« honneur », définition dans le dictionnaire Littré

honneur

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

honneur

(o-neur) s. m.
  • 1Estime glorieuse qui est accordée à la vertu, au courage, aux talents. Trop peu d'honneur pour moi suivrait cette victoire, Corneille, Cid, II, 2. Et l'exécrable honneur de lui donner un maître [à l'univers], Corneille, Cinna, I, 3. L'honneur des premiers faits se perd par les seconds, Corneille, Hor. V, 2. Ensemble nous cherchons l'honneur d'un beau trépas, Corneille, Cinna, V, 2. Ce n'était pas assez [pour Fouquet]… de tourner toutes finances en dépenses impudentes et en acquisitions insolentes qui ne regardaient ni son honneur ni son service [du roi], Chapelain, Lett. à Mme de Sévigné, dans FEUILLET DE CONCHES, Variétés d'histoire et d'art. Votre fils s'était acquis bien de l'honneur dans cette campagne, Sévigné, 496. Tous les arts venaient à leur perfection [chez les Égyptiens] ; l'honneur, qui les nourrit, s'y mêlait partout, Bossuet, Hist. III, 3. N'allons point à l'honneur par de honteuses brigues, Boileau, Art p. IV. Notre nation, ou plus vaine ou plus frivole, comme on l'en accuse, ou, pour parler plus équitablement et lui faire plus d'honneur, plus attachée à ses maîtres et plus respectueuse envers les grands, Massillon, Petit. car. Exemples. Le pécheur est souvent élevé en honneur, Massillon, Avent, Jug. L'honneur de secourir les peuples qu'on opprime Sera toujours brigué par les braves Français, Masson, Helv. II. Désormais son nom [de Rostopchine] appartient à l'histoire ; toutefois il n'eut que la plus grande part à l'honneur de ce grand sacrifice [l'abandon de Moscou] ; il était déjà commencé dès Smolensk, lui l'acheva, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 2.

    Il se dit elliptiquement et par exclamation. Honneur aux braves ! c'est-à-dire rendons honneur aux braves.

    Soutenir l'honneur du corps, soutenir les prééminences, les priviléges de son corps, de sa compagnie.

    Par analogie et plaisanterie. Mme de Sully soutiendra l'honneur de la danse, Sévigné, 459.

    Il n'y a ni honneur ni profit à faire une telle chose, c'est-à-dire elle n'est ni utile ni honnête.

    Moins d'honneur et plus de profit, c'est-à-dire l'honneur ne suffit pas, il faut aussi du profit.

    En honneur, en estime et réputation. …Ma muse imparfaite eut en honneur la tienne, Régnier, Sat. IX. Il met en honneur toute la tendresse des enfants, Sévigné, 413. Toutes les sciences ont été en grand honneur parmi eux [les Égyptiens], Bossuet, Hist. III, 3. J'ai vu partout le labourage en honneur, Fénelon, Tél. XXII.

    Faire honneur à, procurer estime et réputation, considération glorieuse. Faire honneur à son pays. Chez ces anciens Romains, ce n'était point la maison qui faisait honneur au maître, mais le maître qui faisait honneur à la maison, Rollin, Traité des ét. V, I, 2. Un homme qui fait maintenant honneur à l'Espagne et qui en ferait à quelque nation que ce pût être, M. Campo Manès, Raynal, Hist. phil. XII, 11.

    Faire honneur à sa naissance, en soutenir l'éclat.

    Faire honneur à son éducation, répondre aux soins qu'elle a coûté.

    Faire honneur à une lettre de change, à sa signature, payer une lettre de change, payer l'engagement qu'on a souscrit.

    Faire honneur à ses affaires, tenir tous ses engagements.

    Fig. Faisant honneur à la résolution que j'avais prise, Sévigné, 159.

    Faire honneur à quelqu'un d'une chose, la lui attribuer.

    On le dit dans le même sens, en parlant de choses. Vous faites honneur de votre irréligion à la force de votre esprit, Massillon, Carême, Vérité de la relig. Des singularités dont on fait honneur à la grâce, Massillon, Panég. St J. Bapt.

    Faire honneur à la vérité, la confesser. Voilà ce que je voulais vous dire pour faire honneur à la vérité, Sévigné, 287.

    Champ d'honneur, un champ de bataille. Richard demeura maître du champ d'honneur, Voltaire, Mœurs, 56.

    Mourir au lit d'honneur, mourir les armes à la main, dans la guerre. Cet amant fortuné, ce prodige en bonheur Pour dernier avantage est mort au lit d'honneur, Tristan, Panthée, V, I. Je demande sa mort, mais non pas glorieuse… Non pas au lit d'honneur, mais sur un échafaud, Corneille, Cid, IV, 5.

    On dit plus souvent mourir au champ d'honneur. Mort au champ d'honneur, est la formule consacrée dans les billets de faire part de la mort des militaires tués sur le champ de bataille.

    Mourir au lit d'honneur, se dit aussi d'un homme qui meurt dans l'exercice d'une profession honorable.

    Par plaisanterie, mourir au lit d'honneur, se dit d'un ivrogne, d'un joueur, etc. qui continuent à boire, à jouer jusqu'au dernier moment.

    Par antiphrase. Lieu d'honneur, lieu de débauche. Parlons un peu de votre frère… il est d'une faiblesse à faire mal au cœur ; il plut hier à trois de ses amis de le mener souper dans un lieu d'honneur ; il y fut, Sévigné, 22 avril 1671.

