« tant », définition dans le dictionnaire Littré

tant

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tant

(tan ; le t se lie : tan-t-il est vrai)

Résumé

  • 1° Substantif abstrait qui exprime une quantité indéfinie, indéterminée.
  • 2° Tant de, suivi d'un substantif, une si grande quantité de.
  • 3° Tant et si, tant et de tels, tant et tant.
  • 4° Faire tant que…, obtenir par ses efforts. Faire tant de, faire tant que, aller jusqu'à, jusqu'au point de.
  • 5° Pris adverbialement. Tant, avec un verbe, en si grande quantité.
  • 6° Tant, devant un adjectif, si, tellement.
  • 7° Tant, construit avec un participe passif.
  • 8° Tant, suivi d'un adjectif et de que, signifiant quelque… que.
  • 9° Tant par forme d'épiphonème, et signifiant à tel point.
  • 10° Il se dit pour autant dans une phrase négative ou interrogative.
  • 11° Il se dit pour autant dans quelques phrases affirmatives.
  • 12° Tant et plus.
  • 13° Il sert à marquer un certain rapport, une certaine proportion entre les choses dont on parle.
  • 14° Tant que, aussi longtemps que.
  • 15° Tant que, aussi loin que.
  • 16° Tant que, jusqu'à ce que.
  • 17° Tant que, de façon que.
  • 18° Tant plus que moins.
  • 19° Comme il y en a tant.
  • 20° Tant mieux. Tant pis.
  • 21° En tant que, selon que.
  • 22° Tant il y a que, tant y a que.
  • 23° Tant soit peu.
  • 24° Tant s'en faut que.
  • 25° Si tant est que.
  • 26° Sur et tant moins.
  • 27° À tant, à ce point-là, là-dessus.
  • 28° Tant plus, tant plus ; tant plus, tant moins.
  • 29° Tant plus, signifiant d'autant plus.
  • 30° Tant seulement.
  • 1Substantif abstrait qui exprime une quantité indéfinie, indéterminée. Un d'eux, le plus hardi, mais non pas le plus sage, Promit d'en rendre tant [de la ferme], La Fontaine, Fabl. VI, 4. Cet homme par son testament, Selon les lois municipales, Leur laissa [à ses filles] tout son bien par portions égales, En donnant à leur mère tant, La Fontaine, ib. II, 20. L'un, c'était le marchand, savait l'arithmétique : à tant par mois, dit-il, je donnerai leçon, La Fontaine, ib. x, 16. Et pour notre patron une somme de tant, Boursault, Ésope à la cour, IV, 5. Mon bien se monte à tant : tenez, voilà le vôtre, Boileau, Sat. x. Une taxe par tête, un tribut de tant pour cent, sont les seuls [tributs] convenables, Montesquieu, Esp. XIII, 10. Ils [les libraires] font travailler des auteurs à tant la feuille, comme je fais travailler mes manœuvres dans mon jardin à tant la toise, Voltaire, Lett. Catherine II, 1er janv. 1772. Dans l'indépendance où je voulais vivre, il fallait cependant subsister ; j'en imaginai un moyen très simple : ce fut de copier la musique à tant la page, Rousseau, Conf. VIII. Toi, Pierre, combien as-tu payé cette année-ci ? tant ; le voilà, Courier, Pamphlet des pamphlets.

    Tant tenu, tant payé, voy. TENU.

    Lorsque tant, en ce sens, suit un nom de nombre, il veut de après soi. Vingt et tant de sous. Il leur a montré que, de cent cinquante et tant d'opinions qui visaient au souverain bien, il n'y en avait pas une qui eût touché le but, Guez de Balzac, Socrate, 1er disc. J'aurai, mes comptes faits, plus de quatre cent et tant de mille livres, Dancourt, Femme d'intr. v, 7.

    Terme de jeu. Familièrement. Être tant à tant, avoir autant de points, autant de parties l'un que l'autre.

