ; mais quel est votre à peu près, madame ? Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 21 oct. 1770.

  • 11Si peu que rien, une très petite quantité. Je promets à Monsieur d'Orléans, et à ceux que vous emploierez auprès de lui, de l'immortalité selon mes forces ; c'est-à-dire si peu que rien, Scarron, Lett. Œuv. t. I, p. 166, dans POUGENS.

    Si peu que, loc. conj. avec le subjonctif, en quelque petite quantité que… Dieu sait combien cette inquisition croîtra en peu de temps, si peu qu'elle puisse prendre racine, Pascal, Prov. XIX. Si peu qu'on ait considéré les anciens monuments de l'Église, Bossuet, Hist. II, 13. Si peu qu'on excitât la vivacité de Philoctète, on lui faisait dire ce qu'il avait résolu de taire, Fénelon, Tél. XVI.

  • 12Pour peu que, loc. conj. avec le subjonctif, pour quelque petite quantité que. Et pour peu qu'on le pousse, il est prêt d'éclater, Corneille, Pomp. IV, 1. Pour peu de réflexion que vous fassiez sur la manière dont on se gouverne à la cour, Bourdaloue, Myst. Pass. de J. C. t. I, p. 177. Dans un pays où, pour peu de grandeur qu'on ait, on en a toujours plus que de bonheur, Maintenon, Lett. à Mme de St-Geran, t. II, p. 101, dans POUGENS.

PROVERBES

Paix et peu, c'est-à-dire la paix, la tranquillité avec peu de bien est préférable à beaucoup de bien sans la paix.

Peu et bon signifie qu'on se contente de peu pourvu que ce peu soit bon.

À grands seigneurs peu de paroles, c'est-à-dire il faut leur expliquer en peu de mots ce qu'on veut leur faire entendre.

REMARQUE

1. Le peu d'eau que j'ai bu ou bue : cela dépend du mot auquel on fait rapporter que ; si c'est à peu, mettez bu ; si c'est à eau, mettez bue. Mais auquel faut-il le faire rapporter ? Cela dépend entièrement de la pensée de celui qui parle. Le peu de confiance que vous m'avez témoignée m'a rendu le courage ; en cette phrase on veut dire que la confiance témoignée, quoique petite, a rendu le courage. Le peu de confiance que vous m'avez témoigné m'a ôté le courage ; en cette phrase on veut dire que peu de confiance a été témoigné. Le peu d'habitants que la guerre a laissés dans cette ville ne sont pas à craindre : ce sont les habitants laissés dont il s'agit ; mais le peu d'habitants que la guerre a laissé empêche de garder les murailles, c'est le peu laissé qui empêche.

2. Peu joint à la préposition de et suivi d'un nom au singulier régit le verbe au singulier : Peu de monde a su mon arrivée ; mais il régit le verbe au pluriel, quand il est suivi d'un substantif pluriel : Peu de paroles suffisent au sage.

3. Si peu est déterminé avec un nom au pluriel, on peut mettre le verbe au pluriel ou au singulier, suivant l'idée qu'on aura : Ce peu de mots suffira ou suffiront.

4. Il faut se garder de confondre peu et guère. Guère veut dire beaucoup ; seulement, comme il ne se construit qu'avec la négation, ainsi construit il signifie peu.

HISTORIQUE

XIe s. Ainz i ferai un poi de legerie, Ch. de Rol. XX. Donc [il] at tel duel [deuil] pour poi d'ire ne fent, ib. XXII. De nos Franceis me semble aveir mult poi, ib. LXXX.

XIIe s. Fors qu'un seul pou lui messiet, ce m'est vis : Ce que trop [elle] tient ses ieus de moi eschis [éloignés], Couci, IX. Poi aime son seigneur… Qui par fausse achoison [imputation] de lui servir se part, Sax. XI. Tuit sevent qu'il [le roi] vus ad durement honuré, Del poi ù vus trova hautement alevé, Th. le mart. 83. Et jà soit ce que la pense [pensée] ait alcune poie chose comprise de lui [Dieu], Job, p. 479.

XIIIe s. Rois, vous savez que Diex a pou d'amis, Ne onques mais n'en ot si grant mestier [besoin pour la croisade], Quesnes, Romancero, p. 101. Lors a la male vieille un poi avant passé, Berte, X. Vous en avez assez et je en ai trop po, ib. XXXII. [Il] A la chasse laissie ; à ceste heure lui fu mout pou de chasserie [la chasse lui soucia peu], ib. CXIX. Mès l'entrée ert d'estroite manche, Le col si fort li estraingnoit, à par un pou ne l'estrangloit, Ren. 7626. Que por Dieu li doint… Ou poi ou grant de sa viande, ib. 966. Sovaigne vos que li apostre N'orent pas paradix por pou, Rutebeuf, I, p. 123. Après la bataille mons. Gautier, estoit frere Guillaume de Sonnac, mestre du Temple à [avec] tout ce pou de freres qui li estoient demourez de la bataille du mardi, Joinville, 232.