  • 2Le besoin d'avoir de l'honneur, des distinctions, des préférences. [Dans le gouvernement monarchique] l'honneur, c'est-à-dire le préjugé de chaque personne et de chaque condition, prend la place de la vertu politique et la représente partout ; il y peut inspirer les plus belles actions ; il peut, joint à la force des lois, conduire au but du gouvernement comme la vertu même, Montesquieu, Esp. III, 6. La nature de l'honneur est de demander des préférences et des distinctions ; il est donc, par la chose même, placé dans le gouvernement monarchique, Montesquieu, ib. III, 7. Ce n'est point l'honneur qui est le principe des États despotiques : les hommes y étant tous égaux, on n'y peut se préférer aux autres ; les hommes y étant tous esclaves, on n'y peut se préférer à rien, Montesquieu, ib. III, 8. Le mot célèbre du duc d'Orléans régent suffit pour détruire le fondement de l'Esprit des lois : c'est un parfait courtisan, il n'a ni humeur ni honneur, Voltaire, Dict. phil. Honneur.
  • 3Le sentiment qui fait que l'on veut conserver la considération de soi-même et des autres. Les affronts à l'honneur ne se réparent point, Corneille, Cid, II, 3. Impitoyable honneur, mortel à mes plaisirs, Que tu vas me coûter de pleurs et de soupirs ! Corneille, ib. II, 3. Et d'autant que l'honneur m'est plus cher que le jour, Corneille, ib. III, 6. Je vois que votre honneur demande tout mon sang, Que tout le mien consiste à vous percer le flanc, Corneille, Hor. II, 3. L'amour n'est qu'un plaisir, l'honneur est un devoir, Corneille, Cid, III, 6. Lorsque l'injure a une fois éclaté, notre honneur ne va point à vouloir cacher notre honte, mais à faire éclater notre vengeance, Molière, D. Juan, III, 5. Encore a-t-on son honneur à garder, Sévigné, Lett. 16 sept. 1671. Les injures et les duretés qu'il [le mauvais serviteur] leur dit [aux hommes qui lui sont confiés], qui sont une espèce de plaie à la réputation et à la vie de l'honneur, Bossuet, Méd. sur l'Évang. dern. semaine du Sauveur, 88e jour. Combien de fois arrêta-t-elle par autorité le coup mortel qu'une langue cruelle allait porter à l'honneur ou à la fortune d'une famille ? Fléchier, Dauphine. L'honneur d'un gentilhomme me paraît quelque chose de si délicat que je n'ai pu refuser ma protection à celui-ci, Maintenon, Lett. au maréchal de Château-Renaud, t. V, p. 258, dans POUGENS. Mais l'honneur en effet qu'il faut que l'on admire, Quel est-il, Valincourt, pourras-tu me le dire ? L'ambitieux le met souvent à tout brûler, Boileau, Sat. X. L'honneur est comme une île escarpée et sans bords ; On n'y peut plus rentrer, dès qu'on en est dehors, Boileau, ib. X. …Le seul honneur solide, C'est de prendre toujours la vérité pour guide, Boileau, ib. X. Marchez, courez, volez où l'honneur vous appelle, Boileau, Lutr. III. L'honneur parle, il suffit ; ce sont là nos oracles, Racine, Iphig. I, 2. Qu'est-ce que l'honneur ? c'est la force de l'âme animée ou réveillée par le devoir, et qui, quelquefois même, nous porte au delà de ce qu'il prescrit, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuv. t. IV, p. 336, dans POUGENS. Cet honneur étranger, parmi nous inconnu, N'est qu'un fantôme vain qu'on prend pour la vertu : C'est l'amour de la gloire, et non de la justice, La crainte du reproche, et non celle du vice, Voltaire, Alz. IV, 3. On a perdu bien peu quand on garde l'honneur, Voltaire, Adel. du Guesclin. III, 1. Nous lui devions nos jours, nos services, notre être… Mais l'honneur est un bien que nous ne devons pas, Voltaire, Orphel. IV, 6. Un pouvoir qui se fonde Sur les faux préjugés du faux honneur du monde, Voltaire, Irène, III, 4. Des lois que nous suivons la première est l'honneur, Voltaire, Œdipe, III, 3. C'est une nation de héros [les Polonais], se faisant valoir au delà de la vérité, mais ensuite mettant leur honneur à rendre vrai ce qui d'abord n'avait été ni vrai ni même vraisemblable, Ségur, Hist. de Nap. III, 3. Son colonel [d'un régiment], le jeune Fezensac, sut ranimer ces hommes à demi perclus de froid… toute sensation physique portait à se rebuter et à fuir, la nature le conseillait de ses cent voix les plus pressantes, et pourtant quelques mots d'honneur suffirent pour obtenir le dévouement le plus héroïque, Ségur, ib. IX, 13. Mais, toutes ces horreurs [d'un champ de bataille], il les couvrit de gloire ; sa reconnaissance transforma ce champ de mort en un champ de triomphe, où pendant quelques heures régnèrent seuls l'honneur et l'ambition satisfaits, Ségur, ib. VI, 8. Les dernières paroles de l'empereur à Lauriston [envoyé auprès du général russe] furent : Je veux la paix, il me faut la paix, je la veux absolument ; sauvez seulement l'honneur, Ségur, ib. VIII, 10.

    Il se dit aussi en parlant des nations. Dans cette grande crise, Rostopchine vit surtout deux périls : l'un qui menaçait l'honneur national, celui d'une paix honteuse dictée dans Moscou et arrachée à son empereur ; l'autre…, Ségur, ib. VIII, 2.

    Perdre quelqu'un d'honneur, lui ôter toute l'estime dont il jouit. Il le perd d'honneur, Corneille, D. Sanche, V, 6. Je suis perdu d'honneur, voici un affront que je ne supporterai point, Sévigné, 47.

    Piquer d'honneur une personne, lui persuader que son honneur est engagé à faire ou à ne pas faire une chose.