  • 2Tant de, suivi d'un substantif, une si grande quantité de. Nous n'avons qu'un honneur, il est tant de maîtresses ! Corneille, Cid, III, 6. Comment peut-on, par rapport à Dieu et même à l'humanité, garder tant d'or, tant d'argent, tant de meubles, tant de pierreries, au milieu de l'extrême misère des pauvres dont on était accablé dans ces derniers temps ? Sévigné, à Mme de Coulanges, 3 fév. 1695. Mon esprit rebuté de tant d'indignes traitements qu'on a faits à la majesté et à la vertu, Bossuet, Reine d'Angleterre. Tant de précaution affaiblit votre règne, Racine, Brit. IV, 4. Certes il eût mieux valu que ces soldats eussent tué l'empereur Théodose, comme ils en avaient tué tant d'autres, que d'égorger quinze mille de leurs compatriotes, Voltaire, Pol. et lég. Paix perp. 21. Tant de candeur dans cette physionomie, et tant de perfidie, d'ingratitude dans ce cœur ! Riccoboni, Œuv. t. I, p. 244, dans POUGENS.

    Tant de… que, une si grande quantité que. Je prends tant de plaisir à vous écrire, que je n'en trouve guère davantage à ne rien faire, Voiture, Lett. 15. Vous avez tant de philosophie, que l'un de ces jours je vous prierai de m'en faire part, pour m'aider à soutenir vos malheurs et mes chagrins, Sévigné, à Bussy, 23 août 1673. Tant de coups imprévus m'accablent à la fois, Qu'ils m'ôtent la parole, et m'étouffent la voix, Racine, Phèdre, IV, 2. L'empire de la mer donne tant de supériorité, que, si vous étiez dans une île, aucune puissance n'oserait vous attaquer, Barthélemy, Anach. Introd. part. 2, sect 3.

    Tant de… avec que et de suivi d'un infinitif. Vous voyez mon logis ; si vous me vouliez faire Tant d'honneur que d'y prendre un champêtre repas, La Fontaine, Fabl. VIII, 10. Qui donc est ce coquin qui prend tant de licence Que de chanter et m'étourdir ainsi ? Molière, Amph. I, 2.

  • 3Tant et si, tant et de tels, tant et tant. Il a fait tant et de si belles actions : cette façon de parler a été fort usitée autrefois par les meilleurs écrivains ; mais aujourd'hui elle a je ne sais quoi de vieux et de rude, Vaugelas, Rem. t. II, p. 555, dans POUGENS. On dit par manière de formule : tant et si longuement qu'il vous plaira, comme en cette phrase : Faites vos affaires à loisir, et demeurez ici tant et si longuement qu'il vous plaira, Acad. Observ. sur Vaugel. p. 70, dans POUGENS. Vous pourriez m'opposer tant et de tels obstacles, Que pour les surmonter il faudrait des miracles, Corneille, Cinna, III, 1. Nous sommes vos voisins, nos filles sont vos femmes ; Et l'hymen nous a joints par tant et tant de nœuds…, Corneille, Hor. I, 4. Mais comme enfin son père A tant et tant de biens qu'il n'en saurait que faire, Th. Corneille, D. Cés. d'Aval. I, 2. Il a tant d'héritiers, le bon seigneur Géronte, Il en a tant et tant, que par fois j'en ai honte, Regnard, le Légat. I, 1.
  • 4Faire tant que…, obtenir par ses efforts que. Les grenouilles… Par leurs clameurs firent tant Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique, La Fontaine, Fabl. III, 4. J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine, La Fontaine, ib. VII, 9. Enfin tant fit l'illustre personnage qu'il fut tout dans la maison et moi rien, Rousseau, Confes. VI.

    Faire tant de…, aller jusqu'à, se décider à. Ce n'est plus la mode d'y marchander [à donner le monseigneur aux maréchaux], quand on fait tant de leur écrire, Sévigné, 21 août 1675. La fortune a pris plaisir d'en insulter la France [du cardinal de Fleury] en l'en établissant roi absolu, et dans un âge où les autres radotent quand ils font tant d'y parvenir, Saint-Simon, 119, 54.

    Faire tant que de…, même sens. Lorsqu'on fait tant que de rendre raison d'une loi, il faut que cette raison soit digne d'elle, Montesquieu, Espr. XXIX, 16. Parce qu'il n'est pas né pour les petites choses… s'il fait tant que de s'y livrer… il les traite moins bien qu'un autre, Vauvenargues, Sujétion de l'esprit. Quand ils font tant que d'être bons, ils veulent en avoir le mérite, Rousseau, Ém. v. Donnez, donnez, dit-il, puisqu'on a tant fait que de les égorger [des moutons], il faut bien que quelqu'un les mange, Marmontel, Cont. mor. Philos. soi-dis.