XIVe s. Aucun peu different les bons et les malvais en…, Oresme, Eth. 30.

XVe s. S'il l'eust tant soit peu tenue, la ville de Meleun eust été mieulx advitaillée qu'elle ne fut, Chartier, Hist. de Charles VII. Et ne mengeoient seulement que chair de cheval ; qui est une chose peu ou neant nourrissant, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1420. Et division se mist entre eulx, qui a duré jusques au jourdhuy ou peu s'en fault, Commines, I, 3.

XVIe s. Elle estoit poy plus poy moins [environ] grosse comme la pile St-Mars, Rabelais, Garg. I, 16. Vray est que ce peu [la moelle] plus est delicieux que le beaucoup de toutes aultres, Rabelais, ib. I, prol. Peu de temps aprez, le bon Pantagruel tumba malade, Juvénal Des Ursins, Pant. II, 33. Certains petitz boucliers legiers, sonnans et bruyans quand on y touchoyt tant peu feust, Juvénal Des Ursins, ib. V, 39. Vray est qu'il y en avoit peu [de vin], et ne vous plaist ce que l'on dist communement : un peu et du bon, Juvénal Des Ursins, IV, anc. prol. Ainsi peu près au juge devisay, Marot, I, 260. A peu que je ne leur fay la response, que feit Virgile à un quidam Zoile, qui…, Du Bellay, J. II, 5, recto. Mais pour venger l'injure d'un empire, Si peu de sang pourroit il bien suffire ? Du Bellay, J. V, 52, verso. Ainsi de peu à peu creut l'empire romain, Du Bellay, J. VI, 59, verso. En si peu que de rien [en un instant], Du Bellay, J. VI, 62, recto. Sa fureur pour un temps cachée Sembloit quelque peu relaschée, Du Bellay, J. VII, 47, verso. J'ay des premiers de ceux du mestier dont je suis, Osé vous estrener de ce peu que je puis, Du Bellay, J. VIII, 57, verso. Pour ne perdre peu de [quelques] corps morts, Montaigne, I, 19. C'est peu de chose… ce n'est pas chose de peu, Montaigne, I, 107. Ils vous estiment de peu [ils font peu de cas de vous], Montaigne, I, 140. Il n'est rien plus gay, et, a peu que je ne die, follastre, Montaigne, I, 175. Pour peu que nostre raison se destourne de la voye trassée, Montaigne, I, 256. Mais je m'en voys un peu bien à gauche de mon theme, Montaigne, III, 117. Un homme de peu, Montaigne, IV, 53. Ceci doit suffire, pour faire conoistre que le peu s'augmente et le beaucoup s'en tretient par le moyen de la concorde, Lanoue, 53. Il les faut bien remarquer, et n'imputer pas à tous la faute de peu, Lanoue, 85. Peu de choses lui plaisent et beaucoup lui déplaisent, Lanoue, 149. … Se soucient peu ou point de la misere des affligez, Lanoue, 215. Le trop ou le peu apportent difformité, Lanoue, 261. Poco y bueno : qui est à dire peu et bon, Lanoue, 273. Vous aurez pour agreable l'affection que j'ay eu d'enrichir nostre langue, selon la foible portée de mon peu de sens et de litterature, Amyot, Épît. Ilz s'y assembloient par quinzaines en chasque sale, peu plus ou peu moins, Amyot, Lyc. 18. Brennus prit Rome peu plus de 360 ans après sa premiere fondation, Amyot, Cam. 39. Là les capitaines comploterent pour empescher à leur chef l'essai de ce logis avec son peu, en lui reprochant St-Mandé, D'Aubigné, Hist. III, 9. Si peu que tu vivras, tu vivras en moleste, Ronsard, 870. … Dites moi un peu, escoutez un peu, H. Estienne, Conform. p 79. Peu de bien, peu de souci, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 371. Peu parler, bien ouvrer, Leroux de Lincy, ib. Je pense, sans estre deceu, Que ce n'est rien, ou c'est bien peu, Am. Jamyn, Poésies, p. 151, verso, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, pô, pok ; bourg. pecho ; picard, poke à poke ; provenç. pauc ; cat. poc ; port. pouco ; esp. et ital. poco ; du lat. paucus ; comparez le goth. favs ; anc. haut-allem. fohe ; angl. few.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PEU. - REM. Ajoutez :

5. À la phrase de Corneille, rapportée au n° 3 : Pour en venir à bout c'est trop peu que de vous, ajoutez cet exemple semblable de Régnier, Dialogue : Il croit que c'est pour moi trop peu que d'un supplice.