    Se piquer d'honneur, montrer dans une occasion plus de qualités qu'on n'a coutume d'en faire paraître ; et aussi faire une chose comme si l'on y était engagé, ou par émulation. Point d'honneur, ce qui pique, excite, en fait d'honneur, et oblige à ne pas céder, à ne pas reculer. Leur passion est ce point d'honneur qui les engage à des violences, Pascal, Prov. 7. Martyr glorieux d'un point d'honneur nouveau, Boileau, Lutr. III. Je conçois bien qu'un scélérat, associé à d'autres scélérats, cèle d'abord ses complices ; les brigands s'en font un point d'honneur ; car il y a de ce qu'on appelle honneur jusque dans le crime, Voltaire, Henr. Diss. sur la mort de Henri IV.

    Prendre tout au point d'honneur, avoir trop de susceptibilité sur le point d'honneur.

    Par extension. Se faire un point d'honneur de quelque chose, y mettre un soin comparé au soin qu'on a de son honneur. Elle s'en fait un point d'honneur, Bossuet, Lett. abb. 99.

    Terme de blason. Point d'honneur, place de l'écu située entre le chef et la fasce. Quartier d'honneur, le premier quartier ou canton du chef.

    Familièrement. Réparation d'honneur, se dit à quelqu'un à propos de qui on reconnaît avoir cru une chose désavantageuse laquelle n'est pas.

    Affaire d'honneur, débat, démêlé où les parties croient leur honneur engagé, et, dans un sens plus restreint, duel.

    Dettes d'honneur, dettes de jeu.

  • 4Qualité qui nous porte à faire des actions nobles et courageuses ; vertu, probité. C'est un homme plein d'honneur. L'honneur français. Les lois de l'honneur. Il aime l'honneur, ne craignez pas qu'il fasse une mauvaise action. On sait que ce pied-plat, digne qu'on le confonde, Par de sales emplois s'est poussé dans le monde… Son misérable honneur ne voit pour lui personne, Molière, Mis. I, 1. Entendons discourir sur les bancs des galères Ce forçat abhorré même de ses confrères ; Il plaint par un arrêt injustement donné L'honneur en sa personne à ramer condamné, Boileau, Épil. X. Ce n'est plus avoir de l'honneur, que de laisser espérer aux gens qu'on en manquera, Marivaux, Marianne, part. 1.

    Homme d'honneur, homme qui a probité, franchise et générosité. Et tout homme d'honneur doit souffrir le trépas Plutôt que de promettre et de ne tenir pas, Mairet, Mort d'Asdrub, I, 4. Ne le recevez point en meurtrier d'un frère, Mais en homme d'honneur qui fait ce qu'il doit faire, Corneille, Hor. II, 4. Je veux qu'on soit sincère et qu'en homme d'honneur On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur, Molière, Mis. I, 1. Trahi de toutes parts, accablé d'injustices, Je vais sortir d'un gouffre où triomphent les vices, Et chercher sur la terre un endroit écarté Où d'être homme d'honneur on ait la liberté, Molière, ib. V, 8. C'était une personne d'honneur qui nous contait cette histoire, Pascal, Prov. 6.

    Au plur. On dit des gens d'honneur. Tous deux pour leur pays sont morts en gens d'honneur, Corneille, Hor. IV, 2. Je crains que leur probité ne soit de celle des sages du monde… qui s'imaginent avoir rempli les devoirs de la vertu lorsqu'ils vivent en gens d'honneur, Bossuet, Coméd.

    Par honneur, comme si on était engagé par les lois de l'honneur. Vous qui prêtez l'oreille au mensonge, et qui, par honneur ou par conscience, renonçant à débiter les médisances, vous êtes réservé le droit de les croire, Fléchier, Dauphine. Lorsqu'on a poussé l'exagération ou la flatterie jusqu'à un certain point, on se croit obligé par honneur à la soutenir, Genlis, Veillées du chât. t. III, p. 155.

    Avec honneur, en restant fidèle à l'honneur. Pour faire subsister sa famille avec honneur, Pascal, Prov. 8. Mais, n'étant point unis par un lien si doux [l'hymen], Me puis-je avec honneur dérober avec vous ? Racine, Phèd. V, 1.

    En honneur, même sens. Qui sait, lorsque le sang du martyre l'arrose, Si je puis en honneur abandonner sa cause [du Seigneur] ? Lamartine, Jocel. IV, 158.

    En tout bien et en tout honneur, en tout bien et tout honneur, à bonne fin, à bonne intention. Il ne prétend à vous qu'en tout bien et en tout honneur, Molière, Fourber. III, 1.

    Par serment. Sur l'honneur, sur mon honneur, en honneur, en vérité, assurément. Sur l'honneur, en honneur, je n'en puis rien faire.

    Foi d'homme d'honneur, ou, elliptiquement, d'honneur, même sens. D'honneur, je ferai ce que vous désirez.

    Parole d'honneur, promesse faite sur l'honneur.

    Dans la conversation, ma parole d'honneur, ou, simplement, parole d'honneur, se dit pour affirmer. Je serai exact au rendez-vous, parole d'honneur.