    Absolument. Puisque vous avez tant fait, il faut continuer.

  • 5 Pris adverbialement. Tant, avec un verbe, en si grande quantité, tellement. Il ne faut pas tant discourir. Vous qui dites tant que je ne me saurais contraindre, Voiture, Lett. 24. Vous n'aimeriez pas tant, si vous n'étiez aimé, Corneille, Rodog. IV, 3. N'aimons jamais, ou n'aimons guère : Il est dangereux d'aimer tant, Ce n'est pas le plus sûr pour plaire, Quinault, Thés. II, 5. L'Angleterre a tant changé qu'elle ne sait plus elle-même à quoi s'en tenir, Bossuet, Reine d'Anglet.

    Quelquefois, en ce sens, on met par inversion tant en tête de la phrase. Quatre animaux divers… Toutes gens d'esprit scélérat, Hantaient le tronc pourri d'un pin vieux et sauvage ; Tant y furent, qu'un soir à l'entour de ce pin L'homme tendit ses rets, La Fontaine, Fabl. VIII, 22.

  • 6Tant, devant un adjectif, si, tellement. Voilà une malade qui n'est pas tant dégoûtante, Molière, Méd. m. lui, II, 6. Elle n'est pas tant sotte, ma foi ; et je la trouve assez passable, Molière, Fourber. I, 3. La maîtresse tant jolie Dont j'étais si fort entêté, Voltaire, Ép. 19. Voilà, monsieur, l'histoire exacte de ce tant célèbre pèlerinage qui court déjà les quatre coins de la France, Rousseau, Lett. à M. L. C. D. L. 10 oct. 1769. Voilà le propos du lieutenant que je ne trouve point tant sot, Courier, Lett. I, 61. Brisson [le président] demanda de pouvoir achever, avant qu'on le pendît, son traité des usages et coutumes de Perse, qui devait être, disait-il, une tant belle œuvre, Courier, Réponse aux anonymes.

    Tant, employé devant un adverbe, si, tellement. Vous à qui la mort même, de tant près que vous l'ayez vue, n'a jamais pu faire peur, Voiture, Lett. 35. Tu ne fais pas tant mal, Corneille, la Veuve, IV, 8. Je sais vraiment que vous ne vous portez pas tant mal, tant mal, madame, Sévigné, à Mme de Guitaut, 5 mars 1683.

  • 7Tant, construit avec un participe passif. Ce grand homme [le P. Bourgoing], ne voulant pas qu'il fût tant permis aux infirmités d'interrompre les occupations d'un prêtre de Jésus-Christ, Bossuet, Bourgoing. Cette femme autrefois tant aimée, Voltaire, Dict. phil. Tant. Cette femme autrefois tant célébrée par vous, Voltaire, ib.
  • 8Tant, suivi d'un adjectif et de que, signifiant quelque… que, avec le subjonctif ou l'indicatif. Arracher le consentement du lecteur, tant obstiné et opiniâtre qu'il puisse être, Descartes, Rép. aux secondes obj. 53.

    Anciennement, on supprimait le que, et on faisait une inversion ; ce tour pourrait encore être employé. Et même ses courroux, tant soient-ils légitimes, Sont des marques de son amour, Malherbe, I, 5. Il n'est bon courtisan, tant frisé peut-il être…, Régnier, Sat. XI. Dans le style marotique, on peut supprimer le pronom. Oncques ne fut amant tant soit chéri [au lieu de tant soit-il] Qui…, Chaulieu, Madrigal, Sur L***.

  • 9Tant par forme d'épiphonème, et signifiant à tel point. Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port ; Tant, à nous voir marcher en si bon équipage, Les plus épouvantés reprenaient de courage, Corneille, Cid, IV, 3. Tant il est vrai que tout se tourne en révoltes et en pensées séditieuses, quand l'autorité de la religion est anéantie ! Bossuet, Reine d'Anglet. Et moi je ne veux plus, tant tu m'es odieux, Partager avec toi la lumière des cieux, Racine, Théb. IV, 3. Elle [la fauvette tachetée]… se laisse prendre dessus [le nid] plutôt que de l'abandonner… tant est grande la force de cet instinct qui, d'animaux faibles, fugitifs, fait des animaux courageux et intrépides, Buffon, Ois. t. IX, p. 217. Tant dut coûter de peine Ce long enfantement de la grandeur romaine ! Delille, Én. I.
  • 10Il se dit pour autant dans une phrase négative ou interrogative. Je n'estimerai ni n'aimerai jamais rien tant au monde que vous, Voiture, Lett. 14. Je ne puis dire tant de bien de celle-ci [de cette pièce] que de la précédente, Corneille, Place roy. Examen. Des trésors… me pourraient-ils donner tant de joie que votre amitié ? Sévigné, à Mme de Grignan, 9 août 1671. Mais elle n'est pas tant ma fille que l'on pense, Regnard, Démocr. I, 2.
  • 11Il se dit pour autant dans quelques locutions affirmatives.