  • 5Honneur, en parlant d'une femme, la chasteté ou le mariage légitime. Rendre l'honneur à une femme, l'épouser après l'avoir eue pour maîtresse. Ces vieux contes d'honneur, invisibles chimères, Qui naissent aux cerveaux des maris et des mères, Malherbe, V, 4. Ha ! que ne suis-je roi pour cent ou six vingts ans ? Par un édit public qui fût irrévocable, Je bannirais l'honneur, ce monstre abominable, Qui nous trouble l'esprit et nous charme si bien Que sans lui les humains ici ne voient rien, Qui trahit la nature, et qui rend imparfaites Toutes choses qu'au goût les délices ont faites, Régnier, Sat. VI. L'honneur est un vieux saint que l'on ne chôme plus, Régnier, Macette. L'inquiétude que vous donne cette maudite affaire du surintendant est la marque de la délicatesse de votre honneur, Chapelain, Lett. à Mme de Sévigné, dans FEUILLET DE CONCHES, Variétés d'hist. et d'art. Notre honneur est, monsieur, bien sujet à faiblesse, S'il faut qu'il ait besoin qu'on le garde sans cesse, Molière, Éc. des mar. I, 2. Je ne vois rien de si ridicule que cette délicatesse d'honneur qui prend tout en mauvaise part, donne un sens criminel aux plus innocentes paroles, et s'offense de l'ombre des choses, Molière, Critique, 3. C'est l'honneur qui les doit [les femmes] tenir dans le devoir, Non la sévérité que nous leur faisons voir, Molière, Éc. des maris, I, 2.

    Femme d'honneur, femme qui se conduit bien. Une femme d'honneur peut avouer sans honte Ces surprises des sens que la raison surmonte, Molière, Poly. I, 3.

    Familièrement. Faire faux bond à son honneur, forfaire à son honneur, se dit d'une femme qui manque à la chasteté.

  • 6Honneur, en parlant d'un mari, la bonne renommée qui rejaillit sur lui de la fidélité de sa femme. Quand j'aurai fait le brave, et qu'un fer, pour ma peine, M'aura d'un vilain coup transpercé la bedaine… Dites-moi, mon honneur, en serez-vous plus gras ? Molière, Sgan. 17. Quoi que sur ce sujet votre honneur vous inspire, Molière, Éc. des f. IV, 8. De l'honneur ottoman ses successeurs jaloux, Racine, Bajaz. II, 1.
  • 7Démonstration extérieure de respect, d'estime. Au vainqueur, non à moi, vous faites tout l'honneur, Corneille, Pomp. III, 1. L'honneur qu'on rend aux morts est une vieille loi, Rotrou, Antig. IV, 5. L'honneur qu'on porte aux siens devient illégitime, Rotrou, ib. V, 2. On vous fait des honneurs extrêmes, il faut répondre à tout cela, vous êtes accablée, Sévigné, 24. Je voudrais savoir si vous êtes entièrement insensible à tous les honneurs qu'on vous fait ; pour moi, je vous avoue grossièrement qu'ils ne me déplairaient pas, Sévigné, Lett. 13 mai 1671. Il reçoit de ces peuples les honneurs divins, Bossuet, Hist. I, 4. Jetez les yeux de toutes parts ; voilà tout ce qu'a pu faire la magnificence et la piété pour honorer un héros : des titres, des inscriptions, vaines marques de ce qui n'est plus… rien enfin ne manque dans tous ces honneurs que celui à qui on les rend, Bossuet, Louis de Bourbon. Lui-même il avait été reconnaître les rivières et les montagnes qui servirent à ce grand dessein [la prise de l'armée de Labiénus en Espagne par César]… les capitaines des siècles futurs lui rendront un honneur semblable, Bossuet, Louis de Bourbon. Il [Condé] rendait au roi d'Angleterre et au duc d'York tous les honneurs qui leur étaient dus, Bossuet, ib. Ne me rends pas un honneur que je n'ai pas mérité, à moi qui n'en voulus jamais rendre qu'au vrai mérite, Fléchier, Duc de Mont. L'honneur seul peut flatter un esprit généreux, Racine, Esth. II, 5. Je vois mes honneurs croître et tomber mon crédit, Racine, Brit. I, 1. Et ne préférez pas à la solide gloire Des honneurs dont César prétend vous [Junie] revêtir La gloire d'un refus sujet au repentir, Racine, ib. II, 3. …Que ma bouche et mon cœur, et tout ce que je suis, Rendent honneur au Dieu qui m'a donné la vie, Racine, Esth. II, 9. On nous reçut avec honneur, Fénelon, Tél. V. En rendant l'honneur et le tribut aux puissances établies de Dieu, Massillon, Carême, Aumône. En rendant à une fausse vertu l'estime et l'honneur qui ne sont dus qu'à la vertu véritable, Massillon, Carême, Injustice du monde. Les traîtres le saisirent, le lièrent avec des chaînes d'or pour faire honneur à sa qualité de roi, et prirent le chemin de la Bactriane, le conduisant dans un chariot couvert, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VI, p. 369, dans POUGENS. Un jour qu'il [Virgile] vint à paraître au théâtre, après qu'on y eut récité quelques-uns de ses vers, tout le peuple se leva avec des acclamations, honneur qu'on ne rendait alors qu'à l'empereur, Voltaire, Ess. sur la poésie épique, 3. Non moins exigeant pour l'honneur qui m'était dû, qu'attentif à rendre celui que je devais aux autres, Rousseau, Confess. VII.

    Sans honneur, avec ignominie. Faut-il que sans honneur l'Euphrate vous revoie ? Racine, Bérén. I, 3. Il me faut sans honneur retourner sur mes pas, Racine, Iphig. II, 5. Et traîné [Hector] sans honneur autour de nos murailles, Racine, Andr. III, 8.

    Les honneurs suprêmes, les derniers honneurs, les honneurs funèbres, les honneurs du cercueil, de la sépulture, les funérailles. Ces montagnes de morts privés d'honneurs suprêmes, Corneille, Pomp. I, 1. J'entends qu'avec ma cour toute la ville en deuil, Demain rende au dernier [Étéocle] les honneurs du cercueil, Rotrou, Antig. IV, 1. Le prétexte de l'ambassade fut de redemander le corps de Gratien, pour lui rendre les derniers honneurs, Fléchier, Hist. de Théod. III, 71.

    Terme militaire. Obtenir les honneurs de la guerre, ne pas rendre ses armes en abandonnant une place ; autrefois, c'était sortir par la brèche, enseignes déployées, mèche allumée, balle en bouche ; aujourd'hui, c'est sortir avec armes et bagages, ne déposant les armes qu'aux avant-postes ou sur les glacis. Fig. Sortir d'une querelle, d'un procès, d'une discussion avec les honneurs de la guerre, en sortir honorablement, avec succès.

    Une garde d'honneur, voy. GARDE 1, n° 13.

    Les gardes d'honneur, jeunes gens qui, sous le premier empire, s'étant rachetés de plusieurs conscriptions, furent appelés au service militaire et formèrent des régiments de cavalerie.

    Place d'honneur, la place réservée dans une cérémonie, dans un repas, à une personne qu'on veut honorer d'une distinction.

    Cour d'honneur, la cour principale d'une maison. On dit de même l'escalier d'honneur.

    Les cours d'honneur, sorte de tribunaux dans le genre des cours d'amour, qui décidaient les questions du point d'honneur.

    En l'honneur de, à l'honneur de, pour faire honneur à. Il avait composé des hymnes à l'honneur des enfants de Latone, Fénelon, Tél. XVII. Vous me demandez les pièces de vers qu'on a faites à mon honneur et gloire ; je conserve peu de ces pièces fugitives, Voltaire, Lett. 25 mars 1772. Votre Majesté croira-t-elle qu'on a fait la défense la plus rigoureuse à tous les journalistes de dire un seul mot à l'honneur de M. de Voltaire ? D'Alembert, Lett. au roi de Prusse, 1er juillet 1778. On voyait aussi des pères insensés se jeter au milieu des flammes en l'honneur de leur idole, Diderot, Opin. des anc. phil. (Juifs).

    Faire les honneurs d'une maison, recevoir selon les règles de la politesse ceux qui viennent dans la maison. Je vais faire pour vous, mon père, les honneurs de votre logis, Molière, l'Av. III, 14. Elle a été tout le jour dans une chambre faisant l'honneur du logis, Sévigné, 48. Une jolie femme vient nous faire les honneurs, Sévigné, 286. Le duc a fait les honneurs de son gouvernement au roi d'Angleterre, Sévigné, 529. Il lui laissait le soin de faire les honneurs de la table, Hamilton, Gramm. 2. Elle fit les honneurs de chez elle à merveille, Staël, Corinne, XII, 1.

    Fig. Faire les honneurs de son esprit, montrer de l'esprit. Faisons bien les honneurs au moins de notre esprit, Molière, F. sav. III, 4.

    Faire les honneurs de quelqu'un, en parler. Je n'eus pas le courage de faire les honneurs de vous, Sévigné, 115.

    Ironiquement. Faire les honneurs de quelqu'un, en mal parler. …La bête est si bonne, Soit dit sans vous fâcher. - Ah ! je vous l'abandonne, Faites-en les honneurs…, Gresset, Méchant, II, 3.

    Faire les honneurs d'une chose à quelqu'un, en disposer en faveur de quelqu'un. La part qui me revient de cette gloire ou de cette honte est si petite, que je ne cours pas après, et que j'en fais les honneurs à qui voudra, D'Alembert, Lett. au roi de Prusse, 16 mai 1772.

    Familièrement. Faire honneur à un repas, y bien manger.

    Terme de marine. Faire honneur à un banc, à une roche, en passer près, mais sans le toucher et, pour ainsi dire, en se tenant à une distance respectueuse.

    On dit dans le même sens : ranger à l'honneur les roches, un écueil, etc.

  • 8Distinction qui flatte, qui honore. J'emporte avec moi le regret de ne pouvoir vous dire à combien d'honneur je reçois l'offre que vous me faites, Guez de Balzac, liv. VII, lett. 2. Parlons-en mieux, le roi fait honneur à votre âge, Corneille, Cid, I, 6. Nourris ensemble et compagnons d'école ; C'était beaucoup d'honneur au jeune perroquet ; Car l'enfant était prince et le père monarque, La Fontaine, Fabl. X, 12. Ce nous serait honneur, La Fontaine, Or. Vous leur fîtes, seigneur, En les croquant [les moutons], beaucoup d'honneur, La Fontaine, Fabl. VII, 1.

    L'honneur du pas, la préséance.

    Honneur se met en ce sens avec de et un verbe à l'infinitif. L'honneur d'appartenir à l'Académie. Il ne m'a pas fait l'honneur de me regarder. Il a l'honneur d'être admis à la table du prince. De tous ces meurtriers te dirai-je les noms ? Procule, Glabrion… Le reste ne vaut pas l'honneur d'être nommé, Corneille, Cinna, V, 1.

    Il se dit en ce sens par civilité et par compliment. Je pourrais prendre de la vanité de la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, Guez de Balzac, liv. I, lett. 4. Je me suis donné l'honneur de vous écrire une grande lettre, Bossuet, Lett. 14. Elle lui dit qu'elle aurait l'honneur de l'accompagner, Hamilton, Gramm. 4.

    J'ai l'honneur de vous saluer, aujourd'hui la plus sèche des formules de civilité au bas d'une lettre.

    Tenir à honneur, regarder comme une distinction. Je tiens à honneur de lui être présenté. Je tiens son alliance à singulier honneur, Molière, F. sav. II, 4. Les druides ont tenu la chasteté à honneur, Chateaubriand, Génie, I, I, 9.

    Se faire un honneur, regarder comme honorable. Le sénat se faisait un honneur de défendre les dieux, Bossuet, Hist. III, 1. Dans ce temps-là, les premières personnes de l'État, et les empereurs même, se faisaient un honneur et un plaisir d'assister aux leçons des grands philosophes et des rhéteurs de réputation, Rollin, Hist. anc. liv. XXV, ch. 2, art. 1, § 2.