    Tous tant que nous sommes, tous tant que vous êtes, tout autant que nous sommes, que vous êtes de personnes. Le funeste succès de leurs armes impies… Pour tous tant qu'ils étaient demande-t-il mes pleurs ? Corneille, Hor. III, 2. Et tous tant que nous sommes Nous nous laissons tenter à l'approche des biens, La Fontaine, Fabl. VIII, 7. Ne nous abusons pas, cela nous regarde tous tant que nous sommes, Pascal, Prov. XIX. … Toi et le conquérant… et tous tant que vous êtes, vous avez extrêmement tort, Fontenelle, Milon. Comment vous portez-vous, tous tant que vous êtes ? Voltaire, Lett. Mme de Florian, 3 mars 1770.

    Tant qu'il peut, tant qu'il veut, autant qu'il peut, qu'il veut. Il travaille tant qu'il peut. Il en a tant qu'il veut. Voilà mon Marin… pêchant le mal en eau trouble : il en dit hautement tant qu'il veut ; il en fait sourdement tant qu'il peut, Beaumarchais, 4° mémoire.

    Il pleut tant qu'il peut, il pleut beaucoup

  • 12Tant et plus, autant qu'il en faut et même plus. Laissez-nous le soin de vous chercher des pratiques ; nous vous en fournirons tant et plus, Lesage, Est. Gonz. 38. J'eus aussi des visites de Genève tant et plus, Rousseau, Confess. XI.
  • 13Il sert à marquer un certain rapport, une certaine proportion entre les choses dont on parle. Tant plein que vide. Tant bon que mauvais. Je l'aime tant pour lui que pour son père. Quand les enfants avaient appris à bien lire et à écrire, on leur enseignait la grammaire, tant de la langue latine que de la grecque, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. IX, 2e part. p. 737, dans POUGENS.

    Tant bien que mal, médiocrement.

  • 14Tant que, aussi longtemps que. Je ne me puis estimer malheureux, tant que j'aurai l'honneur d'être aimé de vous, Voiture, Lett. 14. Mais, tant qu'il pourra tout, que pourrai-je, madame ? Corneille, Sertor. III, 4. Tant qu'elle a été heureuse, elle a fait sentir son pouvoir au monde par des bontés infinies, Bossuet, Reine d'Anglet. Tant que les hommes pourront mourir et qu'ils aimeront à vivre, le médecin sera raillé et bien payé, La Bruyère, XIV. Après avoir commandé qu'on les poursuivît tant que le jour durerait, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VI, p. 446, dans POUGENS.
  • 15Tant que…, aussi loin que… Tant que la vue se peut étendre.
  • 16Tant que, jusqu'à ce que (avec le subjonctif). Différez pour le mieux encor cette visite, Tant que, maître absolu de votre jugement, Vous soyez en état de faire un compliment, Corneille, Mélite, v, 2. Adieu, je vais traîner une mourante vie, Tant que par ta poursuite elle me soit ravie, Corneille, Cid, III, 4. La charité se nourrit et s'élève plus sûrement quand elle est comme gardée par la crainte ; c'est ainsi qu'elle se fortifie, tant qu'enfin elle soit capable de se soutenir par elle-même, Bossuet, Fragm. sur div. matières de controv. 3e fragm. Enivrez-vous de ce vin, tant que ses fumées vous fassent perdre…, Bossuet, Pensées, 2. Suppliez, gémissez, implorez sa clémence, Tant qu'elle vous admette enfin en sa présence, Chénier, Élégies, II, 13, édit. FOUQUIÈRE, p. 241.

    L'Académie, dans son Examen du Cid, a blâmé cette locution, mais à tort, car elle se comprend très bien comme l'ont employée Corneille et Bossuet.