    Il y a honneur et plaisir à, c'est une chose qui procure estime et plaisir. Voilà d'excellent vin, monsieur Lucas, et il n'y a qu'honneur et plaisir à travailler à vos vignes, Dancourt, Vendanges, sc. 5.

    Se faire honneur de quelque chose, s'en honorer, s'en parer. Aux zèles indiscrets tout paraît légitime, Et la fausse vertu se fait honneur du crime, Corneille, Tite et Bérén. V, 5. Vertueux sans vouloir se faire honneur de sa vertu, Fléchier, Lam. Elle lui promit de s'en faire honneur au bal, Hamilton, Gramm. 7. Ils ne doutèrent pas que je ne me fusse fait honneur du travail d'autrui, Rousseau, Confess. V.

    Il aime à se faire honneur de ce qu'il possède, il dépense une partie de son bien d'une manière utile ou agréable aux autres, en dîners, en soirées de musique, etc.

    Fig. Faire honneur d'une chose à…, l'attribuer à… Ce n'est pas que le carnaval n'ait été d'une tristesse excessive, vous pouvez vous en faire honneur, Sévigné, 19.

    Ironiquement. Faire beaucoup d'honneur à quelqu'un, lui faire bien de l'honneur, le traiter mieux qu'il ne mérite. On fait bien de l'honneur à des hommes si dignes de pitié, Massillon, Carême, Doutes. De la manière dont ces peuples étaient faits, c'était leur faire trop d'honneur que de les fourber avec quelque précaution, Fontenelle, Oracles, I, 15.

    Elliptiquement et dans le même sens ironique. Vous croyez donc que le roi ou la province donne quelque chose à mon fils pour nourrir ou instruire cette noblesse ; rien du tout, je vous assure ; encore trop d'honneur, Sévigné, 563.

    Ironiquement. Vous me faites bien de l'honneur, vous me faites là un bel honneur, c'est beaucoup d'honneur, c'est trop d'honneur que vous me faites, signifie : vous avez une bien mauvaise opinion de moi. Vous me croyez capable d'une aussi mauvaise action, vous me faites bien de l'honneur.

    Fig. Avoir l'honneur de, venir à bout de…, faire que… [L'assemblée] Se donne entière à l'orateur, Un trait de fable en eut l'honneur, La Fontaine, Fabl. VIII, 4. Mme de Langeron doit avoir l'honneur de ce changement, Sévigné, 440. Que ce sacrifice soit à la fois utile à votre réputation, à votre bonheur, à celui de la reine, qu'il soit volontaire, que la religion en ait tout l'honneur, Genlis, Mme de Maintenon, t. I, p. 262, dans POUGENS.

    Fig. À… honneur, avec un pronom possessif, heureusement, avec succès. À son honneur elle en sortit, La Fontaine, Fiancée. Faites comme vous pourrez, mes anges ; mais venons-en à notre honneur, Voltaire, Lett. d'Argental, 15 mai 1767. Enfin, malgré l'aï qui mousse, J'en veux venir à mon honneur, Béranger, Hab. de cour.

  • 9Légion d'honneur, ordre institué en France pour récompenser les services militaires et les talents distingués.

    Familièrement. La croix d'honneur, l'insigne de la Légion d'honneur.

    On dit dans le même sens : l'ordre d'honneur. Enfin les lanciers russes se rebutèrent ; leur fuite, les cris de joie de notre armée, l'ordre d'honneur que l'empereur envoya sur le champ même aux plus braves, tout apprit à ces vaillants soldats leur gloire, qu'ils n'appréciaient pas encore, les belles actions paraissant toujours simples à ceux qui les font, Ségur, Hist. de Nap. IV, 8.

  • 10Chevalier d'honneur, dame d'honneur, personnes de qualité attachées au service d'une princesse.

    Enfants d'honneur, s'est dit de jeunes gens de qualité qui étaient nourris auprès d'un prince, pendant son enfance.

    Garçon, fille d'honneur, celui, celle qui, pendant la cérémonie nuptiale, assistent le marié, la mariée.

    Président d'honneur, président honoraire.

    Marguillier d'honneur, marguillier d'un état supérieur à celui des marguilliers ordinaires. Le marguillier d'honneur n'est point comptable.

    Chevalier d'honneur, s'est dit de conseillers d'épée qui avaient séance et voix délibérative dans les cours souveraines.

    Conseillers d'honneur, conseillers qui avaient séance et voix délibérative dans certaines compagnies, quoiqu'ils n'eussent point de charge.

  • 11Dans le langage poétique ou élevé, au pluriel, les honneurs, l'éclat de la gloire. Loin donc, honneurs de la terre, tout votre éclat couvre mal nos faiblesses et nos défauts ; il ne les cache qu'à nous seuls et les fait connaître aux autres, Bossuet, la Vallière. Que la nature donc soit votre étude unique, Auteurs qui prétendez aux honneurs du comique, Boileau, Art p. III. Détruisons ses honneurs [de Rome] et faisons disparaître La honte de cent rois et la mienne peut-être, Racine, Mithr. III, 1. Partez ; à vos honneurs [d'Achille partant pour Troie] j'apporte trop d'obstacles, Racine, Iphig. V, 2. On verra de David l'héritier détestable Abolir tes honneurs [de Dieu], profaner ton autel, Et venger Athalie, Achab et Jézabel, Racine, Athal. V, 6.
  • 12 Au plur. Dignité, charge. Voilà celui qui nous menait dans les hasards ; sous lui se sont formés tant de renommés capitaines que ses exemples ont élevés aux premiers honneurs de la guerre, Bossuet, Louis de Bourbon. Élevé sans empressement aux premiers honneurs, il y a vécu aussi modeste que grand, Bossuet, le Tellier. Lorsqu'on se voit tout d'un coup élevé aux places les plus importantes, et que je ne sais quoi nous dit dans le cœur qu'on mérite d'autant plus de si grands honneurs qu'ils sont venus à nous comme d'eux-mêmes, on ne se possède plus, Bossuet, ib. Les honneurs sont institués pour récompenser le mérite, pour exercer la sagesse et pour être des occasions de faire du bien, Fléchier, Duch. de Montausier. Tant de gens échangent volontiers l'honneur contre les honneurs, Alph. Karr, les Guêpes, juin 1842.
  • 13Les honneurs du Louvre, se disait de certaines distinctions, et particulièrement d'entrer à cheval ou en carrosse dans la cour du Louvre et dans celles des autres maisons où le roi était logé. Il a les honneurs du Louvre par sa charge, Sévigné, 200.