  • 17Tant que, de façon que. Toutes sottises dont la belle Se défend avec grand respect, Tant qu'au père à la fin cela devint suspect, La Fontaine, Fabl. IV, 4.
  • 18Tant plus que moins, loc. adv. à peu près. Il a dix mille livres de rente, tant plus que moins.
  • 19Comme il y en a tant, se dit de choses, de personnes qui ne se distinguent par rien de particulier. Qui pouvait imaginer que, pour une fille comme il y en a tant, tu tomberais dans l'état où je te vois ? Diderot, Père de famille, III, 5.
  • 20Tant mieux, loc. adv. qui marque qu'on est content que quelque chose soit. S'il se conduit sagement, tant mieux pour lui.

    Tant pis se dit en un sens contraire. C'est tant pis pour vous, Molière, Tart. II, 2. Tant pis encore de prendre peine à dire des sottises, et d'être mauvais plaisants de dessein formé, Molière, Critique, I. La Condamine est aujourd'hui Reçu dans la troupe immortelle ; Il est sourd, c'est tant mieux pour lui ; Mais il n'est pas muet, et c'est tant pis pour elle, La Condamine, Épigramme sur sa réception à l'Académie.

    Familièrement. Tant pis, tant mieux, se dit quelquefois pour marquer qu'on ne se soucie guère de la chose dont il s'agit, et qu'il n'y a grand sujet de s'affliger ni de se réjouir.

    Tant-pis, Tant-mieux, noms plaisants de deux médecins dont l'un assurait que le malade succomberait et l'autre qu'il guérirait. Le médecin Tant-pis allait voir un malade Que visitait aussi son confrère Tant-mieux, La Fontaine, Fabl. v, 12.

  • 21En tant que, loc. conj. Selon que, moyennant, comme, à la condition de. Je suis assuré que ces façons de penser que j'appelle sentiments et imaginations, en tant seulement qu'elles sont des façons de penser, résident et se rencontrent certainement en moi, Descartes, Méd. III, 1. Je ne la fais amoureuse que par ambition, et en sorte qu'elle semble n'avoir point d'amour, qu'en tant qu'il peut servir à sa grandeur, Corneille, Pomp. Examen. Le bien n'est bien qu'en tant que l'on s'en peut défaire ; Sans cela c'est un mal, La Fontaine, Fabl. x, 5. On peut dire que toute idée est distincte, en tant que claire, Logique de Port-Royal, p. 91, dans POUGENS. Déshéritant, en tant que besoin pourrait être, Parents, nièces, neveux, nés aussi bien qu'à naître, Regnard, Légat. IV, 6. L'esprit ne crée et n'imagine des objets qu'en tant qu'ils sont semblables à ceux qu'il a connus par des idées directes et par des sensations, D'Alembert, Œuv. t. I, p. 236.
  • 22Tant il y a que, tant y a que, loc. familière, quoi qu'il en soit. Tant y a que les soldats travaillèrent aux radeaux avec tant de courage que…, Vaugelas, Q. C. 421. Maintenant, si ce dénoûment est selon l'art ou non, c'est une autre question qui se videra en son lieu ; tant y a qu'il se fait avec surprise, et qu'ainsi l'intrigue ni le démêlement ne manque point à cette pièce, Acad. Sentim. Cid. Je suis faible, et ne me pique point de ne l'être pas ; tant y a, je n'en puis plus, Sévigné, 115. Cette comparaison [de Dieu punissant les Juifs par Titus] avec un magistrat qui fait rouer des malfaiteurs, vous fait horreur ; tant y a que Dieu s'est comporté à peu près de même, Bossuet, Sermons, Bonté et rigueur de Dieu, 2. Tant y a qu'il n'est rien que votre chien ne prenne, Racine, Plaid. III, 3.
  • 23Tant soit peu, voy. PEU.

    Tant et si peu qu'il vous plaira, en telle et si petite quantité qu'il vous plaira.

  • 24Tant s'en faut que… voy. FALLOIR, n° 12.
  • 25Si tant est que… avec le subjonctif, si la chose est, supposé que la chose soit. Croyez que vos bonnes grâces à tous me sont très précieuses, si tant est que je les aie, Ch. Sévigné, dans SÉV, t. IX, p. 468, éd. RÉGNIER.
  • 26Sur et tant moins, voy. SUR 2 n° 44, et MOINS.
  • 27À tant, à ce point, là-dessus. À tant (pour user des termes de M. le cardinal d'Ossat), je vous donne le bon soir, Guez de Balzac, Liv. I, lett. 16. À tant se tut ; Richard, tombé des nues, Fut tout heureux de pouvoir s'en aller, La Fontaine, Calendr.