    Les honneurs de l'Église, les prééminences et les droits honorifiques qu'on a dans l'Église.

  • 14Les honneurs, se dit, en certaines grandes cérémonies, telles que le sacre des rois, etc. des pièces principales qui servent à la cérémonie ; comme le sceptre, etc. Ah ! que l'on porte ailleurs les honneurs qu'on m'envoie ; Importune, peux-tu souhaiter qu'on me voie ? Racine, Phèdre, III, 1. Henri IV [au baptême de Louis XIII] nomma le maréchal de Bouillon, quoique huguenot, pour porter les honneurs, Saint-Simon, 167, 238.

    Les seigneurs eux-mêmes, qui portent ces pièces.

  • 15 Fig. Il se dit de ce qui fait l'ornement. À Porsenne, à ce roi l'honneur des souverains, Du Ryer, Scévole, II, 3. Pour vous, ma chère sœur, sage et pieuse fille, Gloire du sang d'Œdipe, honneur de sa famille, Rotrou, Antig. II, 2. Corbulon fit tout l'honneur de ce règne par ses victoires, Bossuet, Hist. I, 10. …La grêle Qui, dans un grand jardin, à coups impétueux, Abat l'honneur naissant des rameaux fructueux, Boileau, Lutr. V. Il respecte en Pyrrhus l'honneur du diadème, Racine, Andr. V, 2. Les hêtres qui sont l'honneur des forêts, Fénelon, Tél. XVII. Tel fut le sort d'Hypatie, l'honneur de son sexe et l'étonnement du nôtre, Diderot, Opin. des anc. philos. (éclectisme).
  • 16Au jeu, la partie d'honneur, la troisième partie que l'on joue, quand chacun des deux joueurs en a gagné une.

    Absolument, l'honneur, la partie d'honneur. Quant à nous, partie, revanche et l'honneur, et nous venons entendre mademoiselle, Picard, Deux Philibert, II, 4.

    Ne jouer que l'honneur, que pour l'honneur, ne pas jouer d'argent, jouer seulement pour passer le temps.

  • 17 Terme de jeu de cartes. Les figures d'atout. J'ai un honneur. J'ai deux honneurs.

    Au whist, au boston, etc. les figures et l'as d'atout.

  • 18 Terme de féodalité. Mode de propriété libre auquel étaient attachés des droits seigneuriaux.
  • 19Votre Honneur est en Angleterre un titre qu'on donne par respect à certaines personnes de qualité.
  • 20Populairement et par civilité. Sauf votre honneur, sauf le respect que je vous dois.

PROVERBES

Les honneurs changent les mœurs, c'est-à-dire un pauvre enrichi est sujet à se méconnaître. Tienne qui voudra pour sentence Que les honneurs changent les mœurs ; Je crois plutôt que les honneurs Mettent les mœurs en évidence, Pons, (de Verdun), Poésies.

À tous seigneurs tous honneurs, à tout seigneur tout honneur, c'est-à-dire il faut rendre honneur à qui il appartient. On dit aussi : aux seigneurs les honneurs.

REMARQUE

Ce mot ne devrait s'écrire qu'avec une n ; ni le latin, ni l'antique orthographe, ni la prononciation ne justifient les deux nn.

HISTORIQUE

XIe s. Serez ses hom [son homme] par honur et par ben, Ch. de Rol. III. À lui lais-je mes honurs et mes fiefs, ib. XXIII. Se lui servez [Mahomet], l'onur du champ ert [sera] nostre, ib. LXXII. Conseillez-mei à dreit et à honur, ib. CLXXXIV. Je n'aurai jà qui soustiene m'onur, ib. CCIV. En plusurs gestes de lui sont granz honurs [éloges], ib. CCXXVIII.

XIIe s. En l'onor Deu, le fil sainte Marie, Roncisv. p. 59. Tant que Dex voille, du champ aions l'onor, ib. p. 108. En douce France dont les honors [fiefs] tenez, ib. p. 143. Li rois l'enmene, qui mout lui fait onors, ib. p. 148. N'a droit au fieu ne à l'onor, Qui se combat à son seignor, Du Cange, honor. Si li devons moult gran onor porter, Garin le loh. dans DU CANGE, honor. N'oublierai ceste honor D'amer toute la meillor, Couci, I. Jà n'i croistra vos los ne vos honors, ib. VII. Se sauve l'onor Du creator Estoit, tout temps [je] voudroie [qu'il] Nuit feist du jor ; Jamais dolor Ne pesance [je] n'auroie, Romancero, p. 68. Mais [que] cil en ait l'onor, cui Dex voudra aidier, Sax. IV. Mais cil qui pert honor, vaurroit mieux mors que vis, ib. XXVI. Si nous portera Charles honor et seignorie, ib. XXXII.