    Cette locution a vieilli, mais on pourrait très bien l'employer d'après la Fontaine et Balzac.

  • 28Tant plus, tant plus ; tant plus, tant moins. Tant plus nous avons de besoin d'une chose, tant plus nous avons d'obligation à celui qui nous la donne, Malherbe, le Traité des bienf. de Sénèque, III, 35. Tant plus il y aura de bienheureux dans le ciel, tant moins il restera de gens de bien sur la terre, Guez de Balzac, Lett. VIII, liv. 7. Quand ils [des madrigaux] sont bons, en ce cas tout prudhomme Les prend au poids, au lieu de les compter ; Sont-ils méchants, tant moindre en est la somme, Et tant plus tôt on s'en doit contenter, La Fontaine, Poésies, mêl. XVI. Tant plus le chemin est long dans l'amour, tant plus un esprit délicat sent de plaisir, Pascal, Pass. de l'amour.

    Cette locution est tombée en désuétude ; et on supprime aujourd'hui tant.

  • 29Tant plus, d'autant plus. Je ne me suis pas moqué de vous alors ; mais je m'en moque tant plus aujourd'hui, Rousseau, Hél. v, 10. Il y a un longtemps qu'à force de m'inspirer du respect, il m'a fait oublier sa naissance ; ou, si je m'en souviens encore, c'est pour honorer tant plus sa vertu, Rousseau, Lett. à Zinzendorf, 20 oct. 1764.
  • 30Tant seulement, pour seulement n'est plus usité ; il est resté dans le langage populaire ; autrefois il était du bon usage. De n'avoir pas chez soi pour lui donner Tant seulement un malheureux dîner, La Fontaine, Faucon.

PROVERBES

Tant vaut l'homme, tant vaut sa terre ou la terre, voy. TERRE.

Tant va la cruche à l'eau qu'elle se brise, en retombant souvent dans la même faute, en s'exposant souvent au même péril, on finit par s'en trouver mal.

REMARQUE

1. Avec tant de et un substantif, le verbe et l'adjectif qui suivent s'accordent avec le substantif, non avec tant. Jamais tant de beauté fut-elle couronnée ? Racine, Esth. III, 9. Tant de galanterie et tant d'esprit n'étaient pas bon signe ; Il fallait apparemment que son amour ne fût plus ni si sérieux, ni si fort, Marivaux, Marianne, 7e part.

2. Je leur donne un tant, et ils me tiennent quitte de tout, n'est pas correct, il faut dire je leur donne tant.

3. Tant ne se joint point à un simple adjectif ; on ne dit pas tant vertueux, tant méchant. Cependant, comme on a vu ci-dessus, il s'emploie de la sorte dans un langage où l'on prend un ton archaïque ou de bonhomie.

4. Après le verbe actif ou neutre, sans auxiliaire, il faut toujours mettre tant : il travaille tant ; il pleut tant.

5. Quand le verbe auxiliaire se joint au verbe actif, on place tant entre l'un et l'autre : Il a tant travaillé, ils ont tant écrit ; et jamais dans ces cas on ne se sert de si.

6. Lorsque vous avez à exprimer un sentiment particulier par un verbe passif, comme je suis si touché, si ému, si courroucé, si animé, vous ne pouvez dire : je suis tant ému, tant touché, tant courroucé, tant animé, parce que ces mots tiennent lieu d'épithète ; mais, lorsqu'il s'agit d'une action, d'un fait, vous employez le mot tant : cette affaire fut tant débattue ; les accusations furent tant renouvelées ; les juges tant sollicités ; les témoins tant confrontés, et non pas si confrontés, si sollicités, si renouvelés, si débattus. La raison en est que ces participes expriment des faits, et ne peuvent être regardés comme des épithètes, Voltaire, Dict. phil. Tant. Voltaire ajoute : " On peut dire surtout en vers : Cette femme tant aimée. Quand on ajoute de qui elle a été aimée, il faut dire : si aimée de vous, de lui, et non tant aimée de lui, parce qu'alors vous désignez un sentiment. " Ceci est une subtilité ; et rien n'empêche de dire : cette femme tant aimée de vous, de lui.

HISTORIQUE

XIe s. Teres e fiez [fiefs] tant com vos en vuldrez, Ch. de Rol. v. … se tant ai de leisir, ib. XXXIV. Par tantes terres [il] ad sun cors demenet, ib. XXXIX. Sunez vos grailes, tant que en cest ost ad, ib. CLIV. Tant chevalcherent que en Sarraguce sunt, ib. CXC.

XIIe s. Mais se voz euz [yeux] où l'on se puet mirer, Qui tant sont cler…, Couci, II. Par tantes foiz [j'] ai esté assailliz, Que je n'ai mais povoir de moi deffendre, ib. v. Et quant je pluz sui loinz de sa contrée, Tant est mes cuers pluz près et ma pensée, ib. XVII. Grant pechié fait qui son homme veut prendre Par biau semblant monstrer, tant que bien tient, ib. XX. On ne puet pas servir à tant seignour, ib. XXIV. Et de cors et de membres [elle] par fu si avenanz, Qu'onques Dex ne fist home tant soit vielz ne crolanz, Se l'osast esgarder, ne li muast talanz, Sax. v.

XIIIe s. Et dura tant leur consaus [conseil] que il furent tuit à un acort, Villehardouin, CX. Et fu devisés qu'il prendroient terre à Corfol, et que li premier atendroient les derreniers, tant [jusqu'à ce] qu'il seroient ensemble, Villehardouin, LVI. Tant com il furent là, on les fist honorer, Berte, III. Mais laissez la tant vivre qu'ele pourra durer, ib. XCVII. À peine [elle] put mot dire, tant li cuers lui failli, ib. CXXVII. Sire, je loe que vous li otroyés bataille, et je ne doute, ne tant ne quant, que nous n'aions la victoire, Chr. de Rains, 25. Mès il est de tel cruauté, Qu'il ne se daingne encor refraindre, Tant me voie plorer ne plaindre, la Rose, 3256. Voilliés que j'aim tant solement ; Autre chose ne vous demant, ib. 3191. Esperance li fait souffrir Tant maus que nus n'en sait le conte Por la joie qui cent tans [cent fois autant] monte, ib. 2638. Car tant cum vous plus atendrez, Tant plus, sachiés, de tens perdrez, ib. 3481. Il i avoit d'oisiaus trois tans [trois fois autant] Qu'en tout le remanant de France, ib. 176. Mais de tant comme as quemins apartient…, Beaumanoir, XXV, 4. Le roy ot conseil que il ne partiroit de Damiete, jusques à tant que son frere le conte de Poitiers seroit venu, Joinville, 218. Nulz ne peut tant pechier, que Dieu ne peut plus pardonner, Joinville, 197.

XIVe s. C'est impossible que mal, en tant comme mal, soit bien, Oresme, Éth. 69. Le bien tant est plus commun, tant plus vault et plus est à aimer, Oresme, ib. 162. Tant plus est une operacion ou passion voluntaire, tant plus est elle à loer ou à vituperer, et tant moins voluntaire, tant moins est à loer, Oresme, ib. 47. Nous avon dit… en quel maniere et en quel cas la loy de rendre tant pour tant est juste, Oresme, ib. 154. Et au pape de Romme irai si esploitant Que vingt mil en arez ; et puis je ferai tant Que monseigneur le roy, son frere le vaillant, Vous en donra plenté…, Guesclin. 14068.