XIIIe s. Uns griex [un Grec], qui mout estoit sires dou païs… si vint à lui, li fist mout grant oneur, puis li dist…, Villehardouin, CXXXIII. Quant de si haute honor [je] sui cheüe en la boue, Berte, XXXIII. L'onor n'est pas autre chose que guerredon de vertu et merci dou bien receu, Latini, Trésor, p. 316. À li [courtoisie] se tint uns chevaliers Acointables et biaus parliers Qui sot bien faire honor as gens, la Rose, 1255. Le roy me dit que ce moustier estoit fait en l'onneur du miracle que Dieu fist du dyable que il geta hors du cors de la fille à la veuve femme, Joinville, 279. Messire Erart, il me semble que vous feriés vostre grand honeur, se vous aliez querre aide pour nos vies sauver, Joinville, 226. Sire, fist le preudomme, vous me faites grant honeur, la vostre merci, Joinville, 216. À ton pere et à ta mere porte honneur et reverence, et garde leur commandement, Joinville, 301. Et les honneurs changent l'entencion, Poésies mss. av. 1300, t. IV, p. 1385, dans LACURNE. Je voil bien que tu saches que tu n'anporteras jà plus de cest siegle que honor et aumosne, Merlin, f° 69, verso.

XIVe s. Se combatans en souverain honneur pour l'empire roumain, Bercheure, f° 30, recto. Honneur est grains, richesse est paille ; Donc qui a honneur, il est riches, Machaut, p. 102. Ne au pere ne doit l'on pas le honneur que l'en doit à un sage comme à son dotteur ou maistre, Oresme, Eth. 262.

XVe s. Nous sera l'honneur cent fois plus grande que ce que nous eussions le confort des Anglois, Froissart, II, II, 191. Adonc retourna le comte de Foix devers monseigneur de Berne, qui lui fit grand chere et bonne ; ce fut raison, car il lui avoit sauvé son honneur, Froissart, II, III, 12. Là fut pris le capitaine et tous ceux d'honneur qui devers lui estoient, Froissart, I, I, 254. Pourvus de grand sens et de parfaite honneur [Guillaume de Hainaut], Froissart, I, I, 12. Et fet à la roine d'Angleterre toute l'honneur et reverence qu'il put…, Froissart, I, I, 13. Il me respondit qu'il auroit affaire en chemin, mais que l'honneur luy en demeureroit, Commines, VIII, 2. Venez y tous, bons pardonneurs, Qui sçavez faire les honneurs, Aux villages, de bons pastés, Villon, Repues franches. Or est le chevalier à grant meschef ; car il se doubte que la pucelle ne le daigne desormais regarder ; car les honneurs muent souvent les meurs, Perceforest, t. VI, f° 60. Gerard sachant tous honneurs mondains [les civilités] autant que homme de son aage, Gérard de Nevers, 2e part. p. 111, dans LACURNE. Un sien amy de cognoissance que la dite dame aimoit en tout bien et en tout honneur, Aresta amorum, p. 184, dans LACURNE.

XVIe s. Frere Jan des Entommeures avoyt saulvé le clouz [clos] à son honneur, Rabelais, Garg. I, 28. Vous, m'amye, faictes voz honneurs comme vouldrez ; vous avez en voz mains et conserve tous mes thesaurs, Rabelais, Pant. IV, 13. Le roy feit mettre à l'honneur le roy d'Arragon [lui donna la place d'honneur], Jean D'Auton, Ann. de Louis XII, p. 307, dans LACURNE. Il permit aux gentils femmes de sortir, leur honneur sauve, Montaigne, I, 2. Honneurs decernez à Talva, Montaigne, I. 10. Disposer l'honneur et la cerimonie d'un enterrement, Montaigne, I, 17. Celuy a l'honneur de la guerre, qui en a le proufit, Montaigne, I, 25. Je pensois faire honneur à un seigneur, de m'enquerir à luy…, Montaigne, I, 185. Il l'escrivit à l'honneur de la liberté contre les tyrans, Montaigne, I, 206. L'art gaigne le poinct d'honneur sur la nature, Montaigne, I, 234. Femme de bien, et femme d'honneur et de vertu [femme chaste], Montaigne, II, 67. Sortir, à son honneur, d'une entreprinse, Montaigne, II, 68. Il fut nourri enfant d'honneur de serenissime princesse madame Loyse de Savoye, Carloix, I, 2. Je vous fais present de cestuy-cy… pour vous suivre et faire service toute sa vie comme à son pere d'honneur…, Carloix, III, 6. Comme il fut pressé de son honneur [pressé par un besoin naturel], on le mena es privés, Des Accords, Escraignes dij. p. 43, dans LACURNE. Faire honneur au soleil [ne se lever qu'après qu'il est levé], Oudin, Dict. Qui d'honneur n'a cure, honte est sa droiture, Cotgrave Qui n'a honte, il n'aura jà honneur, Cotgrave Au desespoir s'oublie l'honneur, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 232.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. honor, onor ; espagn. honor ; ital. onore ; du lat. honorem. Au XVIe siècle, d'après Palsgrave, p. 62, les deux n se prononçaient. Dans l'ancienne langue, honor est du féminin, comme tous les noms tirés des substantifs latins abstraits en or. Vers le XIVe et le XVe siècle, le genre devient incertain, et finalement il se fixe au masculin.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

HONNEUR. Ajoutez :
21Autrefois, billet d'honneur, billet qu'un gentilhomme ou un officier s'engageait sur l'honneur à payer dans un délai ; le règlement des maréchaux du 20 février 1748 punissait d'un mois de prison ceux qui négligeaient d'acquitter un pareil engagement, lorsqu'il avait été souscrit au profit d'un marchand (DALLOZ).
22Populairement et par euphémisme, en parlant des femmes, les parties que l'on ne montre ni ne nomme. Sans nous, vos belles dulcinées, qui méprisent l'honnête ouvrier, iraient le derrière nu, et montreraient leur honneur, Lett. du P. Duchêne, 14e lett. p. 4.