XVe s. Or se gardent de moi, car heure viendra que je les payerai de la monnoie pareille ; on la forge à tant que on peut, Froissart, III, IV, 30. Mais tant y a, monseigneur, ils ne payent chose que ils prennent ; et fuit tout le menu peuple partout où ils viennent, Froissart, II, III, 58. De la prise [de] Charles de Montmorency furent les François moult courroucés, mais amender ne le purent tant comme adonques, Froissart, I, I, 141. Or nous tairons nous de parler de lui tant qu'à present et des Anglois, et retournerons aux Escots, Froissart, I, I, 46. Je vous attendrai tant que vous serez revenu, Froissart, I, I, 119. Sire, faites semblant de deloger et de vous traire autre part, et laissez un petit de vos gens devant la ville ; ceux de laiens istront tantost hors ; de tant les connois-je bien, Froissart, I, I, 243. Et pour ceste cause envoyerent devant le roy, et feirent tant qu'ils obtindrent ce qu'ils demandoient, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1406. Et conclut par ce point que tant peu et tant grand qu'il y a de gloire ne de felicité, procede de leur main, J. Chastel. Expos. sur vérité mal prise. De tant que le machineur seroit plus prochain du roi… de tant seroit la chose plus inique, Monstrelet, I, 39. Tant pour le duc que pour luy, Commines, III, 11. De tant qu'ilz sont plus grans, ilz portent les oultrages à plus grant desplaisi et dueil, Commines, III, 11. Ledit Cleret se tint à tant [s'en tint là], et luy laissa son argent, Commines, VI, 2. Et avoit dit [Louis XI] que, si on le veoit en ceste necessité de mort, que l'on ne luy dist fors tant seullement : parlez peu, Commines, VI, 12.

XVIe s. S'il n'est point licite de figurer Dieu par effigie corporelle, tant moins sera-il permis d'adorer une image pour Dieu, Calvin, Instit. 62. Mais quelle moquerie est-ce d'orner une chose si petite d'un tiltre tant superbe ? Calvin, ib. 186. Je ne nie pas que ce ne soit l'office d'un bon fidele, de s'abstenir de toute familiarité des meschans, et de ne se mesler avec eux en quelque affaire que ce soit tant qu'il puisse, Calvin, ib. 824. De tant loing que le veid Pantagruel, il dist es assistans…, Rabelais, Pant. II, 9. Tant plus y estudions, tant moins y entendons, Rabelais, ib. II, 10. Somme, ilz beurent tant et tant, que ilz s'endormirent comme porcz sans ordre parmy le camp, Rabelais, II, 28. On m'a dit que ces tant femmes de bien ont communement maulvaise teste, Rabelais, III, 9. J'ay songé tant et plus, mais je ny entendz note, Rabelais, III, 14. De couraige tant et plus ; je ne crains rien que les dangers, Rabelais, IV, 23. Il fut, tant luy que sa posterité, declaré roturier, Montaigne, I, 56. Faictes leur tant de bonne chere qu'il vous plaira, Montaigne, I, 71. .. Qu'il s'en vestit tant qu'il auroit executé… [jusqu'à ce qu'il eût], Montaigne, I, 95. Ils ne font pas tant malicieusement que lourdement les ingenieux, Montaigne, I, 265. Aussi tost qu'il y a tant soit peu d'apparence que…, Montaigne, II, 93. Il y avait onze mille tant d'ans…, Montaigne, II, 333. Il semble qu'en ces glorieux jours là ce n'estoit pas tant la bataille des Grecs contre les Perses, comme la victoire de la liberté sur la domination, La Boétie, 18. Cresus, ce tant riche roy, La Boétie, 50. L'amitié s'entretient, non tant par un bienfait, que par la bonne vie, La Boétie, 72. Et puis, je disne et mange tant et si peu, que je puisse passer le jour sans me sentir ny vuide ny trop chargé, La Boétie, 203. Vois tu pas que tous les hommes, tant qu'il y en a, par maniere de dire, s'ayment bien eux mesmes ? La Boétie, 209. Il mourut en ceste bataille plus de 15000 hommes, tant du costé de Pyrrhus que du costé des Romains ; mais ilz se retirerent à tant les uns et les autres, Amyot, Pyrrhus, 47. Demosthenes employa entierement tout tant qu'il avoit de sens et de science en l'art de rhetorique, Amyot, Cicér. et Démosth. 1. Est-ce tant que la mort, est-ce si grand malheur, Que le vulgaire croit ? Ronsard, 302. De l'admirer je ne suis assouvy, Car l'œil de voir n'est lassé tant qu'il vive, Ronsard, 50. Amour, tant sois tu fort, tu perdras la bataille, Ronsard, 270. À tant [aussitôt] Francus s'embarque en sa navire, Ronsard, Franciade, I.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. tant, tan ; espagn. tanto, adj. tan, adverbe ; portug. et ital. tanto ; du latin tantus, si grand. Tantus est formé de l'adverbe tam, et le suffixe tus, comme dans robus-tus ; tam est l'accusatif pris adverbialement du thème pronominal ta, qu'on retrouve dans tum : tantus signifie donc étymologiquement : ainsi, de cette façon.